MASTER
NEGA TIVE
NO. 92-81051
MICROFILMED 1 993
COLUMBIA UNIVERSITY LIBRARIES/NEW YORK
»T7 j . . ^s part of the
J^oundations of Western Civilization Préservation Project"
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would invoive violation of the copyright law.
AUTHOR:
BOYER D'AGEN, JEAN
TITLE:
UN PRELAT ITALIEN
SOUS L'ANCIEN ETAT
PLACE:
PARIS
DA TE :
1907
Restrictions on Use:
COLUMBIA UNIVERSITY LIBRARIES
PRESERVATION DEPARTMENT
BIBLIOCR APHIC MTCROFORM TARHFT
Original Material as Filmed - Existing Bibliographie Record
93f),09
L555
Boyer d'Agen, Jean Auguste Boyé, oalled Augustin,
jLoo y "•
... Un prélat italien sous l'ancien état pon-
tifical: Léon XIII d'après sa correspondance
inédite. De Bénévent à Pérouse (1838-1845)
Paris, Juven cl907j •
viii, 580 p. front;, illus. (inol, ports. ^
plan, facsim.) plates. 24^.
At head of title: Boyer d'Agen.
Running title: La prôlature de Léon -XIII,
r op,PfS^s 546-572 misnumbered f 405 1 -452.
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Mas ter Négative #
TECHNICAL MICROFORM DATA
l'^GE PLfcE-lâ^rV^--IB IIB ^^^^^^^^^ RATIO:__A.
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^^'^^^^^= RESEARCH PTfmiCAT'inNq TNir woonRRmnfyT
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IIIBLIOGIIAPHIC UUIEGULARITIES
P>bltoRràPhk kregularitiPB in the Original Document
Ubï volumes and pages af fecled; indude name of insUtution if filtning borrowed lexl.
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_Pagé(8) or volume8(8) mlsnumbered; 549 *^^7Z ftpjIM^AS L^ùj} -£49 2^
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MRNUFflCTURED TO fllIM STflNDnRDS
BY APPLIED IMAGE. INC.
BOYER D'AGEN
Un Prélat Italien
sous
l'ancien État Pontifical
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LEON XIII
d après sa correspondance inédUe
^
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'^' @ @ © © PARIS @ @ @ @ @
Société d'Édition et de Publicationm
Librairie FÉLIX JUVEN
@ © @ 122, rue Rêaumur, 122 @ @ @
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UN PRÉLAT ITALIEN
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L'ANGIKxX KTyVT PONTIFICAL
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Tous droits de reproduction et de traduction réservés pour tous pays.
Publithed 31 mars 1907. Pricilege o/copyrirjht
in tlie U. S. A. reserced under the act approced March 3 1905,
by Société d'Édition et de Publications, Paris.
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BOYER D'AGEN
UN
PRÉLAT ITALIEN
SOUS
L'ANCIEN ÉTAT PONTIFICAL
Léon XIII d'après sa correspondance inédite
» »
DE BENEVENT A PÉROUSE
(1838-1845)
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PAf(I.S. ;
SOCIÉTÉ d'Édition ET de PVBLitÀTiojjfs' : ;\\
Librairie 'FMikx\ . * i* tj V-E N- /
122, RUE RÉAUMîJn, 122 * '' • .' ;*
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Le ^UlpaeVr.TadôlMn/pïôpar.int're monument funèbre de Léon XIII
• * '•' , ji^am»-J)Baû-ae-4-atran.
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Aux Détracteurs et aux Partisans
DE l'ancien État Pontifical et du feu Pape Léon XIII
La séculaire nécropole de San-Pietro, trop pleine
(Vombrcs pontificales que les âgesj- assemblent en solen-
nels fantômes de marbre et de bronze ouvrant, avec un
dernier fi'cste de grandeur, les portes du temps qui passe
au seuil de l'éternité qui demeure, rend à celle de San-
Giovanni la dépouille mortelle de celui qui fit Léon XIII
d'immortelle mémoire et dont il ne reste pluH que des
cendres : OSSA ET CINERES LEONIS PONT, MAX.
Pour si splendide que soit, au Vatican ou au Latran, un
de ces numuments funèbres oii des statues de pierre et de
métal ne suffisent pas à garder ces ossements et ces cen-
dres se perdant, à la lon<rue, entre les fêlures de ces
vaines urnes du néant; vaut-il, pour Vauguste mémoire
qu on prétend honorer, la fragilité même d'un livre dont
les feuilles lég-ères, survolant au vent de la tombe, sem-
blent plus aptes à abriter, contre la fatale adversité des
âges ennemis, une âme dont le soiiffle immatériel y survi-
vra plus longtemps, peut-être ?
Urnefunèbre decet État pontifical et d' un de ses grands
papes qui ne sont plus, ce livre nen veut avoir que la
forme et la pensée posthumes. En dédiant sa première
édition qu'un caprice du sort ne laissa même pas paraître,
l'auteur adressait les réjlexions suivantes à un chroni-
/:
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Le ^^:Ulpaew;;ladclM)i .pyoparîTritiV iiioinimciit funèbre «le Li-on Mil
. à >>ai:it-J)DaA-ae-^Latraii
• •
' .. •• •
Aux DiVnrvi Tr:i Fîs 1:1 ai x Pahtisans
i)K L ancii:n Etat Pontimcal et di it:i Pape Léon XIII
La siTulaiiv nrcntpofr de San-Piolm. trop pleine
(r(nnhres panti/icalex tiue les ânes y assemblent en solen-
nels /ant()ntes (le /narine et de bnutze (nwrant, avec un
dernier i^este de ^randear, les pintes du temps qui passe
au seuil de r éternité qui demeure, rend à celle de San-
Giovanni la dépiniille nuntelle de eelui qui fut Léon XIII
d'unnantelle nuhmnre et (Unit il ne reste plus que des
cendres : OS SA ET CLXKIŒS LEONIS PONT. MAX.
Pinir si splendide que suit, au Vatican ou au Latran, un
de ces numuments funèlues (di des statiws de pierre et de
métal ne su/'/isent pas à tarder ces ossenwnts et ces cen-
dres se perdant, à la Itm^ue, entre les fêlures de ces
vaines urnes du néant; vaut-il, piuirl auguste mémoire
qu'on préteiul lununer, la fragilité ménw d'un livre dont
les feiu lies lén-èies, surv(dant au vent de la tombe, sem-
blent plus aptes à abriter, amtre la fatale adversité des
âi^es ennemis, une ame (huit le sauf Jle immatériel j' survi-
vra plus bmn- temps, peut-être?
irne funèbre de cet État pontifwal et d'un deses^rands
papes qui ne stmt plus, ee livre nen veut avoir que la
fornw et la pensée posthumes. En dédiant sa première
edituni qtéttn caprice du siwt ne laissa même pas paraître,
tau leur adressait les réflexions suivantes à un chronl-
/
— VI —
queur alors catholique qui, depuis, a voilé son nom comme
une urne funèbre aussi, de cette même main dont les
Néron de tous les âges et de toutes les tailles osent frapper
le sein qui les porta. i( Je vous dédie ce livre, luiécrivaLs-Je,
pour la seule raison de vous rendre une phrase que vous
lui aurez prêtée ; bonne œuvre, extraite des Belles Œuvres
que vous nous faites lire et oit vous avez conscience d'avoir
déposé le meilleur de votre esprit, en frère incorrigible des
folles Danaïdes, dans un de ces tonneaux sans fonds de
nos librairies conte/nporaines qui reçoivent tant et con-
servent si peu de nos œuvres, à nous, (Je qui nous restera
des vôtres sera l autel que, degré par degré, vos feuilles
Vune sur Vautre auront dressé très haut au <i'rand vieil-
lard et à la patriarcale figure quun siècle entier, le XIX'',
encadra et auréola. A côté de V amour empressé des uns pour
ce pape moderne, la haine retardataire des autres ne compte
pas. La simplicité de ses lettres oii transparaît son âme
blanche, comme à travers la blancheur de sa robe pontifi-
cale, nous leposera de la complexité des vôtres. Je les ai
recueillies, comme des lis, parmi les ronces. Ce ne sont
pas les verges que le licteur retourne contre son consul.
Mais supposez qu'après le supplice du saint marfj'r de
Sébaste, un Parthe audacieu.x, iyi massant, sur le champ
d exécution les flèches abandonnées par la légion suppli-
ciaire, ait voulu les lier en faisceau pour les offrir en
ex-voto au proconsul qui commanda, du même coup, la
passion et l'apothéose du héros.
« En vous adressant, à vous chroniqueur brillant et
indiscret des menus faits de l' Eglise, cette simple Chro-
nique d'une famille romaine sous Taneieu État Pontilieal
dont les coutumes si originales furent, jadis, si savou-
reuses et ne sont plus aujourd'hui quune orange dessé-
chée dans l'ennuyeu.x jardin des Hespérides de V Histoire-,
je désire surtout vous restituer la traduction d'une pensée
W --
(f
<•
- VII -
latine que je vous doùi. Le pape Léon XIII l'avait origi-
nairement inscrite, en lettres de marbre, au frontispice de
/'Archivio Valicano, quand il ouvrit au monde des lettres
étonné les secrets séculaires d'une Eglise qui ne perd rien
à être mieux connue. En forme de cul-de-lampe ironique
peut-être, et en émule du maître des Diaboliques qui vous
inspire, dit-on, vous Vavez reproduite aux dernières lignes
de votre dernier livre, en ces termes :
La première loi de THistoire est de ne pas oser mentir;
la seconde, de ne pas craindre de dire la vérité. En outre,
l'historien ne doit prêter au soupçon ni de flatterie ni
d'animosité.
« Parthe ou barbare, j'ai ainsi rendu à César ce qui lui
appartient, et je ne veux retenir pour moi que ce dont il
m' honore encore; je veu.xd ire V estime qu il vous plaît de me
témoigner , au.x deu.x points extrêmes de la ligne d' horizon
oii nous avons considéré diversement V ascension réelle et
l apparente oscillation de V astre bienfaisant qui n'eut que
faire, ni de vos critiques, ni de mes éloges et qui éclaire,
finalement, d'une égale condescendance, votre armure
gorgonienne de truculent Oplithès et ma simple tunique
de Brnjamin naïf peut-être. » Et maintenant, va, livre , à
la ville. Tu ny trouveras plus roi, le pacifique vieillard
qui j" continua, en vingt-cinq ans d'un pontificat familial
et radieu.x, la souveraineté, dix-neuf fois séculaire, d'un
père au milieu de ses fils, plutôt que celle d'un roi parmi
ses sujets. Sois un rayon de cet a^stre bienfaisant, s'attar-
da nt sur l'horizon quil dore encore. Tombe ou sillon, sois
un morceau de cette petite terre où toute espérance n'est
pas morte. Eh! qu'importe que des maîtres nouveau.x s'ins-
tallent, pour un temps, sur cette terre antique où les com-
pagnons malheureux du pieux Enée trouvèrent un autre
Sinioïs et une autre Uion. Cette Borne des papes, patiente
parce quelle est éternelle, n'a-t-elle pas vu passer, depuis
r -'- ■ mWnmr^-intiU'umtmAïk.u^A.Mm
L?4^Sii^r* W'
■ _,ji jgjpnii lùlifi wili^JiJjpyjyi^
'iijip mMMf^t&if^^
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)
— VIII —
les jours des anciens Attila jusqu'à ceux des Bonaparte
modernes, tant de conquérants d'un jour qui n usèrent
tout au plus, sur les marbres du Forum dévasté et du
Vatican debout encore, que le sabot de leurs cavales bar-
bares ou le talon de leurs bottes inutilement sacrilège?
Paris, le 2 mars 1907 et le 9;* anniversaire de la naissance
de S. S. Léon XIII.
B, d'A.
INTRODUCTION
LES PRÉFECTURES DE JOACHIM PECCI
Heilbuth. - L'ne antichambre prélatalice sous l'Ex-Etat Pontifical.
T
Par cette douce et
presque tiède matinée de
mars napolitain, le pre-
mier angélus sonnait,
presque à la fois et pres-
que à l'endiablée, depuis
la bleue Mergellina où la
lune inclinait son crois-
sant fatigué de sa veille
nocturne, jusqu'aux loin-
tains dorés de Portici où
le soleil levant dessinait
son orbe d'irradiante
aurore contre l'énorme
cône du Vésuve rouge,
comme une orange gi-
gantesque ou comme
une formidable grenade crevant en lave et fumant par le
1
Bénévenl. — Parc de la Préfcclurc.
— VIII —
les jours des anciens Attila jiisifu à ceux des Bonaparte
modernes, tant de conr/uerants d'un Jimr qui n usèrent
tout au plus, sur les marbres du Forum dés^astc et du
Vatican debout encore, que le salmt de leurs cavales bar-
bares ou le talon de leurs bottes inutilement sacrilège?
Paiis, le 2 mais u)oy et le 97» anniversaire de la naissance
de S. S. Léon XHI.
B. d\{ .
INTRODUCTION
y
Heilbuth. - L'ne ant.cha.nbro prélatatire .ous lEx-Etat Pontifical.
LES PRÉFECTURES DE JOACHIM PECCI
r
Par celte douce et
presque liède matinée de
mars napolitain, le pre-
mier angélus sonnait,
presque à la fois et pres-
(|ue à Tendiablée, depuis
la bleue Mergellina où la
lune inclinait son crois-
sant fatigué de sa veille
noclurne, jusqu'aux loin-
tains dorés de Portici où
le soleil levant dessinait
son orbe d'irradiante
aurore contre Ténorme
cône du Vésuve rouge,
comme une orange gi-
gantesque ou comme
une formidable grenade crevant en lave et fumant par le
1
lléih'veiil. — l»apc de la l'ivIV'cUirc.
■iSf.JSI
2 IMRODLCTION.
faîle. A riieure dite, le frisquet cameriere m'ouvrit, sans
bruit, la porte de la locanda et me souhaita bon voyage.
L'aubergiste avait à peine refermé lourdement sur moi son
portone à triples verroux, — sans doute en prévision des
ladi'iy — que, sur le trottoir, je me trouvai aussitôt cerné
par un cercle de lazzarones couchés, qui se levèrent leste-
ment, à six ou huit, comme un seul homme, et qui
m'apostrophèrent à la fois :
— 'GnoVy qiiàl,, Zi, quàl.. Hep, monsieur!., llep, mon
oncle!...
C'était six ou huit veiiurini qui m'invitaient en même
temps à monter pour dix sous en fiacre, moi leur sire, moi
leur oncle, dont ils ne s'étaient, certes, pas donné le temps
d'entrevoir la juvénile baihiche. Ces six ou huit bons dia-
bles avaient appris, la veille, à Valbergo, que je partirais
pour Bénévent aux aurores du lendemain ; et, pour risquer
de piper au passage les dix sous incertains d'un probléma-
tique client, ils n'avaient pas hésité à pernocter sous la
belle étoile, parquant leurs six ou huit chevaux en rond,
autour d'une botte de foin. Ils avaient, eux aussi, pour
dormir, installé une autre botte de foin sur la chaussée où
leurs six ou huit têtes reposaient à la fois et faisaient des
songes d'or ou d'argent ou de cuivre quand, me voyant
paraître, ils se dressèrent comme un seul homme et parlè-
rent tous à la fois pour m'offrir leurs sei*vices, i\ dix sous.
Je ne pouvais pourtant pas accepter les six ou huit voitures.
Entre tant de bras qui se tendaient pour me débarrasser de
ma valise, j'escaladai la carrozzella la plus proche. Le guail-
lone que la fortune avait choisi, bien à l'aveuglette sous ce
premier petit jour noir, sauta leste et joyeux sur son siège.
Et « hue! ha! ha! » nous détalâmes vers la gare, par un
galop de forsenmto à un kilomètre la minute; les autres
INTRODLCTIOi>. 5
vetlurim nous suivant encore pour s'offrir, à huit sous,
puis à six, puis h quatre. Finalement, par les rues sombres
où les clairs angélus tintaient plus fort que les sonnailles
Uipageuses des chevaux, les fiacres délaissés s'égrenèrent.
En me retournant dans le mien, je les vis l'un après
l'autre se perdre, de lanterne à lanterne, le long des salite
escarpées, avec les dernières étoiles qui tombaient blondes
Vn corrtcolo napolitain.
dans la mer bleue et qui ne rappelaient que de trop loin
celles de la Fortune se refusant au toujours pauvre et
toujours jovial vetturino de Naples.
— Oliel staf attenta !.. Et attention ! C'est pour le train
de Caserte, ne vero?
— Zteccoci quàl Précisément, mon oncle! Nous y
sommes.
Le temps de sauter bas, d'allonger au cocher — mon
neveu — ses cinq baïocs, de prendre à l'envolée un aller-
retour pour Bénévent au sportello de la gare toujours
■i 1
2 I.NTIÎ(M)r<:TION.
faîle. A riieuie dile, le IVisciuel cameriere m'ouvrit, sans
bruit, la porte de la locanda et me souhaita hou voyage.
L*aul)ergiste avait à peine refermé lourdement sur moi son
portone à triples verroux, — sans doute en prévision des
ladriy — que, sur le trottoir, je me trouvai aussitôt eerné
par un eercle de lazzarones couchés, qui se levèrent leste-
ment, à six ou huit, comme un seul homme, et qui
m*apostrophèrent à la lois :
— ^Gnor, tpia!.. Xi, qtuiL. IIe|>, monsieur!.. Hep, mon
oncle!...
C'était six ou huit retturlni qui m'invitaient en même
temps à monter poui- dix sous en fiacre, moi leui* sire, moi
leur oncle, dont ils ne s'étaient, celles, pas donné le temps
d'entrevoir la juvénile haihiche. Ces six ou huit bons dia-
bles avaient appris, la veille, à Valhergo, (pie je partirais
pour 15énévent aux aurores du lendemain ; et, pour riscpier
de piper au passage les dix sous incertains d'un probléma-
tique client, ils n'avaient pas hésité à pernocler sous la
belle étoile, parquant leurs six ou huit chevaux en rond,
autour d'une botte de foin, ils avaient, eux aussi, pour
dormir, installé une autre botte de foin sur la chaussée où
leurs six ou huit télés reposaient à la fois et faisaient des
songes d'or ou d'argent ou de cuivre c|iiand, me voyant
paraître, ils se dressèrent comme un seul homme et parlè-
rent tous à la fois pour m'offrir leurs services, à dix sous.
Je ne pouvais pourtant pas accepter les six ou huit voitures.
Kntre tant de bras qui se tendaient pour me débarrasser de
ma valise, j'escaladai la cavrozzcUa la plus proche. Le riuail-
lone que la fortune avait choisi, bien à l'aveuglette sous ce
premier petit jour noir, sauta leste et joyeux sur son siège.
Et (( hue! ha! ha! » nous détalâmes vers la gare, par un
galop de forsennato à un kilomètre la minute; les autres
INTKOIJI CTIO.N. 5
vetturlul nous suivant encore pour s'offrir, à huit sous,
puisa six, puis à quatre. Finalement, par les rues sombres
où les clairs angélus tintaient plus fort que les sonnailles
tapageuses des chevaux, les fiacres délaissés s'égrenèrent.
En me retournant dans le mien, je les vis l'un après
l'autre se perdre, de lanterne à lanterne, le long des salite
escarpées, avec les dernières étoiles (pii tombaient blondes
i — .
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l'ii corneolo najMjlilaiii.
dans la mer bleue et qui ne rappelaient (jue de trop loin
celles de la Fortune se refusant au toujours pauvre et
toujours jovial retlurino de Naples.
— Ohel Uat' attento!.. Et attention ! C'est pour le train
de Caserte, ne vero?
— Zieccoci quà! Précisément, mon oncle! Nous y
sommes.
Le temps de sauter bas, d'allonger au cocher — mon
neveu — ses cinq baïocs, de prendre a l'envolée un aller-
retour pour Bénévent au sportello de la gare toujours
^
4 INTRODLCTION.
ouvert au ven! qui passe et au voyageur qui, lui, ne par-
vient pas toujours à passer. Dans la cohue, je me porte sur
le flot des Napolitains qui vont aussi prendre le train, ou le
regarder prendre. J'arrive enfin et je m'engoufl're en coup
de vent, quand le train siffle, dans un compartiment plein
jusqu'aux bords de gens qui s'y entassent et s'y pré-
parent à achever leur nuit, avec un supplément de som-
meil.
Dormir, dans le Napolitain? J'avais compté sans les gui-
tares. Nous n'avons pas franchi le tintamarre des ponts
roulants et des plaques tournantes que, du carré formé
silencieusement parnos tètes branlantes, l'ombre vague d'un
voyageur tire d'un vague sac de lustrine un objet vague. Je
le devine aussitôt, à ses accords d'abord sournois, et puis
sonores : c'est une guitare et son suonatore, compagnon
assuré de tout Napolitain en voyage hors delà ville où la
musique est, avec le macaroni, le plus indispensable vade
mecum du touriste. C'est aussi, — tout compte fait, qui
n'est guère plus gros dans le comptoir de l'épicier que
dans la poche du musicien, — le moins indigeste et par-
lant le plus facile à supporter sous un ciel toujours pur
qui volatilise, en un instant d'oubli, le plus mauvais repas
comme la plus mauvaise musique. Celle de notre Orphée
ambulant allait, du poulchinellesque Funicidi au pathé-
tique'0 so/^ m/o, dans cet inépuisable répertoire du golfe
bleu quï jette, au hasard de la trouvaille, sur l'aristocra-
tique Ghiaia ou sur la populacière Pescheria, tantôt des
perles et tantôt des cailloux; le tout formant, dans les
ricordi inépuisables, comme des pots-pourris à l'italienne,
un pêle-mêle inexprimable de richesse et de scurrililé
capables d'en inspirer encore à Mercadante ou à l'Arétin,
h Rabelais ou à Schubert.
'es
S
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\ I.NTROniCTION.
ouvert au veiil (|ui |)assc cl au voyageur ((ui, lui, ne par-
vient pas toujouis à passer. Dans la cohue, je me porte sur
le flot (les Napolitains (pii vont aussi prendre le train, ou le
regarder prendre. J'arrive enlin et je m'engoiilTre en coup
de vent, (juand le train sil'lle, dans un compartiment plein
jusqu'aux bords de gens ipii s'y entassent et s'y pré-
parent à achever leur nuit, avec un supplément de som-
meil.
Dormir, dans le Napcdilain? J'avais compté sans les gui-
tares. Nous n'avons pas IVanchi le tintamarre des ponts
roulants et des plaques tournanirs que, du carré loimé
silencieusement par nos télés hranlantes,romhre vague d'un
vovageur lire d'un vague sac de lustrine nn (d)jet vague. Je
le devine aussitôt, à ses accords d'ahoi'd sournois, et puis
sonores : c'est une guitare et son miottalore, compagnon
assuré de tout Napolitain en voyage hors de la ville où la
musiipir est, avec le macarcuii, le plus indispensable vadt^
mcvuiH du lourisle. C'est aussi, — tout compte fait, qui
n'est guère plus gros dans le ('<Mn|>loir de l'épicier que
dans la poche du musicien, — le moins indigeste et par-
lant le plus lacile à suppoiler sous un ciel toujours pur
qui volatilise, en un instant d'oubli, le plus mauvais repas
comme la plus mauvaise musique. Celle de notre Orphée
ambulant allait, du [xuilchinellesque Ftniicnli au pathé-
li(jue '0 .s*o/(' m/o, dans cet iiiépuisable répertoire du golfe
bleu qui jette, au hasard de la trouvaille, sur Taristocra-
lique (ihiaia ou sur la populaciéi'c Pescherla, tantôt des
perles et tantôt des cailloux; le lout formant, dans les
ricordi inépuisables, comme des pots-pourris à Titalienne,
un péle-méle inexprimable de richesse et de scurrilité
capables d'en inspirer encore à Mercadante ou à l'Arétin,
à Rabelais ou à Schuberi.
zt.
i\
m ^v *»ri* to^-m w»pw»i,..^ta
^ INTHODl CTION.
Che bella cosa 'na iurnata V sole,
n ària serena doppo 'na t empesta!
pe' ir aria fresca pare già na fesla..,
Che bella cosa 'na iurnata e sole.
Ma n atu sole
cchià bello, ohi ne\
'o sole, mio
sla nfronte a te!
Le capo-slazione avait annoncé Aversa. Mais, dans le
Irimljallemenl des voilures si pleines de gais refrains, pas
un de ces fils des antiques bouffons d'Allella ne s'aperçut
qu'on traversait la ville de ses aïeux, jadis célèbre par ses
Tarées piquantes, aujourd'hui par son vin aigrelet. Sur un
ton de sambuque sauvage, un gamin, qui est parvenu à
dominer les chœurs, en contre-voie du train, offre ses
fmchi d'Asperino à un prix si discret, que je ne puis lui
refuser, pour un flacon, la mezza lira qu'il invoque. A la
bonne heure! Lire pour lyre, en voilà un qui préfère la plus
discrète, sinon la moins sonnante et trébuchante. Le biric-
chino me rendant la monnaie de ma pièce, — ou plutôt de
mon billet ciasseux, — me souhaite bon voyage et referme
la porte. Et pendant (|ue le train et les chansons repartent
de plus belle, j'essaye de m'échapper du tohu-bohu en allant
chercher, des yeux, par la portière, le jour qui monte de
plus en plus brillant, du côté du Vésuve.
Ce fut, me dis-je, ce même soleil et ce furent ces mêmes
paysages que la farouche reine Jeanne vit aussi, de son
temps, quand, dans Aversa même, la cruelle épouse
d'André de Hongrie confiait au poignard de NiccolôAcciauoli
la tache de faire disparaître son mari. Rouge de sang sur
rouge de soleil, Tun estompant l'autre. Ce premier crime,
qui ne serait pas le dernier, arriva, le 18 septembre 1545,
K^TRODICTION.
lorsque la châtelaine d'Aversa, née dans cette ville en 1297,
n'avait encore que 46 ans. C'était peut-être débuter lard
\
Bônévent. — L'Arc de Trajaii.
dans le crime, mais la vie fut clémente à la reine Jeanne,
qui devait vivre jusqu'en 1582, pour mourir bien après ses
nombreux maris dont un parent, Charles de Duras, finit
par prendre en main la vengeance en étouffant, entre deux
li
0
I.NTIIODI CTION.
Che bella cosa '/m iurnata V sole,
n (tria sevena do/tpo ^na tciupeala!
Ite //' aria fre<ca itave (fui na fesla..
Che bella corn na iunuila e sole.
Ma n' atu sole
cchiii bel h, ohl ne\
'(> sole inio
sla nfronte a le!
Le raïKj'sUtzùfHC avait annoncé Aversa. Mais, dans le
IrimhallenuMiUles voilures si pleines de <iais refrains, pas
nn de ces lils des anlicjuis honflons d'Allella ne s'aperçul
qu'on haveisail la ville de ses aïeux, jadis célèbre |)ar se<
larces jn(|uanles, aujourd'lnii par son vin aij-relel. Sur un
Ion de saml)U(|ue sauva«:v, un j-aniin, (|ui est parvenu à
dominer les chœurs, en conire-voie du Irain, ollre ses
/iasclu d'Asperino à nn prix si discrtl, (|ue je ne puis lui
rel'user, pour un flacon, la mezza ///vnpi'il invoque. A la
bonne Jieure! Lire pour lyre, en V(nlà un (|ui préfère h plus
discrète, sinon ia nKu'ns sonnante et Iréhucliante. Le birir-
i'Iuno nie rendant la monnaie de ma pièce, — ou plutôt de
mon In'llet crasseux, — me souhaite Imui vovaiie et referme
la j)orle. Kt jiendant que \c train elles chansons repartent
de pluslielle, j'essayedemVchapper dut(diu-hohuenallanl
chercher, des yeux, par la portière, le jour (|ui monte de
plus en plus brillant, du côté du Vésuve.
Ce fut, nie dis-je, ce même soleil et ce furent ces mêmes
paysages que la farouche reine Jeanne vit aussi, de son
temps, quand, dans Avcrsa même, la cruelle épouse
d'André de Hongrie confiait au poignard de NiccoloAcciauoli
la tache de faire disparaître son mari. Rouge de sang sur
rouge de soleil, Fun estompant Tautre. Ce premier crime,
qui ne serait pas le dernier, arriva, le 18 septembre loiô.
INTROOLCTION.
lorsque la châtelaine d'Aversa, née dans celle ville en 1297,
n'avait encore que iO ans. C'était peut-être débuter tard
|{(''iu''veiil. — L'Arc (le Trajaii.
dans le crime, mais la vie fut clémente à la reine Jeanne,
qui devait vivre jusqu'en 1582, pour mourir bien après ses
nombreux maris dont un paient, Charles de Duras, finit
par prendre en main la vengeance en étouffant, entre deux
ffvi-.i', ne«>qww
s
INTRODUCTION.
INTRODUCTION.
9
coussins, celle que les Provençaux, ses sujets, pourraient
célébrer morte, après Tavoir tant abhorrée vivante. N'avait-
elle pas fini par les céder, eux et leur bonne ville d'Avignon,
au pape Clément VI, pour 80000 florins? Ils lui furent
payés en or et avec un supplément d'absolution (jui régu-
larisait le seul des trois mariages qu'elle avait, a-t-on dit,
en tête de conclure.
Nous arrivons en gare de Caserte, et aussitôt la voituréc
des monatori se vide comme par enchantement. Dans leur
enthousiasme pour les voyages en musique, il paraît que
ces madrés artistes ne dépassent guère cette station. Là,
en eflet, la grande ligne de Rome à Naples vient s'amorcer.
Ils attendront le train suivant qui les ramènera avec un
nouveau public, toujours chantant et toujours quêtant, dans
cette bella Napoli à laquelle ils font, mieux que les Sirènes
de la fable, une ceinture d'harmonie et de crin-crin sur la
ligne ferrée qu'à l'aller et au retour ils battent sans répit :
insatiables Amphions de l'idéale cité de la musique et du
macaroni. Du moins, nous en sommes hors; et, par des
petites lignes locales, nous roulons vers Bénévenl, pareils
à des petites gens heureuses de respirer enfin à l'aise. Pour
me prouver que je n'ai pas besoin de me gêner en sa com-
pagnie, mon voisin m'emprunte un coin de mon plaid de
voyage qu'il ne tarde pas à attirer tout entier sur ses
genoux.
— Vous regardez le château royal de Caserte, signor?
C'est notre Versailles napolitain. Et quelles eaux l'ancien
roi Charles III y fit venir, avec son fidèle Vanvitelli pour
architecte!... Tenez, regardez aussi cet aqueduc à triple
étage, jetant ses arches immenses dans l'espace. C'est sur ces
Ponti délia Valle que passent les eaux, pour aller alimenter
le jardin royal de Caserte.
\y<^
ï
Et puis c'est, couronnant les hauteurs rocheuses et ver-
doyantes de ses vieilles tours féodales, le nid aérien et jadis
fameux de Santa-Agatha-dei-Gothi. Là, le farouche Charles
d'Anjou trouva son refuge après les vêpres sanglantes de
Sicile : « Agnus Dei qui tollis peccata mundi I dirent au
pape Martin IV les
moines messagers du
roi Charles. — Ave rex
Judxorum! Et dabant
ei alapam », se con-
tenta de leur répondre
le pape. Voici les fa-
meuses Fourches Cau-
dines où les Samnites
laboureurs humiliè-
rent, sous les entrelacs
de leurs pics redouta-
bles, la témérité de
Rome conquérante par
la rapine et par le
biigandage. Elles pi-
(juent encore dans le
ciel clair les lances
dangereuses de leurs
rochers, entre Santa-Agata à droite et Moiano à gauche.
Çà et là, sur la crête rocheuse qui sert d'enclave naturelle
à la principauté bénéventine où nous avons déjà pénétré
par des portes de travertin rougeatre, d'autres petits
pays, s'effarouchant encore du seigneur de jadis qui ne
reviendra plus, s'écartent du chemin que suivit Manfred
pour aller mourir sous Bénévent, — acco del ponte, dit
Dante. Par là, passa aussi le blond Corradino pour aller, du
Bénévent. — La place du Marche.
.■;>H»fM;»<JifN>»»*^^. «10»^^
-.S^^^'*J^4iÉm..4
8
rNTROorr.TioN.
coussins, celle que les Provençaux, ses sujets, pourraient
célébrer morte, après Tavoir tant abhorrée vivante. N'avail-
elle pas fini par les céder, eu\ et leur bonne ville d'Avignon,
au pape Clément VI, pour 800IH) llorins? Ils lui furent
payés en or et avec un suppléiuent (Tabsolntion (pii régu-
larisait le seul des trois mariages qu'elle avait, a-t-ou dit,
en tète de conclure.
Nous ari'ivons en gare de Caserte, et aussitôt la voiturée
{\r< mo)tatori <>(' vide comme par eneliantement. Dans leur
enthousiasme pour les voyages en musique, il paraît que
ces madrés artistes ne dépassent guère cette station. I.à,
en ed'et, la grande ligne de lioiue à Naples vient j^'amorcer.
Ils attendront le train suivant (pii les ramènera avec \u\
nouveau puljlic, toujours chantant et toujours (juétant, dans
cette bella NajKdi h laquelle ils (ont, mieux que les Sirènes
de la Table, une ceinture d'harmonie et de crin-crin sur la
ligne l'eriée qu'à l'aller et au letour ils battent sans ré|)it :
insatiables Amphions de l'idéale cité de la musique et du
macaroni. Du moins, nous en sommes hors; et, par des
petites lignes locales, nous louions vers Bénévent, pareils
à des petites gens heureuses de respirer enlin à l'aise. Pour
me prouver que je n'ai pas besoin de me gêner en sa com-
pagnie, mon voisin m'em|)runte un coin de mon plaid de
voyage qu'il ne tarde pas à attiier tout entiei- sur ses
genoux.
— Vous regardez le château royal de Caserte, signor?
C/est notre Versailles napolitain. Et (pielles eaux l'ancien
roi Charles III y fit venir, avec son lidèle Vanvitelli pour
architecte!... Tenez, regardez aussi cet aqueduc à triple
étage, jetant ses arches immenses dans l'espace. G*est sur ces
Ponti delta VaUe que passent les eaux, pour aller alimenter
le jardin royal de Caserte.
INTRODICTION.
Et puis c'est, couronnant les hauteurs rocheuses et ver-
doyantes de ses vieilles tours féodales, le nid aérien et jadis
fameux de Santa-Agatha-dei-Gothi. Là, le farouche Charles
d'Anjou trouva son refuge après les vè[)res sanglantes de
Sicile : « Afjnm Dci (pd toUls pcccata mundi ! dirent au
pape Martin IV les
moines messagers du
roi ('ha ries. — Are rex
Jndyt'ornm! El dahavt
ei alapam », se con-
tenta de leur répondre
le pape. Voici les fa-
meuses Fourches Can-
di nés (»ù les Samnites
laboureurs humiliè-
rent, sous les entrelacs
de leurs pics redouta-
bles, la témérité de
Rome C(m(piéi'anle par
la rapine et par le
brigandage. Elles pi-
quent encore dans le
ciel clair les lances
dangereuses de leurs
rochers, entre Saiita-Agala à droite et Moiano à gauclie.
Çà et là, sur la crête rocheuse qui sert d'enclave naturelle
à la principauté bénéventine où nous avons déjà pénétré
par des portes de travertin rongea tre, d'autres petits
j)ays, s'elïarouchant encore du seigneur de jadis qui ne
reviendra plus, s'écartent du chemin que suivit Manfred
|>our aller mourir sous Dénévent, — acco del ponte, dit
Dante. Pai' là, passa aussi le blond Corradino pour aller, du
Iiriirvonl. — La place du Marclic.
'î?-;
.■■ «^^ . ■ *■ v^c
TSSiM^
10
IMRODlCTlOxN.
champ d'honneur de Tagliacozza à l'échafaud de Naples,
où se consomma le drame atroce du dernier des Hohens-
lauffen. A la lumière, quelquefois rouge, de leurs aurores
ou de leurs crépuscules, tous ces paysels, encore crénelés
de frayeur, ne savent pas si ce n'est point le gant du petit
roi abandonné qui reparaît sur Thorizon et qui redemande
vengeance.... Ainsi, chemin faisant, par ces parages tantôt
luxuriants et tantôt chaotiques, où le Volturne méandreux
se fait quelquefois jour, vous arrivez vers une grande ville,
tout en plaine. Un cercle de montagnes la 'cerne de très
loin, comme pour laisser plus d'illusion à sa réelle enclave,
plus de longueur à la chaîne qui ne put jamais faire
qu'une vassale de cette ville fatalement asservie, en raison
même des lignes physiques de son fertile autant que pitto-
resque horizon.
— Signor! termina mon compagnon de roule non sans
hésiter à me restituer toute ma couverture, vous êtes à
Bénévent. Et n'oubliez pas, en visitant la ville, que, si
Rome a volé à nos hommes la gloire d'être les citoyens de
la première cité du monde ancien, elle n'a pu ravir a nos
bœufs le mérite d'avoir remporté sur les éléphants de
Pyrrhus une victoire plus grande que celle d'iléraclée et
d'Asculum. Buon passcf/giol
Sur ce lazzi, aussi vantard que juste, il ne me reste plus
qu'à replier mon plaid et à aller étudier en ville ce type
de Romains avant la lettre qui n'ont pas besoin de l'histoire
des nations pour affirmer, sur leur propre crédit, que le
Bénéventin madré est le premier citoyen de la terre. Seul
enfin, par des rues tortueuses où le sanglier de Calydon
marque encore sur les pierres noirâtres de certaines mai-
sons l'âge de Diomède et de Méléagre, je m'engage dans
le cœur même de la cité. J'en évoque les souvenirs histo-
1
«
INTRODUCTION.
H
riques, depuis les temps de Charlemagne qui donna Béné-
vent au Saint-Siège, jusqu'à ceux de Napoléon 1" qui, lui,
ne trouva pas de meilleur héritier à ce fief que le sire de
Talleyrand. Et c'est que, pour être passé sans déchéance
entre tant de mains jusqu'à ce jour, le Bénéventin, dont
le secret est peut-être de s'être servi de ses maîtres plutôt
que de les avoir servis, ne reste pas sans mérite pour
avoir conservé son caractère railleur et sournois qui le
précise encore. Quant à se souvenir du pape ou de l'empe-
reur, de Charlemagne ou de Napoléon, après les « huit
jours )î que leur donna ici successivement l'histoire, le
Bénéventin est trop fidèle à lui-même pour l'être aux autres
également. Cette remarque me frappe surtout dans la
sacristie de la cathédrale quand le custode, entr'ouvrant
de gigantesques armoires où les vases et les habits sacrés
de la plus riche facture s'entassent par milliers, me per-
met de l'interroger sur la provenance des pièces les plus
belles.
— Cette chasuble fut brodée par Vittoria Colonna,
d'après un dessin de iMichel-Ange. Cette autre, par une
princesse Orsini, sœur du cardinal Maria Orsini, archevêque
de Bénévent qui fut pape ensuite, sous le titre de Benoît XIII,
et ne voulut pas moins conserver le gouvernement de sa
première église. La plupart des ornements et des vases
sacrés que vous voyez dans ces trente-deux armoires, hautes
et profondes comme des citadelles, viennent de la munifi-
cence de ce pape; sans compter tout ce que les pillards de
Bonaparte ont emporté depuis, dans leurs arçons de selle
et les caissons de leurs affûts.
— Ah! les Français furent de mauvais sires, pour
Bénévent? Et, dites-moi, quel souvenir conservez-vous de
Léon XIII, depuis son passage dans votre Préfecture?
12
INTRODUCTION.
— Quel souvenir?... me répond le custode, en allant
refermer ses armoires avec une expression que je ne sau-
rais rendre. Eh bien! sachez qu'il ne nous a seulement pas
envoyé un corporal !
L'argument était péremptoire, et je n'eus pas la mauvaise
grâce d'insister. De la cathédrale on accède à l'archevêché,
par une porte toujours ouverte et des salles dallées de
briques, depuis le temps probable où les anciens Romairjs
en opérèrent la cuisson pour le compte des Bénéventins
qui en usent encore aujourd'hui, et même sans les user
tout^ à fait. Pour pénétrer dans le palais archiépiscopal,
je n'eus d'autre introducteur qu'un facchino. Je le trouvai,
traversant par hasard les antichambres, comme sa propre
maison. Ainsi, passant par cette traverse, il raccourcissait
d'une rue à l'autre son chemin. Il me proposa pour quel-
ques baïocs ses services. Je les acceptai et nous mar-
châmes.
De l'Archevêché à la Préfecture, on suit le Corso jus-
qu'aux murailles de la ville et au Jardin Public que
l'administration nouvelle a établi, en massifs et en lacs,
sous les fenêtres de l'ancien palais de la Délégation ponti-
ficale. L'aspect de cette espèce de forteresse massive,
flanquant ce coin des murailles urbaines, est des plus
imposants. De la terrasse intérieure, l'œil domine toute la
campagne bénéventine jusqu'aux montagnes lointaines qui
l'enserrent dans la ceinture bleuâtre et rose de leurs
massifs merveilleusement circulaires. A la porte de cet
ancien château fort qu'a travesti en caserne ou en préfec-
ture l'officiel badigeon au lait de chaux qui le souille, on
a confiné le lion aptère qui annonçait, sans doute, quelque
gloire avec son bronze antique quand cette maison, propriété
des papes pendant des siècles de régie, avait aussi quelque
INTRODUCTION. 15
histoire. Ces murs dégradés ne les racontent plus aujour-
d'hui. Ils se contentent d'une plaque de marbre, rappelant
au visiteur que Garibaldi passa par là. A cette inscription
extraite des nouvelles chartes de la révolution italienne, le
lion de Bénévent, patiemment perché sur sa colonne, tourne
philosophiquement le dos dans l'attente de jours meilleurs
Bénévent. — Les llicimes de Na
ppa.
qui ne reviendront peut-être plus. Je fais de même, et je
quitte l'ancien palais de la Délégation où je n'ai pu rencon-
trer âme qui vive avec un souvenir, plus ou moins conservé,
du passage de Mgr Joachim Pecci dans cette préfecture.
Pauvres veilleuses, sitôt éteintes, de nos glorioles humaines!
En se posant au début de la vie sur les premiers buissons
de la route, elles semblaient pourtant promettre plus d'huile
à l'urcéole et de rayons à la nuit qui, depuis, est retombée
tout à fait sur la campagne.
— Sifjno' /. . . Zi mo!,.. Annamm' a vede' /. . . Monsieur ! ., .
..»««»^»«.Wf.t!«*.
12
INTKODICTION.
— Onel souvenir?... nie réponti le custode, en allanl
relenncr ses armoires avec une expiession que je ne sau-
rais rendre. Eli bien! sachez (ju'il ne nous a seulement pas
envoyé un corporal !
I/aroument était péremploire, et je n'eus |)as la mauvaise
j^ràce d'insister. De la cathédrale on accède à rarchevéché,
par une porte toujours ouverte et des salles daliéis de
hriques, depuis le temps probahie où les anciens llomains
en opérèrent la cuisson pour le nunpte des Ilénévenlins
qui en usent encore aujouid'hui, et même sans les user
tout à lait. Pour pénétrer dans le palais archiépiscc^pal,
je n'eus d'autre introducteur (pi'un farrliino. Je le trouvai,
traversant par hasard les antichamhres, comme sa propiv
maison. Ainsi, passant par cette traverse, il raccourcissait
d'une rue à l'autre son chemin. Il me proposa poui- (piel-
ques haïocs ses services. Je les acceptai et nous mar-
châmes.
De l'Archevêché à la Préfecture, on suit le Corso jus-
qu'aux murailles de la ville et au Jaidin Puhlic (pie
Tadminislration nouvelle a élahli, en massifs el en lacs,
sous les fenêtres de l'ancien palais de la Délé-ation pimti-
licale. I/aspect de celte espèce de forteresse massive,
llanquant ce coin des murailles urhaines, est des plus
imposants. De la terrasse intérieure, l'œil domine toute la
campagne hénévenline jusipraux monta-nes lointaines qui
renserrent dans la ceinture bleuâtre et rose de leurs
massifs merveilleusement circulaires. A la porte de cet
ancien château fort qu'a travesti en caserne ou en préfec-
ture l'officiel badigeon au lait de chaux qui le souille, on
a conhné le lion aptère (]ui annoni^uiit, sans doute, quelque
gloire avec son bronze anti(pie ipiand cette maison, pr(q)riété
des papes pendant des siècles de régie, avait aussi quelque
« >
INTf{ODUCTION. 15
liistoire. Ces muis dégradés ne les racontent plus aujour-
d'hui. Ils se contentent d'une plaque de marbre, rappelant
au visiteur que Garibaldi passa par là. A cette inscription
extraite des nouvelles chartes de la révolution italienne, le
lion de Dénévent, patiemment perché sur sa colonne, tourne
philosophiquement le dos dans Tatlente de jours meilleurs
Itonévenl. — Les llicriiies «le Nappa.
qui ne reviendront peut-être plus. Je fais de même, et je
quitte l'ancien palais de la Délégation oii je n'ai pu rencon-
trer àme qui vive avec un souvenir, plus ou moins conservé,
du passage de Mgr Joachim Pecci dans cette préfecture.
Pauvres veilleuses, sitôt éteintes, de nos glorioles humaines!
Kn se posant au début de la vie sur les premiers buissons
de la roule, elles semblaient pourtant promettre plus d'huile
à l'urcéole et de rayons à la nuit (jui, depuis, est retombée
tout à fiiit sur la campagne.
— Si(jno\f,., Zr mo!... Annamoi a ve(le\f..,'Slonf>muv\,,.
-Jfe:.
H
liXTRODUCTIOiN.
Mon oncle!... Allons voir Je cloître de saint Juvénal,
l'arbre de saint Barbato, la Piana délia Noce et le Carrefour
des Sorcières? Allons voir les Grottes de Nappa dont les
premiers Romains bâtirent l'amphithéâtre, la Porta Aurea
jadis aussi brillante que la mitre de notre archevêque, l'Arc
de Trajan tout en marbre de Paros et, de pied en cap,
sculpté par le grec Apollodore, comme un plat de fettuccine
en carnaval. Sigm' I allons-nous faire les maccheroni à
l'auberge des Bœufs de Lucanie?
Le descendant de Curius Dentalus, vainqueur des élé-
phants de Pyrrhus avec les simples bœufs que Lenlulus
lui dépêcha, connaît son histoire et, comme son aïeul bien
nommé, il finit par montrer qu'il a aussi la dent longue.
Mais on cuit si « magnifiquement » les maccheroni à
l'auberge historique, qu'un étranger qui se respecte ne peut
quitter Bénévent sans les avoir prorati. J'en ferai donc
à la fois la preuve et l'épreuve, dans la petite pièce fumeuse
où la bonne fortune des aubergistes est en raison inverse
de celle des voyageurs condamnés à fermer leur estomac,
sitôt ouverte la porte de ces cuisines graillonneuses.... Et,'
sans appétit devant mon plat, je regardais vers la table
voisine où un jeune et charmant prêtre, ma foi! finissait
une partie de caries avec son partenaire, un paysan de
sa paroisse qui prenait un malin plaisir à battre, à
bastoni, son curé. Comme le jeune parroco refusa,' de
dépit, le dernier verre de vin qui restait à son compte et
qu'il régla, pour finir, avec un las de gros sous dont il
débarrassa ses poches, je m'approchai alors de lui et je lui
demandai ce qu'on pensait à Bénévent de l'ancien délégal
Mgr,Joachim Pecci, — aujourd'hui le pape Léon XIIL Alors
lui, esquissant un sourire ingénu sur son visage de Nar-
cisse tout dans la fleur de la première jeunesse, se contenta
INTRODUCTION'.
io
de répondre, indiflérent, que... sa promotion de séminaire
ne remontait pas à ce lemps-là !
Cependant une pauvre vieille femme, traînant au bras
un pauvre vieil aveugle, son mari, s'était assise sur un
banc de la locanda. Tous deux, à la fois, avaient extrait de
deux pochettes de lustrine deux instruments. C'était une
Bcnévoiil. — Un coin de la Prcfeclurc.
mandoline, pour le vieux; une guitare, pour la vieille.
Et, sans demander grâce à notre conversation qui n'eut plus
qu'à se taire, le sigisbée transi marqua sur la mandoline
à sa vieille suivante un pas de charge que, d'une voix
plus chevrotante que les cordes de sa brancolante guitare,
celle-ci emboîta aussitôt avec un entrain de vingt ans :
Quanno fa noile e 'o sole se ne scenne;
mme vene quase 'na malincunia;
sotlo'afenesta toia restarria,
quanm fa notle e 'o sole se ne scenne.
H
KXTRODrCTIOX.
Mon oncle!... Allons voir le eloître de saint Juvénal,
r<N'l)re (le saint Haihalo, la Piana délia Aoce et le Carrefour
des Sorcières? Allons mhv les Grottes de Nappa dont 1rs
premiers Romains bâtirent ramphiihéàire, la Porta Aarea
jadis aussi Inillanle que la mitre de notre archevêque, l'Arc
de Trajan tout en marine de Paros et, de pied en cap,
sculpté par le grec Apollodore, comme un plat de feltuccine
en carnaval. Sig}}o\f allons-nous l'aiie les maccheroiti à
Tauberge des Bœufs de Lmanie?
Le descendant de Curius Dentatus, vainqueur des élc-
phants de Pyrrhus avec les simples bdnifs qiie Lentulus
lui dépêcha, connaît son histoire et, connue son aïeul bien
nommé, il Unit par montrer qu'il a aussi la dent longue.
Mais on cuit si u magnili(|uement » les maccheroni à
l'auberge historique, qu^in étiangei' (pii se respecte ne peut
quitter Pénévent sans les avoir prnrati. ïm ferai donc
à la lois la preuve et Vépreave. dans la petite pièce fumeuse
où la bonne fortune des aubergistes est en raison inverse
de celK^ des voyageurs condamnés à fei-mer leur estomac,
sitôt ouverte la porte de ces cuisines graillonneuses.... Et!
sans appétit devant mon plat, je regardais vers la table
voisine où un jeune et charmant prêtre, ma foi! finissait
une partie de cartes avec son partenaire, un paysan de
sa paroisse qui prenait un malin plaisir à battre, à
hastotu. son curé. Comme le ieimc parroco refusa, \le
ilépit, le dernier verre de vin qui restait à son compte et
qu'il régla, pour finir, avec un tas de gros sous dont il
débarrassa ses poches, je m'approchai alors de lui et je lui
demandai ce ([u'on pensait à Pénévent de Tancien délégat
Mgr Joachim Pecci, — aujouid'hui le pape Léon XIIL Alors
lui, esquissant un sourire ingénu sur son visage de Nar-
cisse tout dans la Heur de la première jeunesse, se contenta
INTKODIGTIO.N.
15
de réj)ondre, indilférenl, que... sa promotion de séminaire
ne remontait pas à ce temps-là !
Cependant une pauvie vieille femme, traînant au bras
un pauvre vieil aveugle, son mari, s'était assise sur un
banc de la locanda. Tous deux, à la fois, avaient extrait de
deux pochettes de lustrine deux instruments. C'était une
HciK'vtMil. — \n coin de la Pn-reclun?.
mandoline, pour le vieux: une guitare, |)our la vieille.
Et, sans demander grâce à notre conversation qui n'eut plus
qu'à se taire, le sigisbée transi marqua sur la mandoline
à sa vieille suivante un pas de charge que, d'une voix
|)lus chevrotante que les cordes de sa brancolante guitare,
celle-ci emboîta aussitôt avec un entrain de vingt ans :
Quanno fa nolle e 'o sole se ne scemie;
mme vene quasc 'na maHuciutid ;
sotioWi frnesta toia restarria,
tfuanno fa notte e o sole se ne scenne.
■' •^■-^^i
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i6 INTRODUCTION.
Ma n atu sole
cchiù bello^ ohi ne\
'o sole mio
sta nfronte a le !
#
Du soleil, des chansons, des guitares et peut-être des
contrebandiers : et voila tout ce qui restait à Bénévenl,
du temps où Mgr Pecci en administra la préfecture. Je
n'avais plus qu'à repartir. Et j'allai, du pas languissant
d'un chasseur qui reviendrait bredouille, prendre l'express
de Rome pour essayer d'aller chercher plus heureusement,
dans la ville des papes, des documents vécus par l'un d'entre
eux.
Il
Au fond de la Cano-
nicn de Sainte-Marie Ma-
jeure, vit un vieux petit
chanoine, tout rondelet et
tout confit, qui peut bien
être le doyen de son cha-
pitre par 1 âge, mais qui
est à coup sûr la plus
mauvaise langue des col-
légiales de Rome. Ce Nestor des « chapitres » qui n'en
finissent pas de clabauder dès que le « chœur » a com-
mencé de chanter pouilles, s'appelle.... Mettons qu'il s'ap-
pelle Meluccia. Aussi bien, son nom est un humoristique
diminutif de la langue italienne; il équivaudrait en français
à (c petite citrouille ».
Le vieux petit monsignor M... n'en est pas moins contem-
Un biroccio pcrousien.
;i
INTRODUCTION.
17
porain du pape Léon XIII, et même le camarade de collège
de Joachim Pecci. Mais par-dessus tout ce bon chanoine est
le rival résigné de son Pontife souverain dont il eut, au
Jeune temps, les confidences qu'il n'a pas pu échanger, plus
tard, contre autre chose qu'une stalle à la collégiale de X....
Là, Léon XIII semble l'avoir oublié. Mgr M..., lui, ne l'y ou-
blie pas. Quand on veut des renseignements sur son pape,
;. ...^-^ ''^'-■
([rii|l"^|H;ïia
-1'.^ -c
>^ic.
^"î- '■».'■-"'- ~'^'*'* '-^»
Carpinclo. — La musique municipale.
on n'a qu'à aller les prendre chez ce Nestor dévot que l'amitié
de son Oreste change en afiectueux Pylade, chaque jour,
avant ou après ses heures canoniales, — et même celles-ci
durant. Pouvais-je, quoi que valût la déposition d'un témoin
aussi aigri que vieilli, m'empêcher de la consigner dans ce
livre de simples notes, dont les plus impartiales seulement
serviront à l'histoire définitive que Léon XIII, trop élevé
au-dessus des indiscrétions de la chronique souvent men-
teuse et toujours bavarde, attend en paix de ses vrais juges
qui ne seront pas tous, peut-être, des chanoines.
2
M
^1'
r
.^--.:.
16 INTIIODICTION.
Ma n a lu sole
ce h i il bello, ohi ne\
'o so/e mio
sla nfronle a le !
Du soleil, des chansons, des gui (ares et peul-èlre des
(onliebandiers : et voilà tout ee qui restait à Bénévent,
du temps oîi Mj'r Peeci en administra la préfeelure. Je
n'avais plus qu'à repartir. Et j'allai, du pas languissant
(Tun chasseur qui leviendrail hred(uiille, prendre l'express
de Rome pour essayer d'aller chercher ])lus heureusement,
dans la ville des papes, des documents vécus par l'un d'entre
eux.
11
Au fond de la Cdito-
niai de Sainte-Marie Ma-
jeure, vil un vieux petit
chanoine, tout londelet et
tout confit, qui peut bien
être le doyen de son cha-
pitre par l'âge, mais qui
est à coup sur la plus
mauvaise langue des col-
légiales de Rome. Ce Nestor des te chapitres » qui n'en
finissent pas de clabauder dès que le « chœur » a com-
mencé de chanter pouilles, s'appelle.... Mettons qu'il s'ap-
pelle Meluccia. Aussi bien, son nom est un humoristique
diminutif de la langue italienne; il équivaudrait en frant;ais
à ce petite citrouille ».
Le vieux petit monsignor M... n'en est pas moins contem-
Un biroccio péiousieii.
/J
INfHODLCTION.
17
poraiu du pa|»e Léon XIII, et même le camarade de collège
de Joachim IVcci. Mais par-dessus tout ce bon chanoine est
le rival résigné de son Pontife souverain dont il eut, au
jeune temps, les confidences qu'il n'a pas pu échanger, plus
tard, contre autre chose qu'une stalle à la cidIégialedeX....
Là, Léon Xlll sendde l'avoir oublié. Mgr M..., lui, ne l'y ou-
blie pas. Quand on veut des renseignements sur son pape.
Carpinclo. — I,a niusi<[iic muniiipale.
on n'a qu'à aller les prendre chez ce Nestor dévot que l'amitié
de son Oreste change en affectueux Pylade, chaque jour,
avant ou après ses heures canoniales, — et même celles-ci
durant. Pouvais-je, quoi que valut la déposition d'un témoin
aussi aigri ([ue vieilli, m'empécher de la consigner dans ce
livre de simples notes, dont les plus imj)artiales seulement
serviront à l'histoire définitive que Léon XIII, trop élevé
au-dessus des indiscrétions de la chronique souvent men-
teuse et toujours bavarde, attend en paix de ses vrais juges
(jui ne seront pas tous, peut-être, des chanoines.
2
I
m
! I ,
18
LNTRODLCTION.
— Et d'abord, pour avoir sauté à pieds joints, dans
votre Jeunesse de Léon XIII, la période du Collège Romain
où Joachim Pecci entra après la mort de sa mère, il ne faut
pas vous imaginer que ses condisciples oublient, aussi faci-
lement que son complaisant historiographe, les premiers
épisodes de la vie d'un futur pape. Pour ma part, je me
rappelle encore les notes que nous obtenions, de concerl,
en rhétorique. Quatre prix y étaient décernés : le premier,
pour le discours latin ; le second, pour la versification
latine; le troisième, pour la langue grecque ; le quatrième
enfin, pour la langue italienne. La lecture officielle du
palmarès annonçait les vainqueurs, sous trois rubriques
différentes. D'abord, tulerunt prxmium, pour les deux prix
accordés à chacune des quatre branches de l'enseignement.
Ensuite, laudati verbis amplissimis, pour les huit ou dix
lauréats de ces premiers âccessils, — et Pecci les obtenait
souvent. Enfin simplement laudati, pour les simples acces-
sits que je n'ai pas honte d'avoir aussi remportés, à mon
tour. Il y avait d'autres notes que le palmarès ne consignait
pas et que nous ne nous faisions pas défaut de relever. Pour
sa présence régulière et son application aux devoirs de
classe, le jeune Joachim Pecci était ordinairement gratifié
de la note mediocris in assiduitate. Je ne prends pas la
peine de vous traduire cela, du latin.
— Mais les années venaient, et la régularité avec elles,
sans doute?
— Oui, et vous retrouvez le jeune Pecci en théologie
dogmatique, sous le professorat du célèbre Père Perrone, avec
un autre camarade d'université qui fut depuis le cardinal
Ferrieri. Cette Éminence, qui connaissait de longue date la
nature noblement ambitieuse de son émule, disait de lui
au dernier Conclave, dans un italien que je ne vous tra-
i<.. .
INTRODUCTION.
19
duirai pas davantage : « L'ebbi compagno in argomentazione
elofecl crepare per rorgogliol II faut aussi que vous
sachiez que le nom de chaque lauréat du Collège Romain
était accompagné au palmarès, si le sujet en possédait, des
titres de noblesse résumés, d'ordinaire, par ce seul mot :
eques. Et c'est parce que celui de Pecci n'en fut gratifié que
Carpineto. — La place de la Mairie.
bien plus tard, qu'à chaque fois qu'il entendait prononcer
cet eques pour d'autres que pour lui, il ne pouvait refréner
son envie.
— Pourtant Joachim Pecci, de Carpineto, était noble?
— Oui, il le fut, d'Anagni et non Carpineto. Et cela,
grâce à une des « douze étoiles » de cette ville, un certain
Gigli qui fit inscrire, d'abord comme citoyen et ensuite
comme noble, son protégé désireux d'entrer à l'Académie
ecclésiastique de Rome. N'avez-vous pas fait connaître, avec
1
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,
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18
IMKODICTION.
— Et d'abord, pour avoir sauté à pieds joiiils, dans
votre Jeune^iie de Léon XIH. la période du Collè^^e Romain
où Joachim Pecci entra après la mort de sa mèie, il ne faut
pas vous imaginer que ses condisciples oublient, aussi faci-
lement (pie son complaisant bistoriograpbe, les premiers
épisodes de la vie irun futur pa[)c. Pour ma part, je me
rappelle encore les notes que nous (ibtenions, de concert,
en rhétorique. Quatre prix y étaient décernés : le premier,
pour le discours latin ; le secoml, pour la versification
latine; le troisième, pour la langue grecque ; le (piatrième
enlin, pour la langue italienne. La lecture ofllcielle du
palmarès annonçait les vainqueurs, sous trois rubriques
différentes. D*abord, tahvmd prxmium, pour les deu\ prix
accordés à chacune des quatre branches de renseignement.
Ensuite, huidati verbh amplissimis, pour les huit ou dix
lauréats de ces premiers «rmss/'/.v, — et Pecci les obtenail
souvent. Enfin simplement laudati, pour les simples acces-
sits que je n'ai pas honte d'avoir aussi remjjortés, à mon
tour. H y avait d'autres notes que le palmarès ne consignait
pas et ([ue nous \w nous faisions pas défaut de relever. Pour
sa présence régulière et son application aux devoirs de
classe, le jeune Joachim Pecci était ordinairement gratifié
de la note mediocrk in assidnitale. Je ne prends pas la
peine de vous traduire cela, du latin.
— Mais les années venaient, et la régularité avec elles,
sans doute?
— Oui, et vous retrouvez le jeune Pecci en théologie
dogmatique, sous le professorat du célèbre PèrePerrone, avec
un autre camarade d'université (jui fut depuis le cardinal
Ferrieri. Cette Éminence, qui connaissait de longue date la
nature noblement ambitieuse de son émule, disait de lui
au dernier Conclave, dans un italien que je ne vous tra-
(
INTRODlCTtON.
19
(luirai pas davantage : « Uebbi compagno in argomentazione
e lu feci creparc per ronjoglio! 11 faut aussi que vous
sachiez que le nom de chaque lauréat du Colli'ue Piomain
était accompagné au palmarès, si le sujet en possédait, des
titres de noblesse résumés, d'ordinaire, i)ar ce seul mot :
eques. Et c'est parce que celui de Pecci n'en fut gratifié (jue
r.arpinelo. — La place de la Mairie.
bien plus tard, (ju'à chaque fois qu'il entendait prononcer
cet eques pour d'autres que poui' lui, il ne pouvait refréner
son envie.
— Pourtant Joachim Pecci, de Carpineto, était noble?
— Oui, il le fut, d'Anagni et non Carpineto. Et cela,
grâce à une des « douze étoiles » de cette ville, un certain
Gigli qui fit inscrire, d'abord comme citoyen et ensuite
comme noble, son protégé désireux d'entrer à l'Académie
ecclésiastique de Rome. N'avez-vous pas fait connaître, avec
11
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Sï*^.
20
INTRODUCTION.
INTRODICTION.
21
VÉpislolaire de Joachim Pecci, les nombreuses recherches
de votre héros à travers les archives des anliijues Pecci de
Sienne, afin d*y ramifier ceux de Carplneto? Finalement,
Tadoplion vint d'Anagni ; et vous avez aussi publié ce billet
de félicitations, ironiques peut-être : « Vous voilà compris
a au nombre des étoiles du firmament d'Anagni. Nous,
« pauvres insectes, nous bénéficierons de vos effluves.
« Carpineto devient une planète illuminée par vos rayons. »
Ainsi annobli, en juin 1852, il entra, en novembre de la
même année à TAcadémie Noble. Je Ty vis arriver d'un
meilleur œil que le recteur Mgr Sinibaldi qui, lui ayant
refusé déjà l'admission comme il appert des archives du
collège, disait à qui voulait l'entendre qu il voyait Pecci,
corne il fumo agi' occhi I
— Et cela veut dire, en bon français?
— Mettez que cela veuille dire que Mgr Sinibaldi voyait
Pecci d'un bon œil. Et même l'hostilité des élèves pour un
camarade de nature hautaine peut-être, mais plein de saintes
vertus qu'une désinvolture très diplomatique caractérisait
particulièrement, fut cause que je me rapprochai de l'abbé
Pecci. Ce mariage d'amitié n'alla pas, d'abord, sans rai-
sons. Aux vacances, il m'invitait chez lui et je l'invitais
chez moi. Je me rappelle encore ces villégiatures à Carpi-
neto et notre seul divertissement du soir, quand les porcs
noirs quittaient les pâturages de la montagne pour revenir,
par bandes folles, chacun chez soi, dans le village oii gens et
bêtes dormaient ensemble. Nous faisions bien aussi la
chasse au roccolo, où venaient se prendre les oiseaux de
passage. Pour le tordo et la lèpre, nous avions un fusil à
deux, — et même un fusil à pierre. Ce ne fut que plus tard
que Tabbé se fit acheter, au prix de quelques écus pénible-
ment arrachés de la bourse paternelle, un fusil à capsule :
Il faut qui) je vous fasse part au plus vite d'un projet,
écrivait-il à son frère Titta, le 5 juillet 1831, dans une
lettre que vous avez aussi insérée dans son Épistolaire,
Mgr Lunghi, mon ami coume vous savez, veut se défaire
d'un fusil à c:ipsule. Ce t une belle, une très belle pièce.
Carpineto. — Giussans au travail.
dont il ne se servira plus, puisqu'il a fait acquisition d'un
fusil à deux coups. Je m'en suis épris, outre mesure, —
pardonnez cet excès à un chasseur tel que moi ; et mon
engouement s'excuse d'autant mieux, qu'ayant demandé
à mon ami son prix, il m'a répondu qu'il était disposé à
me céder ce fusil pour huit ou neuf écus, quand il l'a payé
seize. Que faire? En parler à papa ? Ce serait l'ennuyer,
et ma pensée s'y refuse. Cherchez donc vous-même le
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INTRODUCTION.
INTIiODI CTION.
21
VÉpislohtire de Joachim Pecci, les nombreuses recherches
de voire héros à travers les aichives des aiilitiues Pecci de
Sienne, afin d\ ramifier ceux de Carplnelo? Finalement,
l'adoption vint d'Anagni; et vous avez aussi publié ce billet
de félicilations, ironiques peul-élre : ^ Vous voilà compris
« au nombre des éloilea du lirmamenl d'Anagni. Nous,
« pauvres insectes, nous bénéficierons de vos effluves.
« Carpineto devient une planète illuminée par vos rayons. »
Ainsi annobli, en juin ISo^J, il entra, en novembre de la
même année à l'Académie Noble. Je Tj vis arriver d'un
meilleur œil ([ue le recteur Mgr Sinibaldi qui, lui ayant
refusé déjà l'admission comme il appert des archives du
collège, disait à qui voulait Tentendre qu'il voyait Pecci,
corne il fnmo agl^ occhi I
— Et cela veut dire, en bon français?
— Mettez que cela veuille dire (|ue Mgr Sinihaldi voyait
Pecci d'un bon œil. Et même l'hostilité des élèves pour un
camarade de nature hautaine peut-être, maisplein de saintes
vertus qu'une désinvolture très diplomatiiiue caractérisait
particulièrement, fut cause (|ue je me rapprochai de Tabbé
Pecci. Ce mariage d'amitié n'alla pas, d'abord, san^ rai-
sons. Aux vacances, il m'invitait chez lui et je l'invitais
chez moi. Je me rappelle encore ces villégiatures à Carpi-
neto et noire seul divertissement du soir, ([uand les porcs
noirs quittaient les pâturages de la montagne pour revenir,
par bandes folles, chacun chez soi, dans le village où gens et
bètes dormaient ensemble. Nous faisions bien aussi la
chasse au roccolo, où venaient se prendre les oiseaux de
passage. Pour le tordo et la lèpre, nous avions un fusil à
deux, — et même un fusil à pierre. Ce ne fut que plus tard
que l'abbé se fit acheter, au prix de quelques écus f>énible-
ment arrachés de la bourse paternelle, un fusil à capsule :
« II faut qui3 je vous fasse part au i)lus vite d'un projet,
« écrivait-il à son frère Titta, le 5 juillet 1851, dans une
<< lettre que vous avez aussi insérée dans son Épistolaire.
«c Mgr Lunghi, m(m ami co:nme vous savez, veut se défaire
«c d'un fusil à c:ipsule. Ce t une belle, une très belle pièce.
Cîirpiiioto. — GIii<:sans au travail.
dont il ne se servira plus, puisqu'il a (ait acquisition d'un
fusil à deux coups. Je m'en suis épris, outre mesure, —
pardonnez cet excès à un chasseur tel que moi ; et mon
engouement s'excuse d'autant mieux, qu'ayant demandé
à mon ami son prix, il m'a répondu qu'il était disposé à
me céder ce fusil pour huit ou neuf écus, quand il l'a payé
seize. Que faiie? En parler à papa? Ce serait l'ennuyer,
et ma pensée s'y refuse. Cherchez donc vous-même le
.)mipiiif mip j,inyw »ini I II L. m II i^ijiJ.iii ■"tii
32
INTROniCTION.
INTRODUCTION.
23
<( moyen de me faiiv profiler de cette bonne aiïaire. » El
c'était encore ce Joacliim insatiable qui brûlait sous mon
nez, — lui, toujours lui, — capsule et politesse. De ces
parties de chasse et de ces villégiatures paysannes, nous
revenions à Rome. A la ville, Pecci se prenait soudain d'une
telle dignité qu'elle gênait ses plus intimes amis, — s'il en
eut jamais. Un jour, nous cheminions ensemble quand il
m'arriva de saluer, dans la rue, une humble personne que
je venais de reconnaître. Mais quelle ne fut pas ma surprise
de m'entendre sèchement rappeler à une tenue plus décenle
par Pecci (|ui, sur un ton de mépris souverain, se contenta
de me dire sans se retourner : « Contegno!,,, contrgnol »
— Et, après TAcadémie des Nobles, vous vous séparâtes
peut-être?
— Je fus ponent ou expéditionnaire, comme lui, au
Buon Governo, notre Ministère de Tlnlérieur. Cela revient
à dire que nous n'étions encore, Pecci et votre serviteur,
que de bien obscurs pelils clercs autour de nos illustres
maîtres les cardinaux, dont on obtenait difficilement les
protections éminentes. Pecci avait mis tout son avenir dans
l'élection cardinalice de son patron, Mgr Nicolai, dont on
annonça dans Rome la prochaine création en même temps
que la maladie grave qui devait l'emporter, quelques mois
plus tard : « Ce serait une vraie disgrâce, écrivait Joachim
« à son père, le 1 4 janvier 1835, si, — ce qu'à Dieu ne
« plaise ! — notre protecteur succombait ; disgrâce pour la
ce famille, disgrâce pour moi surtout, eu égard à ma jeu-
c( nesse, au milieu où je vis et à la carrière que j'em-
(c brasse. >> Plus heureux que mon camarade j'avais obtenu,
pour moi, la protection du cardinal Polidori. Pecci donc,
dépourvu de protecteur après la mort de Mgr Nicolai,
arrivée le 14 janvier 1835 aux termes de la lettre qu'il
i
écrivait à celte date, me témoigna le grand désir d'être
présenté au cardinal Pacca. Hiérarchiquement, cette présen-
tation eût dû être faite par Mgr Sinibaldi, président de
l'Académie Noble dont le cardinal Pacca était le protecteur
en titre. Mais je connaissais l'aversion du président pour
son ancien pensionnaire qu'il ne pouvait pas voir sans un
Carpinclo. — La procession des Rogations.
peu de fumée dans les yeux, corne fumo agli ocohi. J'im-
plorai donc cette faveur auprès de mon prolecteur personnel,
le cardinal Polidori, qui me permit d'amener Pecci au palais
Lante dont l'Éminence occupait le deuxième étage pour ses
visiteurs, non pour lui-même; car le saint homme, ancien
capucin, revêtait, le soir venu, sa vieille bure de moine et
allait dormir dans une soupente du palazzo où on finit,
d'ailleurs, par le trouver mort. L'impression que lui fit ce
jeune homme, maladif et menacé de phtisie trachéale, fut
satisfaisante ; et, sur la recommandation du cardinal Poli-
I
jSS"d£..^- «ï
22
l.NTROni CTION.
IMRODLCTIOiN.
23
f( moyen de me faire luolller de eelle bonne affaire. *> El
eV'Iait eneore ee Joacliini insatiable qui l)riilail sous mon
nez, — lui, loujouis lui, — capsule et politesse. De ces
parties de chasse et de ces villégiatures paysannes, nous
revenions à [lome. A la ville, i*ecci se prenait soudain d'une
telle dignité ([u'elle gênait ses plus intimes amis, — s*il en
eut jamais. Un jour, nous cheminions ensemble quand il
m'arriva de saluer, dans la rue, une humble personne que
je venais de reconnaître. Mais quidle ne Tut pas ma surpi'ise
de m'enlendre sèchement rappelcià une tenue plus décente
par Pecci cpii, sur un ton de mépris souverain, se contenta
de me dire sans se relournei* : ce (^untcf/no !,.. contrgnol >>
— El, api'ès l'Académie des N<djles, vous vous séparâtes
peut-être?
— Je lus jKincnl ou expéditionnaire, comme lui, au
Bmii (lOVcriH), iiolre Ministère de l'Intérieur. Cela revient
à diie (|ue nous n'étions encoie, Pecci et votre serviteur,
que de bien obscuis petits clerc< aul(Mir de nos illustres
maîtres les cardinaux, dont on (détenait dilTicilement les
protections éminentes. Pecci avait mis tout s(ui avenii' daiis
Téleclion cardinalice de son patron, Mgr Nicolai, dont on
annonça dans Home la prochaine création en même temps
que la maladie giave (|ui devait l'emporter, (|uebiues mois
plus lard : « Ce serait une viaie disgrâce, écrivait Joachim
t( à son père, le li janvier ISe")»"), si, — ce qu'à Dieu ne
« plaise! — notre ])rolecteui' succombait : disgi'àce pour la
fc l'amille, disgrâce pour moi surtout, eu égard à ma jeu-
« nesse, au milieu où je vis et à la carrière que j'em-
« brasse. >> IMus heuieux que mon camarade j'avais obtenu,
pour moi, la protection du cardinal Polidoii. Pecci donc,
dépourvu de [)rotecteur apiès la mort de Mgr Nicolai,
ari'ivée le li janviiM* 1855 aux termes de la lettre (pi'il
!
écrivait à cette date, me témoigna le grand désir d'être
présenté au cardinal Paeca. Hiérarchiquement, cette présen-
tation eût dû être ftiite par Mgr Sinibaldi, président de
EAcadémie Noble dont le cardinal Pacca était le protecteur
en titre. Mais je connaissais l'aversion du pré'-ident pour
son ancien pensionnaire i\\\\\ ne pouvait pas voir sans un
Carpinolo. — L;i procession dos lîoïjilinns.
peu de fumée dans les yeux, corne fumo (kjU ocold. J'im-
|)lorai donccette faveurauprès de mon protecteur personnel,
le cardinal Polidori, (|ui me permit d'amener Pecci au palais
Lan te dont l'Eminence occupait le deuxième étage pour ses
visiteurs, non pour lui-même; car le saint homme, ancien
capucin, revêtait, le soir venu, sa vieille bure de moine et
allait dormir dans une soupente du paJazzo où on finit,
(failleurs, par le trouver mort. I/impression que lui fit ce
jeune homme, maladif et menacé de phtisie trachéale, fut
satisfaisante; et, sur la recommandation du cardinal Poli-
'mm>'
;imSS
mmmm^m
i\
INTRODUCTION.
INTRODUCTION.
25
dori, le cardinal Pacca admit Peeci au nombre de ses créa-
tures. Et devineriez-vous la cause de l'intérêt que ces deux
Éminences portèrent à Joachim Pecci?
— Qui sait?
— Sa petite fortune familiale, autant que son mauvais
état de santé. Je vous ai déjà dit que Pecci semblait souffrir
de la poitrine*. En outre, son bien patrimonial ne consistait
qu'en quelques affermages que sa famille de Carpinelo
tenait des Aldobrandini. Autant de raisons qui nous atta-
chaient à lui et lui firent trouver, chez nos seigneurs, la
proleclion qu'il désirait : « Pour ne pas multiplier inutile-
ce ment mes lettres, écrivait-il a son frère Charles, le 8 fé-
« vrier 1857, j*ai prié bien des fois Jean-Baptiste de vous
(t communiquer celles que je lui ai adressées, au cours de
« ces deux derniers mois, au sujet de la détermination que
i. On connaît le texte du testament que Joachim Pecci rédigea le 14 sept.
1857 et que nous avons inséré, à cette date, dans lepistolairc de ht Jeunesse
de Léon XUl (\^. 457-458).
Vers cette époque, Joachim Pecci écrivait aussi, sur le mauvais état de sa
santé, in veletadine sua, des vers latins dont voici la traduction littérale :
« Adolescent de la vingtième année, Joachim, c'est à peine si tu croîs en âge,
— et voilà, malheureux, que tu succombes sous le nombre des maladies! —
Peut-être au triste récit de tes douleurs trouveras-tu quelque consolation, —
et aimeras-tu dire en vers les misères de la vie? — L'insomnie te torture,
el tes membres lassés trouvent tard le repos; — tes forces diminuent, aucune
nourriture ne peut plus soutenir — ton estomac alangui; tes yeux faiblissent à
la lumière — qui baisse, et la douleur te frappe souvent à la tète.—- La fièvre,
tantôt glacée, se repaît misérablement — de tes membres et, tantôt brûlante,
les torture. — Déjà la maigreur pâlit ton visage, déjà ta poitrine est haletante,
— et, par tout le corps, tu défailles d'alanguis^ement. — Quel fol espoir t'illu-
sionne encore, quelles longues années encore espères- tu?— A tropos te pusse sm-
l'horrible chemin de la mort o. — Alors moi : « La peur ne me fera pas trem-
bler et la mort, — puisqu'elle approche, je la recevrai, ferme et joyeux. —
Les plaisirs d'une existence passagère me sont sans charme; —aspirant à l'éter-
nité, rien de ce qui passe ne me séduit.— En abordant à sa patrie, le voyageur
sera heureux; heureux — sera le nautonier s'il peut conduire au port sa
barque. »
« j'ai prise de concert avec lui et sur laquelle j'aurais aussi
« voulu avoir votre opinion, d'entrer, cette année même,
« dans la carrière de la prélature. J'espère qu'il Taura
« fait. J'énumérais dans ces lettres toutes les raisons de
« bon sens et d'opportunité qui me déterminaient à faire
« ce pas. Je ne doute pas que vous, dans votre jugement et
Carpincto. — Suite de la procession des Rogations.
<c dans votre ardent désir de voir se maintenir le lustre de
« notre famille, vous ne soyez pleinement satisfait de ma
« résolution. En outre, c'était un pas à faire, si nous ne
« voulions pas voir se perdre le fruit dé cinq années d'Aca-
« demie Noble. Grâce aux protections puissantes que ma
« conduite et mes études m'ont procurées auprès de S. E.
« I^acca et d'autres cardinaux. Sa Sainteté, le 6 courant,
« anniversaire de son couronnement, a daigné, dans sa
« clémence, me compter au nombre de ses prélats domes-
« tiques et m'a accordé la mantelletta de faveur. Oh! si
4
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21
IMUODICTION.
INTRODUCTION.
25
(lori, le cardinal Pacea admit IViri au noinluc de ses créa-
tures. Et devineriez-vous la cause de l'inléivl ([uc ces deux
Eminences portèrent à Joachini Pecci?
— Oui sait?
— Sa petite foiiune familiale, autant (|ue son mauvais
état de santé. Je vous ai déjà dit (|ue IVcci semblait souiïiir
de la poitrine\ En outre, son bien patrimonial ne consistait
qu'en quelcpio affeimages que sa famille de Carpineto
tenait des Aldobrandini. Autant de raisons qui nous atta-
chaient à lui et lui lirent trouver, chez nos seiiiiieurs, la
protection qu'il désirait : ce Pour ne pas multiplier inutile-
ce ment mes lettres, écrivait-il à son frère Charles, le 8 fê-
te vrier 1857, j'ai prié bien des fois Jean-Baptiste de vous
u communi(juer celles que je lui ai adressées, au cours de
(c ces deux derniers mois, au sujet de la détermination que
1. On ioim:iîl |.« U'xlt' (In t»»sl;imt'nt que Jo;uliiin Pucci rédigo;i !«• li so|»l.
i857 et i\\w nous avons ins«''iv, à celle liale, dans réjMstoIaiie de la Jeunesse
de Léon XIII (|). 4ô7-i:»8).
Vois celle é|MM|u«\ Joachiin Pecci éciivail aussi, sur le mauvais élal de sa
sanlé, in vcleladine sua, des vers latins dont voici la traductiou littérale :
« Adolescent de la vingliènie année, Joacliini, c'est à peine si lu croîs en âge.
— et voili, nialheureu\, ([ue lu succoniltes sims le nonilue de> maladies! —
Peut-être au triste récit de tes douleurs Irouveras-tu quelque eonxdalion, —
et aimeras-tu dire en vers les misères de ta vie? — L'insomnie te torture,
et tes membres lassés trouvent tard le repos: — tes forces diminuent, aucune
nourriture ne peut plus soutenir — ton estomac alanirui : tes yeux t'aihlissent à
la lumière — qui baisse, et la douleur te frappe souvent à la tète. — La fièvre,
tantôt glacée, se repaît misérablement — de tes membres et, tantôt luûlantt',
les torture. — Déjà la maigreur pàlil ton visage, déjà ta poitrine est balelanle,
— et, par tout le corp^, lu défailles d'alanguis^emenl. — Ouel fol espoir t'illu-
sionne encore, quelles longues années encore espL-res-tu?— Alr.>po> le pousse sur
l'borriblecbeminde la mort ». — Alors moi : (( La peur ne me fera pas trem-
bler et la mort, — puisqu'elle a|»proelie, je la receviai, ferme et joveux. —
Les plaisirs d'ime existence passagère me sont sans cbarmi'; —aspirant à l'é-ter-
nité, rien de ce qui passe ne me séduit.— En abordant à sa patrie, le vovageur
sera heureux; heureux — sera le nautonier s'il peut conduire au port sa
baïque. ))
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I
•« j'ai prise de concert avec lui et sur la(pielle j'aurais aussi
« voulu avoir voire opinion, d'enti^er, celte année même,
" dans la carrière de la prélature. J'espère qu'il l'aiii^a
« fait. J'énumérais dans ces lettres toutes les raisons de
« l)on sens et d'opportunité qui me déterminaient à faire
« ce pas. Je ne doute pas que vous, dans votre jugement et
Carpiiiolo. — Suilo de la procession des liogalions.
« dans votre ardent désir de voir se maintenir le lustre de
c< notre famille, vous ne soyez pleinement satisfait de ma
« résolution. En outre, c'était un pas à faire, si nous ne
« voulions pas voir se perdre le fruit de cinq années d'Aca-
« demie Noble. Grâce aux protections puissantes que ma
« conduite et mes études m'ont procurées auprès de S. E.
« Pacca et d'autres cardinaux. Sa Sainteté, le 6 coui\anl,
« anniversaire de son couronnement, a daigné, dans sa
« clémence, me compter au nombre de ses prélats domes-
<* tiques et m'a accordé la mantelletta de faveur. Oh! si
T\
' '•-*vj^>fc^#'*%. 1*1...
26
INURODUCTION.
INTRODUCTION.
27
<c papa était vivant, combien cette nouvelle le réjouirait!
u comme elle lui ferait plaisir!... Mais laissons cette pensée
« trop triste et trop amère. Ainsi donc, grâce à une si sou-
cc veraine faveur, me voici dans une voie nouvelle où je
« chercherai, de toutes mes forces, 5 répondre aux désirs
« et aux vœux de la famille en m'emplojant à tout ce qui
<( peut lui valoir quelque gloire. » La porte ainsi ouverte,
notre fin Pecci n'avait plus qu'à filer,, menu et insinuant
comme il était, entre les mailles difficiles de la trame vati-
cane; telle une aiguille d'acier dont ce froid garçon vous
donnait l'impression, au seul contact de sa main froide qu'il
laissait peu dans la vôtre.
— Contegnol., contegnol vous savez bien. De chez le
cardinal Pacca, il ne mit que quelques mois à passer chez
le cardinal Sala, préfet de la Congrégation des Évèques et
Réguliers, dont il fut l'auditeur. Sa lettre, du 3 juil-
let 1837, au frère Charles en fait foi : « Avec la sincérité
« dont j'ai l'habitude d'user en mes affaires, principalement
« à l'égard des parents, je peux vous certifier que depuis le
« jour où, pour répondre aux désirs de papa, je suis entré
« dans la carrière que je poursuis, je n'ai eu qu'un but :
<c employer toutes mes forces et user d'une conduite
« louable pour avancer dans les postes hiérarchiques de la
« prélature et pour que notre famille, profitant de ce lustre
« et de ce crédit qui. Dieu merci! ne lui a pas manqué
« jusqu'à cette heure, accroisse sa juste réputation dans le
« pays. En atteignant ce but, je crois que j'auiai pleine-
« ment répondu aux intentions de papa; et celles-ci font
« loi, pour moi, à tel point que je me ferai scrupule de n'y
<< jamais contrevenir de ma vie. Jeune, comme je suis, je ne
« peux manquer de parcourir celte carrière, de façon à
« honorer ma famille, si j'ai une conduite irréprochable
« et si les protecteurs ne me font pas défaut : deux choses
« indispensables à Rome, comme vous savez, pour avancer
ce sûrement et rapidement. D'autre part, quoique ne comp-
c< tant encore que cinq mois de prélature, j'ai déjà gravi
« le premier échelon. Vous serez peut-être bien aise d'ap-
ex prendre que le cardinal Sala m'a pris résolument sous
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Carpincto. — Un reposoir de Fêle-Dieu.
sa protection. Vous aurez aussi plaisir à savoir que je
jouis de quelque crédit, assurément non mérité, auprès
des deux Secrétaires d'État. Le Souverain Pontife, lui-
même, me regarde d'un bon œil. J'ai pu m'en convaincre,
hier encore, pendant l'audience où, étant allé prier Sa
Sainteté de daigner agréer mes sentiments de reconnais-
sance, je fus accueilli par Elle avec une bonté et une
condescendance toutes particulières, w Voilà doncMgr Pecci
dans les honneurs, avant que d'être dans le sacerdoce qu'il
ne reçut qu'après la prélature, — et les trois ordres du sous-
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« papa ('lait vivant, comlMcn cette nouvelle le i^:»] oui rail!
« comme elle lui ferait plaisir!... Mais laissons cette pensée
« trop tiiste et trop amère. Ainsi donc, grâce à une si sou-
« veraine faveur, me voici clans une voie nouvelle où je
« chercherai, de toutes mes forces, à répondre aux désirs
et aux vœux de la ftimille en m'employanl à tout ce (|ui
peut lui valoir quelque gloire. )> La porte ainsi ouverte,
notre lin Pecci n'avait plus (piVi liler, menu et insinuant
comme il était, entre les mailles difliciles de la tranu' vati-
cîme; telle une aiguille d'acier dont ce froid ^arron vcms
d(»nnait TimpressiiMi, au seul contact de sa main froide qu'il
laissait peu dans la vôtre.
— Conleij)w!.. contccjnol vous savez bien. De chez le
cardinal Pacca, il ne mit que quelques mois à passer chez
le cardinal Sala, préfet de la Congrégation des Évéques et
Réguliers, doiit il fut l'auditeur. 8a lettre, du 3 juil-
let 1857, au frère Charles en fait foi : « Avec la sincérité
« dont j'ai l'hahifude d'user en mes affaires, principalement
à l'égard des parents, je peux vous cerliliei' (pie depuis le
jour où, pour répondre aux désirs de papa, je suis entré
dans la carrière que je poursuis, je n'ai eu (pCun but :
emj)loyer toutes mes forces et user d'une conduite
louable pour avancer dans les postes hiérarchiques de la
« prélalure et pour que noire famille, profilant de ce lustre
et de ce crédit qui. Dieu merci! ne lui a pas manqué
jusqu'à cette heure, accroisse sa juste réputation dans le
pays. En atteignant ce but, je crois que j'aurai pleine-
<^ ment répondu aux intentions de papa; et celles-ci font
<^ loi, j)our moi, à tel point que je me ferai scrupule de n'y
<^ jamais contrevenir de ma vie. Jeune, comme je suis, je ne
peux manquer de parcourir celte carrière, de façon à
honorer ma famille, si j'ai une conduite irréprochable
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<c el si les protecteurs ne me font pas défaut : deux choses
« indispensables à Rome, comme vous savez, pour avancer
K sûrement et ra[>i(lemeiit. D'autre part, (juoique ne comp-
te tant encore (pie cin(| mois de prélalure, j'ai iU\\h gravi
« le premier échelon. Vous seivz peul-clre bien aise d'ap-
ex prendre que le cardinal Sala m'a pris résolument sous
Carpinclo. — Vu rcposoir de lète-nicu.
(■ sa protection. Vous aurez aussi plaisir à savoir que je
jouis d(.' (piehjue crédit, assurément non mérité, auprès
des deux Secrétaires d'Étal. Le Souverain Pontife, lui-
même, me regarde d'un bon o^il. J'ai pu m'en convaincre,
« hier encore, pendant l'audience où, étant allé prier Sa
Sainteté de daigner aiiiéer mes sentiments de reconnais-
( sauce, je fus accueilli i)ar Elle avec une bouté el une
condescendance toutes particulières. » Voilà doncMgrPecci
dans les honneurs, avant que d'être dans le sacerdoce qu'il
ne n^çut qu'après la prélalure, — et les trois ordres du sous-
((
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-*•-"- -
i8
INTRODUCTION.
INTRODUCTION.
29
diaconat, du diaconat et de la prêtrise, en la même dernière
quinzaine de décembre 1857. Vers cette époque se place un
incident que je vous demande encore la permission de
raconter.
— Je vous en prie, Monseigneur ou Monsieur le Chanoine !
— Oh ! simplement Meluccia, comme ci-devant. Meluccia,
tout court, comme qui dirait « petite citrouille ». Car, en
vérité, je ne fus jamais bon à Pecci que pour la tigelle qui
pouvait l'entraîner, comme dans Thistoire du porreau de
la mère de saint Pierre. Vous ne connaissez pas Thistoire
du porreau de la mère de saint Pierre, ou plutôt du porreau
de Pecci. Je vous la raconterai aussi. Mais, d'abord, Tinci-
dent de Spolète.
« A Spolète donc, en 1837, un prêtre avait été condamné
à mort, pour homicîide présomptif. Selon son droit, le mal-
heureux en appela à la Congrégation que présidait le car-
dinal Sala et qui servait de Cour d'appel aux ecclésiastiques,
sous la législation de l'État pontifical. Pecci, à litre d'audi-
teur du préfet de ce tribunal, fut appelé à étudier l'adaire
et à émettre un vote motivé. Ne se sentant pas grand clerc
au criminel, il me confia le soin d'étudier pour lui ce dossier
et de rédiger son vote. Pendant l'étude de cette affaire, j'eus
l'occasion de rendre visite au cardinal Polidori, à qui j'ex-
posai la cause, non sans me défendre d'avancer que le
prêtre serait absous. — « Ah! jeunesse! exclama le car-
dinal, que te voilà bien, avec tes théories modernes!
— Modernes, répondis-je, autant que le Code de Justi-
nien, qui dit : Ad probanda acta ». L'affaire vint à son jour
et le vote motivé du cardinal Sala fut admis, sans discus-
sion. L'Eminence complimenta, de ce résultat, son auditeur
Pecci qui en attribua franchement le mérite à son ami M....
Incontinent, le cardinal Sala voulut me connaître. Pecci
me présenta au Préfet de sa Congrégation; et ce fut tout le
bénéfice que me procura cette affaire. Car le cardinal Poli-
lori, furieux dans son intransigeance, de cette conclusion
jui relâchait la sévérité traditionnelle de la Cour romaine,
ne manqua pas de m'en faire de vifs reproches : « Ah!
Meluccia I. . . Meluccia I, . . {meluccia veut dire petite citrouille,
comme vous savez), tu viens m'insulter chez moi et tu vas
gagner ton procès au tribunal! »
— Et le porreau de la mère de saint Pierre?...
— Vous allez voir encore comme il se rattache à celui de
Pecci. Une vieille légende raconte que, lorsque la mère de
saint Pierre mourut, elle fut condamnée à l'enfer. Saint Pierre
intercéda pour elle, et le bon Dieu répondit que si cette femme
pouvait témoigner d'une seule bonne action dans sa vie, elle
serait absoute. Alors Tange gardien de celle-ci se leva et dit :
« Un jour que. cette femme lavait des porreaux à la rivière, le
courant en emporta un. — Eh! va à Dieu! fit-elle, voulant
peut-être dire : — Va au diable ! » Et le bon Dieu dit à
l'ange gardien : « Laisse tomber du ciel un porreau, pour
que la mère de saint Pierre le puisse prendre. » Le porreau
descendant vers cette femme, elle s'y suspendit. Ce que
voyant, les autres femmes voulurent aussi être enlevées par
l'ange et s'accrochèrent aux jupes de leur voisine qui donna
tant de coups de pieds, derrière elle, qu'à force de secousses
le porreau se rompit. Et la malheureuse retomba en enfer.
Telle fut l'unique bonne œuvre de la mère de saint Pierre ;
et encore ne lui servit-elle de rien, par la faute de sa
rageuse et envieuse fierté.
— Et le porreau de Pecci?...
— Et le porreau de Pecci, dont put bénéficier l'abbé M.. . ,
fut la présentation de pure forme qu'il en fit au cardinal
Sala. J'eus, d'ailleurs, l'occasion de la lui rendre à quelque
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30
LMRODLCTIOX.
INTRODUCTION.
51
i
temps de là, et même à plus crime reprise. Quand, du mois
de mars 1858 au mois de juillet 1841, Mgr Pecci eut quille
Rome pour Bénévent, ee ne furent, par correspondance,
que demandes d'argent à ses frères, et d'un poste nouveau
à ses amis. Son prédécesseur à la Délégation de Bénévent,
MgrOrfei, n'avait-il pas prélevé sai-îs vergogne, en partant,
vingt-deux jours delà solde due à son successeur, et réduit
celui-ci à f/rattarsi la pancia, comme il nous l'écrivait. Et
puis, au cours de sa gestion et de la chasse qu'il avait
donnée aux brigands du duché, Mgr Pecci s'était mis sui*
les bras, entre autres, une affaire du diable. Un certain comte
Pacca, proche neveu du cardinal protecteur de Pecci, ne
s'était-il pas avisé d'hospitaliser certains brigands sur ses
terres, en vertu d'une vieille prérogative d'immunité féo-
dale que le régime nouveau n'avait peut-être pas encore
abolie. Pour donner force à la loi, Pecci fit arrêter comte et
' brigands. Mais comment finirait l'affaire en cour de Rome,
où le hobereau menaçait d'aller se plaindre? « Allez, lui
répondit fermement le délégat, mais rappelez-vous que,
pour se rendre au Vatican, on passe par le fort Saint-
Ange ! » Notre ami avait beau écrire dans ses lettres offi-
cielles que, pour rien au monde, il ne quitterait Bénévent
de gaieté de cœur, c'était tout le contraire qu'il nous man-
dait dans l'intimité, en nous suppliant de nous intéresser à
son sort malheureux : « Je suis bien loin de toi, m'écrivait-il
« à cette époque dans ma délégation de Rieti, mais je vis
ce avec loi, à toute heure. Avec toi je parle, avec toi je
cf plaisante, avec toi je mange, avec toi je dors; le corps est
ce séparé, mais l'âme reste unie. » Je connaissais ses ennuis
de bourse dont l'élroitesse ne lui permettait pas de rivaliser
de luxe avec les 7000 écus que pouvait wriir, par exemple,
son parent Mgr Lolli, vice-légat de Yelletri; quand lui,
Pecci, avec ses 97 ducats mensuels, avait à entretenir six
personnes, deux chevaux et un palais, dans Bénévent où le
La cliulc des Marmore sur la route de Spolète.
public se montrait difficile, — surtout en chevaux pur sang.
Et que recevait-il de Carpineto, pour figurer à la proces-
sion du Corpm Domini, lui, qui avait écrit : ce Je voudrais
50
IMIlOni CTION.
temps de là, et inèiiie à plus d'une reprise. Quand, du mois
de mars 1838 au mois de juillet 18 il, M^-r Pecei eut quille
Rome pour Bénéveiil, ee ne fureul, |)ar correspondance,
que demandes d'ar«»ent l\ ses IVeies, el d'un poste nouveau
à ses amis. Son prédécesseur à la Délégation de Bénévenl,
M«J5i'0iiei, u'avait-il pas prélevé saAS vergogne, en parlant,
vingl-deu\ jours delà solde due à son successeur, el réduil
celui-ci à (/rattani la pancia, comme il nous l'écrivail. Et
puis, au cours de sa gestion el de la chasse qu'il avait
donnée aux hrigands du duché, Mgr Pecci s'était mis sur
les bras, entre autres, une affaire du dialde. Un cei'tain comte
Pacca, proche neveu du cardinal prolecteur de Pecci, ne
s'était-il pas avisé d'hospitaliser certains brigands sur ses
terre-, en vertu d'une vieille piérogalive d'immunité leo-
dale «pie le régime nouveau n'avait peut-être pas encore
abolie. Pour donner force à la loi, Pecci lit arrêter comte el
brigands. Mais comment finirait l'affaire en cour de Rome,
où le hobereau menaçait d'aller se plaindre? u Allez, lui
répondit fermement le délégat, mais rappelez-vous qne,
pour se rendre au Vatican, on passe par le fort Saint-
Ange ! » Notre ami avait beau écrire dans ses lettres offi-
cielle^ que, pour rien au monde, il ne quitterait RénévenI
de gaieté de cœur, c'était tout le contraire qu'il nous man-
dait dans l'intimité, en nous sup[diant de nous intéresser à
son sort malheureux : « Je suis bien loin de toi, m'écrivait-il
« à cette époque dans ma délégation de Rieti, mais je vis
ce avec toi, à toute heure. Avec toi je parle, avec loi je
plaisante, avec toi je mange, avec toi je dors; le corps est
séparé, mais l'àme reste unie. » Je connaissais ses ennuis
de bourse dont l'élroitesse ne lui permettait pas de rivaliser
de luxe avec les 7000 écus que pouvait sortir, par exemple,
son parent Mgr Lolli, vice-légat de Velletri; quand lui.
INTROntCTIOX.
")!
Pecci, avec ses 07 ducats mensuels, avait à entretenir six
personnes, deux chevaux et un palais, dans Rénévent où le
La diulc lies Marmorc sur la route de Spolètc.
public se montrait difficile, — surtout en chevaux pur sang.
Et que recevait-il de Carpineto, pour figurer à la proces-
sion du Corpm Domini, lui, qui avait écrit : « Je voudrais
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3i
INTRODUCTION.
JNTRODl'CTION.
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u que mes chevaux courussent comme des éclairs. Je compte
« les jours qui me séparent de leur arrivée, parce que je
t< suis fatigué d'en emprunter. » Hélas ! le frère Titta, au
lieu de deux Bellérophons n'avait envoyé que deux rosses.
Prises, en arrivant, de mal aux jambes, elles enflèrent.
Étant donné Tàge des bêtes, le vétérinaire ne se prononçait
pas sur la guérison. C'était vexant. Mais le plus vexé fut le
frère Titta, qui n'eut plus le courage de répondre aux justes
reproches de monsirjnor le délégat. « Faut-il avoir l'esprit
« assez borné pour se fâcher et, par-dessus le marché, me
c< rendre responsable de ces chevaux dont j'ai voulu seule-
ce ment vous faire connaître le triste état, sans vous en
« accuser, certes. )> Le frère Titta, — célibataire endurci,
avait peut-être d'autres sujets de bouderie sournoise. Le
14 novembre 1838, Mgr Gioacchino, soucieux de la lignée
future des Pecci, n'avait-il pas écrit : « Le soutien de la
famille doit être Titta. Mais, comme Charles, il prend de
l'âge. Quant a moi, je me suis châtré propter rerjnum cœlo-
rum. S'ils ne se décident l'un ou l'autre à prendre femme,
l'extinction des Pecci est sûre! » Ajoutez, à tous ces ennuis
domestiques de Mgr le Délégat, celui du départ de son dévoué
secrétaire Don Salina, appelé par le nouveau cardinal Belli
à la dignité de majordome.
— Et, en ces circonstances, le bon Mgr M..., délégat
de Rieti, se décida-t-il à solliciter du Pape la mutation de
son ami oublié à Bénévent depuis trois mortelles années?
-:^. Oui, et voici comment. Au cours d'une audience
pontificale, Grégoire XVI, qui ne se dissimulait pas les
difficultés d'un délégat représentant le pouvoir temporel,
à côté d'un évêque à qui est dévolue l'officialité spirituelle
dans la même ville, — deux têtes dans le même bonnet,
dirait-on, — le Souverain Pontife me résuma par un adage
.,
latin la seule politique possible en pareil cas : « Divide et
impera I — « Précisément, Saint-Père, répondis-je, c'est la
recommandation que je fais toujours à un de mes meilleurs
collègues, le délégat de Bénévent. » A ce mot, le Pape
esquissa de la bouche une moue, qui ne signifiait rien de
bon. Cependant, sur mes instances respectueuses, il écrivit.
Spolètc. — Le temple de Clitumnc.
devant moi, quelques notes qui servirent probablement à
Mgr Pecci quand, a quelques jours de là, il fut question de
l'envoyer à Spolète.
— A Pérouse, voulez-vous dire?
— Je dis bien, à Spolète où, d'ailleurs, il n'alla pas.
Voici encore comment. Appelé l\ la succession du délégat
de Spolète, Mgr Pecci quitta Bénévent, vers la mi-juillet de
1841, pour m'arriver incognito à Rome, un de ces matins-
5
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5-2
INTRODUCTION.
l< i
a que mes chevaux courussent comme des éclairs. Je compte
« les jours (jui me séparent de leur arrivée, parce <|ue je
u suis fatigué d'en emprunter. i> Hélas! le frère Titta, au
lieu de deux lîellérojdions n*avait envoyé que deux rosses.
Prises, en arrivant, de mal aux jambes, elles enflèrent.
Etant donné làge des bétes, le vétérinaire ne se prononçait
pas sur la guérison. C'était vexant. Mais le plus vexé fut le
frère Titta, qui n'eut plus le courage de répondre aux justes
reproches de momirjnor le délégat. « Faut-il avoir l'esprit
« assez borné pour se fâcher et, par-dessus le marciié, me
(c rendre responsable de ces chevaux dont j'ai voulu seule-
ce ment vous faire connaître le triste état, sans vous en
c( accuser, certes. ^> Le frère Titta, — célibataire endurci,
avait peut-être d'autres sujets de bouderie sournoise. Le
Li novembre 1858, Mgr Gioacchino, soucieux de la lignée
future des Pecci, n'avait-il pas écrit : ce Le soutien de la
famille doit être Titta. Mais, comme Charles, il prend de
l'âge. Quant à moi, je me suis châtré propter rajaum cœlo-
rum. S'ils ne se décident l'un ou l'autre h prendre femme,
l'extinction des Pecci est siire! » Ajoutez, à tous ces ennuis
domestiques de Mgr le Délégat, celui du départ de son dévoué
secrétaire Don Salina, a|)pelé par le nouveau cardinal Delli
à la dignité de majordome.
— Et, en ces circonstances, le bon Mgr M..., délégat
de Rieti, se décida-t-il à solliciter du Pape la mutation de
son ami oublié à Bénévent depuis trois mortelles années?
— Oui, et voici comment. Au cours d'une audience
pontificale, Grégoire XVI, qui ne se dissimulait pas les
difficultés d'un délégat représentant le pouvoir temporel,
à côté d'un évoque à qui est dévolue l'officialité spirituelle
dans la même ville, — deux têtes dans le même bonnet,
dirait-on, — le Souverain Pontife me résuma par un adage
INTIIODICTION.
ôo
latin la seule politique possible en pareil cas : ce Divide et
nnpemi — a Précisément, Saint-Père, répondis-je, c'est la
recommandation que je fais toujours à un de mes meilleurs
collègues, le délégat de Dénévent. » A ce mot, le Pape
esquissa de la bouche une moue, qui ne signiliait rien de
bon. Cependant, sur mes instances respectueuses, il écrivit.
Spolôtc. — Le temple île Clitiimne.
devant moi, quelques notes qui servircîut probablement à
Mgr Pecci quand, à quelcjnes jours de là, il fut question de
l'envoyer à Spolète.
— A Pérouse, voulez-vous dire?
— Je dis bien, à Spolète où, d'ailleurs, il n'alla pas.
Voici encore comment. Appelé à la succession du délégat
de Spolète, Mgr Pecci quitta Bénévent, vers la mi-juillet de
18 il, pour m'arriver incofjnilo à Rome, un de ces malins-
5
m
3i
INTRODUCTION.
là, vers quatre heures. Pour n'éveiller aucun soupçon et
tirer au clair celui de sa nomination à Pérouse qui circulait
déjà, il frappa, ce matin-là à ma porte, laissant dans
riffnorance de son arrivée ses deux frères dont il avait
provoqué un rendez-vous, de Carpineto à Rome, et son oncle
Antoine qui eût pu mieux le recevoir au palais Muti. Transi
de froid, il grelottait. Je le fis mettre dans mon lit, pen-
dant que j'irais lui préparer une tasse de café chaud. 11
accepta Tun et l'autre avec joie et s'endormit, à l'attente
des nouvelles que j'irais aussi chercher, le jour venu, à sa
place. J'appris au Vatican qu'après l'audience que le Sou-
verain Pontife avait daigné m'accorder, le suhstitut de la
Secrétairerie d'État, Mgr Santucci, successeur de Mgr Gam-
herini, élait alors venu présentera la signature du Pape la
nomination de Mgr Pecci à la délégation de Spolète, et que
Grégoire XVI avait, de son chef, changé ce siège inférieur
en celui de Pérouse qui valait davantage. Quand je rapportai
cette nouvelle à mon ami, je me souviens qu'il m'emhrassa
de plaisir. Cette histoire n'est pas une légende, comme
celle du porreau de Pecci; mais c'est lout ce qu'elle m'a
rapporté, je veux dire la joie d'avoir fait dormir dans mon
lit un futur pape qui, maître au Vatican, aurait alors mieux
à faire qu'à rendre l'hospitalité à son vieux camarade de
chamhre.
— Et Mgr Pecci, délégat de Pérouse, partit derechef
pour son nouveau poste?
— Non sans passer par ma délégation de Rieli où je me
hâtai de revenir pour lui en faire les honneurs. Je refermai
donc mon humble pied-à-terre de Rome qui avait servi à
une séquestration aussi opportuniste que politique, et si
secrète que Titia et Carlo s'en étaient allés chercher partout
leur frère, excepté à Sant'Andrea délia Valle* où je tenais
INTRODUCTION.
35
sous clef l'heureux et, — faut-il le dire? — l'ingrat reclus.
Rieti étant sur le chemin de Rome à Pérouse, Mgr Pecci
venait naturellement chez moi : « Je suis arrivé à Rieti vers
« une heure de nuit, écrit-il à son frère Titta, le 15 août
c< 1841.... Mgr M,., salue affectueusement toute la maison.
« Ce soir, il y aura chez lui grande réception avec rafraî-
Pcrouse. — Les remparts vus des Colli.
« chissements pour fêter ma venue. Que d'embarras je
« cause! » Et, le 18, arrivé à Pérouse, il continue sa lettre
au même frère : « Deux lignes en courant, pour vous
u apprendre mon arrivée dans cette résidence, hier soir,
« à VAve Maria^ A part quelque fatigue, je n'ai souffert de
« rien pendant ce voyage. Mgr M... nous a traités magni-
ez fiquement au rinfresco qu'il nous a offert, le 15, avec
« le concours de toute la noblesse de Rieti. Nous avons
ife.
31
IM'HODICTIO.N.
là, \ers quatre Iieiires. Pour iréveillor aucun sou|>(;on et
tirer au clair celui de sa nomination à Pérouse qui circulait
ilt^à, il frajq)a, ce matin-là à ma porte, laissant dans
riiinorance de son arrivée ses deux frères dont il avait
provoqué un rendez-vous, de Caipinelo à Rome, et son onch;
Antoine qui eut pu mieux le recevoir au palais Muli. Transi
de froid, il grelottait. Je le lis melti'e dans mon lit, |>en-
daiit (|ue j'irais lui préparer une tasse de café chaud. Il
accepta l'un et l'autre avec joie et s'endormit, à l'atlente
des n<Mivelles cpie j'iiais aussi chercher, le jour venu, à sa
place. J'a|^pI'is au Vatican (ju'aprés l'audience ([iw le Sou-
verain Pontife avait daigné m'accorder, le suhstitut de la
Secrétairerie d'Etat, Mgr Santucci, successeur deMgiliam-
herini, était alors vofiu présentera la signature du Pape la
nomination de Mgr IV'cci à la délégation de Spolète, et que
firégoire XVI avait, de son chef, changé ce siège inférieur
en celui de Pérouse qui valait davantage. Ouand je rapportai
celte niuivelle à mon ami, je me souviens (pi'il m'emhiassa
<le plai^ii'. Celte histoiie n'est ])as une h'gende, comme
celle du poireau de Pecci ; mais c'est tout ce (pi'elle m'a
rap|)(uté, je veux dire la joie d'avoir fait doimir dans mim
lit un futur pape qui, maître au Vatican, aurait alors mieux
à faire qu'à rendre l'hospitalité à son vieux camarade de
chamhre.
— Kt Mgr Pecci, délégat de Pérouse, partit derechef
pour son nouveau poste?
— ^on sans passer par ma délégation de llieli où je me
liatai de revenir pour lui en faire les honneurs. Je refermai
donc mon huml)le pied-à-lerre de Home qui avait servi à
une séquestration aussi opportuniste que polit i(pn\ et si
secrète que Tilla et Carlo s'en étaient allés chercher partout
leur frère, excepté à Sant'Andrea délia Valle. où je tenais
l.NTRODl CTtON.
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sous clef riieureux et, — faut-il le dire? — l'ingrat reclus.
Piieti étant sur le chemin de Rome à Pérouse, Mgr Pecci
venait naturellement chez moi : « Je suis arrivé à Piieti vers
« une heure de nuit, écrit-il à son frère Tilla, le 15 août
«« 18 il — Mgr M... salue afTectueusement toute la maison.
c< Ce soii', il y aura chez lui gi-ande réception avec rafraî-
rérouso. — Los rcinparb vus des Colli.
« chissemenls poui* fétei' ma venue. Que d'emharras je
<f cause! » Et, le 18, arrivé à Pérouse, il continue sa lettre
au même frèi'e : « Deux lignes en courant, pour vous
<* apprendre mon arrivée dans cette résidence, hier soir,
ic à VÂce Maria. A part (juehiue fatigue, je n'ai souffert de
u rien pendant ce voyage. Mgr M... nous a traités magni-
« fiquement au riufresco qu'il nous a offeit, le 15, avec
« le concours de toute la nohlesse de Rieti. Nous avons
iW^"»,-V.
-jv-jï iS^."W-'';t^^^-'
' â»:,
5G
INTRODUCTION.
liNTRODUGTION.
57
ce quitté celle ville, le malin du 16, el nous avons admiré
« ensemble les fameuses chutes des Marmore, près Terni,
vc où nous étions arrivés avant midi. Là encore hôtes de
« Tévêque de Tendroit, quand le soir est venu, nous nous
« sommes séparés pour prendre, Mgr M..., la direction de
« Rieti, et moi celle de Spolète. » El, comme on dit :
« Buona nottel Bonsoir les voisins! w Encore le porreau
de Pecci, vous voyez.
— Et vous ne vous êtes pas revus ?
— Si bien, une fois encore et toujours pour obliger l'ami
qui, haut perché à Pérouse, ne demandait qu'à monter plus
haut encore. Aux portes des Romagnes révoltées et irréduc-
tibles, et même dans celte Pérouse où la révolution grondait
el où Ton restait guelfe par vieille habitude ou par paresse,
en attendant que des mœurs nouvelles fissent entrer en
action ces gibelins, frères du terrible Guardabassi, la suc-
cession que Mgr Savelli laissait à Mgr Pecci dans le Palais
des Prieurs était lourde. Aussi bien le nouveau délégal ne
s'empressa-l-il que mieux à s'en débarrasser. El précisé-
ment, les Autrichiens étant enfin installés dans TElat ponti-
fical par la papaulé même, on annonça, pour l'automne de
1841, le voyage de Grégoire XVI dans les Légations. L'occa-
sion était belle, pour parler aux tapissiers plutôt qu'aux
révolutionnaires; et le jeune et élégant préfet n'eut plus
affaire qu'avec les peintres Silvestre Jlassari el Vincent Bal-
dini, pour l'aménagement pontifical du Palais des Prieurs
où Grégoire XVI descendrait el apprécierait la distinction de
son prélat. L'aménagement des salons fut exquis, à vrai
dire. Il y avait bien aussi la fameuse roule nouvelle que le
carrosse pontifical, inaugurant six kilomètres de ces cons-
tructions gigantesques, ferailappeler Via Gregoriana. L'heu-
reux Mgr Pecci n'avait eu qu'à l'amorcer à la porte San
Pietro, soit un prolongement de quelques mètres au plus.
Aux yeux du monde et du pape peut-être, la route tout
entière ne fut pas moins l'œuvre de l'empressé délégat. Et
pourtant pas si empressé qu'on dirait, puisque, au jour
indiqué, Grégoire XVI arriva aux portes de la ville sans y
trouver d'autre monde que quelques gens de passage, tout
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Pérouse. — Suite des remparts vers San Pielro.
heureux de dételer le carrosse du pape et de procéder à
l'introduction pontificale, à eux seuls. Mgr le Délégat et les
primarn de Pérouse cherchaient, ce matin-là, dans les
armoires, un coussin de velours assez beau où déposer les
clefs des portes de la ville quand Grégoire XVI, arrivant
trop tôt, se les ouvrit tout seul. On dit que les bons vins
d'Orvieto el les champagnes que Louis-Philippe expédia
même à Pérouse, au-devant du pape, corrigèrent avanta-
Pil^'t*.
t^H-^^-L -If^^
50
INTRODLCTION.
LNTRODUCTION.
57
« qiiitttî celle ville, le malin du 10, et nous avons admiré
c( ensemble les fameuses chules des Marmore, près Terni,
v( où ncnis étions arrivés avant midi, l.à encore hôles de
u l'évéque de Tendroit, quand le soir est venu, nous nous
ce sommes séparés pour prendre, M<ir M..., la direction de
« Rieli, et mol celle de Spolète. » El, comme on dit :
« Bnona )iotte! Bonsoir les voisins! » Encore le porreau
de Pecci, vous vovez.
— El vous ne vous éles pas revus?
— Si hieii, une l'ois encore et toujours pour ohliuvr Tami
qui, haut perché à Pérouse, ne demandait qu'à mouler plus
haut eiR-oiv. Aux poilos des Romaj^ncs révollées et iriéduc-
lihles, cl même dans celle Pércuise où la rév(duli(ui ««rondail
et où l'on restait jzueH'epar vieille hahitude ou par paresse,
en attendant que des UKcurs nouvelles fissent entrer en
action ces gibelins, frères du terrible Guardabassi, la suc-
cession que Mgi" Savelli laissait à i%r Pecci dans le Palais
des Prieurs était lourde. Aussi bien le nouveau délé'-al ne
s'empressa-t-il que mieux à s'en débairasser. Et précisé-
ment, les Autrichiens étant enlin installés dans TEtat ponti-
fical [)ar la papauté même, on annon(;a, pour rautomne de
1841, le voyage de Grégoire XVI dans les Légations. I/occa-
sion était belle, pour parler aux tapissiers plutôt qu'aux
révolutionnaires; et le jeune et élégant préfet n'eut plus
affaire qn'avec les peintres Silveslre Massaii et Yincenl Bal-
dini, pour raménagement pontifical du Imitais des iVieurs
où Grégoiie XVI descendrait et apprécierait la distinction de
son prélat. L'aménagement des salons fut ex(iuis, à vrai
dire. Il y avait bien aussi la fameuse route nouvelle que le
carrosse pontifical, inaugurant six kilomètres de ces cons-
tructions gigantesques, feraitappeler ViaGrcf/oriana. L'heu-
reux Mgi* Pecci n'avait eu qu'à l'amorcer à la porte San
i
Pwtro, soit un prolongement de queh|ues mètres au plus.
Aux yeux du monde et du pape peut-être, la roule tout
entière ne fui pas moins l'œuvre de l'empressé délégal. El
pourtant pas si empressé qu'on dirait, puisque, au jour
imli(jué, Grégoire XVI arriva aux poites de la ville sans y
trouver d'autre monde que (pieh|ues gens de passage, tout
3
^■Wt-.ss-i;^ J
Pérouse. — Suite des remparts vers San Piclro.
heureux de dételer le carrosse du pape el de procéder à
l'introduction pontificale, à eux seuls. Mgr le Délégat et les
primarii de Pérouse cherchaient, ce malin-là, dans les
armoires, un coussin de velours assez beau où déposer les
clefs des portes de la ville quand Grégoire XVI, arrivant
tro|) lot, se les ouvrit tout seul. On dit que les bons vins
d'Orvielo el les champagnes que Louis-Philippe expédia
même à Pérouse, au-devant du pape, corrigèrent avanta-
1
I
58 J.NTRODUCTION.
geiisemcnt la mauvaise impression de cet incident vite
oublié. Grégoire XVI n'élail-il pas dans sa bonne ville de
Pérouse où il avait habité si longtemps, comme religieux
Camaldule, au couvent de Saint-Sévère. Il voulut le revoir,
et aller chez la mystérieuse dame qui avait jadis si pru-
demment c( conseillé » le moine Mauro Cappellari que,
depuis l'élévation au pontificat de son dévot sigisbée, on
l'avait surnommée la Papesse. Passant encore sous les fenê-
tres du buon rkordo, Grégoire XVI leva la main pour
bénir quelques gens qui, couchés autour d'un puits, ne se
levèrent même pas. Le j)ape s'apercevant de la méprise,
arrêta sa bénédiction et se contenta de frapper des deux
mains pour réveiller les mnlandrins : c'étaient des carbo-
nari I Quand eut pris fin la réception qu'avait si habile-
ment prépaiée Mgr Pecci à Grégoiic XVI, vous savez le
compliment pontifical que l'intéressé a, depuis, rendu
I presqu'historique : j\el mio viaggio^ so/?o slato ricevuto in
alcuni luoghi da [rate; in molli allri convenieiitementej ma
da cardinale; e in Ancone e Perugia, veramente da sovrano.
: Mgr Pecci, qui rédigea peut-être lui-même ce billet, l'au-
rait, s'il eût osé, fait graver en style lapidaire à la porte
du Palais des Prieurs. Il se contenta de demander a l'oncle
Antoine, à Rome, la confection d'un écusson à ses armes
pour décorer sa façade. L'oncle, peu expert en armorie 1
prélatin, se contenta de faire copier les armes de la famille
avec une simple couronne comtale pour chapeau. Et
Mgr Pecci, par le courrier suivant, de renvoyer sans com-
pliments à l'oncle Antoine un tel écusson, sans chapeau ni
glands de prélat, qu'il ne pouvait décemment utiliser.
— La note est dure Monseigneur! Mais qu'importe, si
le fait est vrai?
Cependant Grégoire XVI avait promis au Délégat, si mani-
JMHODLCTiON.
SD
feslement habile, qu'il se souviendrait de lui. Mais le temps
passait et Mgr Pecci, sur son rocher de Pérouse, attendant
toujours, ne voyait rien venir. Durant l'été de I84'2, je fus
invité à me rendre auprès du cardinal Secrétaire d'État
Lambruschini, dans sa villégiature de Maiano di Sabina,
située aux confins de Uieti où j'étais encore délégat par
miséricorde de Dieu et par oubli des hommes. J'écrivis donc
Pérouse. — I.a porte San Piclro.
r
à l'ami Pecci de m'y rejoindre, et sur le champ il accourut*.
Mais il n'y avait plus de chambre disponible, à l'évêché où
le cardinal habitait; et, pour accommoder au mieux les
choses, j'offris a Mgr Pecci celle que j'occupais au palais
Serafini. Là encore, il n'y avait d'autre lit à notre disposi-
tion que le mien ; et Mgr Pecci ne se fit pas défaut de le
partager avec moi, tout le temps que dura la villégiature au
1. V.nr dans YÉpistolaire de ce volume, page 29G, la lettre que Mgr Pecci
écrivit, à propos de sa visite, au cardinal Lambruschini.
M
■ .^'-.
7)8
LNTRODICTION.
geuscmenl la mnnvaiso Impression do col incidonl vile
onMio. rjivjioiro XVI irolait-il pas dans sa Ixmnc ville de
Pérouse où il avail hahilr si lon*^lem[)S, eomine relijjiieiix
Camaldiile, au couvenl de Saint-Sévère. Il vonlnl le revoii',
et aller chez la myslériense daine (|ni avail jadis si pru-
denimenl « conseillé :» le moine Manro Cap[>ellaii (pie,
depnis l'élévalion au ponlifical de son dévot si'iishée, on
l'avait surnommée la Papesse. l\issant encore sous les fené-
Ires du Inion ricordo, (livgoire XVI leva la main [)our
l>énir (jnelques gens (pii, couchés aulour d'un puits, no sr
levèi'ont même [)as. l.e pa[)e s*a|)ercevanl de la méprise,
arréla sa bénédiclicni el se iMmleula de IVapper des deux
mains poui' réveiller le^ malandrins : c'élaienl des rarhit-
nari! Ouand eut pri> lin la réceplion qu'avait si hahilc-
menl pré|)aiée M^r iV'cci à (iii'pimc \VI, vous savez le
coinplimenl ponlilical que l'inléressé a, depuis, rendu
pres(prhislori(|ue : .\rl min fhujijHt^ stnio slali) } irrrHio In
alcnni hiof/lii du fraie; in molli allri conKCtuvnlrmrnte, ma
da cardinale; e in AnconeeVcrnijia, rennnenlc da sorrawt.
Mgr Pecci, qui rédigea peul-élre lui-même ce hillel, l'au-
rait, s'il eûl osé, fait graver en style lapidaire à la porte
du Palais des Prieurs. Il se contenta de demander à ronde
An loi ne, à liome, la conreclion d'un écusson à ses armes
pour décorer sa fac^ade. L'oncle, |)eu expert on armm'ici
prélalin, se conlenla de faire copier les armes de la famille
avec une simple couronne comlale pour chapeau. Kl
Mgr Pecci, par le courrier suivant, de renvoyer sans com-
pliments à l'oncle Antoine un loi écusson, sans chapeau ni
glands de piélal, qu'il ne pouvail décemment uliliseï*.
— La noie osl dure Monseigneur! Mais qu'imporlo, si
le fait est vrai?
Cependant Grégoire \YI avail promis au Délégal, si mani-
\
iNTUOlJlCTKKN.
51»
festement habile, qu'il se souviendrait de lui. Mais le temps
passait el Mgr Pecci, sur son rocher de i*érouse, allendanl
toujours, ne voyait rien venir. Durant l'élé de 184^2, je fus
invité à me rendre auprès du cardinal Secrétaire d'Etal
Land)ruschini, dans sa villégiature de Maiano di Sahina,
située aux confins di^ Piieli où j'étais encore délégat ])ar
miséricorde de Dieu et par oubli des hommes. J'écrivis donc
IV'rousc. — l.a i)orle San Piolro.
à l'ami Pecci de m'y rejoindie, el sur le champ il accourut*.
Mais il n'y avail plus de chambre di>ponible, à l'évéché où
le cardinal habitait; et, pour accommoder au mieux les
choses, j'offris à Mgr Pecci celle (lue j'occupais au palais
Serafini. Là encore, il n'y avait d'autre lit à notre disposi-
tion que le mien; et Mgr Pecci ne se fit pas défaut de le
partager avec moi, tout le temi)s (|ue dura la villégiature au
I. Voir (tans VÉpistolaire de co volume, page 290, la lettre que Mgr Pecci
écrivit, à propi». de sa visite, au cardinal Lainhrusehini.
40
LNTRODLCTIOiX.
INTRODUCTlOiN.
41
I
il
cours de laquelle le cardinal Lambruschini promit à Pecci
qu'il rafraîchirait dans Rome, au profit du délégal oublié à
Pérouse, la mémoire de Grégoire XVI. De fait, aux premiers
jours de janvier 1845, Mgr Pecci fut mandé au Vatican où
la nonciature de Bruxelles lui fut offerte. El voilà comment,
d'un simple délégat créé peut-être par Tautre simple délé-
gat que je fus et que je suis resté, j'ai fait un nonce, grâce
encore et toujours au porreau de Thistoire que vous savez.
— Et le porreau, si longtemps tiré, ne finit-il pas par
perdre enfin sa queue?
— Pas avant que, de Bruxelles où Pecci se trouva vrai-
ment mal, on ne Teûl fait revenir a Pérouse. La charge
épiscopale y serait peut-être moins lourde à ses épaules que
celle de la diplomatie qu'après trois ans d'épreuves et d'em-
barras, il ne pouvait plus supporter. Et d'abord, il y eut
comme une espèce de faux départ. Lequel? Peut-être un
règlement d'intérêt, qui sembla mettre en péril la joie qu'une
telle promotion devait apporter à la fi\mille du nouveau
nonce. « Loin de nous, les funèbres souvenirs, écrit le
« malin frère Charles. Mais réfléchissez que les grandes
(c joies ressemblent toujours aux grandes douleurs. Si nos
« parents vivaient encore, eux qui avaient l'àme si sensible,
« ils en éprouveraient, sans doute, une commotion vio-
« lente qui eût été préjudiciable à leur santé. Pendant que
« vous resterez à Rome, tachez de vous divertir.... » C'est ce
même railleur à froid qui écrivait encore, le 28 janvier
1843, à Mgr son frère : « J*ai reçu l'original de votre
« nomination à l'église métropolitaine de Damiette. Je le
« mettrai dans nos archives de Carpineto, avec les autres
« papiers et documents d'honneur. Qui donc, il y a trois
« ans, aurait cru que vous occuperiez le siège épiscopal de
ce ce même Mgr Sinibaldi dont nous parlions tous les jours?
W
te Quand j'ai appris votre nomination, j'ai cru que ce prélat
« était passé de vie à trépas, et que le journaliste en
« avait oublié la nécrologie dans son au jour le jour. A
« présent, je suis enchanté; car, non seulement il est
c< vivant, mais il est patriarche de Conslantinople. Certai-
« nêmenl il n'imitera pas son prédécesseur le patriarche
« Jean, dit le Jeûneur, qui se faisait appeler évêque œcu-
«
(C
«
«
«
«
«
Pcrouso. — Le monastère de San Pietro.
ménique, et à qui saint Grégoire écrivit qu'il ferait
mieux de jeûner moins et d'avoir un peu plus d'humi-
lité. Au contraire, Mgr Sinibaldi est ennemi de l'orgueil
et ami des bons morceaux. — Laissez-moi vous faire
observer que tous les pays par où vous êtes déjà passé el
ceux où vous allez résider ont une grande célébrité his-
torique. Bénévent est fameux par la grande défaite des
Romains, aux Fourches Caudines; Bruxelles, parla mé-
morable bataille de Waterloo où se décidèrent les destinées
de l'Europe; Damiette, l'ancienne Héliopolis, par l'assaut
des croisés et par sa prise, qui combla de joie la chré-
40
I.NTRODICTION.
cours de laquelle le tardifial Lambrusehiiii promit à Pecci
qu'il rafraîchirait dans Home, au profit du délégal oublié a
Pérouse, la mémoire de Grégoire XVI. De fait, aux premiers
jours de janvier 1840, Mgr Pecci fut mandé au Vatican où
la nonciature de Bruxelles lui fut offerte. El voilà comment,
d'un simple délégal créé peut-être par Tautre simple délé-
gat que je fus el que je suis resté, j'ai fait un nonce, grâce
encore et toujours au porreau de Thistoire que vous savez.
— El le porreau, si longtemps tiré, ne finil-il pas par
perdre enfin sa queue?
— Pas avant que, de Bruxelles où Pecci se trouva vrai-
ment mal, on ne Teùt fait revenir à Pérouse. La charge
épiscopale y serait peut-être moins lourde à ses épaules que
celle de la diplomatie qu'après trois ans d'épreuves el d'em-
barras, il ne pouvait plus supporter. El d'abord, il y eul
comme une espèce de faux dépait. Lequel? Peut-être un
règlement d'intérêt, ipii sembla mettre en péril la joie qu'une
telle promotion devait apporter à la famille du nouveau
nonce, ce Loin de nous, les funèbres souvenirs, écrit le
« malin frère Charles. Mais réfléchissez que les grandes
« joies ressemblent toujours aux grandes douleurs. Si nos
« parents vivaient encore, eux qui avaient l'àme si sensible,
«( ils en éprouveraient, sans doute, une commotion vio-
« lente qui eût été préjudiciable à leur santé. Pendant (jue
« vous resterez à Rome, tachez de vous divertir.... » C'est ce
même railleur à froid qui éciivail encore, le '28 janvier
1843, à Mgr son frère : « J'ai reçu l'original de votre
« nomination à l'église métropolitaine de Damiette. Je le
ce mettrai dans nos archives de Carpinelo, avec les autres
« papiers el documents d'honneur. Qui donc, il y a trois
« ans, aurait cru que vous occuperiez le siège épiscopal de
» ce même Mgr Sinibaldi dont nous parlions tous les jours?
INTRODUCTION.
41
Quand j'ai appris votre nomination, j'ai cru que ce prélat
était passé de vie à trépas, et que le journaliste en
avait oublié la nécrologie dans son au jour le jour, A
présenl, je suis enchanté; car, non seulement il est
vivant, mais il esl patriarche de Conslantinople. Certai-
nemenl il n'imitera pas son prédécesseur le patriarche
Jean, dit le Jeûneur, qui se faisait appeler évêque œcu-
■L , ''-^y:
iTF'-H ■ --,.
Pérouse. — Le monastère de San l'ietro.
« ménique, el à qui saint Grégoire écrivit qu'il ferail
« mieux de jeûner moins el d'avoir un peu plus d'humi-
K lité. Au contraire, Mgr Sinibaldi esl ennemi de l'orgueil
« el ami des bons morceaux. — Laissez-moi vous faire
« observer que lous les pays par où vous êtes déjà passé el
« ceux où vous allez résider ont une grande célébrilé his-
« torique. Bénévenl esl fameux par la grande défaite des
« Bomains, aux Fourches Caudines; Bruxelles, parla mé-
« morable bataille de Waterloo où se décidèrent les destinées
« de l'Europe; Damiette, Tancienne Héliopolis, par l'assaul
« des croisés el par sa prise, qui combla de joie la chré-
43
INTRODICTION.
c( lîenté enlière. Toutes ces circonslances doivcnl vous
« réjouir et vous donner du courage. » Le frère Charles
admettait d'avance qu'autant de sièges pris, seraient autant
de victoires gagnées. Et il avait raison. En attendant, il fal-
4ait sacrer archevêque de Damiette le frère Joacliim, qui
avait déjà dépensé beaucoup d'argent dans les anlicharnl)res
pontificales, — cent écus pour le seul Gaelanino, le.harhier
tout-puissant de Grégoire XVI. Et il lui en fallait forcé-
ment encore. Et le frère Jean-Raptiste, déliant pour un(^
fois de plus le bas de laine si souvent pressuré, d'ajouter
avec une bonhomie campagnarde a laquelle ne faisait pas
défaut un peu de la malice citadine : c< Nonce et archevù-
« que, voilà deux choses qui exigent un bon estomac, pour
ce les digérer à la fois. Les choses de l'Église en Belgique
c( vont bien, je crois. Pourtant, vous aurez à traiter avec
a unjoi qui ne croit guère à l'Eglise. J'aimerais assister à
ce votre consécration. Si elle avait lieu dans l'église des
« Stigmates, je crois que les ossements de notre mère et
(c ceux de Mgr notre oncle en tressailleraient de joie dans
c< leur tombeau. Tenez-vous en bonne santé, ne vous faites
(c pas trop de bile et prenez-en à votre aise. )> La consécra-
tion archiépiscopale terminée, Mgr Pecci voulut recevoir en
lin lauto rinfresco les prélats consécrateurs, Mgr Âsquini
et Mgr Castéllani, qui avaient assisté le cardinal Lambras-
chini en celte cérémonie, dans l'église de San Lorenzo in
Panisperna. Comme Grégoire XVI avait attendu à la porte
^le Pérouse, l'assistance eut aussi une petite pose à faire à
la porte du banquet. Dans cet intervalle, le pâtissier de la
place Sciarra eut le temps d'apporter les chocolats et les
glaces. Par malheur, il se pressa trop et la manne de pâtis-
serie se renversa sur la tcte du porteur, au moment de ton-
•cher au port. 11 fallut aller prendre d'autres rafraîchisse-
INTRODLCTION.
4r.
ments, au café de Venise. On en rit, un moment, et on
souhaita bon voyage au beau nonce. Le 19 mars 1843,
Mgr Pecci prit à Civita-Vecchia le bateau français Se^ostria;
pour retourner, trois ans après, fin de carrière, au même
port. Au mois de mai 1846, des deux cardinaux protecteurs
I*érouse. — Le cliœiir Me réglise de San Piclro.
que j'avais obtenus à Mgr Pecci, seul l'Éminenlissime
Polidori vivait encore. Et ce fut encore auprès de lui que
j'allai solliciter le retour du malheureux nonce menacé, en
terre ferme de Belgique, du naufrage que la mer lui avait
épargné. ,
Aux questions de l'enseignement libre que les catho-
liques ^vallons revendiquaient contre les protestants fla-;-
42
l.NTKODl CTION.
(c lien lé enlirrc. Toiiles ces circonslances doivent vous
c( réjouir et vous tlonner du (ouraj^e. » Le fi'ère Charles
adniellail d^avaiice (|u'aulanl de siéj^es pris, seraient autant
de victoires ^a<^iiées. Kt il avait raison. Kn attendant, il fal-
lait sacrer archevêque de Daniiettc le IVère ,l(»achini, qui
avait déjà dé|HMisé l)eaucouj) d'ai'iiKMit dans les anticlianihres
pontillcales, — cent écus pour le seul (iarlanino, le harhier
lout-[missant de Gré^ioiiv X\l. Kt il lui en {"allait lorcé-
ment encore. Kt le frère Jean-Ha[)tisle, déliant |>oui' unr
fois de plus le has de laine si souvent jncssuié, d'ajoutei'
avec une honhomie campagnarde à hupielle ne faisait |)as
défaut un |)eu de la malice citadine : << Noin-e et airhevé-
« ([iu\ voilà deux choses fjui exigent un Immi estomac, pmir
ce les diiiéier à la fois. Les choses de TK^ilise en lîel^iiiue
« vont hien, je ci'(»is. Pourtant, vous aui'ez à tiaitei' avec
a unj'oi (jui neci'oit jjinère à rKulisi». J'aimerais assistei' à
(( votre conséciation. Si elle avait lieu dans Téulisc des
« Sli<^inales, je crois que les ossements de n(»lre mère et
ce ceux de M<ir notre oncle en Iressailleiaient de joie dans
ce leur tomheau. Tenez-vous en honne santé, ne vous laites
c( pas frop de hile et |)rem'z-en à votre aise. » La consécra-
tion archiépiscopale terminée, M^r Pecci voulut recevoir en
un laifto rinfrcsœ les prélats consécraleurs, Mgr Asquini
et Mgr Castellani, qui avaient assisté le cardinal Lamhras-
chini en cette cérémonie, dans Féglise de San Lorenzo in
Panis[)erna. Comme Grégoire XVI avait attendu à la porte
de Pelouse, l'assistance eut aussi une petite pose à faire t»
la porte du hanquet. Dans cet intervalle, le pâtissier de la
place Sciarra eut le temps d'apporter les choc(dats et les
glaces. Par malheur, il se pressa trop et la manne de pâtis-
serie se renversa sur la tète du porteur, au moment de lou-
cher au port. 11 fallut allei' piendre d'autres ralVaîchisse-
JMlUlDlCïtON.
4.1
ments, au café de Venise. On en rit, un moment, cl on
souhaila bon voyage au heau nonce. Le 10 mars iSi,"),
Mgr Pecci prit à Civila-Vecchia le haleau fiançais Scsostris;
|)our l'ctourru'i', trois ans après, (in de carrière, au même
piu't. Au mois de mai 1840, des deux cardinaux prolecteurs
Pérousc. — Le cliœiir «te l'cglisc de San rieiro.
(jue j'avais obtenus à Mgr Pecci, seul rÉminentissimc
Polidori vivait encore. Et ce fut encore auprès de lui que
j'allai solliciter le retour du malheureux nonce menacé, en
terre ferme de Belgique, du naufrage que la mer lui avait
épargné.
Aux questions de renseignement libre que les catho-
liques xvallons revendiquaient contre les protestants fla-^
4i
INTRODliCTlO.N.
mands, s'étaient ajoutées entre les catholiques eux-mêmes
d'autres complications inextricables. La retraite s'imposait
et je la demandai au cardinal Polidori, en faveur d'un vieil
ami dont la reconnaissance vieillirait certainement plus
encore. Et voici la lettre qu'avec son inaltérable bonne
humeur le cardinal m'écrivit, sur son lit de souiïrance qui
allait être son lit de mort, quelques mois après, quand
Mgr Pecci, de retour de ses voyages politi(|ues sinon encore
de tous ses rêves ambitieux, n'aurait plus besoin, ni de
Polidori, ni de moi : « Podagra, prodobetor, pnepodi-
« tus, continuellement affligé de la goutte, cher Monsei-
<< gneur, je n'ai pu vous répondre plus vite. Et je le fais
« aussitôt que je le peux, me félicitant de bon cœur de
« valetudinen ex Virginis bénéficia féliciter reslitutd. Il ne
« me reste plus qu'à prendre quelques précautions, et à
« aller respirer bientôt l'air de la mer. Je vous remercie
« des bonnes commissions que vous m'envoyez, de la part
c( de Mgr Pecci, et vous pouvez être assuré que j'avais déjà
« recommandé sa situation en haut lieu. Ouand vous
« reverrez le cardinal X, soyez, auprès de lui, l'interprète
« de ma vénération et de mon amitié constante. Dites-lui
« qu'aux nouveaux candidats cardinalices, Altieri, Asquini,
<c et Lacchia, il faut ajouter un quatrième nom. C'est
« Mgr Capuccini. La succession de Camerino est réservée
« à Mgr Tomba, évêque de Forli. Je ne m'attarde pas
« davantage ». Ni moi non plus, du reste. Le porreau de
Pecci est assez long, j'espère. Et vous en savez maintenant
assez sur un homme qui, entre tous ses remarquables mé-
rites, eut encore celui de laisser l'amitié des siens se
dépenser tout entière à son service, sans autre plaisir que
celui de s'être donnée toujours, à cœur ouvert, à fonds
perdus.
INTRODUCTION.
45
Ce dernier mot, digne d'un sage au Banquet de Platon où
le maigre brouet du Sparte suffirait largement au convive,
le vieux petit chanoine de Sainte-Marie-Majeure le prononça
en faisant quelques pas vers l'humble porte que Mgr Pecci,
depuis Léon XIII, n'a jamais entr'ouverte. Et c'est là encore
que, me reconduisant, le bon nonagénaire Mgr M... m'arrête
pour me dire ironiquement, un doigt levé sur l'horizon
des toits de Rome où le majestueux Vatican profile ses
imposantes assises au-dessus de tant d'humbles maisons
qu'il semble écraser sous sa masse géante :
— Eh! la reconnaissance serait-elle une vertu, si elle
était plus commune*?
Restait une troisième station à faire, pour compléter le
Chemin-de-Croix d'où je rapporterais, en trois chapitres, la
Vie du Juste que je me proposais d'écrire sans espérer que
mon héros, fût-il pape, serait plus puissant que son Christ
à déjouer la calomnie qui conduisit son maître, le premier,
au Calvaire. A Bénévent, j'avais entendu parler des contre-
bandiers comme des chanoines ; et, à Rome, des chanoines
comme des contrebandiers. Comment s'exprimeraient, à
Pérouse, les anciens administrés de Mgr le Délégat, qu'il
me restait à aller consulter dans leurs hautes montagnes?
Et ces hauteurs de l'Ombrie pacifique seraient-elles plus
favorables à un homme, que les monts d'Hyperborée le
furent à un dieu dont la lyre ou le cœur, ayant ambitionné
de charmer les hommes, ne séduisirent que les ours?
Pastor Aristeus, fugiens Penœia Tempe
i. Mgr M... (Nicolas Milella), doyen des chanoines de Ste Marie Majeure,
est mort dans sa quatre-vingt-dixième année, le 15 mai 1900, pendant que
s'imprimait cette feuille obligée désormais à moins de réserve.
-, *
r/*
^C
INTUODLCTIOX.
INTROniCTION.
47
forme de berceau, depuis les monls Sybillains el le Grand
Sasso dont les rideaux géants la protègent contre les vents
111
ï
Kcule (le l'ôrouso. — lue St/gra Fatniyliti.
Ce malin-là, Taube nais-
sait sur les collines de
rOmbrie, rjuand le cbef
de train annonça : « Foli-
gno! » le long des voi-
tures oii nous dormions,
depuis Rome que nous
avions (juittée, vid Pé-
rouse, la veille au soir.
Dans la limpide Iranspa^
rence d'un ciel d'opale où
les étoiles continuaient à
scinliller, comme des veilleuses ardentes qui ne voulaient
pas mourir en une aurore si sereine et un paysage si calme,
les collines bleuâtres dont Thorizon s'environnait, comme
un berceau de son rideau, commençaient à dessiner, devant
nos yeux ravis, leurs harmonieuses silhouettes et à laisser
surgir ça et là sur leurs flancs, entre des massifs d'oliviers
élernellement verts, une couronne de hameaux et de petites
villes dont les noms gracieux sont, à eux seuls, un poème.
La Grâce elle-même, depuis qu'elle était morte dans les
fontaines antiques de rilellade, taries par les derniers
baisers de l'indiscret Narcisse, n'avait-elle pas trouvé sa
renaissance dans celte Ombrie miniaturale, creusée en
Pcrouse — La porte Sainte-Suzanne.
de Test, jusqu'aux lacs du Trasimène et de Bolsène qui
servent à l'ouest de miroir indéridablement bleu à sa déli-
cate beauté? A Tandante du train, nous pouvions saluer et
:'iiii- a,.,..— .«».w.j,
46
I.XTMOOI CTION.
l.NTUOIMCTION.
47
forme de bereeaii, depuis les mouls Syhillains el le Grand
Sasso demi les rideaux géanls la i>role<^eiil contre les venls
III
|j(>I,.' «il- l'.'niii? •. — l Ml.' So(/ro J'tnNf\//io.
Cenialin-là, l'auhe Jiais-
sail sur les collines de
rOnilnie, <niand le cliei*
de train annonça : « Koli-
gno! j) le lon«^ des vcd-
lures où nous doiniidus,
depuis Home (jue nous
avions (juillée, vit) Vv-
• ouse, la veille au soir.
Dans la limpide hanspa-
lencc d'un ciel d'opale où
les étoiles conlinuaienl à
scinliller, nnnme dis veilleuses ardentes (|ui ne voulaient
pas mourir en une aurore si sereine et un paysage si calme,
les collines bleuâtres dont l'hoiizon s'environnait, comme
un berceau de son rideau, commençaient à dessiner, devant
nos yeux ravis, leurs liarmonieuses silliouettcs et à laisser
surgir cà et là sur leurs rtancs, entre des massifs d'oliviers
élernellement veits, une couronne de bameaux et de petites
villes dont les jioms gracieux sont, à eux seuls, un poème,
ba Grâce elle-même, depuis (pfelle était morte dans les
fonlaines anli(|ues de rilellade, taries par les derniers
liaisers de l'indiscret Narcisse, n'avait-elle pas trouvé sa
renaissance dans cette Ombrie minialurale, civusée en
Pcroiiiio — La porte Sninlc-Suzanno.
de Tes!, jusqu'aux lacs du Trasimène et de Bolsène qui
servent à Touest de miroir indéridablement bleu à sa déli-
cate beauté? A Tandante du train, nous pouvions saluer et
48
INTRODUCTION.
'/
toucher presque de la main ces nids alpestres et ces stations
du Chemin-de-Ia-Gràce que, depuis déjà plus de six siècles,
l'humanilé insatiable de beauté et d'harmonie visite avec
amour, contemple avec religion et essaye en vain d'imiter
dans ses œuvres rapportées en copies de cet Éden de Tart,
de ce deuxième Paradis perdu de l'idéale matière et de
l'extatique composition.
Voici donc Foligno, surgissant entre deux plis de ses
vertes collines, comme une fleur discrète sur le sillon
fécondé par la main de l'invisible semeur. A la voir se
cacher entre les premiers vallonnements de la montagne
apennine, on dirait d'une fraîche poysanne éternellement
jeune qui dissimule sa beauté pour la conserver plus long-
temps. A Torée de la ville, s'élève la statue du précurseur
du Pérugin et du Pinturicchio, ce Niccolô di Liberatore qui
donna ici même h l'humaine beauté son incarnation pre-
mière, sans vouloir s'appeler autrement que « l'élève »,
VAlunno, au voisinage d'Assise où François, son maître en
idéalisme et en simplicité, n'eut d'autre nom que celui de
Fraie, Et voici, en longeant le Subasio et sur la crête de ce
mont. Assise. C'est la première citadelle qu'a bâtie ici-bas
la liberté idéale, pour y abriter le berceau de l'idéale beauté.
Elle élève dans l'azur matinal les contreforts énormes que
le Moyen-Age expirant lui donna pour atteindre aux âges
plus heureux de l'avenir, sur cette espèce de vaisseau pré-
destiné dont le couvent des Franciscains silhouette auda-
cieusement la haute proue. Telle, du Giotto au Pérugin, la
caravane des rêveurs Primitifs et des idéalistes Renaissants
vit la maison de saint François, qui fut pour eux la bonne
auberge et pour leur art le maternel berceau; telle encore
nous pouvions la revoir, au passage de l'express, et évoquer
devant ses murs d'enceinte, toujours inviolés, la raison de
«3
N«A■i^|^^w■
48
LNTnODUCTION.
'^\
i!
loucher presque de la main ces nids alpestres et ces stations
du Chemin-de-la-Gràce que, depuis déjà plus de six siècles,
l'humanilé insatiable de beauté et dMiarmonie visite avec
amour, contemple avec religion et essaye en vain d'imiter
dans ses œuvres rapportées en copies de cet Éden de Tart,
de ce deuxième Paradis perdu de Tidéale matière et de
Textalique composition.
Voici donc Foligno, surgissant enlie deux plis de ses
vertes collines, comme une fleur discrète ^ur le sillon
fécondé par la main de l'invisible semeur. A la voir se
cacher entre les premiers vallonnements de la montagne
apennine, on dirait d'une fraîche paysanne éternellement
jeune qui dissimule sa beauté pour la conserver plus long-
temps. A Torée de la ville, s'élève la statue du précurseur
du Pérugin et du Pinturicchio, ce Niccolo di Liberatore qui
donna ici même à riiumaine beauté son incarnation pre-
mière, sans vouloir s'a|)peler aulremetU que « Télève >•,
VAlunno, au voisinage d'Assise où François, son maître en
idéalisme et en simplicité, n'eut d'autre nom que celui de
Frate. El voici, en longeant le Subasio et sur la crête de ce
mont. Assise. C'est la première citadelle (|u'a balie ici-bas
la liberté idéale, pour y abiiter le berceau de l'idéale beauté.
Elle élève dans l'azur matinal les contreforts énormes que
le Moyen-Age expirant lui donna pour atteindre aux âges
plus heureux de l'avenir, sur cette espèce de vaisseau pré-
destiné dont le couvent des Franciscains silhouette auda-
cieusement la haute proue. Telle, du Giotto au Pérugin, la
caravane des rêveurs Primitifs et des idéalistes Renaissants
vit la maison de saint François, qui fut pour eux la bonne
auberge et pour leur art le maternel berceau; telle encore
nous pouvions la revoii", au passage de l'express, et évoquei'
devant ses murs d'enceinte, toujours inviolés, la raison de
-A
3
wàUmÈi
^ I
50
INTRODUCTION.
sa force et le secret de sa beauté. La règle monacale du
divin Poverello n*a-t-elle pas servi de guide au pinceau
extatique de tous les maîtres de TOmbrie?... Et le train qui
fuyait, sans laissera la pensée le temps dVWoquer d*aulres
souvenirs avec d'autres noms dans ce jardin suave de
rOmbrie, nous permettait déjà de voir, sur les hauteurs
voisines, la maîtresse cité de cette terre mystique et de cet
art divin dont elle fut la souveraine, celte Pérouse altière
dont les pieds sont chaussés de rochers à la cîme même des
Alpes, et dont la tète se couronne des roses de Taurore et
des apothéoses du couchant, à ces hauteurs où les sérénités
du ciel descendent, plutôt que les tempêtes de la terre n'y
montent.
Le train entrait en gare.
— Hop!... Et dépéchez-vous de monter en voiture!
Vous n'êtes pas encore arrivés à Pérouse.
Le bienveillant Mgr M..., qui avait bien voulu accepter
au cours de ce voyage ma compagnie et celle de mon
photographe, avait fait descendre à la gare, pour nous
recevoir a l'arrivée du train, une de ces voitures, moitié
carrosse et moitié diligence, qui tiennent à la fois en Italie
du cérémonial de gala et du familier train-train. C'était un
véhicule assez large pour recevoir à la fois tous les voyageurs
descendus à la Uazione grand ouverte au plein air de la
campagne, à plusieurs kilomètres de la ville qu'on voyait
surplomber tout là-haut, et où il allait falloir grimper par
des lacets faisant à cache-cache sous les oliveraies des
contours. Le lecino nous avait engloutis dans la capacité dé-
mesurée de son intérieur de «voiture pour noces», et nous
* * 1
jetions les yeux, aussi étonnés qu'amusés, sur ces immenses
coussins gris de poussière et sur ces espèces de places
publiques en voyage où une forte odeur de venaison et
INTRODUCTION.
51
d'herbage accusait le passage des chasseurs et des campa-
gnards qui s'y étaient installés avant nous. La portière
allait se refermer, abandonnant à nous seuls tout l'espace
de ce béant carrosse, quand je risquai par la glace relevée
trop précipitamment :
— Vous ne montez pas. Monseigneur?
Nous n'eûmes que le temps de voir son geste lar^e,
Pérouse. — La Via dcl CardincUo.
vers la montagne et vers Pérouse, comme s'il voulait dire :
<c Je connais la traverse, et je serai en ville plus tôt que
vous! » Alors le voiturin fouettant ses deux chevaux, nous
partîmes au trot, sous les oliviers et sous les chênes-verts
qui bordaient à droite et à gauche le chemin montant.
Pendant cette ascension matinale qu'égayaient les grelots
de l'équipage sur le cou des bêtes et les chansonnées
des grillons dans les herbes des talus, nous regardions,
entre les premières brumes que le jour naissant pénétrait,
l'immensité de la plaine se déroulant au plus profond
It-
II
I
H
50
INTMODI CTION.
sa force et le secret de sa heaulé. La ivjile monacale du
divin Povercllo n'a-t-elle pas servi de ««uide au pinceau
extatique de tous les maîlres de rOnihrie?... Kt le train f|ui
fuyail, sans laissera la pensée le temps d'évoquer d'aulres
souvenirs avec d'aulres noms dans ce jardin suave de
rOmhrie, nous permettait déjà de voii', sur les liauteuis
voisines, la maîtresse cité de celte terre mystique et de cet
art divin dont elle fut la souveraine, celle IYtouso altière
dont les pieds sont chaussés de rochers à la cime même des
Alpes, cl dont la Icte se couronne des roses de l'auiore et
des apothéoses du couchant, à ces hauteurs où les sérénités
du ciel descendent, plutôt (jue les tempêtes de la terre n'y
montent.
Le train entrait en i»are.
— IIop!... Et dépéchez-vous de monter en voiture!
Vous n'êtes pas encore arrivés à l*érouse.
Le hienveillant M^v M..., qui avait hien voulu accepter
au cours de ce voya^-e ma cinupaunie et celle de mon
photo'-raphe, avait lait descendre à la gare, pour lums
recevoir à l'arrivée du liain, une de ces voitures, moitié
carrosse et m(ûlié diligence, (|ui tiennent à la fois en Italie
du cérémonial de j-ala et du familier train-train. C'était un
véhicule assez large pour recevoir à la fois tous les vova;»eurs
descendus à la slazione grand ouveite au i)lein air de la
campagne, à plusieurs kilomètres de la ville qu'on voyait
surplomher tout là-haut, et où il allait falloir grimper par
des lacets faisant à cache-cache sous les oliveraies des
contours. Le Uu/no nous avait engloutis dans la capacité dé-
mesurée de son intérieur de « voiture pour iU)ces», et nous
jetions les yeux, aussi étonnés qu'amusés, sur ces immenses
coussins gris de poussière et sur ces espèces de places
puhli(|nes en voyage où une forte odeur de venaison et
INTIIOliLcriO.V. . 51
d'herhage accusait le passage des chasseurs et des campa-
gnards qui s'y étaient installés avant nous. La portière
allait se refermer, ahandonnant à nous seuls tout l'espace
de ce héant carrosse, (juand je risquai pai- la glace relevée
Irop précipitamment :
— Nous ne montez pas. Monseigneur?
Nous n'eûmes que le lemj»s de vin'r son ueste lar*»e
Poioiiso. — La Via dcl Cnn/inrl/o.
vers la montagne et vers Péiouse, comme s'il voulait dire :
« .le connais la travrrse, et je serai en ville plus tôt que
v(ms! » Ahu-s le voituiin fouettant ses deux chevaux, nous
partîmes au trot, sous les oliviers et sous les chénes-verls
qui hordaienl à droite et à gauche le chemin montant.
Pendant cette ascension matinale qu'égayaient les jirelots
de l'éipiipage sur le cou di^s hétes et les chansonnées
des grillons dans les herhes des talus, nous regardions,
entre les premières hrumes que le jour naissant pénétrait,
rimmensité de la plaine se déroulant au plus profond
awiii
V.
52
INTRODUCTION.
Sf-
(le l'horizon de rOmbiie, comme une mer de verdure
dont les crêtes écumantes étaient les blanchissantes villas
s'espaçant çà et là. Et Pérouse, là-haut, sur sa jetée de
rochers aériens et de maisons audacieuses les escaladant,
semblait servir de phare à cette mer, avec les gaz qui
éclairaient encore ses rampes et, les étoiles brillant encore
en semis de rosaces diamantées, dans son ciel bleu. Dans
ce lever d'aurore tendre, des hommes et des femmes,
outils en mains et paniers sur la tète, allaient à leurs
travaux des champs et passaient dans ce décor de fresque
primitive, avec les mêmes poses calmes et les mêmes
légendaires beautés par lesquelles leurs ancêtres avaient
semblablement représenté la Vierge « pleine de grâce »
et (c le plus doux des Enfants des Hommes >). Jetez aujour-
d'hui encore sur ces visages graves, d'une l>eaulé plutôt
sévère que facile, jetez un voile diaphane que peul plisser
le vent et que baignera de partout la lumière; et vous
aurez telle Annonciation du Memmi, telle Nativité du
Pérugin, telle Dame des Compassions brossée par Crivelli
ou par Buonfiglio. Voulez-vous des seigneurs de la plus
élégante Renaissance, tels que les savent caminr daiis
leurs compositions les Pinturicchio et les Manlegna?
Échangez ces casaques de laboureurs et ces manies de
patres contre les cottes de mailles des barons et les collets
frisés des favoris des Borgia ou des Gonzague, aux cours
du Vatican ou de Manloue. Les génies de la forme qui
aristocratisèrent jadis ce peuple de paysans ont refroidi
depuis longtemps la lave ardente dont les ondées ne roulent
plus sur notre froide argile humaine; mais la source de
leurs inspirations coule encore à pleins bords aux environs
de Pérouse, et il suffit à une paysanne de Monteluce ou
de la Pieve del Campo de soulever son fazzolelto pour faire
INTRODUCTION.
53
apparaître, sous son masque idéal, une pure Vierge de Van-
nucci aux yeux du voyageur étonné. Elle seule aura
paru insensible à ses charmes; car elle marche dans sa
beauté, et, regardant ingénument les autres, elle continue
a s'ignorer sur la route où, pour la contempler presque à
mains jointes, vous vous retournez encore. Telles, les sources
voisines de Clitumne et de Blandusie, jadis chères aux
muses de Virgile et d'Horace, avaient reflété, pendant des
siècles d'oubli, la beauté du ciel bleu dans le silence de
leur miroir tranquille; et il avait fallu qu'un berger,
qu'un poète, le front couronné des liserons et des aches
cueillis sur leurs bords, leur révélât la grâce qu'elles ne
se connaissaient pas encore, en se penchant sur elles et
en leur donnant, de ses lèvres ardentes, le baiser qui
a suffi peut-être pour rider leur surface sereine et troubler
le lepos millénaire de leurs profondes eaux. |
U Ions lilandusiœ, splendidior vitro....
Maintenant le legno a gravi tout le Colle di Santa
Giuliana, et nous sortons de la forêt d'oliviers qui tapissent
les pentes du viale, pour entrer dans la ville, à la satis-
faction des bêtes qui se relancent au galop sur les dalles
de pierre dont sont pavées les rues de Pérouse, comme
un intérieur de cathédrale. Le vent, que nous avions
laissé dormir dans la plaine ombrienne, s'éveille ici
soudain, comme dans l'antre d'Eolus. 11 balaye les grands
pavés de la chaussée, avec un scrupule de scopatore
matinal à qui aurait été confié l'entretien des devants-de-
porte, nets comme l'œil mais un peu froids, dans leur
propreté de pierre blanche. Par là-dessus, notre voiture
aux bois lourds et aux coussins épais n'en roule que
mieux; et le vent de tramontane, qui la prend par les
(mtsvrf^^mm,'
-Ç"^-
54
INTHODICTION.
I
f
derrières de son ample capote de cuir, Tenlève comme une
plume jusqu'à la porte de rAlberçio délia Posta où le
voiiurin a de la peine à arrêter son équipage. Nous descen-
dons et n'avons pas plutôt donné nos noms que nous
sommes introduits, par un large escalier de pierre, où
la veilleuse est allumée devant une Madone de la plus pure
tradition ombrienne. La chambre démesurée qu'on nous
offre pourrait servir de salle au
Conseil des Prieurs. Pour ne pas y
sentir lèvent de la haute montagne
qui ébranle les pierres mêmes des
murs, nous nous blottissons dans
nos lits froids pour un léger som-
meil de quelques heures.... Depuis
combien de temps grelottions-nous,
sous l'épaisseur de planche des
raides couvertures, quand la porte
s'ouvrit et une voix nous appela,
sympathiqueetforte,dontla chaleur
_ suffisait presque à nous délransir :
— Messieurs! je vous annonce
le soleil.
C'était Mgr U,.. qui, pour se réchauffer, avait, lui,
passé sa matinée à courir la montagne. Le soleil qu'il
annonçait inondait, en effet, nos fenêtres. Déjà l'air en était
attiédi et sa transparence merveilleuse nous permettait de
voir, par delà les toits dorés, le ciel profondément bleu où
la plus pure lumière se jouait, comme sur une grande
vitre d'émail antique, comme dans une gigantesque tur-
quoise creuse. Grisés déjà par cet air pur et par cette
lumière limpide, en un instant nous rejoignîmes notre
cicérone qui, pour un premier couj) d'œil sur Pérouse
Péroiis.\ — Une rampe
— 'mrrxWTZ
INTRODUCTION.
55
et sa campagne, nous avait donné rendez-vous sur une
lo(j(jia de l'évêché voisin. Pour y arriver, il fallait longer
Pérouse. — Une rue de la paroisse Sant'Ercolano.
la grande belle Via Vannucci qui empruntait son nom au
Pérugin, et passer devant une double rangée de palais
dont les robes de pierre noire, taillées en élégantes
I
5i
IMIIODICTION.
cleirières de son amplr capolo do cuir, l'onlovc ciniimo uîîo
plume jusqu'à la porlo do rAlbenjo délia Posta où U^
voiiurin a de la peine à arroler son équipage. Nous descen-
dons et n'avons [)as plulol donné nos noms que nous
sommes introduits, par un large escalier de piene, où
la veilleuse est allumée* devant une Madone de la plus puie
tradition ombrienne, (.a chambre démesurée qu'on nous
offre pourrait servit' de salle au
Conseil des IMieurs. Pour ne pas y
sentir lèvent de la liante monlagm'
qui ébranle les pieries mêmes des
murs, nous nous blotliss(ms dans
nos lils lioids poui* un légei* som-
meil de rpiel(|ues lieuies.... I)e|mis
combien (b' lempsgrelollions-nous,
sous l'épaisseur de phincbe de>
laides couvertures, quand la porte
s'ouvrit et une voix nous appela,
sjinpatlNqueetlbrte,doiit la chaleur
suffisait presque à nous délransir :
— Messieurs! je vous annonce
le sideil.
C'était Mgr M... (jui, |)our se réchauffer, avail, lui,
passé sa matinée à courir la montagne. Le scdeil (|u'il
annonyail inondait, en elVel, nos fenêtres. Déjà l'air en élail
attiédi et sa transparence m«Mveilleuse nous permettait d(^
voir, par delà les toits dorés, le ciel profondément bleu où
la plus pure lumière se jouait, comme sur une grande
vitre d'émail aiiti(pu\ comme dans une gigantes(pie tur-
quoise creuse. Grisés déjà par cet air pur et par cette
lumière limpide, en un instant nous rejoignîmes notre
cicérone qui, pour un premier coup d'œil sur Pérouse
P»roi:s,'. — l'iir iam|ir
S
IMKODLCTtU.N.
55
Cl sa campagne, nous avail donné rendez-vous sur une
lofifjla de l'évéché voisin. Pour y arriver, il fallait longer
IVnmsc. — Ino me île la j'aroisse SaiitErcoiaiio.
la grande belle Via Vannuccl qui emprunlait son nom au
Pérugin, et passer devant une double rangée de palais
dont les robes de pierre noire, taillées en élégantes
56
INTRODUCTION.
t
s
i'
f
Ogives et en créneaux imposants, nous faisaient honte de
nos ulslers élriqués el de notre rapetissé modernisme.
Quand nous passâmes devant le Cambio, — ce chef-d'œuvre
de Bourse ancienne que tout Tor de nos Bourses modernes
ne suffirait pas à payer, — nous attendîmes un moment,
interdits, que les syndics prolecteurs des mailres archi-
tectes Barlolommeo di Malliolo et Lodovico d*Antoniho en
sortissent vivants, le honnet rouge coiffant leurs longs
cheveux, et la sou(juenille flottant sur leurs mollets
découverts et sur
leurs pieds chaus-
sés à la poulaine.
Depuisrannée1452
que cette Chambre
avait été construite
pour les changeurs
de Tépoque et les
31 prud'hommes de
péioiisc. — La Via Vamiucci. tous corps dc mé-
tiers qui y vinrent
représenter les intérêts de leurs confréries respectives, pas
un clou ne manque à la porte ouvragée par les trois frères
ébénistes Del Tasso. De Tintérieur, où Pérugin avait brossé
ses meilleures peintures, nous n'en pouvions rien dire en-
core; la porte restant fermée, qui annon(;ait si magistrale-
ment les œuvres qu'elle renfermait. A deux pas plus loin,
c'était le Palazzo dei Priori qui terminait la rue avec le
cube formidable de ses façades qu'on prendrait pour des
murailles de forteresse, si les trois maîtres tailleurs de pierre
Fra Bevignate, Giovannello di Benevento et Jacopo de Servo-
dio n'avaient fleuri ce palais juscju'aux créneaux, pour servir
de couronne aux arts qui siégeraient ici en même temps
^'^^i-lîShv
îfc*->-^*4-
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i.M'ilODlCriO.N.
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o<»ives et en civiieiuix im|)n<anls, nous riiisaieiil honle de
nos ulstcrs ('Iriqurs el de iiuhe i'a|M'lissé modernisme,
ijiiand nous passâmes devant le CambiiK — ee ehcf-d'aMiMi;
de liourse aneienne (|iie loul Toi' de nos lîmirses modernes
ne snllirait pas à |Kiyer, — nous allendimes un moment,
interdits, (pie les syndics proleelenrs des maiires archi-
tectes lîarhdomnieo di Malliolo et Lodovico d\Vntoiiil>o en
sortissent vivants, le ImmimcI l'on^e coiiïant lenrs lonf»s
cheveux, et la souipicnille llollant sur leurs mollets
déccmverls et sur
leurs pieds chaus-
sés à la poulaine.
Depuis l'année! 'k)'2
(|ue cette Chantbrr
avait été ccuislruile
pour les changeais
de l'épocpie et les
prud'hommes d(^
tous corps de mé-
tiers qui y vinnmt
représenter les intéivls de leuis coiilVéries i'es|)ectives, pas
nn clou ne manque à la porte ouvragée par les trois livres
éhénistesDel Tasso. De l'intérieur, où Pérugin avait hrossé
ses meilleures peintures, nous nVn pouvions rien dire en-
core; la poi'te restant l'ermée, cpii aninmcait si majiislrale-
ment les ceuvres (pfelle renfermait. A deux pas plus loin,
c'était le Palazzo dei Priori qui terminait la rue avec le
cuhe l'ormidalile de ses façades qu'cm [)rendrait pour des
nuirailles de forteresse, si les trois maîtres tailleurs de pierre
Fra lîevignate, Giovannello di Benevento et Jacopo de Servo-
dio n'avaient Henri ce palais jusqu'aux créneaux, pour servir
de couronne aux arts qui siégeraient ici en même temps
l'croiiM'. — La Via Vjiiimiiri.
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58
liNTRODlCTlON.
INTRODUCTION.
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que la Loi. Après le temps des Prieurs de Pérouse, était
venu celui des Délégals de TÉtat Pontifical. El, sous la porte
que le griffon de Pérouse protège moins bien que la statue
d'un saint de France, — Louis d'Anjou, évéque de Toulouse,
— nous attendions paraître un de ces terribles Capitaines
de Justice de jadis, un Oddi ou un Baglioni dans les mailles
d'acier de leur armure, ceints du cercle de fer des hravi,
leurs suivants; un Joacbim Pecci, le rocbet dentelé pour
armure, et le livre du code en guise d'épée dans les mains.
Et ce fut un attaché au Parquet de Pérouse, dont on nous
murmura tout bas le nom et qui nous fit, à son passage,
reculer de honte devant sa redingote boutonnée et nos
idées retardataires. Tels étaient donc les successeurs de
Mgr Pecci, au palais de la Délégation apostolique qui lui
avait, quelques mois, servi de première résidence avant
de passer, de la préfecture, à Tévéché de Pérouse.
— Adagio I adagio I. . . Doucement ! doucement ! . . nous fait
signe de la main, sur la porte de l'évéché qui termine la
rue, l'introducteur obligeant qui nous y a précédés et qui
plaisante, à sa manière, cette furia francese que notre allure
un peu lambine ne représente qu'imparfaitement. Dame!
on ne monte pas tous les jours à Pérouse. Sur cette excuse,
Mgr M... nous fit remarquer qu'il faudrait bien monter
encore, pour atteindre les anges purs du Pérugin et la cité
idéale du Pinluricchio dont nous n'avions encore traversé
que les boulevards ou les antichambres. Et, d'un pied fait
aux ascensions, il s'élança sur l'escalier de l'évéché et nous
entraîna à sa suite. A chacune de ces maiches en vieille
pierre dont le temps ne veut pas achever l'usure, je me disais :
c< Ici, trente-deux ans durant, le cardinal Pecci monta et des
cendit ! » Je crus même au coup de l'ancienne cloche qui
sonna longuement notre présence à la porte de l'appartement
épiscopal que, celle-ci s'ouvrant, ce serait Mgr Pecci qui
nous allait apparaître et nous offrir la bienvenue du prince
et l'hospitalité du père dont il ne sépara jamais, en de
pareilles réceptions, le double caractère. Nous pénétrons-
dans une première antichambre, où des peintures de
l'époque péruginesque continuent à vieillir paisiblement
dans leurs cadres en forme deprédelles. Il y a aussi, le long
des murs, quelques fauteuils à hauts dossiers de chêne,
quelques crédences où des bouquets artificiels se défraî-
chissent sous globe, devant un buste de Pie IX : ils y sèchent,
sans doute, depuis le temps que le cardinal Pecci en fil
hommage au pape Mastaï, dont il n'espérait certes pas héri-
ter, plus tard, à la fois la tiare et les chaînes. Et voici son
cabinet de travail, petit, intime, tel qu'il Ta laissé, pour
aller habiter les grandes salles du Vatican. La tapisserie à
fleurs fanées est la même. Ce sont les mêmes portraits de
Léon XII, de Grégoire XVI et de Pie IX, en simples litho-
graphies sous verre. Les mêmes aussi, les chaises pénible-
ment rembourrées de crins durs, et le bureau-régence qui
lient un des quatre angles de la pièce. Dans celle espèce de
cabinet, plutôt campagnard que citadin et moins digne d'un
évêché que d'un presbytère, devant ces petites fenêtres
ouvrant sur la Piazza del Duomo presque toujours déserte
et sur la haute quiétude de la montagneuse Pérouse, le
cardinal-évêque eut le loisir de méditer sur les événements
du siècle qu'il ne dirigeait pas encore et qu'alors il n'espé-
rait pas plus devoir conduire que ce moineau perdu, pépiant
aux vitres, ne pourrait croire qu'un jour l'essor de l'aigle
lui sera accordé et qu'il s'élèvera plus haut que la tempête
soufflant sur l'âge moderne. A ce même bureau, à celle
même place où le cardinal Pecci avait tant travaillé,
Mgr Gentile Mattei, son successeur sur le siège de Pérouse,
«PI «I il.
60
LNTRODICTION.
LMRODLCTION.
61
h
était assis. Il se leva complaisammenl pour nous donner la
bienvenue, avec sa main grande ouverte :
— Monseigneur, osai-je lui dire, j'appréhendais ne plus
rien voir, ici, de Tancienne Pérouse. Mais je me plais à
reconnaître que, de tous les vieux maîtres de la classique
Ombrie, celui qui a le moins changé, c'est Tévêque.
— Oui, oui, répondit-il, il y a une Pérouse qui est resiée
la même, depuis les beaux siècles passés cjui firent sa gloire.
Mais cette Pérouse, il faut la voir de haut. C'est sur les
toits que vous irez la chercher, si vos jambes sont aussi
fermes que votre volonlé. X Pérouse, messieurs, il faut tou-
jours monter. En avant donc!
Nous eûmes beau prétexter l'ennui qu'occasionnait notre
visite, il fallut obéir sur-le-champ et accompagner Mgr Mattei
partout où il nous conduirait. De par une volonté souve-
raine, n'était-il pas notre hôte? A sa suite, sans quitter
l'évèché et sortant tout au plus des appartements prélatices,
nous nous engageâmes dans une espèce de meurtiière
audacieusement jetée en un arceau dont le passage n'était
permis qu'à un seul homme à la fois. Vers le milieu de cette
antique muraille creuse, une fenêtre était ouverte où notre
guide nous invita à nous accouder. Nous regardâmes. C'était
le vide. Dans le fond, à quarante pieds, la rue passait îîOus
cet arceau géant, digne du nom de Maesta délie Voile qui
est resté à ce dernier vestige du primitif Hôtel de Ville,
brûlé deux fois, en 1327 et en 1554, par le feu qu'y alluma
la vieille haine des partis guelfes et gibelins. L'arcade qui
en est restée sert de pont, par lequel l'évèché communique
avec le séminaire. Ce séminaire de Pérouse, — prédilection
du cardinal Pecci, — combien de fois, le jour et la nuit, le
futur Léon XIII ne passa-t-il pas ce pont pour s'y rendre et
pour y vivre autant qu'il put la vie de ses petits élèves? Che-
min faisant, ce sont mille histoires charmantes de ces mes-
sieurs qui nous accompagnent et qui virent le cardinal Pecci
Pérouse. — La statue de Paul IV sur la Place du Diiomo.
à l'œuvre, les uns alors élèves comme le jeune chanoine
Cernicchi, les autres professeurs comme le vieux et toujours
humoriste archiprétre Romitelli. Une fois, dans cette même
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INTRODICTION.
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était assis. Il se leva complaisainineiil pour nous donner la
bienvenue, avee sa main jiranilc ouverte :
— Monseigneur, osai-je lui dire, j'appréhendais ne [dus
l'wn voir, iei, de Tanciennc Pérousc. Mais je me plais à
reconnaître que, de tous les vieuv maîtres de la classique
Ombrie, celui cpii a le moins cliangé, c'est révé(|ue.
— Oui, oui, répond il-il, il y a nue Pércuise cpii est leslée
la même, depuis les beaux siècles passés qui firent sa gloire.
Mais celte Pérouse, il faut la voir de haut. C'est sur les
toits que vous irez la chei'cber, si vos jambes sont anssi
fermes (pie votre volonlé. A IV'rouse, messieurs, il faut tou-
jonrs monter. En avant donc!
^ous eûmes beau piélexler l'ennui qu'occasionnait notre
visite, il fallut obéir sur-le-cbamp et accompagner Mgr Mattei
partout où il nous conduirait. De par une volonlé souve-
laine, n'étail-il |)as notre hôte? A sa suite, sans (juilter
l'évéché et sortant tout au plus des ap|)ai'lemeuts prélalices,
nous nous engageâmes dans une espèce de meurlriere
audacieusement jetée en un aiceau dont le passage n'était
peimisqu'à un seul homme à la fois. Vers le milieu de celle
anli((ue muraille creuse, une fenêtre était ouverte où n()li'e
guide nous invila à nous accoudei*. Nous regardâmes. C/élait
le vide. Dans le fond, à quarante pieds, la lue passait >(uis
cet arceau géant, digne du nom de Muraln delh Voile i\u\
<st resté à ce dernier veslige du primitif llolel de Ville,
brûlé deux fois, en \7tH el en lo^li, par le feu qu'y alluma
la vieille haine des partis guelfes et gibelins, l/arcade (pii
en est re>tée sert de pont, par le(|uel révéché communi(pie
avec le séminaire. Ce séminaire de Pérouse, — prédilection
du cardinal Pecci, — combien de fois, le jour et la nuit, le
futur Léon XIII ne passa-t-il pas ce pont pour s'y rendre el
pour y vivre autant qu'il put la vie de ses petits élèves? Clic-
min faisant, ce sont mille histoires charma nies de ces mes-
sieurs (|ui nous accompagnent elijui virent le cardinal J^ecci
Poroiisc. — La slaluc «le raul IV sur la Place du Diiomo.
à l 'oeuvre, les uns alors élèves comme le jeune chanoine
Ceruicchi, les autres professeurs comme le vieux et toujours
humoriste archiprétrc Romilelli. Une fois, dans cette même
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INTRODUCTION.
i^elliile d'où sort en ce moment la camerala pour aller à
1 école, c'était « un nouveau » qui pleurait sa maison pater-
nelle : c( Eh bien ! je vais aussi pleurer ! » lui avait dit le
cardinal en s'asseyant sur le lit du petit; tel un vrai père
«lue son enfant eût menacé d'abandonner. Une autre fois,
le cardinal entrait dans une classe avec les écoliers et, le
professeur manquant d'exaclitude, avait commencé Texpli-
lation de l'auteur latin jusqu'à l'arrivée du maître : « Nous
en étions à tel passage ! » se contenta-t-il de dire à celui-ci
«luand il arriva; et, saluant, il repartit. Pendant que les
i^ouvenirs de Mgr Pecci volent ici, de tous les coins, et nous
assaillent en essaim d'oiseaux charmants, ce sont aussi
il'autres oiseaux, les petits élèves qui vont en classe et qui,
voyant dans les couloirs leur évéque et leur père, courent à
lui, l'entourent de leurs mains enfantines, cherchent sur sa
grande main l'anneau épiscopal, l'embi'assentet s'échappent
<:ontents. Brr!...brr!... c'est comme une envolée d'oiseaux.
Les petites soutanes tapageuses ont replié vers la classe, en
l)on ordre. Les portes se referment. Les corridors sont vides.
Et nous voilà tout heureux de cette bouffée d'air respirée en
pleine jeunesse, au milieu de ces vieux murs dont les pré-
trieuses reliques attestent les temps passés. Çà et là, c'est
encore une merveille antique, une colonne qui a perdu son
iîhapiteau dans des constructions supérieures, une voûte
tronquée sous laquelle on a cloisonné plusieurs chambres;
■car, les oiseaux se multipliant, il a fallu doubler aussi les
compartiments de la cage. Nous montons, nous montons
<3ncore. Voici enfin le ciel ouvert, un jardin en plein air,
\m^ salle de jeu sur la dernière voûte de la loggia.
— La dernière création du cardinal Pecci! ajoute Mgr
Maltei.
Nous sommes tout à fait au pays des oiseaux. Mais c'est
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INTHODUCTION.
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de cette loggia aérienne que Pérouse est belle !^ Sur l'arête
aiguë du mont qu'elle chaperonne, elle s'étend du sud au
nord et dessine exactement la forme du dragon ailé qui
s'accroupit et veille sur son armoriai civique. La queue en
est formée, au sud, par la traînée presque rectiligne de la
Pérouse. — Une salle du Musée au Palais des Prieurs.
paroisse de San-Pietro-de-Cassinensi dont le clocher, en
flèche audacieusement grêle au sommet, s'épaissit forte-
ment à la base des voûtes que Pietro Vincioli éleva, en l'an
1000; tant les siècles anciens ont pesé sur ce vieillard de
pierre qui conserve, à l'ombre des dix-huit colonnes de
marbre et de granit supportant ses trois nefs, le gracieux
berceau où Pérugin fit naître son école. De la Porta San-
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cellule d'où sort en ce moment la ranwralu pour aller à
Técole, cVlaitcc un nouveau » qui pleurait sa maison paler-
nelle : a Eh J)ien ! je vais aussi pleurer! » lui avait dit le
cardinal en s'asseyant sur le lit du petit; tel un vrai père
^jue son entant eut menacé d'ahandiunuM". Tne autre fois,
le cardinal entrait dans une classe avec les écoliers et, le
prolesseur manquant dVxactilude, avait commencé Texpli-
vati(m de rauteur latin jusqu'à l'aiTivée du maître : « Nous
en étions à tel passage! » se C(uitenta-t-il de dire à celui-ci
M'iand il arriva; et, saluanl, il repartit. Pendant que les
souvenirs de M-r Pecci volent ici, de tous les coins, et nous
assaillent en essaim d'oiseaux charmants, ce sont aussi
d'autres oiseaux, les petits élèves qui vont en classe et (|ui,
v«»yant dans les couloirs leur évn|ue et leur père, courent à
lui, Tentourent de leurs mains enfantines, cherchent sur sa
iirande main Panneau épiscMqud, Pemhrassentet s'échappent
contents. Brr !... hrr !... c'est comm(» une envcdée d'cdseaux.
Les petites soutanes ta|»a-euses ont replié vers la classe, en
Immi ordre. Les portes se referment. Les corridors sont vides.
Kt nous voilà tout heureux de cette houiïée d'air respirée en
jdeine jeunesse, au milieu de ces vieux murs dont les pré-
cieuses reli(iues attestent les temps passés, (jà et là, c'est
encore une merveille antique, une colonne (|ui a perdu son
ihapiteau dans des constructions supérieures, une voûte
li'(m(piée sous laquelle on a cloisonné plusieurs chamhres;
car, les oiseaux se multipliant, il a fallu douhler aussi les
compartiments de la cage. Nous montons, nous montons
encore. Voici enlin le ciel ouveit, un jardin en plein air,
nue salle de jeu sur la dernière voûte de la lo(/(/ia.
— La dernière création du cardinal Pecci! ajoute Mgr
Mattei.
Nous sommes tout à fait au pays des oiseaux. Mais c'est
de cette lo(j(/ia aérienne <|ue Pérouse est hellel^Sur l'arête
aiguë du mont qu'elle chaperonne, elle s'étend du sud au
noid et dessine exactement la forme du dragon ailé qui
s'accroupit et veille sur son armoriai civique. La queue en
ost formée, au sud, par la traînée presque rectiligne de la
IV.iousi'. -_ Une sillc (In Musôo an Palais «les Piienrs.
paroisse de San-Pielro-dc-Camnemi dont le clocher, en
flèche audacieusement grêle au sommet, s'épaissit forte-
ment à la hase des voûtes que Pietro Vincioli éleva, en l'an
1000; tant les siècles anciens ont pesé sur ce vieillard de
pierre qui conserve, à l'omhre des dix-huit colonnes de
marhre et de granit supportant ses trois nefs, le gracieux
hcrceau ou Pérugin fit naître son école. De la Porta San-
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INTRODICTION.
Pietro que la ville jalouse d'un tel joyau (ranllquité a ren-
fermée dans son sein, à la Porta Ebunica dont les poivrières
flanquent les vieux remparts, le dragon silhouette la courbe
postérieure de ses hanches avec les consiructions poussées
en excroissances parasites, comme des cryptogames contre
un chêne, à la place oii s'élevait jadis la formidable cita-
delle de Paul III. Le corps du monslre s'allonge et grimpe
ensuite, du quartier SanV Ercolano dont la vieille église
boucle en rotonde ce fond de ville, au quartier du Duomo et
du Palalfi Public. Là, siège le centre de Pérouse ; en sorte que,
la Piazza del Munkipio marquant le cœur du dragon, les
griffes antérieures du monstre se rejettent par la Via dei
Priori vers la porte Sainte-Suzanne au nord-ouest, et par
la Via Buonlcmin vers la porte du Soleil au nord-est. Au
nord, la Porta Etrmca aux colossales arcatures sert de col-
lier à ce même dragon dont la télé presque apocalyptique,
changeant de forme, va finir en bec d'aigle entre les hau-
teurs du San-Marco et du Sperandio, à la pointe extrême de
Pérouse que ferment le fort et la porte SanC Anrjelo aux
redoutables barrières. Et tout à l'en tour, du sud au nord et
de l'est à l'ouest, autant que l'œil en puisse découvrir sur la
plaine environnante de TOmbrie que commande de là-haut
Pérouse audacieusement symbolisée par son dragon héral-
dique, c'est la bordure éternellement verte des oliviers sécu-
laires qui virent passer, sous leurs ombrages, l'éclat farou-
che des brigades armées de Baglioni et la douceur attirante
des frères mendiants de Saint-François, le Moyen-Age avec
sa prose barbaresque et sa divine poésie, et, plus lard,
dans la splendeur de sa palette d'or, la Renaissance souve-
raine dont les premiers disciples furent des montagnards,
nés sur ces cimes.
— Voyez-vous d'ici, à votre gauche, au fond de la Via
I
15TR0DLCTI0N. 05
dei Priori, la Chiesa Nuora et la Via Deliziosal C'est là
que le Pérugin habita, dans une maison que vous visiterez
tout à l'heure. Au voisinage de l'oratoire des Bernardins,
vous trouverez aussi la maison de Luca Signorelli, puis celle
de son maître Piero délia Francesca. Par là-bas aussi demeu-
Une autre salie du Musée au Palais dos Prieurs.
rcrent Buonfigli et Fiorenzo di Lorenzo. Enfin, vers la Porta
Santa Suzanna, vous découvrirez le berceau de Bernardine
Belti, si dédaigneusement appelé le « Peinlrailleur », le
a Pinturicchio » ; et, autour de son atelier, les demeures de
ses élèves Bartolomeo Caporali, Eusebio di San Giorgio.
Sinibaldo Ibi, le jeune Raphaël Sanzio lui-même. Mais voici
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flan(|neiil les vieux ivuiparK, le draiion silhouetle la courhe
poslci'ieure de m's liauclies avec les enuslruelious poussées
en excroissances parasiles, couiuie <les crv|)lo«iauies conire
un chêne, à la place où s'élevail jadis la l'orniidalde cita-
delle de Paul III. Le corps du mouslre s'allonue et ««rimpe
ensuite, du quartier Sauf Eirolaiia dont la vieille église
boucle en l'olonde ce fond de ville, au (|uai'lier du Daonio et
du Paldts Pubhr. Là, sii'ue leceulre dePérouse; en soi'Iecpie,
la Vhizza dcl MunlrliHo niaiMpianl le c(eui' du dragon, les
grilTes antérieures du monstre se lejeltent par la Via dci
Piii)ri vers la porte Sainte-Suzanne au nord-iuiesl, et par
la Via IhuHiIrmin vers la porti' du Soleil au noi-d-esl. Au
nord, la Porta Elvaiica aux cidossiles arcatures sert de cid-
lier à ce même dra^im dont la tète pres(|ue apocalypli([ue,
cliauiieant de lorme, va linir en hec craii^le entre le< hau-
teui's du San-Mai'co et du Sperandio, à la |MMnle extrême de
Pérouse (jue lerment le fort et la ptute SaatWntirlo aux
redoulahh'S barrières. Lt tout à renl(Uir, du sud au noi'd et
de Test à l'ouest, autant (|ue Tceil en juiisse découvrir sur la
plaine enviionnante de l'Ombrie (pie eonimand<' de là-haut
Pérouse audacieusement syniholisée par son dragon lierai-
diqne, c'est la horduie èteinellenuMil verte des oliviers sécu-
laires (pii virent passer, sous leurs omhrages, l'éclat farou-
che des brigades armées de ])agli(UM et la douceur attirante
de< frères mendiants de Saint-Fiancois, le Moyen-Age avec
sa prose baibarescpie et sa divine poésie, et, plus tard,
dans la splendeur de sa palette d'or, la Renaissance souve-
raine dont les premiers disciples furent des montagnards,
nés sur ces cimes.
— \ovez-vous d'ici, à votre liauche, au fond de la Via
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(Ici Priori, la CItitsa Psaora et la Via Delizaml C'est là
que le Pérugin habita, dans une maison que vous visiterez
tout à l'heure. Au voisimige de r\)ratoire des Bernardins,
vous trouverez aussi la maison de Luca Signorelli, puis celle
de son maîtie Piero délia Francesca. Par là-bas aussi demeu-
L'nc autre salie du Musée au Palais des Prieurs.
rcrent Buonfigli et Fiorenzo di Lorenzo. Enfin, vers la Porta
Santa Suzantta, vous découvrirez le berceau de Bernardino
Belli, si dédaigneusement appelé le « Peinlrailleur », le
« Pinturicchio » ; et, autour de son atelier, les demeures de
ses élèves Bartolomeo Caporali, Eusebio di San Giorgio.
Sinibaldo Ibi, le jeune Baphaël Sanzio lui-même. Mais voici
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66
liNTRODUCTION.
INTRODUCTION.
67
Mgr Romitelli, membre de TAcadémie di Storia Pair la et
aussi de TAcadémie des Humoristes. Il se propose de
vous servir de guide à travers la cité. Bonne prome-
nade!
Mgr Luciano Romitelli, archidiacre de la cathédrale, est,
en vérité, l'humoriste le plus gai de son Académie, et l'aca-
démicien le plus érudit de Pérouse. Sa taille n'est guère
*- Pérouse. — Soubassements de la Citadelle de Paul IV.
plus haute que la canne de son parapluie l\ grosse colonnade
verte; et vous ne le voyez plus, des qu'il s'est recouvert de
son chapeau deux fois large comme sa petite personne. Mais
vous ne disparaissez pas aussi aisément sous les yeux de ce
Lyncée aux lunettes bleuâtres, presque toujours aux trois
quarts de leur chute sur un grand nez où elles courent vers
l'abîme. Pas une pierre dans Pérouse qui n'ait une histoire
et que, le premier, le chanoine Romitelli ne connaisse et ne
veuille aussi vous raconter, le premier. Songez donc! c'est
lui qui a découvert les tombeaux étrusques de la Pieve del
Campo ; lui encore qui, au printemps de sa vie, enfant de
chœur du Dnomo, jeta des fleurs sous les pieds de Mgr Pecci
quand le jeune prélat fit, pour la première fois, son entrée
dans Pérouse, en 1841.
— Et voilà le Palais des Prieurs qu'il habita, 5 ce titre!
ajoute mon audacieux cicérone que la présence d'un préfet
Pérouse. — Le Polygone.
de la Couronne n'empêche pas d'entrer dans Tancienne
résidence des préfets de la Tiare.
Mgr Romitelli, ami de tout le monde, salue officiers de
l'administration et domestiques de l'office qui lui rendent,
avec plaisir, la pareille en lui ouvrant toutes les portes. En
un clin d'oeil, nous avons franchi toutes les consignes, visité
toutes les salles opulentes du merveilleux palais, — surtout
celles qui furent réservées à l'appartement du Délégat, en
1841. Elles sont spacieuses, mais vides. Tout au plus, çà
et là, de vieilles crédences irréparables et d'antiques retables
ruinés des primitifs Ombriens y sont remisés, en attendant
le budget de la Commune qui fera le double improbable
miracle de réparer eux et lui, en même temps. J'avise
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06
INTROniCTION.
INTKODICTION.
67
Mgr Romilelli, mcml)re de rAcailémie di Storia Palria et
aussi de rAcadémie des Humoristes. Il se propose de
vous servir de guide à travers la cité. Bonne prome-
nade !
Mgr Luciano Romilelli, archidiacre de la cathédrale, est,
en vérité, l'humoriste le plus gai de son Académie, et Taca-
démieien le plus érudit de Pérouse. Sa taille n'est guère
Pérouse. — Soubassomenls de la (litadt'Uc de Paul IV.
plus haute que la canne de son parapluie à grosse cotonnade
verte; et vous ne le voyez plus, des qu'il s'est recouvert de
son chapeau deux fois large comme sa petite jïcrsonne. Mais
vous ne disparaissez pas aussi aisémeni sous les yeux de ce
Lyncée aux lunettes hieuàtres, presque toujours aux trois
quarts de leur chute sur un grand nez où elles courent vers
l'abîme. Pas une pierre dans IVrouse qui n'ait une histoire
et que, le premier, le chanoine llomitelli ne connaisse et ne
veuille aussi vous raconter, le premier. Songez donc! c'est
lui qui a découvert les tombeaux étrusques de la Pieve del
Campo; lui encore qui, au printemps de sa vie, enlant de
chœur du Duomo, jeta des fleurs sous les pieds de Mgr Pecci
quand le jeune prélat lit, pour la première fois, son entrée
dans Pérouse, en 1841 .
— Et voilà le Palais des Prieurs qu'il habita, à ce titre î
ajoute mon audacieux cicérone que la présence d'un préfet
rérousc. — Le Polygoiit*.
de la Couronne n'empêche pas d'entrer dans Tancienne
résidence des préfets de la Tiare.
Mgr Romitelli, ami de tout le monde, salue officiers de
l'administration et domestiques de l'office qui lui rendent,
avec plaisir, la pareille en lui ouvrant toutes les portes. En
un clin d'œil, nous avons franchi toutes les consignes, visité
toutes les salles opulentes du merveilleux palais, — surtout
celles qui fuient réservées à l'appartement du Délégat, en
18il. Elles sont spacieuses, mais vides. Tout au plus, çà
et là, de vieilles crédences irréparables et d'antiques retables
ruinés des primitifs Ombriens y sont remisés, en attendant
le budget de la Commune qui fera le double improbable
miracle de réparer eux et lui, en même temps. J'avise
{\
«I
î
68
INTRODUCTION.
encore une terrasse, sur laquelle donne l'ancienne salle a
manger du Délégat. De là, une vue magnilique s'étend sur
la campagne lointaine. A droite, est San Francesco-al-
Monte, avec sa rangée imposanle de cyprès. A gauche, et ça
et là, le Monte Tesio aux oliviers cendreux, le Séminaire
aux vieux élages escaladant la hauteur derrière laquelle le
Monte Âcuto pose le contrefort imposant de ses assises tihur-
lines. En face enfin, le Monte Malbe aux hieuàtres lointains
où se devinent les transparences opalines du lac Trasimène
qui lui sert de miroir, à ses pieds. Ce fut dans ce décor
impérial que Mgr Pecci commença à régner et, peut-être
aussi, à s'ennuyer. Car de quels souvenirs, encore préma-
turés pour un prélat de carrière, à peine à son début,
peupler cette solitude où d'autres que lui eussent pu se dé-
plaire?
— S'ennuyer? Et la Via Gregoriana à achever en quel-
ques mois, pour l'arrivée de Grégoire XVI à Pérouse ?...
Pour me faire visiter le gigantesque serpent de terre et
de granit qui rampe de terrasse en terrasse et qui, des
basses plaines de Pérouse, porte jusqu'à la ville haute les
deux noms inséparables du pape et du délégat, ordonnateurs
decestravauxvraiment romains, mon guide m'obligeàmonter
en voiture. A mesure que nous avançons sous l'admirable
rideau d'oliviers qui tendent sur cette campagne ombrienne
l'immuable manteau vert de leur éternel printemps, le
chanoine désespéré par une vague flottaison de brume que
je n'entrevois même pas, avec mes yeux habitués à moins de
bienfaisante lumière :
— Clw pcccatol,.. Che caliginel,.. soupire-t-il.
Au bas de la voie triomphale dont chaque borne dit
encore la gloire de Mgr Pecci, la brume tant redoutée du
chanoine n'a pas empêché notre landau d'être signalé au
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liNTRODUCTION.
69
recteur de la Pieve où nous entrons. Ce bon curé n'attend
pas même (jue nous soyons descendus de voilure, pour
courir aux cloches, en compagnie de sa servante, et les
ébranler toutes deux, à eux deux. L'archidiacre a beau agiter
désespérément son parapluie de colonnade. Lecuré, passant
la tête par une lucarne du clocher, fait signe qu'il aura
bientôt fini son concert d'honneur. Et il ne redescend de là-
Pérousc. — La Porte Élrusquc.
haut qu'en sueur, hors d'haleine, pour nous inviter à entrer
maintenant dans son presbytère délabré où il y a encore
du vin de sa treille et de l'eau de son puits, pour nous
désaltérer. La soutane terreuse que le prêtre avait relevée
sur ses reins, pour mieux vaquer à la culture de ses choux,
ne l'incommodait guère. Quand nous lui dîmes que nous
allions, par le pays, en quête des souvenirs que Mgr Pecci
y avait laissés, et que nous avions voulu descendre aussi
sous les treilles de la Pieve où l'ancien Délégat de Pérouse
s'était plu à venir se reposer souvent.
08
l.NTUODICTION.
encore une terrasse, sur la(|uelle donne Tanciennc salle à
manger du Délégat. De là, une vue magnili(|ue s'étend sur
la canî|)agne lointaine. A droite, est Saïf Fntucemy-al-
Montc, avec sa rangée inii)osanle de cyprès. A gauche, et ya
et là, le Mo}tte Tesio aux oliviers cendreux, le Séminaire
aux vieux étages escaladant la liauleui* deiiière la(|uelle le
Mo}dr Aniht pose le conlrclorl impos.int dr ses assises lihur-
lines. En lace enlin, le Munie Malbe au\ hleuàlres lointains
oîi se devinent les transparences opalines du lac Trasimène
qui lui sert de miroir, à ses pieds. Ce fut dans ce décor
impérial ([ue Mgr Pecci commen(;a à régner et, peut-être
aussi, à s'ennuyer. Car île quels souvenirs, encore préma-
turés pour un |)rélat de carrière, à peine à son début,
peupler cette solitude où d'autres (jue lui eussent pu se dé-
plaire?
— S'ennuyer? Et la Via Grerjoriana à achever en ([uel-
ques mois, pour l'arrivée de Grégoire \VI à Péiouse ?...
Poui' me faire visiter le gigantesfiue serpent de terre et
de gianit qui rampe de terrasse en terrasse et qui, des
basses plaines de Pérouse, porte jusqu'à la ville haute les
deux noms inséparables du pape et du délégat, ordonnateurs
decestravauxvraiment romains, mon guide m'obligea monter
en voituie. A mesure (pie nous avançons sous l'admirable
rideau d'oliviers qui tendent sur cette campagne ombrienne
l'immuable manteau vert de leui* éternel jnintemps, le
chanoine désespéré par une vague llottaison de brume que
je n'entrevois même pas, avec mes yeux habitués à moins de
bienfaisante lumière :
— Che jH'Ccat')!.,, Che callgine!... sou[)ire-t-il.
Au bas de la voie triomphale dont chaque borne dit
encore la gloire de Mgr Pecci, la brume tant redoutée du
chanoine n'a pas empêché notie landau d'être signalé au
INTIIODLCTION.
60
recteur de la Pleve où nous entrons. Ce bon curé n'attend
pas même cpie nous soyons descendus de voilure, pour
courir îujx cloches, en compagnie de su servante, et les
él)ranler toutes deux, à eux deux. L'archidiacre a beau agiter
désespérément son parapluie de colonnade. Lecuré, passant
la tête par une lucarne du clocher, fait signe (pi'il aura
bientôt lini son concert d'honneur. Et il ne ledescend de là-
rt'i'ouso. — La Porte Kliiis«jiie.
haut qu'en sueur, hors d'haleine, poumons inviter à entrer
mainlenanl dans son presbylèie délabié où il y a encore
du vin de sa treille et de Peau de son jjnils, pour nous
désaltérer. La soutane terreuse que le prêtre avait relevée
sur ses reins, pour mieux vaquer à la culture de ses choux,
ne l'incommodait guère. Quand nous lui dîmes que nous
allions, par le pays, en quête des souvenirs que Mgr Pecci
y avait laissés, et que nous avions voulu descendre aussi
sous les treilles de la Pieve où l'ancien Délégat de Pérouse
s'était plu à venir se reposer souvent.
^
/A
i
70
LNTRODICTION.
— C'est bien possible ! ajoiita-l-il. Mgr Peceî, dites
vous?...
— ... Aujourd'hui, pape Léon XIII!
Pourquoi ne pas nommer plus tôt le pape Pecci à la
revêche mémoire du bon recteur qui ne retenait plus que
les termes botaniques des plantations de son jardin? Pecci?. . .
Joachim Pecci?... Mgr le Délégat Pecci?... Oui, oui, il en
conservait aussi un souvenir. C'était un tube de métal,
pareil à ceux dont usent les ouvriers compagnons en voyage,
de ville en ville, et où ils
renferment leurs papiers
de route. Un cantonnier
de la Via Gregoriana
Tavait trouvé, un jour,
entre deux pierres des-
cellées du chemin. Le
parchemin, extrait de la
cassette, racontait les
louanges de « Joachim
Pecci, patricien d'Ana-
gnî, consul de Bénévent, puis de Pérouse, qui, à la tren-
tième année de sa brillante carrière, était parti pour le pays
des Belges... » Et le curé, toujours parlant et toujours
fouillant dans ses tiroirs, en sortit enfin cette feuille de
route d'un passant célèbre que le vent du hasard avait
portée, de fosse en fosse, depuis celle des grands chemins
où elle eût pu rester ensevelie avec les autres feuilles des
saisons mortes, jusqu'à celle d'un pauvre petit recteur de
village qui aurait pu, certes, la perdre au fond de sa
bibliothèque inexplorée et de son ingrate mémoire. Elle
disait :
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De Pérouse à Coiciano*
INTRODUCTION
SOLENNE
DA SUPERNA GRAZIA INAUGURATO
FAUSTISSIMO
ANCHE A PERUGIA
OLTRE ALLO STATO E ALLA CHIESA UNIVERSALE
SIA QUESTO GIORNO
XiX DI FERRAIO DEL MOCCCXXXXUl
PERCHE
GIOAGGHINO PECCI
PATRIZIO DI ANAGNI DELLA S. R. C. PRELATO SACERDOTE
TOCCANDO APPENA IL TREMESIMO ANNO
IN DIFFICILI NEGOZII E NEL REGGIMENTO DELLE PROVINCIE
PRIMA RENEVENTANA POI PERUGINA
GIDSTO ESTIMATORE DEGLI UOHINI E DELLE COSE
PRUDENZA DOTTRINA RETTITUDINE
Al SLDDITI E AL SOVRANO TESTIMONIATE
OGGI
DALL* AMPLISSIMO CARDINALE LAMBRUSGHINI
ONORE DEL PURPUREO SENATO LUME DI SAPIENZA
L*1NFULA SACRA L*OLIO CELESTE RICEVE
ONDE ALLA CHIESA DI DAMIATA
DALLA SANTITA DI GREGORIO XVI P. Q. M.
NEL CONCÏSTORO DEL XXVII GENNAIO
ARCIYESCOVO ELETTO SI SPOSA
B
DA PERUGIA DA ROM A
NUNZIO ALLE DELGICHE REGIONl MOVENDO
ESEMPIO VIVO DI APOSTOLICHE VIRTUDI
IL POPOLO CHE RESSE PUR MEMORA E BENEDICE
D! GRATO ANIMO DI RIVERENTE AMORE
PER LOSTANANZA INDIFETTIBILE
FERVIDISSIMI
LO ACCOMPAGNANO
AUGURII E VOTI
71
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70
LNTKOlirCTlON.
INTRODUCTION
7i
— C'est bien possible ! njoula-l-il. Mgr Pecci, dites
vous?...
— ... Aujourd'hui, pape Léon MU!
Pourquoi ne pas nommer plus lot le i)ape Peeci à la
revèebe mémoire du bon reeleur qui ne retenait |)lus «pie
les termes botaniques des planlalions de son jardin? Peeei?...
Joachim Pecci?... Mgr le Délégat Pecci?... Oui, oui, il en
conservait aussi un souvenir. Celait un tube de métal,
pareil à ceux dont usent les ouvriers compagnons en voyage,
de ville en ville, et où ils
renferment leurs [)apiers
de route. Un cantonnier
de la Via Greçioriana
l'avait trouvé, un jour,
entre deux j)ierres des-
cellées du chemin. Le
parchemin, extrait de la
cassette, racontait les
louanges de « Joachim
Pecci, patricien d'Ana-
gni, consul de liénévent, i)uis de Pérouse, qui, à la tren-
tième année de sa brillante carrière, était parti pour le pays
des Belges... » Et le curé, toujours pailanl et touj(uirs
fouillant dans ses tiroirs, en sortit enlin cette feuille de
route d'un passant célèbre que le vent du hasard avait
portée, de fosse en fosse, depuis celle des grands chemins
où elle eût pu rester ensevelie avec les autres feuilles des
saisons mortes, jusqu'à celle d'un pauvre petit recteur de
village ([ui aurait pu, certes, la perdre au fond de sa
bibliothèque inexplorée et de son ingrate mémoire. Elle
disait :
Ik' réroiise à Coicimu».
I
SOLKN.NE
DA SUPER N A (JRAZIA INALT.UKATO
FAUSTISSIMO
ANCHE A PERUdlA
OLTRE ALLO STATO E ALLA CIIIESA L.NIVERSALE
SIA QUESTO GIORNO
X:X IH FERRMO OEL MDCXCXXXXIIl
PERCHE
GIOACCHINO PECCI
PATRIZIO ru AXAr.M DELLA S. R. C. PRELATO SACERDOTE
TOCCAXDO APPENA IL TREMESIMO ANNO
IN lUFFICILI NEr.OZII E NEL REGGIMENTO DELLE PROVIXCIE
PRIMA RENEVENTANA POI PERIGINA
filUSTO ESTIMATORE HEGLI L'OMCNI E DELLE COSE
PRLDENZA DOTTRLNA RETTITIDINE
AI SLDIMTI E AL SOVRANO TESTIMONIATE
OGGI
DALL AMPLISSIMO CARDINALE LAMBRUSGHINI
ONORE DEL PLRPLREO SENATO LIME DI SAPIENZA
l'iNFILA sacra l'oLIO CELESTE RICEVE
ONDE ALLA CHIESA DI DAMIATA
DALLA SANTITA DI GREGORIO XVI P. O. M.
NEL CONCISÏORO DEL XXVII GENNAIO
ARCIVESCOVO ELETTO SI SPOSA
B
DA PERUGIA DA ROMA
NUNZIO ALLE BELGICHE REGION! MOVENDO
ESEMPIO VIVO DI APOSTOLICHE VIRTl DI
IL POPOLO CHE RESSE PUR MEMORA E BENEDICE
DI GRATO ANIMO DI RIVEREXTE AMORE
TER LOXTANAXZA IXDIFETTIBILE
FERVIDISSIMI
LO ACCOMPAGXANO
ACGLRU E VOTl
72
LNTRODlCTIOxN.
Je pris, (les mains du prêtre qui me l'offrait volontiers,
ce brevet caduc d'une fragile immorlalilo que j'allais ainsi
quêtant pour mon héros, dans ces déserts du monde si pleins
De Corciaiio à la Pievu.
de nos vanilés passagères, oîi c'est encore la voix du Maître
qui nous demande si c'est un roseau agité par le vent que
nous sommes allés voir, ou seulement une feuille morte,
jouet de la tempête : Indibrium ventL Et quand, de cette
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INTKODICTION.
Je pris, (les inains du prèlre qui me rolîiail volontiers,
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ho Coiciano à la Picve,
de nos vanilés passaj^vres, oîi cVsl encore la voix du Maîlie
(jui nous demande si c'est un roseau a^-ilé [uir le veut que
nous sommes allés voir, ou seulement une feuille morte,
jouet de la tempête : luiiibrium venti. Et quand, de celle
\
74
INTRODUCTION.
belle et miielle campagne qui ne savait plus rien nous
apprendre d*un de ses plus glorieux habitants, nous nous
disposâmes h nous retirer, ce fut encore au son des cloches
relancées que le recteur de la Pitve voilut saluer notre
départ. Il les accompagnait encore de grands gestes des
mains et de la tète, hors de la lucarne et du clocher où
nous finîmes par ne plus le i^garder, de peur de le voir
tomber, pris de vertige, dans le vide.
— Votre serviteur. Excellence!...
Peut-être la leçon était-elle complète. Du moins, le cadre
extérieur était tracé de la vie intérieure dont je me propo-
sais de continuer Tédifiant récit. Et à quelle philosophie
plus haute élever Thisloire du grand homme que fut Mgr
Joachim Pecci, que celle que me révélèrent les cloches en
sonnant si fort et se taisant si vite, sur la ligne de Thorizon
où tout ce qui commence avec le jour finit si tôt avec le
soir ?
PREMIÈRE PARTIE
LA PRELATURE DE LÉON XIII
4
I*
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^1
74
INÏKOhl CTION.
belle el miioUe campajino qui ne savait |»lus rien nous
apprendre d'un de ses plus glorieux liabilanls, nous nous
disposâmes à nous retirer, ce fut encore au son des cloches
relancées (|ue le recteur de la Pitve vo ilut saluer notre
départ. Il les accompagnait encore de grands gestes des
mains et de la tète, hors de la lucarne et du clocher oi'i
nous finîmes par ne plus le regarder, de peur de le voir
tomber, pris de vertige, dans le vide.
— Votre serviteur, Excellence!...
Peul-étit; la leçon était-elle complète. Du moins, le cadre
extérieur était tracé de la vie intérieure dont je me propo-
sais de continuer l'édiliant récit. Kl à quelle [diilosophic
plus haute élever Thistoire du grand homme que l'ut Mgr
Joachim Pecci, que celle que me révélèrent les cloches en
sonnant si fort et se taisant si vite, sur la ligne de Thorizon
où tout ce (jui commence avec le jour finit si tôt avec le
PHEMIÈRE PARTIE
soir ?
I
LA PRÉLATUUE DE LÉON XIH
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Teneiezza. (iraprcs Léon Donnai.)
Ino Canicia'a du Colh|e Rjmain, (D'apn's Heilbutli.)
U ; ROMAMIQF DE 1830
Le voile de deuil à travers
le(]uel l'orplielin entrevit Rome,
où la comtesse sa mère' venait
de mourir, ne fut pas compa-
rable, pour la noirceur de sa
trame, à celui qui enveloppait
encore sa patrie et les autres
Etats de l'Europe. Sans doute
on reparlait, là comme ailleurs,
avec de beaux discours, de la
restauration du trône et de
Taulel, et de Taurore enfin levée des libertés nouvelles qu'avaient acquises
es Droits de l'Homme et que la Charte du Roi protégerait. Mais cette
1. Voir, pour les événements précédents, la Jeunesse de Léon XIII. Vn vol. in-8,
Paris, 1897.
Une IMace à Carpincto.
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■ "B^'^J-l^'V^Tr^Œ^W^
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Tcncrt::ti. h'.ijuès Inm WoiuvM.)
liit' Canicta'u tlii CilK-c R muiiii. J^apivs llcilluilli.)
U i n(»M\\TFQF IIE I8r»0
Le voile de di'iiil à Iravvrs
l('<|iH'l lorplK'Iiii eiilrevit noiiic,
où l;i amitt'ssc sa mère' veiKiil
de mourir, ne fut pas compa-
rable, pour la noirceur de sa
trame, à celui qui enveloppai I
encore sa patrie et les autres
Etats de l'Europe. Sans doute
on reparlait, là comme ailleurs,
avec de lieaux discours, de la
restauration du trône et de
Taulel, et de l'aurore enfin levée des liherlés nouvelles (pi'avaient ac(piises
es Droits de l'Homme et que la Charte du Roi j)rolégerait. Mais cette
1. Voir, pour le? ('vriicnieiils priTÔctcnls, l:i Jeunesse de Léon XIII. t'ii vol. iii-8.
Taris, 181)7.
tue l'iatt' à CurpiiiLlo.
wmm
m
78
LA PRÉLATl'RE DE LÉON XIII.
[)
aurore tant annoncée, tant proclamée, se levait mal, entre les voiles
mystérieux qui abritaient les relevailles d'une autre Euro[)e, où des yeux
clairvoyants discernaient mieux le tombeau désolant du passé que le
berceau consolateur de l'avenir. Les esprits les plus judicieux savaient ce
qu'ils avaient perdu avec l'absolutisme autoritaire de l'ancien Régime, a
tout jamais décapité ; ils ignoraient encore ce qu'ils retrouveraient avec le
libéralisme individuel du Régime nouveau qui entrait, en même temps et
avec les mêmes honneurs, au palais des rois constitutionnels et au foyer
des citoyens électeurs. Les uns comme les autres, à ces honneurs diffi-
ciles qui n'étaient plus que des charges pénibles, sauraient, sans doute,
l'aire de profitable besogne pour la prospérité du siècle qui se propo-
sait de renouveler l'histoire. A tout jamais les parcs de Trianon, où de
vrais rois avaient aimé de vraies bergères, avaient poussé leurs claires-
voies sur des pastorales qui ne recommenceraient plus ; et les vaisseaux
dorés, qui avaient embarqué pour Cythère les derniers gentilshommes et
leurs dernières dames, n'avaient plus besoin de recouper leurs amarres de
soie pour revenir de si loin. Le lourd radeau de la Méduse ferait peut-être
mieux l'afl'aire des tristes naufragés de l'an mort, en essayant d'aborder à
Fan neuf. Et, durant cette passe encore ténébreuse, les âmes incertaines
se consolaient de leurs illusions perdues avec les espoirs anxieux dejacopo
Ortis; tandis que les plus désolées d'entr'elles, sur l'infortune de leurs
rêves anciens que l'Europe positiviste et bourgeoise au pouvoir ne réa-
liserait plus, partaient avec i>/ie ensevelir dans les solitudes majestueuses
d'Amérique, l'inutile grandeur de leur noblesse que les monarchies vieilles
avaient jadis couronnée, et dont les républiques ascendantes décapitaient
un à un les fleurons pour y grefler çà et là l'audacieuse cocarde, — co-
quelicot sanglant dont la tige débordante de vie plongeait, depuis 1795,
dans le champ même de la mort.
Cependant, au milieu de l'orage tout au plus assoupi de la première
Révolution que le poignard de Louvel ou les pamphlets de Kotzebuë
menaçaient à chaque instant de faire sourdre, comme d'une outre mal
rempHe du sang des rois et des malédictions des peuples; sous le para-
pluie de Talleyrand où le premier quart de ce siècle avait craché de
dégoût, et à l'abri duquel ce dernier des évêques assermentés tenait
l'avant-dernier des Bourbons non constitutionnels ; loin de Paris et loin
de Vienne, où la papauté, tour à tour exilée, avait laissé le souvenir
et l'exemple néfaste de l'autorité la plus auguste que les monarques aient
osé ébranler, comme pour apprendre au monde à ébranler la leur quand
il voudrait ; les papes étaient enfin rentrés à Rome, et aux murs réparés
de leur ancienne capitale ils avaient restauré leur vieux nid. Ce fut vers
IN ROMANTIQUE DE 1830.
79
cette époque que Léon Xll, appelé à la pénible succession de Pie VII.
accueillit dans ses murs Giuseppe eGioacchino Pccci, pour envoyer l'aîné
au noviciat des Jésuites et le cadet au Collège Romain, où ils conti-
nueraient leurs études.
Dans cette Rome où rien ne change de ce qui fut installé une fois pour
en partager à tout jamais, avec ses antiques palais et ses ruines restau-
rées, les années éternelles, le Collège Romain est un des legs des siècles
passés que les siècles futurs changeront le moins peut-être. Aujourd'hui,
comme au jour où Gioacchino Pecci y entra et comme aux âges antérieurs
où y furent admis les premiers étudiants que Jules 111 appela d'Alle-
magne pour y apprendre les Institutiones theologicœ (\m serviraient de
réfutation aux Uriefe et aux Tischreden de Luther, c'est encore, sous ces
cloîtres de l'école germanique, la grossière et géniale mémoire du moine
défroqué d'Eisenach qui circule, semblant donner toujours aux vieux
piliers de ce collège la force inébranlable de leur masse, contre laquelle
trois siècles de durs assauts n'ont rien pu. Luther est loin déjà, dans la
poussière de son tombeau déshonoré. Comme un souvenir de la lé^^ion
d'étudiants que les pays du Nord embrigadèrent ici, pour les lancer
contre ces chanteurs de choral et ces buveurs de bière, — Mélanchtonet
Jean Rockold rabattant à coup de chopes la poussière des manuscrits et
la sueur des prêches, — la robe rouge de ces mêmes Allemands circule
aujourd'hui sous ce cloître. Hôtes premiers d'une école qui ne fut créée
que pour eux, ils se sont faits les hôteliers des autres étudiants interna-
tionaux qui, depuis que le pamphlétaire de la Warlbourg ne compte plus,
viennent ramasser sous ce toit des armes vieilles qu'ils utiliseront encore
avec honneur pour de nouvelles batailles*. Quand les étudiants romains
1. Le Collège Romain fut fon«lé par Ignace de Loyola. Il eut, pour premier cardi-
nal protecteur, Giovanni Moroni alors légat apostolique en Germanie. En 1552 le
pape Jules III assigna à celle première Université de l'Étal Pontilical une rente
annuelle de 500 écus, sur sa cassette personnelle. Avec la cliarité des autres cardi-
naux, la rente pontificale lut portée à la somme de 5,005 écus, et le Bref du 51 août
1552 confia la direction du Collège aux PP. Jésuites. — Sous Pie IV, les fonds étant
épuisés, les étudiants se dispersèrent dans les autres collèges de la ville et ne revin-
rent en communauté qu'en 1575, sous le [wnlificat de Grégoire XIII, qui assura la
rente de 10,000 écus, pour l'entretien de 158 allemands, dont 30 hongrois. La vacance
des prébendes des chanoines fut affectée, en outre, à rcntrclicn du Collège ; et Sixte V
y ajouta, de. concessione perpétua, la redevance des 500 écus d'or payés par les cardi-
naux pour l'achat de leur anneau. Le pape dota aussi le Collège Komain de sa villa
de campagne appelée la Pariola et de quelques autres privilèges, entre autres, celui
du prône qu'à la Toussaint, pendant la messe de la chapelle pontificale, un élève du
Collège Romain prononce devant le Souverain Pontife, en chape ;>art«a3ia et en bareUc
rouge. Les étudiants du Collège Romain ont aussi la charge du baldaquin pontifical
qu'ils portent, depuis la salle Royale jusqu'au vestibule de Saint-Pierre, quand le Pape
descend en funzione. Le Collège Romain, supprimé en 1777 en même temps que la
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LA PUKLATURE DE LÉON XIIL
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de l'avenir répondront encore aux attaques de leurs détracteurs mal
informés, où seront les passagères diatribes de la valeur de celle que
Stendhal a insérée dans ses Promenades de Home et que, en toute
impartialité, nous reproduisons ici : « A coté de l'église des Jésuites est
le Collège Romain. Vous me prendriez pour un satirique bilieux et mal-
heureux, si je vous expliquais le genre des vérités qu'on y enseigne. Je
crois qu'il a fallu une bulle pour permettre d'y exposer, mais seulement
comme une hxpolhèse, le système qui prétend que la terre tourne au-
tour du soleiL Josué n'a-t-il pas dit : « Sta sol, soleil arrète-toi? » De 1j,
cette fameuse persécution de Galilée sur laquelle on ment, même aujour-
d'hui, en 1829. La vérité ne se trouve que dans deux gros volumes in-i'
imprimés autrefois et ([ui n'ont été mis en vente qu'il y a peu d'années,
à Florence. Je les ai trouvés chez M. Vieusseux, libraire et homme
d'esprit, éditeur de VAnlologia, le meilleur journal d'Italie*. Cette revue
est soumise à la censure, mais en revanche elle est écrite avec conscience,
chose unique peut-être sur le continent. Au CoUegto RomanOj on nous
a montré une collection complète des as romains. Comme nous faisions
la conversation en véritables bonnes gens et que nous avions souvent
parlé del gran Parigi, un de nos guides nous a fait des histoires à son
tour. Sa méfiance romaine s'est adoucie parce que nous sommes Français.
— C'est ici, nous a-t-il dit, qu'a été élevé le jeune Marchesino délia Gcnga,
depuis Léon XII. Dans ce collège, continue notre guide, un homme fort
habile prédit au jeune Marchesino, alors assez pauvre, que, par la suite, il
serait pape. Voici pourquoi. Les enfants faisaient une procession, àl'insu
des professeurs; ils portaient sur un brancard la statue de la Madone.
Le Marchesino délia Genga, ayant une figure belle comme celle d'une
femme, avait été choisi pour remplir le rôle de la Madone. Tout à coup,
on entend venir un professeur; les élèves qui portaient le brancard
prennent la fuite, et la Vierge tombe. D'après certaines règles de prédic-
tion connues de tout le monde, à Rome, et qui furent apppliquées par
l'homme habile, le lendemain chacun dit dans le Collège que l'écolier
qui était tombé du brancard, en faisant le rôle de la Madone, serait un
jour pape.
Compagnie de Jésus, ne rentra qu'en 1820 dans ses immeubles de Rome j)our en être
expolié de nouveau, en 1870, par les Piémonlais. Depuis ceUc dale, l'Université
Romaine se réunit, pour ses cours de philosophie et de théologie, au Collège Ger-
manique dont les étudiants revêtent la soutane rouge.
1. Si Stendhal avait patienté jusqu'en 1835, — dale où, après 201 ans d'examen,
les ouvrages de Galilée et de Copernic furent enfin effacés du catal(^e de V Index
librorum prohibilorum, — il se serait dispensé de faire cette réflexion aujourd'hui
inexacte. . .
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inlormés, oii seront les passagères diatribes de la valeur de celle (|ue
Stendhal a insérée dans ses Prouiouides de Home et (|ue, en toute
impartialité, nous reproduisons ici : « A coté de l'église des Jésuites est
le Collège Romain. Vous me prendriez pour un satirique Inlieux et mal-
heureux, si je vous expliquais le genre des vérités qu'on y enseigne. Je
crois([u'ila fallu une huile pour permettre d'y exposer, mais seulement
comme une hypothèse, le système «jui prétend <|ue la terre tourne ai:-
lour du soleil. Josué n'a-t-il pas dit : « Sta sol, soleil arréte-toi? » De 1j,
cette fameuse persécution de Galilée surhupielle on ment, même aujour-
d'hui, en IS*21>. La vérité ne se trouve que dans deux gros volumes in-i"
imprimés autrefois et (|ui n'ont été mis en vente qu'il y a peu d'années,
il Florence. Je les ai trouvés chez M. Vieussenx, libraire et homme
d'esprit, éditeur de YAHloloifin, le meilleur journal d'Italie', (lelte revue
est soumise à la censure, mais en revanche elle est écrite avec conscience,
chose uni(|ue peut-être sur le continent. Au ('j)lle(jio Roniano, on nous
a montré une collection complète des a^ romains. Comme nous faisions
la conversation en véritables bonnes gens et que nous avions souvent
parlé del gran l*arigi, un de nos guides nous a fait des histoires à son
tour. Sa méfiance romaine s'est adoucie parce que nous sommes Français.
— C'est ici, nous a-t-il dit, qu'a été élevé le jeune Marchesino délia Genga,
depuis Léon XII. Dans ce collège, continue notre guide, un homme fort
habile prédit au jeune Marchesino, alors assez pauvre, que, par la suite, il
serait pape. Voici pourquoi. Les enfants faisaient une procession, à l'insu
des professeurs; ils portaient sur un brancard la statue de la Madone.
Le Marchesino délia Genga, ayant une figure belle comme celle d'une
femme, avait été choisi pour remplir le rôle de la Madone. Tout à coup,
on entend venir un professeur; les élèves (|ui portaient le brancard
prennent la fuite, et la Vierge tombe. D'après certaines règles de prédic-
tion connues de tout le monde, à Konie, et qui furent apppliijuées par
l'homme habile, le lendemain chacun dit dans le Collège que l'e'colier
qui était tombé du brancard, en faisant le rôle de la Madone, serait un
jour pape.
Compagnie de Jésus, ne renira qu'en 18*20 dans ses imnieul)Ies de Rome pour en être
expolié de nouveau, en 1870, par les l'iémontais. Depuis celte date, l'Université
domaine se réunit, pour ses cours de pliilusopliie et de théologie, au Collège Ger-
manique dont les étudiants révèlent ta soutane rouge.
1. Si Stendhal avait patienté jusqu'en 1835, — date où, après 201 ans d'examen,
les ouvrages de Galilée et de Copernic furent enlin clFacés du catalogue de l'Index
lihrorum prohibiloriniiy — il se serait dispensé de faire cette réllexion aujourd'hui
inexacte.
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L'N ROMANTIQUE DE 1850.
81
« Cette histoire nous a coûté quatre paoli et vous semblera ridicule
par son importance, si, lorsque vous la lirez Léon XII n'est plus pape*. »
N'en déplaise à l'ironiste Stendhal, et même à l'époque où Beyie
écrivait ces lignes injustifiées et oîi le pacifique Léon XII régnait, —
ce fut dans celle école de hautes Iradilions Ihéologiques, que notre
Gioacchino compléta ses études classiques. 11 y avait obtenu tous ses
grades universitaires et allait aborder l'étude de la théologie, lorsque.
Manzoni.
incertain encore de sa vocation, il leva la tète pour interroger mélancoli-
quement le ciel de sa patrie.
C'était un ciel encore sombre et bas oîi le soleil, promis depuis trente
ans aux libertés italiennes, avait peine à paraître. Sous ce ciel éploré oà
le printemps du xix® siècle av.lit pourtant sonné à l'horloge de Dieu, sans
que les hommes en annonçassent encore les fleurs promises qui n'étaient
pas écloses, seule la voix du Leopardi avait osé se faire entendre devant
les arcs et les colonnes des aïeux que ne couronnaient plus, hélas! les
lauriers des victoires antiques. La liberté, captive sous les plombs de
1. Cf. Stendhal, Promenades dans Rome^ t. I, p. 159.
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LA PRÉLATURE DE LÉON XIIL
Venise, n'était sortie de son cachot que pour raconter ses Prisons avec
Tâme attendrie et brisée d'un Pellico. Bologne s'insurgeait. Pérouse et la
Romagne, s'affranchissant de l'autorité des papes, tendaient à l'étranger
des mains avides du fardeau qui ne les accablerait que trop vite. Et plus
loin que l'horizon italien dont rAutricho, la geôlière, bornait le triste
espace avec ses despotiques chaînes, là-bas, au pays de 1789 où la liberté
attendue avait promis sa renaissance et son secours à tous les peuples
opprimés de l'Europe, que voyait-on? Le parapluie de Talleyrand, usé
cette fois jusqu'à la trame, devenait impuissant à protéger la chutiî de
son maître royal et impopulaire; et, durant ces journées de Juillet, dont
on pressentait déjà le grondant orage, un bourgeois, — n)aître de la
France, — y ferait couronner en sa bonhommesque personne le premier
roi constitutionnel et le dernier aussi. Son arme ou sceptre serait encore
le parapluie de Talleyrand, tout au plus recouvert, sous lequel s'abaisse-
rait dix-huit ans encore le fusil à pierre des gloires nationales où brûler,
avec des airs de conquérants sans rivaux, par-ci par-là, un peu de
poudre d'escampette. La royauté constitutionnelle et bourgeoise n'aurait
plus qu'à cultiver ses poires; mission à laquelle se garderait de faillir
Louis-Philippe, nommé roi des Français, à l'unanimité des maréchaux et
des maraîchers du royaume. Ainsi la monarchie subissait sa dernière
transformation, en date d'histoire et en période d'atavisme ; et ceux qui
purent voir plus loin que les poiriers de leur jardin, se demandaient déjà
anxieusement quelle chose grande ou petite celte génération, appelée à
cultiver cette terre, allait faire germer sur des espaliers si amoindris ; à
moins qu'un souffle révolutionnaire, plus salutaire ou plus dévastateur
que le précédent, ne se chargeât de préparer à la régnante bourgeoisie
tout autre chose que des poires, pour ses dernières récolles . La polili(|ue
entrait dorénavant pour une trop grande part dans l'essence vitale des
sociétés contemporaines, et l'esprit de Joachim Pecci se sentait trop
admirablement porté vers elle pour qu'à l'étude de la théologie, qui
formerait en lui le prêtre de demain, il ne voulût ajouter celle de
la diplomatie où le politicien futur s'apprendrait, dès la jeunesse, à
gouverner les hommes avec la sagesse d'un maître et l'expérience d'un
vieillard.
Déjà étudiant au Collège Romain, Pecci n'eut de repos qu'après s'être
fait admettre comme pensionnaire à l'Académie Noble, pour apprendre
à celte école diplomatique, — la première du monde peut-être, — la
science des Cours, d'autant plus difficile qu'on y voudra réussir avec plus
d'habileté que de ruse, plus de finesse que de rouerie, plus de noblesse
i[\u de titres, et de qu dites (jue de quahté ; là enfin où il est plus aisé
N'1
UN ROMANTIQUE DE 1830. 83
d'arriver que d'aboulir, et moins facile de rapporter d'une négociation
heureuse un beau caractère sans entaille qu'une bonne fortune sans
retenue. La di|)lomatie romaine est, entre toutes, la plus difficultueuse
parce (|ue ses chargés d'affaires, envoyés dans les Cours étrangères pour
y défendre ses prérogatives plutôt morales que matérielles, risquent
d'autant mieux de perdre pied sur le terrain où ils marchent que ce
terrain ne compte pas, comme bien-fonds. Aux attaques de leurs adver-
saires sur champ profane, ils ne peuvent répondre que par des béné-
dictions sur champ sacré. Si les armes des plénipotentiaires de la terre
sont de fer, celles des envoyés du ciel sont de souffle. A la matérialité
des premiers, il n'y a opposer que l'immatérialité des seconds. Les uns
luttent toujours couverts, tandis que c'est à découvert que combattent
les autres. Mais c'est à cet exercice même de la diplomatie romaine, dans
le vague de ses imperceptibles formes et dans l'insaisissable de ses man-
dats spirituels, que ses délégués acquièrent cette souplesse de pensée et
développent cette légèreté d'évolution qui en font des hommes supérieurs
quand ils ne sont (jue remarquables, et des maîtres de premier ordre
(luand ils sont seulement écoutés. C'est l'éternel triomphe des âmes sur
les corps et des esprits sur les matières, qui sera réservé de tout temps
à celle politique romaine, quand ses maîtres sauront l'imposer à force
d'adresse et de constance, à telle ou telle période de l'histoire des peuples
(lui seront, par elle et malgré eux, dominés, transformés, améliorés,
sauvés.
A cette haute école de gouvernement, où notre futur politicien acquerra
en quelques années d'études les admirables qualités d'homme d'État
que les événements développeront ensuite et qui déjà le font briUer au
premier rang de ses nobles collègues, on aime, dans VÉpistolaire de
Joachim Pecci qui se rapporte à cette époque, observer ses évolutions
aussi habiles qu'honorables, devant les hommes qu'il ne se décide pas
encore à servir, et devant Dieu aussi dont il n'accepte pas d'être encore
le prêtre. La jeunesse est si courte, et si longue sera la vie de ce grand
serviteur des hommes et de Dieu !
Il était beau de visage, avec une arête faciale très longue qui dévelop-
pait son front fuyant, son nez droit et fin, sa bouche grande, son men-
ton fort, et qui faisait de ce visage de vingt ans l'image de l'intelligence
la plus ouverte et de la plus rare distinction. Le corps fûté du dameret
allait à l'avenant du visage, par sa stature plus qu'ordinaire et sa parti-
culière sveltesse; en sorte que le colonel son père, rêvant un avenir à son
fils, avait dû certes regretter l'Empire et ses officiers chamarrés dont
messire Gioacchino aurait porté si galamment les brillants uniformes.
84
LA PRÉLATURE DE LÉON XIH.
Mais les salons de Rome ne restaient-ils pas, comme terrain de conquêtes
moins épiques, sans doute, mais moins périlleuses aussi? Le colonel Pecci
y aurait volontiers introduit son beau Vincent, dont le prénom annonçait
des victoires au feu desquelles brillaient déjà des yeux si doux. Mais, dès
la porte, en dépit de son père désappointé, Gioacchino ne triompha pas
même du bâillement d'ennui <|u'il élouiïa pourtant avec politesse dans
Mme de StaôL
son mouchoir de comte. Au milieu de cette Cosmopolis de 1830, il
cherchait Rome dans ses propres foyers et n'y trouvait qu'un faubourg
de Paris. Par la porte oîi lord Byron venait de sortir en demi-dieu pour
s'en aller mourir à Missolonghi avec les derniers Grecs et leurs dernières
libertés. Chateaubriand était entré en dieu complet, cette fois. Au char
du revenant, Mme de Staël et Mme Récamier, nymphes retardataires d'un
paganisme usé qui se fardait de blanc aux cendres mêmes des anciens
dieux finis, s'étaient également attelées en sibylles mûries, pour promener
dans la classique péninsule le grand vieillard, astre tombant qui, lui
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UiN ROMANTIQUE DE 1850.
85
aussi, allait finir. Dans ces salons parisiennant ou anglicisant, avec un
bout d'accent romain, seule vivait l'àme inutile d'un Manfred,d'un Lara,
d'un Cliild Harold, d'un René, d'un Atala, d'un Natchez: autant de
Scandinaves héroïques, qui se seraient avantageusement battus contre les
brouillards delà VValhalla; autant de poétiques Indiens, dont la vie
romanesque eût suffi à peupler les déserts d'Amérique; mais à donner un
jour de plus à la liberté moribonde qui agonisait aux quatre coins de
l'Europe asservie, non plus aristocrate mais bourgeoise, que non pas!
Nous ne saurions mieux nous représenter la société romaine, a l'heure
ou Joachim Pecci allait la fréquenter pour son compte, qu'en empruntant
à Chateaubriand ses personnelles impressions sur un monde que, vers
cette époque, notre ambassadeur était venu visiter pour la deuxième
fois*. (( Sa Sainteté, écrit-il à Mme Récamier, le 11 octobre 1828, me
reçoit en audience privée; les audiences publiques ne sont plus d'usage et
coûtent trop cher. Léon Xll, prince d'une grande taille et d'un air à la
fois serein et triste, est vêtu d'une simple soutane blanche; il n'a aucun
faste et se tient dans un cabinet pauvre, presque sans meubles. Il ne
mange presque pas; il vil avec son chat, d'un peu de polenta. Il se sait
très malade et se voit dépérir avec une résignation qui lient de la joie
chrétienne; il mettrait volontiers, comme Benoît XIV, son cercueil sous
son lit. Arrivéàla j)orte des apparli'menls du pape, un abbé me conduit
|)ar des corridors noirs jusqu'au refuge ou au sanctuaire de Sa Sainteté.
Klle ne se donne pas le temps de s'habiller, de pour de me faire attendre ;
elle se lève, vient au-devant de moi, ne me permet jamais de mettre un
genou en terre pour baiser le bas de sa robe au lieu de sa mule, et me
conduit par la main jusqu'au siège placé à droite de son indigent fauteuil.
xVssis, nous causons.
Le lundi, je me rends, à sept heures du matin, chez le Secrétaire d'Etal
liernetti, homme d'alfaires et de plaisirs. Il est lié avec la princesse
Doria*; il connaît le siècle et n'a accepté le chapeau de cardinal qu'à son
1. Le premier st'jour de Clialeaiibriand à Rome rcmoiilailà 1802 et au secrétariat
irambassade que lui avait con(î«' Napoléon l" auprès du cardinal Fescli, oncle du
Consul.
2. Le cardinal Berneiti n'clail pas plus lie que les convenances ne le permetlaicnt,
s'il faut en croire l'anecdote suivante que David Silvagni rapporte dans sa Corte r
Sncielà romana, t. III, p. 157 : « Un jour, le gros marcliaiid Cogiati mit en vente
un de ces châles turcs dits à quatre doubles, parce qu'ils pouvaient se replier quatre
fois et conserver leur forme de carré parlait Ce cliàlc élail, en outre, d'un lainage si
souple, qu'il |>ouvail passer par un anneau de femme. Tel quel, il plut à la princesse
Theresa Orsini, femme du prince Don Louis Doria. Celle-c i l'aurait même acheté si elle
n'en avait trouve trop élevé le prix que le marchand en demandait, soit mille écus.
Néanmoins, après huit jours de réllcxion, la princesse put dis|K)scr de cette somme et
se présenta chez Cogiali pour aciieler le châle :
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86
LA PRÉLATURE DE LÉON MIL
corps défendant. Il a refusé d'entrer dans l'Église, n'est sous-diacre qu'à
brevet et se pourrait marier, demain, en rendant son chapeau. II croit à
des révolutions et va jusqu'à penser que, si sa vie est longue, il a des
chances de voir la chute temporelle de la papauté.
Les cardinaux sont partagés en trois factions.
La première se compose de ceux qui cherchent à marcher avec le
temps, parmi lesquels se rangent Benvenuti et Oppizzoni. Benvenuti
s'est rendu célèbre par l'extirpation du hrigandage et sa mission à
Ravenne, après le cardinal Rivarola. Oppizzoni, archevêque de Bologne,
s'est concilié les diverses o[)inions dans cette ville industrielle et litté-
raire, difficile à gouverner. — La seconde faction se forme des zelanti
qui tentent de rétrograder. Un de leurs chefs est le cardinal Odescalchi.
— Enfin, la troisième faction comprend les immobiles, vieillards qui
ne veulent ou ne |»euvent aller, ni en avant, ni en arrière. Parmi ces
vieux, on trouve le cardinal Viduni, espèce de gendarme du Traité de
Tolentino, gros et grand, visage allumé, calotte de travers. Quand on
lui dit qu'il a des chances à la j)apauté, il répond : Lo Santo Spinto
sarebbe diinque ubriaco? Il plante des arbres à Ponte-Molle, oîi Cons-
tantin fit le monde chrétien. Je vois ces arbres lorsque je sors de Rome
par la Porte du Peuple, pour rentrer par la Porte Angélique. Du plus
loin qu'il m'aperçoit, le cardinal me crie :Ali! ait! siynor ambascia^
dore di Francia! puis il s'emporte contre les jdanteurs de ses pins.
Il ne sait point l'étiquette cardinaliste; il se fait accompagner par un
seul laquais, dans une voiture à sa guise. On lui pardonne tout, en
l'appelant :
— Princesse, j'ai le regret de ne pouvoir vous satisfaire, mais le châle est vciniii,
lui répondit Cogiati.
— Vendu? dit la princesse Don'a élonnéc. Et à qîii donc?
— A Gigia Benucci.
— Qui est-ce que Gigia Benucci ?
— C'est la Icmme d'un rédacteur à la Chambre Apostolique (Ministère des Finances).
— Un grand messirc, sans doute ?
— Mais non, répondit Cogiati. C'est un employé, tout simplement.
La princesssî ne pouvant plus calmer sa bile ordonna sur-le-champ au cocher de la
conduire au Vatican, chez le cardinal Bernctti, secrétaire d't ta t. L'Éminencc. ayant fait
aussitôt entrer sa visiteuse, demeura stupéfait en entendant la princesse Doria solli-
citer un emploi pour le prince son mari :
— Sans doute, Émincnce ! ajoufa-t-elle. Est-ce que, pendant que le prince Doria
hésitait à acheter un châle de la valeur de mille écus, un simple gratte-papier minis-
tériel n'en a pas fait l'empleltc jx)ur sa femme?
L'affaire fut connue et lit du bruit. La princesse Doria eut même à se repentir tle
sa mauvaise humeur; car elle laissait croire qu'elle dominait BerneUi, comme elle
avait précédemment dominé Zurla. Le caricaturiste Borcelli (ît circuler un dessin où la
princesse Doria était représentée avec une bourse à la main d'où sortaient les deux
têtes des deux cardinaux désignés plus haut. »
4
UN ROMANTIQUE DE 1850.
87
— Madama Vidoni.
Mes collègues d'ambassade sont le comte Lutzow, ambassadeur d'Au
triche, homme j)oli ; sa femme chante bien, toujours le même air, et
|)arle toujours de ses petits enfants; le savant baron Bunsen, ministre
de Prusse et ami de l'hislorien Niehbur; le ministre de Russie, prince
Gagarin, exilé dans les grandeurs passées de Rome pour des grandeurs
évanouies : s'il fut préféré par la belle Mme Narischkine, il y aurait
donc un charme dans la mauvaise humeur. On domine plus par ses
défauts <jue par ses qualités.
M. de Labrador, ambassadeur d'Espagne, homme fidèle, parle peu,
se promène seul, pense beaucoup ou ne pense point, ce que je ne sais
démêler.
Le vieux comte Fuscaldo représente Naples, comme l'hiver représente
le printemps. Il a une grande pancarte de carton sur laquelle il étudie
avec des lunettes, non les champs de roses de Pœstum, mais les noms
des étrangers suspects dont il ne doit pas viser les passeports. J'envie
son palais Farnèse, admirable structure inachevée que Michel-Ange
couronna, que peignit Annihal Carrache aidé d'Augustin son IVère, et
sous le portique duquel s'abrite le sarcophage de Cx'cilia Metella, qui
n'a rien perdu au changement de mausolée.
Le comte de Celles, ambassadeur du roi des Pays-Bas, avait épousé
Mlle de Valence, aujourd'hui morte : il en a deux filles qui, par consé-
quent, sont petites-filles de Mme de Genlis. M. de Celles est resté préfet,
parce qu'il l'a été ; caractère mêlé du loquace, du tyranneau, du recru-
teur et de l'intendant, qu'on ne perd jamais. Si vous rencontrez un
homme qui, au lieu d'arpents, de toises et de pieds, vous parle d'hec-
tares, de mètres et de décimètres, vous avez mis la main sur un préfet.
M. de Funchal, ambassadeur demi-avoué du Portugal, est ragotin,
agité, grimacier, vert comme un singe du Brésil et jaune comme une
orange de Lislmnne. 11 chante pourtant sa négresse, ce nouveau Camoens.
Grand amateur de musique, il tient à sa solde une espèce de Paganini,
en attendant la restauration de son roi.
Par-ci, par-là, j'ai entrevu de petits finauds de ministres de divers
petits Etats, tous scandalisés du bon marché que je fais de mon ambas-
sade. Leur importance boulonnée, gourmée, silencieuse, marche les
jambes serrées et à pas étroits; elle a l'air prête à crever de secrets
qu'elle ignore.
Amhassadeur en Angleterre dans l'année 1822, je recherchais les
lieux et les hommes que j'avais jadis connus à Londres en 1755 ; ambas-
sadeur auprès du Saint-Siège en 1828, je me suis hâté de parcourir le
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88
LA PRÉLATURE DE LÉON XIIL
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paKais et los ruines, de redemander les personnes que j'avais vues ù
Rome en I8O0. Des palais et des ruines, j'en ai retrouvé beaucoup; des
personnes, peu. Le paLiis Lancellotti, autrefois loué au cardinal Fescli,
est maintenant occupé par ses vrais maîtres, le prince Lancellotti et la
l)rincesse Lancellotti, fille du prince Massimo. La maison où demeura
Mme de Beaumont, à la Place d'Espagne, a disparu. Quant à
Mme de Beaumont, elle est demeurée dans son dernier asile, et j'ai
prié avec le pape Léon Xll à sa tombe.
Canova a pris également congé du monde. Je le visitai deux fois dans
son atelier, en 1807); il me reçut, le maillet à la main. Il me montra,
de l'air le plus naïf et le plus doux, son énorme statue de Bonaparte et
son Hercule lançant Lycas dans les flots. Il tenait à vous convaincre
qu'il pouvait arriver à l'énergie de la forme ; mais alors même son
ciseau se refusait à fouiller profondément l'analomie; la Nymphe restait,
malgré lui, dans les chairs, et l'ilébé se retrouvait sous les rides de ses
vieillards. J'ai rencontré sur ma roule le premier sculpteur de mon
temps; il est tombé de son échafaud comme Goujon de l'échafaud du
Louvre. La mort est toujours là pour continuer la Saint-Barthélémy
éternelle, et nous abattre avec ses flèches.
Les grands artistes, à leur grande époque, menaient une tout autre
vie que celle qu'ils mènent aujourd'hui. Attachés aux voûtes du Vatican,
aux parois de Saint-Pierre, aux murs de la Farnésine, ils travaillaient h
leurs chefs-d'œuvre suspendus avec eux dans les airs. Raphaël mar-
chait, environné de ses élèves, escorté des cardinaux et des princes,
comme un sénateur de l'ancienne Bome suivi et devancé de ses clients.
Charles-Quint posa trois fois devant le Titien ; il ramassait son pinceau
et lui cédait la droite à la promenade, de même que François l^*" assis-
tait Léonard de Vinci sur son lit de mort. Titien alla en triomphe à
Rome; l'immense Buonarotti l'y reçut : à quatre-vingt-dix-neuf ans,
Titien tenait encore d'une main ferme, à Venise, son pinceau d'un siècle
vainqueur des siècles. Le grand-duc de Toscane fit déterrer secrètement
Michel-Ange, mort à Bome après avoir posé, à quatre-vingt-huit ans,
le faîte de la coupole de Saint-Pierre : Florence, par des obsèques magni-
fiques, expia sur les cendres de son grand peintre l'abandon oîi elle
avait laissé la poussière de Dante, son grand poète. Vélasquez visita
deux fois l'Italie, et l'Italie se leva deux fois pour le saluer : le précur-
seur de Murillo reprit le chemin des Espagnes, chargé des fruits de
cette Hespérie ausonienne, qui s'étaient détachés sous sa main : il
emporta un tableau de chacun des douze peintres les plus célèbres de
cette époque. Ces fameux artistes passaient leurs jours dans des aven-*
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LA PUÉLATUHE DE LÉON XIIL
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Rome en 180"». Des palais et des ruines, j'en ai retrouvé beaucoup: des
pers(mnes, peu. Le palais Lancellotli, autrefois loué au cardinal ^V^ell,
est maintenant occupé par ses vrais maîtres, le prince Lancellolti et la
(princesse Lancellotti, fille du prince Massimo. La maison où demeura
Mme de Reaumont, à la Place d'Espaiine, a dis[»aru. Quant à
Mme de Reaumont, elle est demenn'e dans son dernier asile, et j'ai
prié avec le pape Léon XII à sa tombe.
(ianova a pris également congé du monde. Je le visilai deux fois dans
son atelier, en 1807); il me reçut, le maillet a la main. Il me montra,
de l'air le plus naïf et le j)lus doux, son énorme statue de Rona[)arte et
son Hercule lançant Lycas dans les Ilots. II tenait à vous convaincre
qu'il pouvait arriver à l'énergie de la forme; mais alors même son
ciseau se refusait à fouiller prolondénu^nt l'analcmiie; la Nymplie restait,
malgré lui, dans lis cliairs, et fllébé se retrouvait sous les rides de ses
vieillards. J'ai rencontré sur ma route le premier sculpteur de mon
temps; il est tombé de son éebafaud comme Goujon de l'échalaud du
liOuvre. La mort est toujours là pour continuer la Saint-Darlliélemy
éternelle, et nous abattre avee >es llèelies.
Les grands artistes, à leur grande époque, menaient une tout autre
vie que celle cju'ils mènent aujourd'bui. Atlacbés aux voûtes du Vatican,
aux [)arois de Saint-Pierre, aux nmrs de la Farnésine, ils travaillaient à
leurs chefs-d'œuvre suspendus avec eux dans les airs. Raphaël mar-
chait, environné de ses élèves, escorté des cardinaux et des princes,
connue un sénateur de rancienne Rome suivi et devancé de ses clients.
Charles-Quint posa trois fois devant le Titien ; il ramassait son pinceau
et lui cédait la droite à la [)romenade, de même que François I*^"" assis-
lait Léonard de Vinci sur s(m lit de mort. Titien alla en trionqihe à
Rome; l'inunense Duonarotti l'y reçut : à quatre-vingt-dix-neuf ans,
Titien tenait encore d'une main ferme, à Venise, son pinceau d'un siècle
vainqueur des siècles. Le grand-duc de Toscane fit déterrer secrètement
Michel-Ange, mort à liome après avoir posé, à (piatre-vingt-huit ans,
le faite de la coupole de Saint-Pierre : Florence, par des obsècjues magni-
fiques, expia sur les cendres de son grand peintre l'abandon oîi elle
avait laissé la poussière de Dante, son grand poète. Vélasijuez visita
deux fois l'Italie, et l'Italie se leva deiw fois pour le saluer : le précur-
seur de Murillo reprit ]o chemin des Fspagnes, chargé des fruits de
celte llespérie ausonienne, «pii s'étaient détachés sous sa main : il
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cette époque. Ces fameux artistes [»assaient leurs jours dans des aven-
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LA PRÉLATLRE DE LÉON XIII.
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tures et des fêtes; ils défendaient les villes et les châteaux; ils élevaient
des églises, des palais et des remparts ; ils donnaient et recevaient de
grands coups d'épée, séduisaient des femmes, se réfugiaient dans des
cloîtres, étaient absous par les papes et sauves par les princes. Dans
une orgie que Benvenuto Cellini a raconlée, on voit figurer les noms
d'un Michel-Ange et d'un Jules Romain.
Aujourd'hui, la scène est bien changée; les artistes, à Rome, vivent
pauvres et retirés. Peut-être y a-t-il dans cette vie une poésie qui vaut
la première — Je vais voir travailler séparément ces artistes. L'élève
sculpteur demeure d;ms ({uchpie grotte, sous les chênes- verts de la
villa Médicis, oîi il achève son enfant de marbre (jui fait boire un
serpent dans une coquille. Le peintre habite quebiue maison délabrée,
dans un lieu désert; je le trouve seul, prenant à travers sa fenêtre
ouverte quelque vue de la campagne romaine. La Briyande de
M. Schnetz est devenue la mère qui demande à une Madone la guérison
de son fils. — Léopold Robert, revenu de Naples, a passé ces jours der-
niers par Rome, emportant avec lui les scènes enchantées de ce beau
climat qu'il n'a fait que coller sur sa toile. — Guérin est retiré, comme
une colombe malade, au haut d'un pavillon de la villa Médicis. 11 écoute,
la tête sous son aile, le bruit du vent du Tibre. Quand il se réveille, il
dessine à la plume la mort de IViam. — Horace Vernet s'efforce de
changer sa manière. Y réussira-t-il? Le serpent qu'il enlace à son cou,
le costume qu'il alfecte, le cigare qu'il fume, les masques et les fleurets
dont il est entouré, rappellent Irop le bivouac. — Pinelli, entre deux
ivresses, m'a promis douze scènes de danses, de jeux et de voleurs.
C'est dommage qu il laisse mourir de faim son grand chien, couché à
sa porte. — Thorwaldsen et Camuccini sont les deux princes des
pauvres artistes de Rome. Quelquefois ces artistes dispersés se réunissent,
ils vont ensemble à pied à Subiaco. Chemin faisant, ils barbouillent sur
les murs de l'auberge de Tivoli des « grotesques ». Peut-être un jour
reconnaîira-t-on quelque Michel-Ange, au charbonné qu'il aura trace
sur un ouvrage de Raphaël.
Je voudrais être né artiste : la solitude, l'indépendance, le soleil
parmi des ruines et des chefs-d'œuvre, me conviendraient. Je n'ai
aucun besoin; un morceau de pain, une cruche de VAqua Felice, me
sufliraient. Ma vie a été misérablement accrochée aux buissons de ma
route. Heureux, si j'avais été l'oiseau libre qui chante et fait son nid
dans ces buissons I... Que n'ai-je été le contemporain de certaines créa-
tures privilégiées pour lesquelles je me sens de l'atlrait dans les siècles
divers? Mais il m'eût fallu ressusciter trop souvent. Le Poussin el
UN ROMANTIQUE DE 1850.
91
Claude le Lorrain ont passé au Capilole ; des rois y sont venus et ne les
valaient pas. Des Brosses y rencontra le prétendant d'Angleterre. J'y
trouvai, en 1805, le roi de Sardaigne abdiqué; et aujourd'hui, en J828,
j*y vois le frère de Napoléon, roi de Westphalie. Rome déchue offre un
asile aux puissances tombées; ses ruines sont un lieu de franchise pour
la gloire persécutée et les talents malheureux ' . » Ruines pour ruines.
Chateaubriand, «pii se sentait battu en brèche par un siècle nouveau de
démocratie auquel ne serviraient même .plus de lampions les vieux
soleils de l'ancienne monarchie décadente, ne recherchait-il sur le tard
de sa vie les restes de la ville éternelle que pour y ensevelir les restes
de sa mortelle vie? A l'heure donc oîi <juelque chose de grand mourait
dans la vieille Europe des Césars moribonds et des Papes malades,
quand Poniatowski s'écriait sur les bords du Danube : Finis Poloniœl
et Chateaubriand, sur les bords du Tibre : Finis Romœl voici com-
ment un correspondant du comte de Marcellus annonçait l'arrivée de ces
grandeurs moribondes à Rome : « Notre hiver va être très curieux. Un
bateau à vapeur a remonté le Tibre jusqu'à Ripa Grande. Six cardi-
naux sont allés voir le prodige et tout Rome y court. Quelques rois
s'annoncent. On attend bon nombre d'altesses malades.... )) Les rois
annoncés et les altesses malades n'étaient-ils pas ces Don Miguel de Por-
tugal et ces Louis I" de Bavière qui, n'ayant pu illustrer Lisbonne et
Munich de leurs vertus, venaient étonner Rome de leurs vices ; ce Ponia-
towski qui, aux yeux scandalisés de la ville des papes, allait ouvrir sans
honte son palais de l'exil à une fille des rues, comme ce Byron avait fait
du sien à une lille des lagunes?
Gioacchino Pecci, se sentant étouffer, sortit bien vite de ces salons
romantico-romains, où, pour faire place à quelque chose de petit qui
commençait à vouloir vivre, quelque chose de grand — l'àme romaine
— expirait. 11 erra par la ville des grands morts et des grands souve-
nirs, où, selon l'expression de Mgr Gerbet, « à mesure que le corps
monte et descend ces collines, la subite variation des points de vue
moraux donne à l'àme un mouvement du même genre. Remuée, cahotée,
par des impressions si contrastantes qui l'abaissent et l'élèvent, eUe
aussi ne fait, pour ainsi dire, que descendre et monter. » Ce furent les
ruines de sa patrie romaine, jadis si grande et aujourd'hui si réduite,
que cet autre René, — autrement exilé et autrement mélancolique chez
ses pères que dans les solitudes des Natchez, — interrogea durant ses
taciturnes promenades, le long du Forum désolé et parmi des sépul-
L Cf. les Mnitoircs d' Ou Ire-Tombe, t. V, p. 22, etc.
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92
LA PRÉLATURE DE LÉON XIU.
l'N ROMANTIQUE DE 1850.
95
:
turcs dësoLintes, dans ce vieux monde dont le grand mort qui y repose
avait promis pourtant qu'il ne mourrait jamais. iMais voici que, hs
d'espérer h résurrection italienne sur ces tombeaux toujours muets, le
malheureux Leopardi a déjà quitté Rome et suspendu sa lyre fatiguée
sous le cratère du Vésuve, à une branche de genêt «content, lui aussi, du
désert » et, comme lui, prêt à mourir sans gloire sous les laves révoltées
de cette terre, qui ne permet plus à ses glorieux fils d'y vivre avec hon-
neur. Amant plus fiévreux encore de ces sépulcres où l'àme romaine
semble à tout jamais ensevelie, l'éloquent Foscolo jette un dernier cri de
désespoir sous les voûtes funèbres de sa patrie et s'y couche, défendant
à Pindemonte d'y apporter un regret inutile ou d'y chercher encore une
vaine espérance. Dans ce silence de nécropole anti(|ue, oîi ni la voix
pieuse de Sylvio Pellico ni les douces exhortations du Manzoni n'étaient
plus entendues, ne restait-il donc qu'à écouter la plainte suprême des-
pleureuses qui, comme autrefois le corps du Nazaréen, demandaient aux
bourreaux de l'Italie contemporaine son cadavre pour l'ensevelir quelque
part ?
Ce fut alors qu'aux yeux dessillés du triste Gioacchino la Rome chré-
tienne et immortelle vraiment se révéla toute grande. Il clierchait sa
patrie, ce Romain, et il n'avait qu'à l'appeler du seul nom vraiment beau
qu'elle porte, pour que la ville éternelle des papes répondît aux vœux
de ce chrétien, son enfant. Morte! pouvait-elle être morte, cette Rome
impérissable comme ses destinées; morte! parce que, quelques années
précédemment, un empereur des Français l'avait ainsi décrété? Mais
est-ce que, depuis dix-huit siècles déjà, le Dieu qui façonne et qui brise
les fragiles empires n'en avait pas décidé autrement? « Quoi ([ue l'on ait
fait à Rome, dit Frédéric Masson, pour tuer Rome, l'àme romaine vil
encore. Proscrite, elle s'attache aux masures restées debout; elle flotte
dans l'air qu'on respire; elle coule dans l'eau qu'on boit; elle s'abrite
aux plis des vêtements surannés. C'est elle qui donne leur grâce à ces
petits enfants, endormis à l'ombre d'un vieux mur, demi-nus, les che-
veux embroussaillés, qui tordent un haillon en manteau triomphal; elle
qui cambre ces corps de femmes aux hanches robustes, aux poitrines
pleines, qui marchent d'une allure souveraine sur les dalles brisées;
elle qui, aux jours de chaleur, sonne en notes claires, de toutes les
fontaines dispersées par la ville, où, à défaut de sculptures grandioses,
un nom de pape, une inscription, des armoiries sommées de la tiare,
mettent, avec un peu d'art, un souvenir du passé; des eaux dont, à lu
première goutte, les vrais Romains nomment la source conmie on ferait
'un vin renommé; des eaux qu'Agrippa conduisit à ses tiiermes, des
eaux qui parlent de Sixte-Quint' et de Q. Marcius Rex*, de Claude et de
Curius Dentalus*, des eaux qu'ont payées les dépouilles de Pyrrhus et
qui, dans la Rome papale, s'épandent en cascades comme à Trevi,
jaillissent comme devant Saint-Pierre, s'ébrouent comme à la Place
Navone, mettent un arc-en-ciel dans toutes les rues, une lumière dans
tous les horizons, lancent à tous les coins des coulées blanches d'argent
en fusion, sèment à tous les vents l'étincellement continu de leurs dia-
mants liquides ; des eaux (jui sont une joie et une parure, au bruit
desquelles il est bon de vivre et (jue longuement, comme ils telteraient
le sein d'une mère nourrice, les petits enfants aspirent d'une goulée.
C'est [)ar elle, et rien que par elle, que prennent leur caractère et
leur beauté ces monceaux étranges de ruines, s'emboîtant et s'encastrant
dans des bâtisses modernes, familiarisés avec la vie de chaque jour,
traités en grand-parents par ceux-là qui, depuis des siècles, s'abritent à
leur ombre, respectés en leur vieillerie comme des témoins des gran-
deurs mortes, laissant bonassement les enfants grimper à leurs chapi-
teaux frustes, n'étalant point la prétention d'être des chefs-d'œuvre ou
des raretés, étant seulement un trait d'union, un anneau de la chaîne,
solidaires du présent et se souvenant du passé. Aussi vivent-ils : qu'on
les iiole, qu'on les gratte, qu'on les nettoie de leur poussière séculaire,
(ju'on en arrache les masures qui s'y sont accrochées, qu'on en enlève
les brins d'herbe dont les oiseaux ont porté là-haut les semences, qu'on
en fasse, comme on a fait du Colisée, quelque chose de propre, de
récuré, de militaire, qu'on vient voir en faisant crier un tourniquet et
que démontre un soldat cicérone; qu'on enchâsse les fleurs, les oiseaux,
les enfants : avec eux s'envolera l'àme romaine, et, pour contenter
quelques pédants d'Allemagne, ces ruines qui vivaient ne seront plus
1. Cf. Esquisse de Rome chrélienney t. I, p. 71.
2.
3.
Qui siiir arida schicna
Del formidabil monte
Sterminator VescVo
La quai nuli' allro aliogra arbor ne (iurc,
Tuoi ccspi solitari intorno spargi
Odorata ginestra,
Contenta dei dcscrti...
(Leopardi, la Ginestra,
Ail ombra dei cipressi c dontro l'urn»;
Confortatc di pianlo, e lor-e, il sonno
Délia morte mcn duro
Non cbc la spenie, il desiderio e spento.
(Ugo Foscolo, / Sepolcri.)
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94
LA PRÉLATURE DE LÉO> XUl.
que lies ruines. Mais pour leur donner à chacune un S(|uare et un
jardin, elles sont trop : l'armée italienne n'y suftirait point. Encore un
temps, au désespoir des Tudesques, il faudra laisser les mioches indis-
crets conserver, comme ils t'ont depuis deux mille ans, l'héritage des
grands Romains, patiner de l'usure de leurs haillons les hronzes
antiques, mêler à leurs jeux l'omhre souriante des ancêtres, et faire a
leurs chansons vivre et palpiter encore l'àme romaine.
C'est elle, l'ûme romaine, (|ui jette îi genoux ces foules au passage
du Viatique, emplit d'êtres prosternés la maison où l'on porte le corps
sacre, éveille les ferveurs endormies, et dans le peuple, auquel les gou-
vernements prêchent l'athéisme, lait passer encore un rêve d'inmiorla-
hté. Quand, aux façades, devant les Madones mères, les lampes s'allu-
ment, déjà plus rares, déjà plus ternes, n'est-ce pas elle encore qui
brûle en elles, dansante au vent qui souflle des grandes rues droit
percées? Combien de lampes éteintes, brisées, combien (|ue n'allu-
ment plus les vierges folles! Mais, que vienne la mort, qu'elle entre
dans la maison, a la suite du Viatique, qu'elle amène avec elle son
cortège de douleurs et de cris : voici que, devant le saint Sacrement,
l'on se prosterne comme jadis; qu'avec une terreur pareille, devant la
porte que désigne VombrelUno, l'on s'entasse comme autrefois. Au
fond, dans la petite cour, une statue antique se dresse, attendant là,
comme partout, cette liaison intime du présent au passé, donnant pour
témoin à cette religion qui en a triomphé quelque César persécuteur.
Et, aux mêmes paroles de l'officiant, ce sont les mêmes répons des
assistants, c'est la même émotion, c'est la même foi, la même confiance
absolue et inlouchée en la récompense promise, la même certitude du
lendemain, — certitude telle ((ue, le Viatique reçu et le drame accompli,
les yeux se sèchent et les cris s'éteignent. A quoi bon pleurer? à quoi
bon se lamenter? Il est heureux, ce mort : il est en paradis. Ah! sans
ce lendemain l'on serait fort; mais que mettre à la place de ce qu'a mis
l'Église, de ce qu'elle enseigne depuis dix-huit siècles? Est^^e que,
devant ce lendemain, revivant leur vie tout entière et tous leurs actes
et toutes leurs pensées et tous leurs rires, ceux-là qui ont voulu Rome
et qui l'ont prise au Pa])e ne se sont point jetés au Dieu dont le Pape
est le prêtre et, haletants, alfolés de la terreur des ombres prochaines,
n'ont point demandé grâce, depuis le ministre jusqu'au roi? Et, comme
ils eussent voulu alors s'endormir avec cette assurance qu'ont les petites
gens de Rome, de l'immortalité chrétienne.
Et ce ne sont point seulement les petites gens. Que la cloche de
l'église prochaine annonce la mort, voici que les confrères revêtent leurs
UiN ROMANTIQUE DE 1850.
95
longues cagoules, et tous confondus, riches ou pauvres, nobles ou
vilains, repris par l'invincible pouvoir des surveillances anciennes, ils
vont aux églises et aux charniers, masqués et inconnus, communiant en
une même foi, tenant tous en main ce cierge où brûle l'àme romaine.
Des confréries, des archiconfréries, combien? ()n userait son temps à
les compter. Toutes semblables, par la forme du costume, par le sac,
par le cordon, par la pèlerine armoriée, par le capuchon qui, rabattu
sur la tête, couvre la figure et ne laisse voir que les yeux; toutes
semblables, par le capuchon étrange qui laisse sans nom les orgueils et
abat les vanités au niveau de l'humilité chrétienne, distinguées seule-
ment par des couleurs (jui, symboliques, marquent et attestent une
spéciale et comnmne dévotion, elles tiennent Rome tout entière et
quiconque est de vieux sang romain. En leurs rangs, sous la bure
pareille, le fils du mendiant catholique, et, — singulière hardiesse des
vainqueurs, — le fils du roi excommunié, vont côte à côte récitant les
mêmes prières : toujours le De profundis et le Miserere, le cri du
chrétien à la mort, le grand appel au Christ maître des sépultures.
Certes, le cierge éteint, la cagoule dépouillée, ils croient bien, eux
aussi, que ce n'élait là qu'un mauvais rêve, une superstition vaine, un
vieil usage qu'il faut abolir et dont, si on les poussait, ils feraient au
besoin des risées. Mais c'est en leur sang, en leur moelle; et, quoi
qu'ils fassent, quand la cloche tintera, ils iront; et, s'ils n'y allaient
point, pareils à ces prêtres défroqués qui, aux heures des messes,
errent autour des églises, ils viendraient là encore voir et regarder,
infidèles à Rome et possédés par elle.
Non, quoi que fassent ici ceux qui détiennent Rome, à moins qu'ils la
détruisent, jamais ils n'y seront chez eux. Comme jadis, il semble
<|u'ils y craignent une fatalité pesant sur eux, sur leur dynastie, sur
leur avenir. Rien ici n'est à eux, rien n'est d'eux. Ils n'y rencontrent ni
un souvenir qui justifie leur présence, ni une gloire qui la légalise.
Hautains et roides, même en leurs démonstrations de popularisme, ils
logent toujours en garni dans ces palais des papes. Ici ils entrent, ils
sortent, ils passent, ils ne sont rien. Ils peuvent s'approprier, au Pala-
tin, les fouilles qu'avait payées Napoléon; mais c'est de l'àme de Rome
qu'ils devraient arracher des pierres ; et, comme aux temps barbares,
ce n'est qu'après avoir brûlé ces marbres pour en faire de la chaux,
ce n'est qu'après avoir passé la charrue sur les églises et sur les palais
qu'ils pourraient dire : « Rome nous appartient ! )) Tant qu'une pierre
sera debout, elle criera. Voici un palais qu'on a pris et ou l'on campe.
En face, des églises gênaient ; on les a détruites. Mais, au-dessus de ce
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LA PUÉLATLRE DE LEON XIIL
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balcon où l'on s'accoude pour répondre aux vivais, ce balcon d'où l'on
proclamait les papes, une Vierge tenant l' Enfant-Dieu bënit la foule. Cet
obélisque, c'est Pie IV qui l'a dressé. Ce palais, tout près, où travaille
un ministre civil, Clément XU l'a bàli. Et là-bas, fermant l'horizon,
comme la borne gigantesque oîi se brisera la roue du char, ce dôme,
c'est Saint-Pierre avec, dans son ombre, le Vatican. » Tels durent
être, vers 1850, les éloquents soUloques de Gioacchino Pecci, (piand ce
noble jeune homme, arrivé à sa vingtième année, vint demander au
silence des rues et de la campagne de Rome le secret d'une vocation
encore incertaine. Le spectacle de sa patrie humiliée dans sa politique
démente ne contribua pas peu à lui montrer plus magni(i(|ue encore cette
Église catholique d'où l'Italie chrétienne pouvait encore tirer une incom-
parable grandeur, et ses hommes pieux d'inappréciables privilèges. De
cette comparaison avec le règne du ciel séculairement supérieur au
règne de la terre, la foi du néophyte tira des avantages au bénéfice
même de sa patrie. Déjà, devant des tombeaux si vieux et si sacrés d'où
sortaient rassurantes des images riches de religion et d'avenir, les petites
sonates étouffées des romano-parisiennantes comtessines ne sonnaient
plus qu'adagio la gloire de Byron, longue à peu près d'un hexamètre I
Les sibylles mûries, qui s'appelaient encore ici-bas Staël et Récamier,
voituraient encore en vain leur grand Chateaubriand dans sa chaise
percée où, malgré son génie, le poète d'Eudore et de Cymodocée ne
trônait pas avec une majesté comparable à celle des pontifes successeurs
de Symmaque à l'autel apparemment dévasté de la Victoire. La grandeur
de l'Église immortelle se révélait bien tout entière à l'âme de ce noble
Italien, inconsolable de l'abaissement de sa petite et périssable patrie.
Encore quelques années d'épreuve et d'examen. Et «juand Pecci viendra
se jeter aux pieds de Grégoire XVI et solliciter l'honneur du sacerdoce,
fort de cette leçon que les choses lui auront donnée, il apportera au ser-
vice du pape les trésors précieux d'une âme toute jeune et d'une intelli-
gence toute mûre que l'Eglise, sa mère et sa patrie à la fois, sauront
employer à des œuvres dignes d'une si belle cause et d'un si provi-
dentiel ouvrier.
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Vu cardinal à la Villa Boi-ghèse. (D'après llrilhiilh.)
II
I.K CAItl.NKT DU P.Ol ,
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Vous êtes à Saint-Cloud, chez Charles X.
Versailles et les Tuileries, où Louis XVIIl
n'avait pas craint d'engager la partie avec deux
régicides de son frère, Fouclié et Cambacérès,
n'ont pas eu, avec leurs élégantes terrasses et
leurs dramatiques rappels d'Elseneur, l'attrait
de la campagne pour l'avant-dernier roi que la
France se paye encore, — cet Hamlet de nou-
veau genre et tant soit peu vieilli à qui aurait
pu apparaître, avec sa tête tout à coup blan-
chie et coupée, la folle Marie-Antoinette que
le fou ou criminel comte d'Artois, son distingué beau-frère, avait fait
valser jusqu'à la compromettre et jusqu'à lui faire enjamber, par-
dessus les abîmes révolutionnaires, l'autre monde*. Et, roi enfin pour
1. L'été, pendaiU les chaudes soirées de Versailles, la famille royale a l'habitude de
sortir après le souper et de se promener sur les terrasses, en écoutant quelque
Le i-ariiiial C.appcllari
(Grégoire XVI).
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proclamait les papes, une Vierge tenant l'Enfant-Dieu bénit la foule. Cet
oljolisque, c'est Pie IV qui l'a dressé. Ce palais, tout près, où travaille
un ministre civil, Clément XI 1 l'a hàli. El là-bas, l'crmant l'borizon,
comme la borne gigantesque où se brisera la roue du cbar, ce dùine,
c'est Saint-Pierre avec, dans son ombre, le Valican. )> Tels durent
être, vers 1800, les éloquents soliloques de (iioaccbino Pecci, (juand ce
noble jeune bomme, arrivé à sa vingtième année, vint demander au
silence des rues et de la canipagne de Rome le secret d'une vocation
encore incertaine. Le s|H'clacle de sa |)atrie bumiliée dans sa polirKjue
démente ne contribua pas j)euà lui montrer plus magnifique encore cette
Eglise catbolitjue d'où l'Italie chrétienne pouvait encore tirer une incom-
parable grandeur, et ses hommes pieux d'inappréciables privilèges. De
cette comparaison avec le règne du ciel séculairement supérieur au
règne de la terre, la loi du néophyte lira des avantages au bénélice
même de sa patrie. Déjà, devant des tombeaux si vieux et si sacrés d'où
sortaient rassurantes des images riches de religion et d'avenir, les petites
sonates étoulVées des romano-parisiennantes comtessines ne sonnaient
plus qu'adagio la gloire de IJyron, longue à peu près d'un hexamètre!
J.es sibylles mûries, (jui s'a[)[)el.iient encore ici-bas Staël et Uécaniier,
voituraient encore en vain leur grand Chateaubriand dans sa chaise
])ercée oîi, malgré son génie, le poète d'Eudore et de Cymodocée ne
trouait pas avec une majesté comparable à celle des pontil'es successeurs
de Symma(|ue à l'autel apparemment dévasté de la Victoire. La grandeur
de l'Eglise innncrtelle se révélait bien tout entière à l'àme de ce noble
Palien, inconsolable de l'abaissement de sa petile et périssable patrie.
Encore (juelques années d'épreuve et d'examen. Et quand Pecci viendra
se jeter aux pieds de Grégoire XVI et solliciter l'honneur du sacerdoce,
fort de cette leçon que les choses lui auront donnée, il apportera au ser-
vice du pape les trésors précieux d'une àme toute jeune et d'une inlelli-
gence toute mûre ([ue l'Église, sa mère et sa patrie à la fois, sauront
employer à des œuvres dignes d'une si belle cause et d'un si provi-
dentiel ouvrier.
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Vous êtes à Sainl-Cloud, chez Charles X.
Versailles cl les Tuileries, où Louis XVlll
n'avait [)as craint d'engager la partie avec deux
régicides de son frère, Fouché et Cambacérès,
n'ont pas eu, avec leurs élégantes terrasses et
leurs dramali([ues rappels d'EIseneur, l'attrait
de la cami)agne })Our l'avant-dernier roi que la
France se paye encore, — cet Ilamlct de nou-
veau genre et tant soit peu vieilli à (|ui aurait
|>u ap|)araUre, avec sa tête tout à coup blan-
chie et coupée, la folle Marie-Antoinette que
le fou ou criminel comte d'Artois, son distingué beau-frère, avait fait
valser jus(pi'à l;i compromettre et jusqu'à lui faire enjamber, par-
dessus les abhnes révolutionnaires, l'autre monde*. Et, roi enfin pour
I. L'éU', pendant les cliaiulcs soiréos de Versailles, la famille royale a l'iiabiludc de
sortir après le sonpcr et de se |)roniener sur les terrasses, en éconlant (juelque
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-<^~»- ■> »ii%»<e^*--
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LA PRÉLATURK DE LÉON XIIL
son compte personnel, Charles X, aussi élégant dans sa svelte per-
sonne de sire portant beau depuis la pointe de son ronianliiiue toupet
jusqu'à celle de ses souliers régents, que Louis XVIJI avait été disgra-
cieux dans la lourdeur de sa souveraine personne coiffée du bonnet sans
cocarde et chaussée des pantoufles bourgeoises, tient Parlement à la ville
où il ne va jamais, et Cabinet à la chasse où il voudrait aller toujours.
Son Conseil des ministres est présidé par M. de Marlignac, à la voix
si suave que Charles X l'appelle « la l'asta » et Dupont de l'Kure « la
Sirène ». M. Portalis a qui portait la cupidité sur son visage », affirme
Chateaubriand, tient la garde des sceaux; et c'est à lui que ce même
(Chateaubriand, envoyé en ambassade à Rome à peu près comme Thésée
en léî?ation chez le Minolaure, écrit sa relation secrète au labvrinlhe
romain qu'il a entrepris d'assiéger.
Ce labyrinthe pontifical, aussi difficile à cerner que celui de Crète, est
le conclave qui se préparc à élire le successeur de Léon Xll, en la per-
sonne d'un cardinal moins sympalhique aux Ordonnances que ne l'avait
été le pape Délia Genga qui avait déclaré à M. de Chateaubriand lui-
même : « Le spirituel n'est point compromis par les Ordonnances. Les
évêques auraient peut-être mieux fait de ne pas écrire leur première
lettre; mais, après avoir dit : non possiimini, il leur était difficile de
reculer. Ils ont taché de montrer le moins de contradiction possible
entre leurs actions et leur lanj^a^îe, au moment de leur adhésion : il faut
■o"o'
musique ; le public y vienl librement. Le diverlisscmcnl est un i>eu déplacé et, sans
doute, conviendrait-il de blâmer le comte d'Artois, qui en a eu l'idée ; mais c'est encore
à la Heine que vont les attaques. A Paris, même, la calomnie est accueillie; des gens
raisonnables, fort altacbés au TrùnC; parlent avec indignation des a noclurnalcs » de
Versailles. (Ibidem, Chap. I, le Rrgne, p. 50.)
Le comte d'Artois, comme Marie-Antoinette, n'aimait point la Cour et avait pris
goût à Trianon. Il y amena, un jonr, la troupe de Nicolet, dite « les grands Danseurs
du Roi ». Les deux étoiles étaient Placide, qui jouait des pantomimes de sa composi-
tion, et ic « Petit Diable de Hollande », équilihristc extraordinaire, qui dansait sur la
corde sans balancier ou sur des œufs sans les casser. Marie-Antoinette goûta tellement
leurs représentations, que son beau-frire, Ircs habile lui-même aux exercices du corps,
fut jaloux de la gloire de ses protégés et résolut d'en mériter sa part. L'année suivante,
la Cour lut fort intriguée par sa conduite : tous les matins, il allait au Petit Trianon
et s'y livrait, pendant plusieurs heures, à une occupation mystérieuse. On finit par
savoir à quels graves travaux le prince du sang occupait ses loisirs : « Il prenait dans
le plus grand secret, dit un contemporain, les h'çons du sieur Placide et du Petit
Diable, les héros les plus renommés comme danseurs de corde; puis, quand il se vil
en état de briller, il développa en petit comité ses talents aux yeux de la Heine, cl
lrt)ut \c monde tomba d'accord qu'il voltigeait supérieurement ». Tel était le seul ami
que Marie-Antoinette trouvât dans la Maison de France. A l'hostilité grondeuse de
Mmes Tantes, à la jalousie de Madame et de la comtesse d'Artois, à la haine cachée
r s 3Ionsieur, la Reine avait à opposer la frivole sympathie d'un danseur de corde de
vingt ans. L t Ueine Marie-Antoinette, par Pierre de >'olhac, Chap. IV, Trianon, p. 270.
Paris, Calmann Lévy, 1899).
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LE CABLNET bl ROL
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leur pardonner. Ce sont des honmies pieux, très attachés au roi et à la
monarchie; ils ont leur faiblesse, comme tous les hommes.... Jésus-
Christ ne s'est point prononcé sur la forme des gouvernements. Rendez
à César ce qui appartient à César veut seulement dire : « Obéissez
« aux autorités établies ». La religion catholique a prospéré au milieu
des républiques, comme au sein des monarchies; elle fait des progrès
immenses aux États-Unis; elh; règne seule dans les Amériques espa-
gnoles.... )) A lire les pasquinades qui s'affichent impunémentsur l'Ajax
désarmé du palais Braschi, on comprend (jue les ennemis des Ordon-
nances auront beau jeu dans la succession du bon pape qui ressemblait
au chat « tout gris et fort doux » dont il a voulu faire héritier l'am-
bassadeur de France. Ce jeu, il faut le di^ouer à tout prix. Mais encore
ce prix, comment se chilî'rera-t-il par le roi à qui la chasse à courre
coûte déjà si cher? S'il faut compter encore un budget pour la chasse
au pape, qu'adviendra-t-il de la chasse au renard? Et Chateaubriand de
se déganter cette fois tout à fait et d'écrire, du haut de son buste, au
comte Portalis, le billet suivant : « J'aurai l'honneur de vous Lire
observer (jue j'allouai à M. le duc de Laval, pour frais de service extra-
ordinaire en pareille circonstance, en 1823, une somme qui s'élevait,
autant que je m'en puis souvenir, de 40 à 50000 francs. L'ambassadeur
d'Ajitriche, M. le comte d'Appony, reçut d'abord de sa Cour une somme
de 56 000 francs pour les premiers besoins, un supplément de 7 200 francs
par mois à son traitement ordinaire pendant la durée du conclave, et
pour frais de eadeaux, chancellerie, etc., 10 000 francs. Je n'ai point,
Monsieur le comte, la prétention de lutter de magnificence avec M. l'am-
bassadeur d'Autriche, comme le fit M. le comte de Laval. Je ne louerai
ni chevaux, ni voitures, ni livrées, pour éblouir la populace de Rome.
Le roi de France est assez grand seigneur pour payer la pompe de ses
ambassadeurs, s'il en veut une : magnificence d'emprunt, c'est misère.
J irai donc modestement au conclave, avec mes gens et mes voitures
ordinaires. Reste seulement à savoir si Sa Majesté ne pensera pas que,
pendant la durée du conclave, je serai obligé à une représentation à
laquelle mon traitement ordinaire ne pourra suffire. Je ne demande rien,
je soumets simplement une question à votre jugement et a la décision
royale*. » Et, en attendant la réponse du roi de France, son ambassa-
1. La modestie de Chateaubriand trouve dans la relation de son successeur, le
marquis (le La Tour Maubourg, à l'ouverture du conclave suivant, un contraste digne
dêtrc cité : « Mon cortège, écrit l'ambassadeur de France en décembre 1850, était
fort considérable et a paru satisfaire la curiosité d'un public fort avide de ce genre
•le spectacle, qui rappelle plus d'une coutume des peuples d'Orient ». « Dans une pre-
mière voiture, dit une relation manuscrite de l'époque, se trouvait placé M. de Bel
£S-'^-at-î.-^i£r^:
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LA l'RELATlKE DE LÉON XIIL
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deur à Rome prépare son conclave en essayant, tantôt un coup d'œil
par-dessus le mur où les cardinaux préparent l'histoire de demain, tantôt
une note par delà rhisloire où les conclaves précédents laissèrent (|uel(|ues
traces. Ce ne fut peut-être pas pour complimenter les Éminentissimessur
leur sagesse (pie Grégoire X, élu après deux ans de conciliabules inu-
tiles dans Vilerhe pour le choix du successeur de Clément IV, voulut,
en 1274, rédiger le règlement désormais en vigueur de ces Congres
suprêmes dont les membres seraient mis sous clef, cum clavCy juscpi'à
l'élection du pontife : Un article de ce règlement est pourtant tombé
en désuétude : il y était dit que, « si après trois jours de clôture le choix
du pape n'était pas lait, pendant cin(j jours après ces trois jours les
cardinaux n'auront plus (|u'un seul plat à leur repas, et (pi'ensuite ils
n'auront plus que du pain, du vin et de l'eau, jusqu'à l'élection du Sou-
verain Pontife )). H relève les intrigues des Cours et du Sacré Collège
dans les conclaves postérieurs; le billet de Philippe 11 excluant ou pré-
sentant tel candidat : « Su Majestad no quiere que N . sea Papa; quiere
que N. lo tenya » ; les négociations de Du Bellay, interrompues par la
poste de Charles-Quint, et l'Angleterre protestante parce que les mau-
vais chemins et la mauvaise volonté de l'empereur Charles retardèrent
de deux jours la réponse de Henri VllI aux observations de Rome qui,
lasse d'écouter Du Bellay, fmit par condamner le premier roi anglican.
Les Ambassades de Du Perron lui paraissent moins intéressantes que
les Lettres d'Ossat, encore que ces deux relations aient également
contribué à la réconciliation du roi de France Henri IV avec le Saint-
Siège. H constate que le fameux escadron volant, par lequel on désigne
les cardinaux indépendants au conclave, se constitua pour la première
fois avec le cardinal de Retz, après la mort d'Innocent X, et lavorisa
un certain cardinal Sacchetli, bon qii à peindre, pour aider clandestine-
ment à l'élection du sage autant que silencieux Alexandre VU dont le
locq, premier secrétaire, portant le portefeuille qui contenait les lellres du roi. Puis,
venait la voilure de ranibissadeur, entourée de toute sa maison sous une riche et bril-
lante livrée. Il avait avec lui M. Horace Vernet, directeur de l'Académie de France, et
le baron Deugnot, second secrétaire de l'ambassade, lue deuxième voiture comluisait
M. E. Périer, attaché à l'ambassade. Un troisième carrosse était occupé par le mailrc
de chambre et le gentilhomme de l'ambassade. Venaient ensuite les voitures des car-
dinaux, de plusieurs membres du corps diplomatique et de la noblesse romaine. Le
surlendemain, l'ambassadeur mandait son gentilhomme remercier les membres du
Sacré Collège, du corps diplomatique cl de la noblesse romaine, de la conrloisic qu'ils
avaient eue d'envoyer leur voilure à la suite de son cortège ». « Ce train, ajoute Carafa,
ministre de Naples. prr manière de conclusion, était des plu.; élégants et des plus
riches; mais les voilures étaient du comte delà Fcrronaye, et l'ambassadeur de France
avait emprunté les chevaux de son collègue, l'ambas.sadeur d'Autriche. » (Cipolletta,
Mémurie polih'che.)
â A..
LE CABINET DU ROL
101
premier acte pontifical fut de faire rendre gorge à la célèbre Olimpia Pam-
fili, sœur du pape défunt et sa scandaleuse héritière. J^es relations du
président De Brosses à l'abbé Courtois, sur la mort de Clément XII et
l'élection de son successeur, semblent avoir trouvé plus de grâce auprès
de Chateaubriand qui en extrait complaisamment des notes, teUes que
les suivantes, sur les cardinaux admis à ce conclave :
— Guadagni, bigot, papelard, sans esprit, sans goût, pauvre moine.
— Aquaviva d'Aragon, figure noble et un peu épaisse, l'esprit comme
la figure. — Oltoboni, sans mœurs, sans crédit, débauché, ruiné, amateur
des arts. — Alberoni, plein de feu, inquiet, remuant, méprisé, sans
mœurs, sans décence, sans considération, sans jugement : selon lui, un
cardinal est un... habillé de rouge.
A ces excès de paroles sans raison, on voit bien que Rome, sans son
chef, a la fâcheuse habitude de perdre la tête; et l'on se console, à la
pensée que ces folies de langage ne durent que le temps éphémère d'un
inlerrègne. Chateaubriand en fait litière, tout le premier, en ajoutant
que « le cynisme est ici tout l'esprit » ; mais, sans enregistrer comme
son prédécesseur De Brosses les pasquinades en circulation par la ville,
sur le dernier pape défunt et les cardinaux auquels Léon XH laisse sa
succession, l'ambassadeur ne les écoute pas moins, — le temps de sou-
rire et de passer.
L'une reproche au pape d'être mort en plein carnaval et d'avoir ainsi
suspendu toutes les réjouissances populaires :
Tre dispetti li fesie, o Padre Santo :
Accellare il papalo, viver tanto,
Morir di carneval per esser pianto.
L'autre, clémente pour la mémoire du fier lion que son nom désigne,
lance au chirurgien Todini, accusé d'avoir tué son pontifical client, le
coup de pied de l'àne :
Aile dieci di febbraro
Succedettc un caso strano.
Un fierissimo leone
Fu ammazznto da un somaro.
L'autre enfin, — car on n'en finirait pas, à les citer toutes, — prouve
qu'à Rome les ivrognes ont « le vin mauvais ». Mais aussi de quoi
s'était mêlé Léon XII, en obligeant les cabaretiers de la ville à fermer
leurs portes, à certaine heure du soir? Et ce fut aussi le moins que
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102
LA rUÉLATLRE DE LÉON Mil.
Pasquin fit tirer les portes du ciel à verrous, par saint Pierre lui-môme,
quand son successeur défunt s'y présenta :
Giii l'aima di Léon, dal corj)0 uscila,
Volava à riercar piîi belia vifa.
Andata al cie'o, domando l'ingresso;
Ma lanto onore non gli fii concesso
Poichè Piero avea messo, a suo dispetto,
Alla porta del cielo un cancellelo.
Après le pape, ses cardinaux. « Cumam pepercit lingua illa ro-
Aiana! » s'écrie, après Terlullien, un jeune Homain que Chateaubriand
aura peut-être connu dans cette circonstance, et qui ne descendait pas
de ses pères passionnés sur l'attelane et le vernaculaire, pour dédaigner
à son tour les pasquinades de son temps. « Eli bien ! ajoute Joachim Pecci,
— car c'est lui-même qui promet h son petit monde de Carpineto tout
un recueil des meilleurs mots que le présent conclave provoquera, —
eh bien I encore de nos jours, une semblable exclamation est de mise ;
et j'espère que vous y aurez cru sans peine, à la lecture des satires que
l'on a vu paraître, à la mort du pape Léon XII. Il n'est guère facile de
se procurer maintenant ces satires, soit à cause de la rigueur avec
laquelle le Governo en poursuit les auteurs, soit en raison de la manière
secrète dont elles sont répandues. Mais il en est toujours (pielqu'une
qui trompe la vigilance du Gouvernement et qui arrive entre les mains
de tous*. » Le premier Pasquino, — qui fut, dit-on, un tailleur de quar-
tier à la langue aussi fine et pointue que son aiguille, — ne fut-il pas
le fidèle client d'un cardinal de l'Église romaine; et l'Kminentissime
Carafa, en patron débonnaire, n'accorde-t-il pas un coin de son palais et
môme le dos d'une de ses statues antiques pour servir à l'affichage
public des cartels malicieux dont tout un peuple, depuis, le populaire
de Rome, habille les entournures vraiment trop nues du trop patient
Ajax*? Mais ces plaisanteries populaires n'étaient que de courte durée,
le temps d'un court interrègne, et c'est ce qui en expliquait les charges
énormes et partant anodines. Une de celles-ci, bien en rapport avec la
manie des bibliophiles romains, consistait à dresser un catalogue de
livres dont les titres seuls étaient toute une satire, souvent plaisante
et quelquefois cruelle. Qu'on nous permette un extrait d'un de ces
1. Cf. l'Episldlairc de Joachim Pecci dans la Jeunesse de Léon XIII, Cliap. II,
Conclave de Pie YllI, p. t>58.
2. Voir la Nuora Anlologia 1889, fasc. Il, Pasquino et Pasquinate par Luigi
Morandi. — Voir le Origini di Maestro Pasquino par Domcnico Gnoli, ibid. fasc. I
et 16 janvier 1890
V
LE CABINET DU ROI.
105
catalogues, qui circulaient sous le manteau. Sous le titre de Librairie à
vendre j on y lisait ;
De Nihilo. — 8 vol. in-fol. dédiés à S. Em. Nembrini, et composés
par S membres de sa Congrégation.
De Innocentia baptismali. — 1 vol. par S. Em. Barberini.
De Ingenuitate et Generositale. — 1 vol. in-fol. par S. Em. Gam-
berini.
De Jure Gentium. — Œuvre de S. Em. Rivcrola. Imprimerie des
Romagnes.
De Publica Economia. — 1 vol. par S. Em. Cristaldi. ïmpr. Benucci,
Tarlotti et Gaggiolti (les trois créatures du cardinal dans sa Congré-
gation).
De CArl de se faire servir gratis. — Par S. Em. Bernetti. Impr.
Massari.
De Lnione hyposlalica. — A l'enseigne de l'Aigle de Jupiter (l'Au-
triche) et de la Colombe du Saint-Esprit (États romains). Œuvre de
S. Em. Albani, prohibée jusqu'à ce jour et publiée par l'imprimerie du
duc de Modène.
De Àrle bene vivendi secundum tempora et mores, — 1 vol. par
S. Em. Opizzoni. Inipr. Joseph Bonaparte.
De VArl d'accommoder tous les goûts. — Ouvrage dédié à S. Em.
Arezzo, écrit par l'avocat Ferisi et imprimé chez ses camériers Francesco
et Vincenzo.
De la Métamorphose. — 1 vol. par S. Em. Macchi.
De la Vaine Présomption. — Ouvrage de S. Em. Pacca, faisant suite
aux Notices historiques du même auteur.
De rimportance du Pontificat. — 1 vol. de S. Em. De Gregorio,
dicté en son hôtel et a])prouvé par les Em. Arezzo et Morozzo, et par
Mgr. Foscolo.
De l'Art de faire des dettes et de ne pas les payer. — Ouvrage
intéressantissime par Mgr. Foscolo. Impr. du duc de Lucca.
A ces Catalogues de librairie, plus risibles que méchants, s'ajoutaient
encore, sous le manteau des colporteurs de pasquinades à domicile,
d'autres diatribes anonvmes oii fijruraient les noms des cardinaux sus-
ce[)libles d'intéresser le conclave. Une de ces autres plaisanteries romaines
consistait à faire précéder chaque nom de cardinal d'une légende qui
s'appelait, à elle seule, une illustrazione \ et l'ensemble constituait une
Galleria ou Collection dont voici encore un exemple, pour la curiosité
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104
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII.
des amateurs : CoUection de gravureSy (Vaprès des eompositious de
maîtres célèbres y éditées par la Lithographie du Peuple Romain j avec
permission et privilège de VEm. Camerlingue. La salle de l Expo-
sition est ouverte^ tous les jourSy à la Porte du Peuple,
I. — La Pythonisse d'Endor : cardinal Pacca.
H. — Le Moulin à Vent de (ilaudc Lorrain : cardinal Galeffi.
III. — Le Puhlicain : cardinal Falsacappa.
IV. — La Révolution de Naples : cardinal De Gregorio.
V. — La Chaste Suzaîine : cardinal Pedicini.
VI. — L'École des Sourds-Muets : cardinal Ruiïo.
VU. — La Caverne de Pohjphème : cardinal Brancadoro (il
e'tait aveugle).
VIll. — Un Portrait de Napoléon : cardinal Fesch.
IX. — UOurs et le Singe : cardinal Morozzo.
X. — La Maison au Chapon : cardinal Naro.
XI. — Le petit-fds de Tobie : cardinal Doria (homme de couric
taille, privé d'un œil).
XH. — Le Démoniaque de lÉvangile : cardinal Pallotla.
XI II. — Le Jardin aux Citrouilles : cardinal Dandini.
XIV. — Le Noël de Nicolas Poussin : cardinal Odescalchi.
XV. — Tibère à Capri : cardinal Zurla.
XVI. — Vîdcain à sa Forge : cardinal Bussi (il était boiteux).
XVll. — Fumeurs au Cabaret : cardinal Gaysruck.
XVIII. — La mort de JudaSy pour le réfectoire des RR. PP. Ca-
pucins : cardinal Micara.
XIX. — La Cérémonie des Étoupes brûlées^ pendant le Couron
nement du Pape : cardinal Cappellari.
XX. — La Fromagerie de Rembrandt : cardinal Cajjrano (fils
d'un fromager).
XXI. — Le Massacre des Innocents : cardinal Giustiniani (pour
ses édits à Imola).
XXI 1. — Le Joueur de Cartes : cardinal Macchi.
XXI II. — UAnesse de Balaam : cardinal Barberini.
XXIV. — La Maîtresse du Titien : cardinal Benvenuti.
XXX. — Les Apôtres dormant au jardin de Gethsémani : car-
dinal Nasalli.
XXXI. — Les Furies d'Oreste : cardinal ïsoard.
XXXII. — Samson chassant les Renards dans le Camp des Philis-
tins : cardinal Gamberini.
k
Madame Récamicr. (D'après un dessin de l'époque. )
MEtWafc'^.
104
LA rHKLATLRE DE LÉON Xlll.
ht
:
des amateurs : Collection de gravures y (V après des comitositions de
maîtres célèhresy éditées par la Lithographie du l*eujde Romain, avec
pertnission et privilège de l'Em. Camerlingue. La salle de lE,i po-
sition est ouverte^ tous les jours, à la Vorte du Peuple.
ï. — La Pgthonisse d'Endor : cardinal Pacea.
11. — Le Moulin à Vent de (ilaiide Lorrain : cardinal Cialeffi.
m. — Le Publicain : cjirdinal Falsacappa.
IV. — La Révolution de Naples : cardinal De (Jregorio.
V. — La Chaste Suzanne : cardinal IVdicini.
M. — L'École des Sourds-Muets : cardinal llulVo.
Vil. — La Caverne de t^ohjphème : cardinal Hrancadoro (il
e'tait aveugle).
VllI. — Un l^ortrail de Napoléon : cardinal Fescli.
l\. — L'Ours et le Singe : cardinal Moroz/o.
\. — La Maison au Chapon : cardinal Naro.
XI. — Le pet il- fils de Tobie : cardinal Doria (lionnne de couric
taille, privé d'un œil).
Xn. — le Démoniaque de V Évangile : cardinal Pallolla.
XIII. — Le Jardin au.v Citrouilles : cardinal Dandini.
XIV. — Le Noël de Nicolas Poussin : cardinal Odescalclii.
XV. — Tibère à Capri : cardinal Zurla.
XVI. — Vulcain à sa Forge : cardinal Ikissi (il était Loileux).
XVII. — Fumeurs au Cabaret : cardinal Gaysruck.
XVII 1. — La mort de JudaSy pour le réfectoire des UR. PP. Ca-
pucins : cardinal Micara.
XIX. — La Cérémonie des Étoupes brûlées, pendant le Couron
nement du Pape : cardinal Cappellari.
XX. — La Fromagerie de Rembrandt : cardinal Ca:)rano (fils
d'un fromager).
XXI. — Le Massacre des Innocents : cardinal Ciustiniani (pour
ses édits à Iniola).
XXII. — Lé Joueur de Caries : cardinal Macclii.
XXIII. — UAnesse de Balaam : cardinal Barbcrini.
XXIV. — La Maîtresse du Titien : cardinal Benvennli.
— Les Apôtres dormant au jardin de Cethsémani : car-
dinal Xasalli.
— Les Furies d'Oreste : cardinal Isoard.
XXXII. — Samson chassant les Renards dans le Camp des l^hilis-
tins : cardinal (laniberini.
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Madame Rôcamicr. (D'après un dessin de répoquc.)
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XXXIII.
LA PRÉLATUHE HE LÉON XllL
LE CABINET DU ROI.
107
- David et Belhsabée : cardinal Albani.
Achille à la Quenouille : cardinal Cacciapiatli.
XXXIV. — Jupiter foudroyant les Titans : cardinal Hivarola.
- Les Vaches de Paul Potter : cardinal Guerrieri.
L — Le Globe céleste de Zambeccari : cardinal Frosini.
XXXVH. — La Danseuse de Canova : cardinal Hiario.
XXXVIU. -— Tarquin et Lucrèce : cardinal Bernetli.
XXXIX. — Le Christ chassant les vendeurs du Temple : cardinal
Cristaldi (trésorier de l'Htat pontifical).
XL. — Cincinnatus quittant la Charrue : cardinal Marco.
XLI. — Une Famille patriarcale : cardinal Mazio (chargé de
neveux).
XLII. — V Adoration du Veau d'Or : cardinal De Simone.
XLllI. — Les Fils de Josias : cardinal Weld.
XLIV. — La Tonte du Troupeau par son Pasteur : cardinal Neni-
brini*.
A ce jeu de petits papiers, prohibés par la police romaine et d*autant
mieux répandus chez tout le monde, les cardinaux papeggianti et leurs
électeurs fidèles ou revèches finissaient par être connus du populaire (jui
pouvait deviner ainsi, avant l'élection, son maître de demain, et, par
une autre coutume chère aux Romains, jouer sur les chances probables
ou improbables de son nom, comme sur un numéro bon ou mauvais du
Lotto. Ainsi, faute des cirques païens et grâce aux conclaves catholi(|ues,
ces séculaires agitateurs de dés continuent, aujourd'hui encore éper-
dument, à tenter la fortune.
Cependant il fallait des indications [dus sûres que des pasquinades ù
Chateaubriand, qui pouvait représenter la France au conclave en poète,
— ou plutôt en chrétien, — selon la critique que (piehjues maquignons de
la papauté en firent; peu lui importait, pourvu qu'il déjouât l'Autriche,
représentée par le vieux cardinal Albani dont le rêve pontifical était un
protectorat des États romains sous la tutelle du prince de Metternich.
Le comte de Lutzow, ambassadeur du Saint-Empire, était trop bien
représenté par ce cardinal au conclave pour essayer la moindre tenta-
tive personnelle. Le chevalier de Labrador, ambassadeur d'Espagne, se
confiait aux lunettes de son commandité de Naples, le vieux comte Fus-
caldo, qui connaissait mieux le champ de la police romaine que le champ
i. Pour l'explicalion de ces légendes, voir les noies secrètes que nous publions
à l'Appendice de ce volume, d'après un rapport déposé aux Archives du ministère des
Atîaires Etrangères.
des roses de Pœstum. Et notre ambassadeur français d'attendre encore
les ordres et les fonds du cabinet du roi qui, ne se hàtani pas de
répondre à la demanJe de son ambassadeur, préférait apparonmient
continuer chasser à courre qu'au pape. Cependant les cardinaux, déjà
assemblés en conclave, délibéraient. Que faire?
Le chroniqueur, qui se trouve quehpiefois arrêté par des documents
Chateauhriaiul.
dont il ne peut assurer la provenance, est oblige d'admettre des hypo-
thèses qui [>araissent aussi (pielquefois plus vraisemblables que des
réalités. Celui qui entreprend le récit de cette période de la vie de
Joachim Pecci est amené, par l'existence d'un document d'importance
majeure qu'il se propose de citer ici, à admettre entre le vieil ambassa-
deur elle jeune étudiant une négociation qui, pour n'être qu'une suppo-
sition gratuite, pourrait bien ne pas manquer tout à fait d'invraisemblance.
V :.-
cattJa^.
HJrr' ,y ■
»
lUr» LA IMIÉLATUKE DE LÉILN \lll.
XXXIII. — David et [îelhmhée : cardinal Alhani.
Achille à la Quenouille : cardinal Cacciapialli.
XWIV. — Jupiter foudroi/an! les Titans : cardinal Kivarola.
WXV. — Lea Vaches de l^anl Voltcr : cardinal Gucrricri.
XXWI. — Le Globe céleste de Za^nheccari : cardinal Frosini.
WWII. — La Danseuse de Canova : cardinal lliario.
XXW III. — Tarquin et Lucrèce : cardinal IVrnelli.
XXXIX. — Le Christ chassant les vendeurs du Tenijde : cardinal
Crislaldi (trcsoricr de l'Ktal |i(»nlilical).
XL. — CAncinnatus (juittant la Charrue : cardinal Marco.
XL!. — i'ne Famille patriarcale : cardinal Mazio (chargé de
neveux).
XLII. — L'Adoration du Veau d'Or : cardinal De Simone.
XLIII. — Les Fils de Josias : cardinal Weld.
XLI\. — La Tonte du Troupeau par son Piisteur : cardinal Neni-
lirini '.
A ce jeu de pelils j)a[)iers, prohibés par la police romaine e( d'autant
mieux répandus chez tout le monde, les cardinaux pape(/(/ianti et leurs
électeurs fidèles ou revéches linissaienl |»ar être connus du populaire «pii
pouvait deviner ainsi, avant l'éleclion, son njaîlre de demain, et, par
une autre coutume chère au\ liomains, jouer sur les chances pndiahhs
ou improhahles de son nom, (omme sur un numéro hou ou mauvais du
Lotto. Ainsi, laule des cirques païens et grîk'C aux conclaves calholi«pu's,
ces séculaires agitateurs de dés continuent, aujourd'hui encore éper-
dument, a tenter la i'ortune.
Cependant il l'allait des indications plus sûres «pie des pas(|uinades à
Chateaubriand, (pii pouvait représenter la France au conclave en poète,
— ou plutôt en chrétien, — selon la critique (|ue quehpies ma(|uignons de
la papauté en tirent; peu lui importait, pourvu (pi'il déjouât l'Autriche,
représentée |)ar le vieux cardinal Alhani dont le rêve pontifical «îtait un
protectorat des États romains sous la tutelle du prince de Metternich.
Le comte de Lutzow, ambassadeur du Saint-Empire, était tro[) bien
représenté par ce cardinal au conclave |)Our essayer la moindre tenta-
tive personnelle. Le chevalier de Labrador, ambassadeur d'Fspagne, se
confiait aux lunettes de son commandité de Naples, le vieux comte Fus-
caldo, qui connaissait mieux lechanq) de la police romaine (ine le champ
1. Pour i'expliialion de ces léf^endes, voir les noies secrètes «jue nous |nil)lions
à \ Appr/HticcAiicG volume, tl'après un rapport iléposé aux Archives du ministère des
AU'aires l-^l rangé les.
♦
LK CAlîIXET DE IIUL
107
des roses de Pœstum. Kl notre ambassadeur français d'al tendre encore
les ordres et les Couds du cabinet du roi (pii, ne se hàlani |)as de
ré[)ondre à la deman !e de son ambassadeur, ])rérérail ap|)arennnent
continuer chasser a courre (ju'au pape. Cependant les cardinaux, déjà
assemblés en conclave, di'lilM'raienl. Oue l'aire?
Le cbronicpieur, ipii se trouve (pu'l(]uerois arrélé par des documeiils
(ilialt'.'iiiliriiind.
dont il ne peut assurer la provenance, est oblige d'admettre des hypo-
thèses tpii paraissent aussi (pielcpielois plus vraisemblables «pu) des
réalités. Celui «jui entreprend le récit de cette période de la vie de
Joachim Pecci est amené, par l'existence d'un document d'importance
majeure (pi'il se propose de citer ici, à admettre entre le vieil ambassa-
deur et le jeune étudiant une négociation qui, pour n'être qu'une suppo-
sition gratuite, pourrait bien ne pas manquer tout à fait d'invraisemblance.
108
LA PUÉLATIJUK 1)K LEOxN XllI.
Le hasard des recluTclics nous a permis de découvrir, aux arehives des
Afliures Élrangères de France, un Journal secret du concL'we (|ue M. de
r4hateaubriand l'ut amené à faire rédiger par un correspondant dont Je
nom est resté aussi secret que son œuvre; mais cette œuvre l'ut si habile,
qu'elle n'est attribuable (pi'à un négociateur diplomatiipie de première
valeur. Sur cette période de la chronique romaine, pendant le conclave
de Pie VllI, nous n'avions que les plaisanteries des Promenades
dans Rome écrites par Stendhal, et les facéties consignées par Mgr Dar-
dano, conclaviste du cardinal Morezzo, dans son Diario que David Sil-
vagni a publié de nos jours. Ces relations valent-elles, en renseigne-
ments aussi précis que rares, celles que Joachim Pecci envoyait au jour le
jour à sa famille et que nous avons déjà lues dans sa Correspondance *
de jeunesse? Nous ne le croyons pas. Au demeurant, il existe une telle
ressemblance, entre la Correspondance de l'un et le Journal de l'autre,
que nous admettrions sans peine le même auteur pour les deux à la fois.
Joachim Pecci ne connaissait-il pas assez Chateaubriand; et récipro(|ue-
ment Chateaubriand Pecci, j)Our que l'ambassadeur confiât à l'abbé une
si difficile entreprise? « Hier, a eu lieu une fête magnifique, écrit à quel-
ques jours de là notre commensal probable de l'ambassade de France.
Elle était donnée par le vicomte de Chateaubriand, en l'honneur de la
grande-duchesse Hélène de Russie. Dans la matinée, vers dix heures,
ont commencé les réceptions; et la lete a duré le reste de la journée.
Elle avait lieu dans la villa Médicis, très gracieusement décorée. Un
somptueux déjeuner fut servi, sous des tentes qui faisaient l'ornement
de toute la villa. On présenta à la grande-duchesse les costumes roma-
gnols, dans un bal composé d'hommes et de femmes du Translévère, et
qui fut on ne peut mieux goûtée... » Et Joachim Pecci [X)ursuit le récit
de cette fêle, avec des détails de circonstance qu'un invité seul eut \n\
consigner dans cette lettre. Notre jeune héros ne fréquentait-il pas le
vieux lion des libertés françaises et chrétiennes? et le message que l'un
put confier à l'autre, autour du conclave où l'ambassadeur ne pouvait
paraître et où })ouvait s'aventurer plus librement le jeune homme, péche-
rait-il par l'invraisemblance? Celte publication, encore qu'elle nous révé-
lera un document curieux que Chateaubriand croyait détruit par le
cabinet du roi sur sa recommandation môme, nous servira du moins de
document comparatif pour apprécier la bonne information des lettres de
Joachim Pecci qui, si elles ne présentent pas un intérêt suj)érieur à celui
de ce Journal secret, ne lui paraîtront pas inférieures pour la sûreté
1. Voir la Jeunesse de Léon XI II, Cliap. II, le Conclave de Pie VIII.
2. Cf. dans la Jeunesse de léon XIU, p. 270.
LK CAHINKT DU KOI.
100
des mêmes informations et la difficulté de se les procurer quand on
n'était, à Home, (pi'un ambassadeur de [>remier ordre ou un étudiant
de premier avenir.
A la date du 2 avril 1825, Chateaubriand écrit confidentiellement au
comte Portalis la lettre suivante : « J'ai l'honneur de vous envover
aujourd'hui les documents importants que je vous ai annoncés. Ce n'est
rien moins ([ue le Journal officiel et secret du Conclave. H est traduit,
mot pour mot, sur l'original italien; j'en ai fait disparaître seulement
tout ce (jui pouvait indiquer avec trop de précision les sources où j'ai
puisé. S'il transpirait la moindre chose de ces révélations, dont il n'y a
peut-être pas un autre exemple, il en coulerait la fortune, la liberté et
la vie peut-être à plusieurs personnes. Cela serait d'autant plus déplo-
rable, que ces révélations ne sont point dues à l'intérêt et à la corruption,
mais à la confiance dans l'honneur français. Cette pièce^ Monsieur le
Comte, doit donc demeurer à jamais secrète, après avoir été lue dans
le Conseil du roi; car, malgré les précautions que j'ai prises de taire les
noms et de retrancher les choses directes, elle en dit encore assez pour
compromettre ses auteurs. J'y ai joint un commentaire, afin d'en faci-
liter la lecture. Le Gouvernement pontifical est dans l'usage de tenir un
registre où sont notés, jour par jour, et pour ainsi dire heure par heure,
ses décisions, ses gestes et ses faits. Quel trésor historique si l'on pou-
vait y fouiller, en remontant vers les premiers siècles de la papauté! Il
m'a été entr'ouvert un moment, pour l'épojjue actuelle. Le roi verra,
par les documents que je vous transmets, ce qu'on n'a jamais vu : l'inté-
rieur d'un conclave. Les sentiments les plus intimes de la cour de
Uome lui seront connus, et les ministres de Sa Majesté ne marcheront
pas dans l'ombre. Le commentaire que j'ai fait du Journal me dispen-
sant de toute autre rédexion, il ne me reste plus qu'à vous ofl'rir la
nouvelle assurance de la haute considération avec laquelle j'ai l'honneur
d'être, etc. ... » Et, dans ses Mémoires dOutre-Tombcy il ajoute : « L'ori-
ginal italien du document précieux, annoncé dans cette dépêche officielle,
a été brûlé à Rome, sous mes yeux; je n'ai point gardé copie de la
traduction de ce document que j'ai envoyée aux Affaires Etrangères; j'ai
seulement une copie du commentaire ou des remarques jointes par moi
à cette traduction. Mais la même discrétion, qui m'a fait recommander
au ministre de garder la pièce à jamais secrète, m'oblige de supprimer
ici mes propres remarques; car, quelle que soit l'obscurité dont ces
remarques sont enveloppées par l'absence du document auquel elles se
rapportent, cette obscurité serait encore de la lumière à Rome. Or, les
ressentiments sont longs dans la Ville éternelle ; il se pourrait faire que.
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110
LA PUÉLATUHE DK LÉON XIIL
dans cinquante ans d'ici, ils allassent frapper (pielquc arrière-neveu des
auteurs de la mystérieuse confidence*.... » En voilà soixante et plus,
aujourd'hui, que cette pièce est écrite : nous la publions. Chateaubriand
avait cru qu'elle aurait été brûlée, sur sa recoinniandalion, dans le
cabinet du roi : Charles X l'épargna, et nous avons pu en retrouver les
feuilles originales aux archives de l'ancien ministère du comte Portalis.
Au surplus, l'auteur du Journal d'un Conclave, s'il n'est Joachim Pecci
ou un de ses émules, ne peut que trouver quelque honneur à servir
impunément aujourd'hui de commentaire aux lettres que Léon XIII,
alors étudiant romain,écrivait avec autant d'ingéniosité que de justesse,
sans crainte de révéler, par quelques indiscrétions innocentes et per-
mises, de véritables secrets d'État.
Journal du conclave dayis lequel a été élu le pope Pie VIIÏ,
depuis le 25 février jusqu au 3! mars de l'année 1829.
Les cardinaux, au nombre de trente-sept, sont entrés en conclave le
lundi soir 25 février.
Les scrutins ont commencé, le 2i. On a su, le premier jour, que le
cardinal Pacca avait réuni de 20 à 22 voix. Ct-pendant les partis ne se
sont dessinés que vers le 2 mars. Les uns demandaient une élection
prompte, immédiate; les autres disaient rpi'il était convenable d'attendre
l'arrivée des cardinaux étrangers. C'est dans ce sens que MM. les car-
dinaux Délia Somaglia, doyen, et Pacca, sous-doyen du Sacré Collège,
firent une allocution à l'assemblée dans la journée du 20 février.
Ce même jour, les cardinaux Macchi, Morozzo et Arezzo, entrés au
conclave, ont porté à quarante le nombre des votants.
La correspondance intime que l'on va lire commence le 3 mars».
1. Les notes de Cliatcauhriand. comme celles de Mgr Dardano nue nous citerons çà
et là, ne commencent quà la date du 2 niai-s.
3 mars, à 7 heures du malin.
Le Sacré Collège a ordonné (jue, dans le cas oîi l'élection serait décidée,
ce matin, les dispositions soient prises afin (|ue les demandes des
ministres étrangers pour se procurer des chevaux de poste n'éprouvent
point de retard, comme il est arrivé à la mort du Pape. La conférence
que les cardinaux ont tenue entre eux, hier au soir, donnera probable
1. Cf. les Mémoires d'Oui re-TomOe, édit. Edmond Biré, t. V, p. 182 cl sniv.
LK CABLNET DU ROI.
MJ
ment pour résultat la même votation qu'hier. Les 24 voix qui veulent
l'élection d'Oppizzoni sont décidées à soutenir leur vote; les 16 autres se
portent, tantôt d'un côté, tantôt de l'autre, mais se réunissent enfin sur
Délia Marmora. Je crains de voir ainsi se renouveler l'obstination qui eut
lieu au conclave de Benoît XIV. Quoi qu'il en soit, il convient de cher-
cher a tout prix la prépondérance. On expédiera un secondaire au car-
dinal (]esarei, qui a représenté que ses infirmités l'empêchaient de se
mettre en voyage. On l'engagera à venir à petites journées, sa présence
ayant été reconnue indispensable. De la sorte, les sulfrages pour Oppiz-
zoni s'élèveront à 25, et, ce nombre formant une majorité respectable,
peut-être les autres y accéderont-ils par motif de conscience et par res-
pect pour la bulle de Grégoire XV qui déclare que « les suffrages doivent
être donnés au plus digne ». Le parti contraire pourra réfléchir que, si
25 voix se concentrent sur un seul sujet, il est évident que celui-ci
réunit un ensendjie de qualités propres à lui faire obtenir la préférence.
Oppizzoni ne peut déplaire à l'Autriche, dont il est le sujet; il ne peut
déplaire à la France, puisqu'il a été nommé cardinal avec son assenti-
ment, et parce qu'il n'est pas porté pour les Jésuites.
3 mars, à 7 liourcs et demie du soir.
Voici un changement vraiment extraordinaire. Le cardinal Ruflb Scilla,
qui vient d'entrer, s'est rangé au parti des 16^ Le terme de courtoisie
pour procéder à l'élection étant écoulé, tout semble se disposer à nous
donner un Pape dans la journée de demain. Benvenuti pourrait être
choisi, entre Pacca et De Gregorio, précisément parce que les difficultés
seraient moindres. Le parti d'Oppi/zoni est toujours compact; mais il
incline un peu vers le premier et vers le dernier. Les nouvelles arrivées
au Sacré Collège sont qu'Albani se trouvait, il y a quelques jours, à Imola.
Le voilà bien près de nous! Qui sait les instructions dont il sera chargé?
Nous avons la certitude que les exclusions de l'Autriche ne lui sont point
confiées; mais il n'en est pas moins son })lénipolentiaire. Si ce cardinal
se prononçait pour Oppizzoni, la victoire serait en nos mains. Sa présence
aura beaucoup d'importance, et l'on cherche à l'éviter.
Nous avons été avertis de l'arrivée de l'archevêque de Milan (le cardinal
de Gaysruck). Ce serait une cliose excellente si demain tous les calculs
étaient en défaut par l'élection de Benvenuti ou de De Gregorio; j'y vois
de la probabilité. Si réellement ce qui a été convenu après le scrutin a
son effet, nous pourrions avoir un Pape demain.
1. On voit ici combien la cour de Naples trompait M. de Blacas, ou combien elle en
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112
LA l'RKLATLUE DE LÉON XIIJ.
était elle-mèrac trompée. Tandis qu'elle me faisait dire que les cardinaux napolilaiiiï
voleraient avec nous, ils se réunissaient à la minorité. — Ciialeaubriand.
4 mars, à midi.
Dans toutes les élections, les chances humaines se font sentir. Le parti
contraire commence à plier. Oppizzoni, à mon avis, sera le Pape élu, si
l'on ne cherche pointa hrusquer l'élection de Benvenuti. Tout en voulant
attendre les cardinaux français et les autres, qui sont près d'entrer, le
parti de la majorité l'emportera sans contredit, et conduira hien sou
[)hui sans jamais se découvrir. Maintenant, nous commençons à respirer
a 1 aise.
4 mar<, au soir.
Le Sacré Collège est fort appliqué à prévenir la possibilité de pénétrer
ce que l'on pense et ce qui se lait dans le conclave, comme l'on n'en a
été que trop informé dans l'élection précédente. Dans l'intérieur, des
ordres très stricts ont été donnés afin que les choses secrètes demeurent
impénétrables; mais, malgré toutes les précautions auxquelles on a
recours, il faut une vigilance toute particulière pour empêcher les cor-
respondances du dehors. Ce matin, il est venu une lettre ouverte pour
l'un des cardinaux. On s'est heureusement avisé de l'examiner avec atten-
tion; le contenu avait l'air insignifiant, mais le style, un peu emphatique,
semblait forcé. On s'est aperçu que les initiales des premiers mots ren-
fermaient un sens important, qui tendait à influer sur l'élection future
en la restreignant sur un seul sujet. En voici la première phrase :
— Pieno era di céleste incendio, non icjnolo a tutti i suoi confra-
lelliy il cuor di S. Francesco Saverio quando diceva, che nclle ele-
zioniy etc.
— Pedicini ha tutti i suoi confratelli.,..
Comme les embûches sont dressées de toutes parts ! Aujourd'hui on a
augmenté les gardiens intérieurs, et on leur a donné des instructions
très rigoureuses. Il faut espérer que ce tempérament aura l'elîet désiré.
Nous voici revenus à la « Tour d'Ugolin ». Quand pourrons-nous en
sortir? .le ne puis le deviner. En trouvera-t-on bien vite la clef? Je ne
saurais le dire. Après le scrutin, il y a eu de grandes conférences; chacun
a voulu peser les actions des autres, pour en faire un sujet de méditation.
Le parti d'Oppizzoni prédomine encore; mais on dirait que quelqu'un a
pressenti cette secrète union. Les uns demandent un Pape qui soit un
prince absolu. Vidoni est le coryphée de cette opinion et montre avec
orgueil le discours de l'ambassadeur de France, qui émet le vœu que^
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ROME. — La statue de saint Pierre dans la basilique San Pietro. (Dessin de Thqmas, 1830.)
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était cllc-mi'me trompée. Tandis (|nV'lle me faisait ilirc «luo los cariliiiaiix napulitaui:
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Dîuis toiilos les l'ioi lions, les clinnn's liumniiios so Ibiil stMilii*. le |>;iili
ronli'iiife conimenoo à plier. O|)[»izzoni, à mon avis, sera le Paju' l'hi, si
l'on ne clierclie point à brnsqner Tt-leclion de IJenvenuti. Tout eu voulant
attendre les eardinanv français et les anli'es, ijui 'ionl près d'entrer, le
parti de la majorité l'emportera sans contredit, cl conduira bien mhi
plan sans jamais se découvrir. Maintenant, nous eoumieuçons à respirer
a 1 aise.
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l.c Sacré Collège est fort apprhjué à jn'évenir la [lossihililé de [>éuélrer
ce (|ue l'on }>ense et ce qui se lait dans le conclave, counnc l'on u'en a
été que trop informé dans l'élection précédente. Dans l'intérieur, des
ordres très stricts ont été donnés alin (pic les choses secrètes demenrent
impénétrables; mais, malgré toutes les précautions auxquelles on a
recours, il faut une vigilance tonte particulière [K)ur enq>écbcr les cor-
respondaïu'cs du dehors, (le matin, il est vemi une lettre ouverte |»our
l'un des cardinaux. On s'est heureusement avisi' de l'examiner avec atten-
tion; le cotitenu avait l'air insignifiant, mais le style, un [)eu enqdiatitpie,
semblait forcé. On s'est aperçu «[ue les initiales des premiers mots ren-
fermaient un sens inqiorlant, qui tendait à iniluer sur l'élection futme
en la restreignant sur un seul sujet. Kn voici la [U'cmière phrase :
— l*icno era di celcMc incemlio^ non i(/no(o a tutli i snoi confid-
lelli, il cuor di S. FrancescD S((r('rio (juando dircrn, clie nrllc de-
zioni, etc.
— Pedicinl ha tutti i snoi confiateUi —
Comme les embiuhes sont dressées de toutes parts! Aujourd'hui on a
augmenté les gardiens intérieurs, et on leur a donné des instructions
très rigoureuses. Il faut espérer que ce tempérament aura l'effet désiré.
Nous voici revenus à la (( Tour d'Cgolin ». Ouaml pourrons-nous en
sortit? .le ne puis le deviner. Vax trouvera-l-on bien vile la clef*/ Je ne
saurais le dire. Après le scrutin, il y a eu de grandes coiderences; chacun
a voulu peser les actions des autres, [)ouren faire un sujet de méditation.
Le parti d'Oppizzoni prédomine encore; mais on dirait que quehpi'un a
pressenti celle secrète union. Les uns demandent \m Pape qui soit mi
[irince absolu. Vidoni est le coryphée de celle o[)inion et inonlre avec
orgueil le discours de l'andjassadeur de Fiance, (jui émet le vœu que^
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ROME. — La statue de saint Pierre dans la basilique San Pietro. (Dessin de Thomas, 1830.)
LK CABINET DU ROF.
115
l'on donne à l'É-lisc un digne successeur de Léon XII •. Celui-ci était effec-
tivement un Pape absolu, quant à l'autorité temporelle; il faisait peu de
cas des cardinaux et dérogeait, à son gré, aux Constitutions apostoliques.
Vidoni attend donc les cardinaux français, pour qu'ils soutiennent son
i»arti. D'autres veulent un pape qui soit cardinal dans l'àme et maintienne
toutes les prérogatives du Sacré Collège. Enfm, il en est qui le veulent
imbu de maximes qui remontent à 1750. Que résultera-t-il de tout ceci?
C'est qu'on verra se différer de plus en plus l'élection, qui pourtant
devient cbaque jour plus nécessaire.
V ^'"^^[-^^ P«s fc même car.lin;il que Clialcanbnaii.l appelait ironiquement, en fai-
rao"! "'""" ^ '''" excessive obésité et à sa jovialité ultra-romaine : - Madama
Au sujet de son premier discours aux cardinaux, Chateaubriand écrit en note dans
ce Journal : « l/interprélation de mon premier <liscours est forcée, dans ce' para-
graphe ; il est évident qu'en demandant un digne successeur de Léon XII, ie ne parlais
pas de ce Pontile relativement à Tadminislralion temporelle de Rome, mais relative-
ment a la iml.ti.jue que Léon XII avait suivie avec les Puissances étran<-ères »
I
lt-
5 mars, à 3 heures du soir.
Vous allez être dans l'étonnement, en voyant le scrutin d'aujourd'hui :
ces suffrages, portés sur une personne bien éloignée de nous (l'arclie-
véque de Gènes, nonce à Paris), serviront toutefois à faire connaître au
Sacré Collège s'il existe dans le Conclave des personnes qui soient en
correspondance avec le dehors. Le parti de Pedicini est tellement obstiné,
qu'il ne cédera pas aisément. Désespérant de réussir dans le dessein
qu'il a en vue, il a recueilli ses forces et les a réunies toutes sur la tête
d'un étranger qui peut être fort religieux, mais qui n'est point connu.
Le parti modéré acquiert plus de force et saura triompher en montrant
de l'indifférence.
Apres le scrutin on a été informé des vrais sentiments de la France,
qui souhaite vivement un pasteur pacifique. Les vœux des autres Puis-
sances sont les mêmes. Ainsi tombent les criailleries de Vidoni, qui
cherchait à donner des interprétations forcées au discours de l'ainbas-
sadeur. Que l'on attende donc les Français, les Allemands, les Espagnols,
à la bonne heure ! Ceci n'empêchera pas de suspendre ou de hâter l'élec-
tion à laquelle on vise. Les Français ne tarderont pas à arriver. De
La Fare logera au couvent de la Transpontine, le vicaire général le croit
ainsi. De Croy et Isoard viennent également. L'exclusion qu'ils apportent
est insignifiante. On va réitérer les avis à Clermont-Tonnerre». Cinq
jours après l'arrivée des nouveaux cardinaux, tout sera tçrminé. Si Albani
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I-
114
LA PRÉLATURE DE LÉON XIIL
est seulement indifférent sur l'élection d'Oppizzoni, celui-ci sera le pape
futur.
1. le Conclave était très bien instruit de la marche de nos cardinaux, et il savait
d'avance où ils descendraient. Les intrigants qui menaient à Rome cette affaire se
cro valent si sûrs de la victoire, qu'ils annonçaient une scission complète entre l'am-
bassadeur de France et les cardinaux français; ceux-ci, disaient-ils, apportaient des
instructions tout opposées aux miennes et qui renfermaient la pensée secrète du Roi.
Il était donc bien essentiel de persuader à MM. de Lalil, de Croy et de la Fare de
s'établir dans le premier moment à l'ambassade, et c'est à quoi j'eus le bonheur de
réussir.
L'invitation envoyée à M. de Clermont-Tonncrre venait de la minorité, dite fraction
de Sardaigne. — Chateaubriand.
5 mars, à 6 heures du soir.
Le parti contraire insiste pour avoir un pape jésuite ^ Il croit, bien mal
à propos, que l'on peut voir se renouveler le l'ait survenu au Conclave
de 1268, après la mort de Clément IV, auquel succéda Grégoire X, cha-
noine de Liège extra ordinem, au bout d'une lutte de plus de deux ans
à Viterbe. Aujourd'hui l'horizon s'éclaircit, on se désabuse sur les idées
que Vidoni jetait en avant. Le vote doit être consciencieux, et par cela
même on en viendra à une règle certaine qui neutralisera les partis et
les réunira tous à la fm pour la vraie élection.
4. Un pape jésuite \ Cette expression du texte même prouve que la majorité dos
cardinaux, d'accord avec tous les ordres monastiques de Rome, n'aime pas l'institu-
tion de Loyola. — Chateaubriand.
6 mars, au matin.
Hier au soir, un peu tard, on est venu annoncer Tarrivée d'Albani.
Tout le Conclave fut en mouvement. Les cardinaux, divisés en plusieurs
groupes, se promenaient dans les corridors, entraient les uns chez les
autres; on lisait sur leurs fronts une inquiétude bien marquée. Je fus
informé que la plupart d'entre eux sollicitaient à tout prix une élection.
Les partis semblaient vouloir confondre leurs suffrages et presser l'élec-
tion, avant qu'il y eût le danger d'une exclusion. Douze votants parais-
saient pencher pour De Gregorio, les autres adhéraient ou feignaient
d'adhérer. Quelques-uns, plus sages, s'attachaient à calmer l'agitation
des esprits et essayaient par de douces paroles de suggérer un meilleur
parti, et de prolonger l'élection jusqu'à ce que le Sacré Collège eût reçu
les hommages des Puissances étrangères, ou du moins jusqu'à l'arrivée
des cardinaux français dont la présence était reconnue d'un grand
intérêt, parce qu'en coopérant à sanctionner l'élection, il en pouvait
rejaillir quelque influence sur la forme actuelle du gouvernement de &I
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LE CABINET DU ROI.
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Majesté Très Chrétienne. Cependant l'avantage demeurait à ceux qui
souhaitaient l'élection de De Gregorio pour le lendemain. Les cardinaux se
retirèrent dans ces dispositions. Néanmoins les partisans d'Oppizzoni,
plus fermes et souffrant impatiemment qu'on leur dictât des lois, ne
promirent d'adhérer qu'à de certaines conditions. Tout paraissait donc
réglé; malgré cela, je différai de vous écrire. Ce matin, le même esprit
s'annonçait; je vous ai averti en toute hâte. J'attendais que le scrutin
fût achevé pour me féliciter avec vous, tant je m'étais persuadé que
nous aurions un pape. Il s'en est peu fallu effectivement, puisque les
votes en faveur du cardinal De Gregorio ont été de vingt-cinq. Que
sait-on s'il ne sera pas proclamé ce soir? Ce serait une belle surprise
pour Gaysruck (l'archevêque de Milan) en entrant au Conclave, de trouver
le pape fait. De Gregorio n'acceptera pas, s'il ne réunit la plénitude des
suffrages; il en a fait la protestation solennelle à ses amis, disant
qu'aimé de tout le monde aujourd'hui, il ne veut pas mourir chargé de
la haine universelle. Si les mêmes dispositions le soutiennent, nous
aurons un pape trois jours après l'arrivée des cardinaux français, et ce
pape sera ou Cappellari ou Oppizzoni*.
I. En sortant de la Sixtine, le cardinal De Gregorio portait sur son visage les traces
visibles de sa dernière émotion. Il a fait, au Saint Sacrement, une visite plus longue
que d'habitude, pendant laquelle tout le monde le regardait avec des yeux pleins d'in-
certitude.
Le cardinal Vidoni, malade, a reçu en pantoufles dans sa cellule les trois infirmiers
qui venaient recevoir son vote. Pour tout vêlement, il avait endossé une douillellc sur
laquelle il avait rabattu sa chemise à grand col ; en sorte qu'on pouvait voir très bien
le gras de sa poitrine.
Le cardinal Pallotta en allant, hier soir, au scrutin disait à Rivarola et à Arezzo :
a Dépcchons-nous, car les voilures nous attendent ! » — Mgr Dardano.
7 mars, à 6 heures du malin.
Hier au soir, je croyais être dispensé de vous écrire désormais, tout
étant préparé pour l'élection d'un pape dans la matinée d'aujourd'hui.
Le parti contraire ayant fléchi en quelque endroit, il pourrait sembler
que le choix de De Gregorio fût indubitable. Je soupçonne pourtant
que cette élection s'en ira en fumée. Il est positif que six cardinaux de
l'opposition feraient mine de se ranger à la majorité, et peut-être l'au-
raient-ils fait de bonne foi, si leurs sentiments n'eussent été trop sus-
ceptibles de se refroidir, trop vacillants ou trop prompts à revenir sur
leurs premières voix. La nuit dernière, où l'élection fut solennellement
concertée, mais où le secret fut trahi par des signes, des demi-mots ou
des ordres donnés avec trop d'empressement au dehors du Conclave, il
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116
LA PUKLATIRE DE LÉON Mil.
survint un débat remarquable qui attira l'attention de tout le monde.
Quatre cardinaux parlaient avec noblesse, énergie et un vif intérêt; les
autres écoutaient en silence ou n'interronq)aient le discours (fue par de
brèves réllexions. Les documents secrets du Conclave furent demandés,
on se fixa sur ceux qui avaient rapport aux cardinaux français; lecture
en fut faite îi haute voix. On exposa alors que la présence de ces cardi-
naux était indispensable pour sanctionner l'élection du nouveau pasteur;
([ue la protestation qui serait faite dans le cas contraire pourrait èlre d'un
grand scandale, d'un immense préjudice pour l'Église. On entendit dire
avec chaleur que la liberté du clergé de France était enchaînée dans des
fers barbares, l'instruction publique tyrannisée par la violence du pou-
voir séculier, au moyen de certaines Ordonnances arrachées tumultueu-
sement; que l'on a conçu le dessein de donner au peui)le le droit d'élire
ses magistrats afin d'affaiblir l'autorité suprême du roi; que ces tenta-
tives de rébellion, déguisées sous des apparences flatteuses dans le projet
de loi, anéantissent petit à petit les sentiments d'obéissance et ouvrent
les portes au torrent de l'irréligion ; qu'il importe d'examiner mûrement
la gravité de ces dangers imminents; qu'à cet examen ont droit d'as-
sist'er les cardinaux français, qui sont les légitimes représentants de la
religion. On ajouta que malheureusement l'apologiste des Ordonnances
et des Lois municipales (M. de Chateaubriand) se trouvait dans leur voi-
sinage; que cet ambassadeur, paraissant vouloir hâter le moment de
l'élection en l'absence des cardinaux français, s'appliquait, sans doute, à
prévenir une délibération qu'il prévoyait devoir être funeste à l'essence
actuelle de son Gouvernement. On dit entin qu'en se montrant indifférent
aux réclamations du clergé, le pape Léon XII n'avait fait qu'entrevoir le
venin des Ordonnances, sans en approfondir la malignité; que les su l-
frages qu'il avait recherchés ont été très inconqdets et circonscrits à un
petit nombre de voix qui appartenaient à son entourage.
Vous reconnaîtrez par tous ces proi)OS ce ([u'est l'homme en soiiç-méme
et l'homme guidé par ses passions. Saint Paul a dit que « le zèle qui
n'est point tempéré par la prudence devient un grave délit ». Ainsi
Irouverez-vous dans ces débats l'homme tout entier, mais dans l'élection
vous verrez clairement la main de Dieu. Le jour viendra où les per-
plexités seront tellement générales, que le choix ira se fixer sur celui
que Dieu aura prédestiné a gouverner son Église par la sagesse et la
modération. Il en a été, il en sera toujours ainsi.
Les intrigues sont le clair-obscur des élections pontificales.
LE CABINET DU ROI.
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7 mars an soir.
Quel changement de scène, dans un instant ! Albani a paru et a passé,
comme un lion*. A peine entré, il s'est écrié : Nous sommes donc
arrivé à temps\ C'est maintenant que je crois, en vérité, que De Gre-
gorio ne sera plus élu pape*. Vous savez les querelles, les animosités,
(jui se sont élevées entre ces deux personnages. Quoique l'Autriche n'a il
point l'intention d'exclure De Gregorio, Albani l'exclura sous sa propre
responsabilité. Que faire à cela? Nous rentrons dans la « tour d'Ugolin »,
et devons nous résigner à n'en pas sortir de sitôt.
Les ambassadeurs étrangers seront reçus, lundi, mardi et mercredi
prochains. Ce soir, il y aura des colloques et bientôt l'on pourra péné-
trer les desseins d'Albani. Il a toutefois une grande finesse, un esprit
très délié et une politique diabolique. Don Dieu! pourquoi ne pas le
devancer hier, quand il en était encore temps? Le parti des exaltés tache
de tirer parti de tout et voudrait pécher en eau trouble. La possibilité de
leur triomphe jmurrait se trouver dans la coopération des cardinaux
français, qui semblent unanimes pour le choix d'un Pape favorable h
leur exaltation d'idées. Si par malheur le parti d'Oppizzoni, soit fai-
blesse, soit complaisance, se range au vote d'Albani, la palme est aux
mains des adversaires.
On connaît ici les démarches de tous les diplomates, et ceux-là même
(|ui ont l'honneur de les approcher sont plus fidèles au Conclave qu'ils
ne sont touchés des attentions que les grands leur témoignent. Celte
fois, M. de Gennotte (conseiller de l'ambassade d'Autriche) jette son
argent à Peau; sa finesse ne servira qu'à le rendre dupe. On est instruit
en ce lieu de toutes les menées. Pouvait-on imaginer que, dans une tour
de bronze dont l'accès est interdit de tous côtés, les choses les plus
secrètes y soient connues? Je ne voudrais pas néanmoins que cette con-
naissance universelle pût nuire à la bonne intelligence qui règne entre
nous et les Puissances; il est bien à désirer qu'au moment où cette
harmonie est le plus nécessaire, la modération, l'esprit conciliateur de
Léon XII, ne soient pas remplacés par un caractère diirérent.
1. Le cardinal Alltani a joué, vers la fin du Conclave, un rôle différent de celui
dans lequel il se montre ici. Ce cardinal a-l-il réellement changé? C'est ce qu'on ne
saurait dire. Cette transformation subite m'ayant fait craindre quelque piège caché,
je m'étais préparé adonner l'exclusion à Albani si, secrètement d'accord avec la mino-
rité, il n'avait feint une métamorphose que pour surprendre à son profit les votes de
la majorité. Ce paragraphe, que je commente, renferme une étrange révélation : on
espérait que le vote des cardinaux français influerait sur la forme de notre Gouverne-
ment. Comment cela? Apparemment par les ordres dont on les supposait chargés, par
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118
LA PRÉLATIRE DE LÉON XIII.
LE CABINET DU KOL
119
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leurs voles eu faveur d'un pape qui, au moyen des foudres de l'Eglise, amènerait un
changement de forme dons le (ioiivonemenl. Cela nous apprend quelles étaient les
espérances d'une faction fanatique, à quels mensonges elle avait recours pour tromper
le Sacré Collège, à quels excès elle était capable de se porter. Le choix projeté de
Gregorio n'était qu'un pis aller. Les cardinaux sages lui préféraient Oppizzoni, et ils
avaient raison. On ne voulait élire Gregorio qu'à de certaines conditions. Je parlerai
de ces conditions. — Chateaubriand.
2. J'ai su, vers 6 heures du soir, (jue le cardinal De Gregorio, après avoir eu le
matin 24 voix, n'en a eu que 19 le soir. Ce matin, il est à 13; et Castiglioni à 14, ou 15-
On attribue cette baisse au refus du cardinal De Gregorio à souscrire à la reijuétc des
conclavistes, et à la raison qu'il donnait de ce refus. — « On ne doit pas, dit-il, accorder
les titres de première noblesse romaine à des domestiques vêtus en camériers et à
des conclavisles. » Très juste, le raisonnement des premiers : — a Si, comme cardinal
papeggianle, il nous donne tant, que nous donnera-til comme pape? ï> Donc, de côlé !
A 5 heures, entrée du cardinal Albani. Du milieu «le la salle, il fait de profondes
inclinations et envoie un sourire à chaque cardinal, en l'accompagnant d'un o votre
très humble serviteur ! » Sa (igure annonce un renard et un traître, homme de
Cour dans ses manières, mais capable de tout. — Mgr Danlnno.
8 mars, à 2 heures après-midi.
Le scrutin de ce malin a été fort bizarre. Les suffrages des ^^l votants
se sont partagés entre les 42 cardinaux, qui ont eu chacun une voix, ce
qui n'est jamais arrivé. V accédât, \\ aucun. Si Li chose eût été con-
certée, elle n'aurait pas donné un résultat plus parAûtement exact*.
Albani est devenu l'objet d'une méfiance extrême : il est craint de
tous, et, à l'exception d'un très petit nombre qui ra|)proelie, les cardi-
naux se tieqnent sur leurs gardes et mettent une grande réserve dans
leurs propos*. On a su positivement qu'avant d'entrer au Conclave, il a
eu avec M. de Gennotte un entretien de près de trois quarts d'heure.
Cette démarche impolitique annonce clairement qu'il est disposé à
révéler le secret du Conclave. On prend les mesures les plus rigou-
reuses afin de couper toute voie de correspondance illégitime ou crimi-
nelle. Le succès ne sera peut-être pas complet, mais en général on le
croit assuré. C'est aux autres de veiller au dehors, comme à ceux-ci de
prévenir le mal au dedans. On sera probablement convenu de quelque
chiffre familier et simple, afin d'éloigner les précautions; le mystère
sera, sans doute, renfermé dans des billets ouverts et de pure cour-
toisie. Les cardinaux nient avec peine qu'un des leurs soit disposé a
violer la sainteté du serment et paraisse s'en faire un jeu.
Pendant le scrutin, on a été averti que l'Autriche et la France sont
pleinement d'accord sur l'élection d'un pontife zelante modéré, ce qui
est conforme aux sentiments manifestés avec franchise par Gaysruck et
même par Albani, bien que celui-ci dans ses visites de compliment ait
usé de termes équivoques et d'allusions à ses pleins pouvoirs dangereux.
On voit qu'il a bu à longs traits dans la coupe de l'infernale politique
de Metternich.
La méfiance qu'Albani a généralement excitée n'a fait que rapprocher
les partis; et peut-être pressera-ton, malgré lui, l'élection d'un pontife
zelante modéré, conformément aux vœux de l'Autriche et de la France
et sans plus attendre les cardinaux français. L'union de l'Autriche et de
la France a jeté l'épouvante dans les esprits ardents, lesquels ont dû
s'apercevoir (jue leur obstination ne pourrait que produire une conti-
nuité de scandales, sans jamais les mener au but. Huit cardinaux du
parti exalté ont conféré secrètement avec ceux du parti modéré. Après
avoir discuté leurs raisons avec calme, ils sont tombés d'accord sur ces
points : que le Conclave ne pouvait avoir d'autre fin que l'élection du
chef visible de l'Église ; que vouloir faire passer à l'examen les Ordon-
nances ou les lois d'un Gouvernement étranger, c'était s'écarter de
l'esprit des Constitutions apostoliques; que ces ordonnances, publiées
durant le pontificat de Léon XII et soumises à son jugement, n'ont
point été condamnées; que, par une règle invariable de l'Eglise, il con-
vient de respecter son silence comme une décision absolue ; que les
ministres accrédités auprès du Saint-Siège doivent être vénérés comme
les représentants de leurs souverains, et accueillis avec une charité
évangélique dans le cas même où les communications qu'ils auraient à
faire seraient d'une nature tout à fait odieuse.
Celle conférence a ramené la paix, et je suis d'avis qu'avant le 25
nous aurons un pape. On attendra peut-être encore par convenance les
cardinaux français, mais sans que cela nuise a la chance qui s'offrirait
d'élire le plus digne.
1. Il n'y a pas besoin de commentaires sur cette journée : le texte dit tout. Voilà
une minorité qui parle comme la Gazette de France et la Quotidienne qui veut
s'immiscer dans nos affaires, qui presse la violence jusqu'à attaquer en plein Conclave
la mémoire de Léon XIL Elle SLp|)ose toujours que les cardinaux français pensent
comme elle ; elle se (igure que je veux précipiter l'élection pour n'être pas confondu
par l'arrivée de ces cardinaux, arrivée que je prévoyais devoir être funeste à l'essence
(au principe) de mon Gouvernement. — Chateaubriand.
2. Cette terreur, inspirée par le cardinal Albani, se dissipera plus tard. Toujours
même confiance et même espérance dans l'exaltation de nos cardinaux. On voit per-
cer, dans celte journée du 7, l'aversion du Sacré Collège pour l'Autriclie. — Cli.
8 mars, à 6 heures du soir.
La perspective de ce jour peut véritablement s'appeler le tableau de
la paix évangélique. Les résultats du scrutin démontrent que l'on veut
hùler l'élection d'un pontife digne et modéré. L'esprit d'exaltation, qui
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LA PUÉLATUHE DE LÉON XIII.
semWait avant-hier troubler les âmes, est rentré dans nn calme religieux.
Les 42 voix se sont distribuées entre les plus méritants* :
Cappellari 12, et à l'accedat
De Gregorio iO, et —
1 1 , et —
(), et —
T), et —
Benveiutti
Giustiniani
Gaysruck
7y. Total 15.
7. — 17.
i. — 45.
7. — 13.
13. — 16.
Attendez-vous à voir bientôt le j»ape sortir d'entre ces personnages.
1. Deux fuis par jour, quand les cardinaux chargés du dépouillement du scrutin ont
reconnu qu'aucun candidat n'a obtenu les deux tiers des sulfragcs, on brûle les petits
billets, et la fumée s'échappe par le tuyau de poêle dont je viens de parler (un tuyau
long de sept à huit pieds et sortant de la fenêtre la plus voisine de celle qui a été
murée dans la façade du palais de 3lonte-Cavallo), c'est ce qu'on appelle la fumata.
A chaque fois, cette fumata excite le gros rire du peuple assemblé en foule sur la
place de Montc-Cavallo, et qui songe au désappointement dos ambilions. Chacun se
retire eu disant : a Allons, nous n'avons point de pape pour aujourd'hui. » — Stendhal,
Promenades dans Home.
Cette fumée fut interprétée assez irrévérencieusement par la pasquinade suivante
que nous lisons dans les recueils secrets de ce conclave cl qu'il est inutile «le Ira-
duirc de l'italien :
Quello che voi vedete
Vscir da quel canncUo
Un fumo lo credete,
Eppur sieti in errore ;
Dei cardinali è quello
11 cervello che sciogliesi in vaporc
Dans cette journée du 8, la majorité modérée obtient la victoire. Ses sentiments paci-
fiques se montrent à découvert. Elle censure tout ce qu'on a dit dans la journée du 7
contre notre Gouvernement, contre Léon XII etcontre les ambassadeurs.— Chateaubriand.
9 mars, à G heures du matin.
Hier, dans la soirée, on a réitéré les ordres les plus stricts afin
d'empêcher la violation du secret. En conséquence, il a été résolu par le
Sacré Collège, hormis quelques membres à qui cette salutaire disposi-
tion doit demeurer cachée, que l'on se servirait de tous les moyens
praticables pour découvrir si, au dehors du Conclave, l'on a quelque
connaissance de ce qui se passe à l'intérieur. On a commissionné six
fidèles (explorateurs), les plus élevés en rang, pour qu'ils fassent en
sorte de s'introduire dans les appartements du roi de Bavière qui reçoit
le corps diplomatique, aujourd'hui, à midi, et afin qu'ils tachent
d'explorer avec adresse ce que l'on dit des cardinaux et quel est celui
d entre eux dont l'élection est la plus souhaitée'. Six autres fidèles des
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1. Deux f(»is par jour, (\\nuu\ les cjirtiinaiix tliargés du (It'pouillomcul du M-ruliu oui
rccOHuu tju'aucuu candidat n'a obleiiu les doux Hors dos sullraj^os, on hrùjc les petits
billets, ci la lumoe s'r'cliappe par le tuyau t\e poôle «lont je viens de parler (uu tuyau
long de sept à huit pieds et sortant *\c la lVii«''tre la plus voisine de celle (|ui a été
murée dans la façade du palais de ^lonle-Cavallo\ c'est ce qu'on appelle la fumata.
A chaque fois, cette fiimata excite le j^ros rire du peuple asseinidé eu foide sur la
place de Monle-Cavallo, et qui son<;«' au désappointement des audiitions. Chacun se
retire eu disant : « Allons, nous n'avons |)oint de pa[»e pour aujourd'hui. » — Stendhal,
Pioinenadrs dans home.
Cette fumée lut interprétée assez irrévéreucieusemeul par la pasquinade suivante
que nous lisons dans les n'cueils secrets de ce conclave et qu'il e>t inutile de tra-
duire de l'itaHeu :
Ouello che voi vedete
Iscir da quel camiello
Tu fumo lo credete,
Kppur sieli iu err»>rc ;
Ik'i cardinali è quello
Il cervello ehe sciogliesi in vapore
Dans cette journée «lu 8, la majorité modérée obtient la victoire. Ses sentiments paci-
fiques se montrent à découvert. Elle censure tout ce qu'on a dit dans la journée du 7
contre notre Gouvernement, contre Léon XII etcoulre lesandjassadcurs.— Chateaubriand.
0 mars, à G heures du matin.
Hier, dans la soirée, on a réitéré les ordres les plus stricts afin
d'empêcher la violation du secret. Kn conséipience, il a été résolu par le
Sacré Collège, hormis (|uel(pies membres à <|ui cette salutaire disposi-
tion doit demeurer cachée, (lue l'on se servirait de tous les movens
praticables pour déiouvrir si, au dehors du Conclave, Ion a (|uel(jue
connaissance de ce (|ui se passe à l'intérieur. On a conmiissionné six
fidèles (explorateurs), les plus élevés en rang, pour cpi'ils fassent en
sorte de s'introduire dans les appartements du roi de Bavière qui reçoit^
le corps diplomatique, aujourd'hui, à midi, et afin (pi'ils tachent
d'explorer avec adresse ce que l'on dit des cardinaux et (jnel est celui
d'entre eux dont l'élection est la plus souhaitée'. Six autres jhlcles des
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122
LA PRÉLATIRE DE LÉON XIII.
LE CABINET DU ROL
125
1
[
plus distingués et des plus habiles se rendront chez les ambassadeurs
d'Autriche et rapporteront ce qui aura été dit sur le conclave, si l'on a
parlé de De Gregorio, et l'impression produite par la nouvelle qui s'est
répandue de son élection. Demain au soir, six autres personnages feront
le même office chez l'ambassadeur dt Trance.
La bonne harmonie règne dans le Sacré Collège, et l'on procédera à
l'élection selon l'esprit des bulles apostoliques.' Les suffrages seront
acquis au pins digne, au plus juodéré, à celui qui saura maintenir les
relations amicales avec les Puissances, pourvu (pie la Religion n'y soit
point offensée.
i. On verra plus bas que les fidHcs firent un excellent rapport. Ces misérables
moyens de police sont désormais a>és : tous les secrets sont maintenant dans les jour-
naux. — Cbateaubriand.
9 mars, à 7 lieures et demie du soir.
L'ambassadeur d'Autriche a présenté ses hommages au Sacré Collège*.
Il résulte des avis reçus jusqu'à ce moment que le corps diplomatique
ignore le véritable état des choses du Conclave. Ceci est dû à la rigueur
de la discipline qui a été adoj)tée. Les lettres du nonce de Paris, reçues
ce matin, annoncent la prochaine arrivée des cardinaux français et les
instructions concertées de se tenir au jugement du Conclave. Il ajoute
que le cardinal De Latil a le secret du roi*.
Vers huit heures et demie, on a été informé de l'arrivée du cardinal
De Latil au palais de France, et des hommages que l'ambassadeur lui a
rendus. Les auditeurs de Rote avaient j)ourtant assuré que Son Éminence
irait descendre au palais Mattei (chez M. l'abbé de Retz), et qu'un
billet envoyé au premier relai de poste par son agent prive ne permettait
pas d'en douter. Le Sacré Collège, ayant reçu en même temps la copie
du discours que l'ambassadeur de France doit prononcer demain, s'est
montré satisfait de la demeure (jue le cardinal a choisie, et n'hésite pas
de convenir avec toute justice qu'on ne peut, sans un outrage manifeste,
taxer d'irréligion un homme ([ui semble inspiré et i>énélré de toute la
sainteté de la vraie religion. Quelle noblesse d'expressions! «luelle élé-
vation de pensées! quelle délicatesse d'images! On voit que ses paroles
partent du fond de l'ame. Pour moi, j'en suis dans le ravissement.
Figurez-vous, dans l'étroite enceinte d'un conclave, le tableau d'une
nation qui donne la vie, qui dicte des lois de paix à toutes les autrçs
nations, (jui est le centre universel vers lequel tous les jieuples, peut-
être même des tribus dont nous ignorons le nom, dirigent leurs vœux
vt leurs prières. Tout le Sacré Collège a tressailli d'une sainte joie et se
propose de se féliciter, avec le cardinal De Latil, du choix que Sa Majesté
Très Chrétienne a fait d'un si grand homme, dont les principes reli-
gieux sont les plus purs et inébranlables. Chaque phrase a été examinée
attentivement ; on n'y aperçoit pas l'ombre d'un intérêt politique privé,
et moins encore une apparence de vouloir hâter l'élection sans la pré-
sence des cardinaux français. Eh bien ! le croiriez-vous ? deux cardinaux
(Micara et Pallotta) ont censuré ce discours ; ils ont dit qu'on y parle
toujours de religion chrétienne^ et jamais de religion catholique; que
ces ex[)ressions : alliance sociale scellée du sang du Juste, sont em-
ployées parce que l'on a honte de prononcer le saint nom de Jésus-
Christ.
Ces réflexions, suggérées par un esprit d'acharnement contre les
hautes réputations, ont été universellement accueillies par le silence du
mépris.
i. L'ambassadeur d'Antricbc, en latin ci avec une prononciation pire, a parle lon-
guement pour ne rien dire de bien concluant. 11 a exborté les cardinaux à élire un pape
ftngc et modeste et a fini en disant que le cardinal Albani, par lettres impériales du
26 février, était cbargc de représenter Sa Majesté au Conclave. A titre de cbef d'ordre,
le cardinal Castiglioni a répondu à ce discours de mauvais lalin par un discours dont
l'italien mesquin ne valait pas davantage. Dès qu'une pensée élevée jaillissait, c'était
pour retomber aussitôt dans les lieux communs. Cependant la finale fut belle, autant
qu'était aimée dans liome la bonté du comte Lutzow et que sa loyauté diplomatique
était admirée en Europe. Tous les cardinaux étaient accourus à la clôture pour écouter
les discours. Seuls Bernelti et Odescalcbi, tout à leur causerie intime sur un banc, à
l'écart, ne prenaient aucune part à ce spectacle. — Mgr Dardano.
2. Voici le nonce Lambruscbini affirmant au Concl.ive que le cardinal Latil a le secret
du Roi. Tous les efforts de la faction tendent à faire croire que le Roi et son Gouver-
nement ne sont pas d'accord. Le nonce joue un bieai mauvais rôle, dans tout ceci.
11 est inulilc de remarquer la surprise du Sacré Collège en apprenant que le car-
«linal Latil est descendu au i)alais de l'ambassade et que j'ai rendu des hommages à
ce prince de l'Eglise, bien que les auditeurs de Uote eussent charitablement annoncé
d'avance le contraire.
J'ai été tenté de supprimer ici tout ce qui a rapport à mon discours; mais venant à
penser aux préventions que l'on a cbercbé à faire naître contre moi, j'ai cru devoir
conserver l'opinion du Conclave, comme une d.'fense, comme un témoignage honorable,
propre à faire le contrepoids des calomnies dont j'ai été l'objet. — Chateaubriand.
10 mars, à 6 heures et demie du soir.
En cette journée, nous avons vu renaître l'antique majesté de la capi-
tale du monde catholique, et resplendir, au milieu des ruines impo-
santes de la superstition, le signe sacré de Jésus-Christ, devant lequel
toutes les nations baissent le front. L'ambassadeur de France, animé de
toute la force et l'onction de la religion catholique, a prononcé son dis-
cours avec une telle énergie, un tel accent de persuasion, que le Sacré
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LA PRÉLATURE DE LÉON XIII.
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Collège entier est demeuré dans le ravissement*. Même les deux adver-
saires que j'ai indiqués, et ce petit nombre d'hommes qui n'écoutent
que la voix fallacieuse de l'esprit de parti, ont dû avouer que le vicomte
de Chateaubriand est un rare génie, très nécessaire à l'ordre véritable
des choses. Quelle différence entre la force des armes que rAutriche
met en avant, et la saine éloquence de la France qui écarte ces mêmes
armes sans les craindre, qui ramène par la persuasion au bercail de
Jésus-Christ les brebis égarées et triomphe de leur endurcissement !
C'est une belle gloire pour le roi très chrétien d'avoir un représentant
dont les pensées ont tant d'élévation, les images tant de vivacité, qui
soit aussi versé dans les doctrines évangéliques et qui possède le don
de lléchir tous les cœurs '.
1. M. de Clialeaubriand a fait un discours au Conclave. Par une distinction (latlcusc,
son carrosse, en allant à Monle-Cavallo, était suivi des carrosses de tous les cardinaux :
ces messieurs, de l'inlcrieur du conclave avaient donné des ordres, à cet elTel. M de
Chateaubriand a donné de belles lèles ; il a fait l'aire des fouilles; il annonce le projet
d'élever un tombeau au Poussin; il a été poli envers M. le cardinal Fescli. Il me semble
que ce personnage illustre a réussi auprès des cardinaux. C'est dans la salle oii a
eu lieu la visite des dîners, que M. de Chateaubriand a parlé, vis-à-vis une petite
ouverture où un œuf n'aurait pas pu passer. De l'autre coté de ce trou était la dépu-
lalion du Conclave. M. le cardinal Castiglioni a ré|>ondu au discours de l'ambassadeur
du roi. Le discours de M. l'andjassadeur d'Kspagne était en latin. M. de Chateaubriand
a parlé en français. Son discoui-s est fort libéral; il y a un peu trop de je et de moi ;
à cela près, il est charmant et a le plus grand succès. Il a déplu aux cardinaux. Quelle
que soit l'opinion personnelle du Gouvernement français, il est forcément en Italie le
protecteur du parti libéral. Ce soir, on a lu <lans tous les salons des copies du discoui*s
de M. de Chateaubriand. — Stendhal, Promenades daim home,
2. E mi lient isfiimes Seigneurs : La ré|K)nsc de Sa Majesté Très-Chrétienne à la
lettre que lui a adressée le Sacré Collège vous exprime, avec la noblesse qui appartient
au lils aîné de l'Kglise, la douleur que Charles \ a ressentie en apprenant la mort du
père des fidèles, et la confiance qu'il repose dans le choix que la chrétienté attend de
vous. Le roi m'a fait l'insigne honneur de me désigner à l'entière créance du Sacré
Collège réuni en conclave. Je viens une seconde fois, Eminenlissimes Seigneurs, vous
témoigner mes regrets pour la perte du ponlife conciliateur qui voyait la véritable
religion dans l'obéissance aux lois et dans la concorde évangélique; de ce souverain
qui, pasteur et prince, gouvernait l'humble troupeau de Jésus-Christ, du faîte des
gloires diverses qui se rattachent au grand nom de l'Italie. Successeur futur de
Léon XII, qui que vous soyez, vous m'écoulez sans doute en ce moment; |)ontife à la
fois présent et inconnu, vous allez bientôt vous asseoir dans ta chaire de saint Pierre,
à quelques pas du Capitole, sur les tombeaux de ces Romains de la Uéptdilique et de
l'Empire qui {«ssèreni de l'idolâtrie des vertus à celle des vices, sur ces catacombes
où reposent les ossements non entiers d'une autre espèce de Romains. Quelle parole
pourrait s'élever à la majesté du sujet? Quelle voix pourrait s'ouvrir un passage à
travers cet amas d'années qui ont étouffé tant de voix plus puissantes que la mienne?
Vous-même, illustre Sénat de la chrétienté, pour soutenir le poids de ces innombrables
souvenirs, pour regarder en face les siècles rassemblés autour de vous sur les ruiiîes
«le Rome, n'avez-vous pas besoin de vous appuyer à l'autel du sanctuaire, comme moi
au trône de saint Louis?
A Dieu ne plaise, Eminenlissimes Seigneurs, que je vous entretienne ici de quelque
intérêt particulier, que je vous fasse entendre le langage d'une étroite politique : les
choses sacrées veulent être envisagées aujourd'hui sous des rapports plus généraux
et plus dignes. Le cliristianisme, qui renouvela d'abord la face du monde, a vu depuis
se transformer les sociétés auxquelles il avait donné la vie. Au moment même où je
parle, le genre humain est arrivé à l'une des époques caractéristiques de son existence,
la religion chrétienne est encore là pour la saisir, parce qu'elle garde dans son sein
tout ce qui convient aux esprits éclairés et aux cœurs généreux, tout ce qui e?t
nécessaire au monde qu'elle a sauvé de la corru|)tion du paganisme et de la destruction
de la barbarie. En vain l'impiété a prétendu que le christianisme favorisait l'oppres-
sion et faisait rétrograder les jours : à la publication du nouveau pacte scellé du sang
du Juste, l'cselavagc a cessé d'être le droit commun des nations; l'elfroyiible définition
de l'esclavage a été effacée du code romain ; y'on lam viles quam nulli sunt. Les
sciences, demeurées presque stationnaires dans l'antiquité, ont reçu une impulsion
rapide de cet esprit apostolique et rénovateur qui hàla l'écroulenienl du vieux monde;
partout où le christianisme s'est éteint, la servitude et l'ignorance ont reparu. Lumière
«luand elle se mêle aux facultés intellectuelles, sentiment quand elle s'associe aux
mouvements de l'âme, la religion chrétienne croît avec la civilisation, et marche avec
le temps; un des caractères de la perpétuité qui lui est promise, c'est d'être toujours
du siècle qu'elle voit passer, sans passer elle-même. La morale évangélique, raison
tlivine, appuie la raison humaine dans ses progrès vers un but qu'elle n'a point encore
atteint : après avoir traversé les âges de ténèbres et de force, le christianisme devient
chez les peuples modernes le perfectioimement même de la société.
Eminentissimes Seigneui*s, vous choisirez ^wur exercer le pouvoir des clefs un
homme de Dieu et qui comprendra bien sa haute mission. Par son caractère universel
qui n'a jamais eu de modèle ou d'exemple dans l'histoire, un conclave n'est pas le
conseil d'un Etat particulier, mais celui dune nation composée de nations les plus
diverses et répandue sur la surface du globe. Vous êtes, Eminenlissimes Seigneurs, les
augustes mandataires de l'immense famille chrétienne pour un moment orpheline.
Des hommes (jui ne vous ont jamais vus, qui ne vous verront jamais, qui ne savent
pas vos noms, qui ne parlent pas votre langue, qui habitent loin de vous sous un
autre soleil, au delà des mers, aux extrémités de la terre, se soumettront à vos déci-
sions que rien en apparence ne les oblige à suivre, obéiront à vos lois qu'aucune force
matérielle n'impose, accepteront de vous un père spirituel avec resj)ecl et gratitude :
tels sont les prodiges tie la conviction relijiieusc. Princes de l'Eglise, il vous suffira de
laisser tomber vos suffrages sur l'un «l'entre vous pour donner à la communion des
fidèles un chef qui, puissant par la doctrine et l'autorité du passé, n'en connaisse pas
moins les nouveaux besoins du présent et de l'avenir, un pontife d'une vie sainte,
mêlant la douceur de la charité à la sincérité de la foi. Toutes les couronnes forment
le même vœu, toutes ont un même besoin de modération et de paix. Que ne doit-on
pas attendre de cette heureuse harmonie? Que ne peut-on pas espérer, Eminenlissimes
Seigneurs, de vos lumières et de vos vertus?
H ne me reste qu'à vous renouveler l'expression de la sincère estime et de la par-
faite affection du Souverain aussi pieux que magnanime dont j'ai l'honneur d'être
l'interprète auprès de vous. — CiiATEACsniANO.
« Il mars, à 0 heures du matin.
Les rapports parvenus tout d'abord au Conclave étaient inexacts. On
affirmait que l'ambassadeur de France, sans aucun égard, sans aucune
considération pour les cardinaux français, qui sont les interprètes des
vœux de Sa Majesté Très Chrétienne, voulait l'élection, au gré de sa
fantaisie. La déposition authentique des six témoins, qui jouissent de
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126
LA PRELATIRE DE LÉON MIL
LE CABINET DU ROI.
127
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l'entière confiance du Conclave, démontre le contraire. (Voir ci-après.)
C'est un nouveau gage, après la preuve très convaincante de ce discours
prononcé avec la chaleur de la vérité et l'ardeur de la vraie religion.
Si le cardinal De Latil est un noble organe des vœux de Sa Majesté Très
Chrétienne, il sera aussi le messager du Conclave auprès d'un si digne
monarque pour lui témoigner toute la satisfaction que le Sacré Collège
ressent d'avoir, auprès de lui, un ambassadeur aussi essentiel, aussi
éclairé.
Rapport des « fidèles ». — 10 mars.
f^ous soussignés y fidèles à notre serment ^ nous sommes rendus^ en
conséquence des ordres du Sacré Collège, aujourdliuij à neuf heures
et demie du soir, au palais de Vamhassadeur de France, oii nous
avons été reçus avec une singulière affabilité et toute la considération
due à notre rang, ^ous sommes demeurés un long espace de temps
dans la réunion générale, et sans provoquer qui que ce soit à dis-
courir; disséminés dans les différents salons, nous avons remarqué
que l'ambassadeur était loué par tout le monde, que M, le cardinal
De Latil assistait à cette assemblée en habit privé et incognito, que
les conversations sur le Conclave ont été fort vagues et purement
conjecturales, et enfin quaux interrogations des curieux le respec-
table ambassadeur gardait le silence ou répondait avec dignité et
respect.
il mars, S midi
On a intercepté une lettre du cardinal Albani, adressée à M. de Gen-
notte. L'énigme était assez difficile à pénétrer; on en est venu à bout,
et le sphinx a obtenu une récompense. Les paroles extraites de ce
jargon sont :
— Procurar di fare un Papa contro i voti del ministero attuafe
dei Gain, è cosa difficile; ma niindustrierà di servire ail' Austria
per ingrandirla.
On vient d'adresser aux ministres étrangers des notes officielles rela-
tivement à nos carbonari. Le gouverneur de Rome mérite toute sorte
d'éloges, pour avoir pénétré le véritable sens d'un si méprisable con-
venticule. On verra par les réponses quels sont les vrais sentiments des
Puissances*. . ,
1. Sur celle journée du 10 cl sur celle du H mars, je n'ai qu'à m'excuser, ainsi
que dans la remarque précédente, de n'avoir pas elïacé des éloges qui sonl fort au-
dessus de ce que je puis mériter.
Le rapjwrt cl le serment «les six espions, sous le nom de fidèles, est une pièce
curieuse. — Clialeaubriand.
12 mars, à G heures du matin.
Le Sacré Collège a été informé par le nonce à Paris que le clergé de
France est dans la ferme intention de demander qu'il soit mis un frein
canonique à tant de lois proposées ou qui doivent l'être encore, lois
outrageantes pour les consciences et ])our la religion catholique*. On lui
répondra aujourd'hui : que le Sacré Collège ne reconnaît d'autre pré-
sentation du clergé de France que celle des cardinaux français eux-
mêmes, comme princes électifs à qui il appartient seulement de pro-
poser ou d'écarter par leurs suffrages les conférences (ju'iis jugeraient
utiles ou dangereuses; que ces cardinaux, connaissant les sentiments
intérieurs de Sa Majesté Très Chrétienne, ont le droit de réconcilier les
consciences avec la forme actuelle du Gouvernement temporel ; que
l'Église ne permet jamais l'accès du sanctuaire à des opinions purement
humaines; que le nonce ne doit pas prêter si facilement l'oreille aux
insinuations (jui tendent à troubler la paix d'un royaume étranger;
finalement, qu'il doit être circonspect dans ses discours envers des
hommes fougueux et imi>rudents, et qu'il ait à embrasser le silence le
plus profond comme une loi (jui lui est strictement imposée.
1. Voici encore le nonce, écho et missionnaire d'une coterie. Il paraît qu'on espé-
rait ouvrir au sein du Conclave des conférences sur l'état de nos alTaircs. J'ai su, d'une
autre part, qu'avant la mort «le Léon XII des membres du clergé français étaient atten-
dus à Rome pour agiter de nouveau la question des Ordonnances. Ces manœuvres
doivent être surveillées : elles boulevei-seraient la France, sans atteindre même le
but où elles visent. Il est consolant de voir la fermeté du Sacré-Collège et la sagesse
avec laquelle il se refuse aux ouvertures du nonce. Celui-ci est un prélat passionné,
entré beaucoup trop avant dans les intrigues d'un parti français, homme qui dans son
pays est à la tôle de la Faction de Sardaigne, et dont il est urgent de solliciter le
rappel. — Chateaubriand.
I
13 mars, à 1 heure après-midi.
Le cardinal De Latil a fait, en présence de quatre cardinaux-évêques,
une déclaration purement de conscience*. Comme cette matière ne con-
cerne nullement la politique, les autres en doivent demeurer à la garde
du Grand Pénitencier, qui, ainsi que les cardinaux-évêques, a juré de
ne révéler cette explication à qui que ce soit, ou d'en faire usage en
aucun temps*.
1. Entrée des cardinaux français Latil et Isoard, et du cardinal napolitain Firrao à
l'âge de 93 ans. — Les dépenses du précédent Conclave s'étaient élevées à 492125 fr.
Celui-ci nous coûtera peut-être plus cncure. Les votes font ef défont sans jugement.
1 .:;
I2J
LA rKKLATlHK DK LKON Mil.
Mais les pUis alFamés sont les cêrémoniaircs : ils cliipeiit un nombre incaloulable de
chandelles, et même jusqu'aux lanlerncs des corridors. — Mgr Dardano.
2. J'if'norc et je n'ai point vonln reclicrclier quelle est celle déclaration, purement
de conscience, que M. le cardinal Lalil a faite, en présence des quatre cardina-jx-évr-
qucs; déclaration nullement politique, que les autres cardinaux Irant^ais ont ignorée,
que le cardinal Albani cherchait à découvrir et dont les actes sont demeurés à la garde
du Grand Pénitencier. Néanmoins celte confession individuelle, dont l'auteur avait
peut-éire annoncé le dessein, aura pu servir de base à la fable «les révélations et des
ordres iwliliqucs qne devait faire et donner le cardinal Lalil. — Chateaubriand.
13 mars, à 3 heures et tlcmie du soir.
On attend en ce moment les autres cardinaiiv français. Albani a écril
une lettre à un de ses gens. On soupçonne que l'adresse est feinte et
convenue. 11 pourrait bien profiter de l'entrée des cardinaux pour la
faire passer. On se tient sur ses gardes, et l'on a les yeux sur le jardin.
Les mesures sont prises pour intercepter cette lettre.
13 mars, à 9 heures du soir.
Les deux cardinaux français qui sont enlris au Conclave (De La Tare
et De Croy) paraissent ignorer la communication de Latil, ou du moins
se montrent indifférents sur ce sujet. Albani s'efTorce de pénétrer ce
qui s'est passif ce matin, entre les quatre évéques; il met en jeu toute
son adresse, il flatte de la papauté tantôt l'un, tantôt l'autre; mais il
n'a rien pu découvrir d'une cliose ([ui, d'ailleurs, n'est d'aucun intérêt
pour ses propres vues. Il s'est longtenq)s entretenu avec De La Fare, a
fait beaucoup de civilités à De Croy, et s'imagine manier avec succès la
froideur d'Isoard. Il espère parvenir à son but, à l'aide des cardinaux
français eux-mêmes ; mais De La Fare, éclairé par les intrigues d'Al-
bani au dernier Conclave, le craint, comme l'agneau craint le loup.
14 mars, à midi.
Vous croirez, en voyant le résumé des scrutins, que l'élection du
Pape est éloignée ; cependant il n'en devrait pas être ainsi, à en juger
par l'état présent des cboses. Les quatre évéques, qui ont conféré avec le
cardinal De Latil, sont d'avis qu'il faut élire Cappellari. Ceux-ci ont de
l'influence sur la plupart de leurs confrères, et, partant de cette base
ils peuvent être assurés de former un parti considérable auquel vien-
dront se réunir à l' improviste les auxiliaires français, unanimes dans
leur sufl'rage. Albani sera joué, celte fois. Son manège trop connu ne
profitera pas certainement à celui qui peut être dans sa pensée ; il sou[)-
I
II
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1/
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La colère rouge. (D'après llcilbuth )
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\.\ !'i;!':!,\TrnM nn L!':i»n mil
Jlais lo> pi is allanus Si»:it les cérénvmiaiivs : ils i-lii|K'nt un numliio iiuahiilahlc de
chaiulelles, et nirnie ju-<|u'aiix laiilonies des corriil*>rs. — Mi;r Danlaiio.
2. J'i'^iiorc cl je n'ai |U)iiil vt.iilu redioiclier quelle est celle (léelaralion, p.ireineiil
(le coii<nence, que M. le cardinal Lalil a l'aile, en présence des quatre cardinatix-éy»--
qucs; déclaration nullement |)(»liti«|uc, que les autres cardinaux lrant;ais ont i<;norce,
nue le cardinal Albaid cliercliait à découvrir et dont les actes sont «lerneurés à la fjardo
du llrand l'éuilencier. Néainuoins celte confession individuelle, dont rauteur avait
jîeiil-élie aiuioncé le dessein, aura pu servir de hase à la Table des révélations el des
ordre- politiques que devait Taire et donner le cardinal Lalil. — Clialeaid^iand.
I" mars, à " heures el demie du soir.
(Inallond en ce inoninit les Miilfcs cardiiiimx français. Alhaiii a irrif
une lettre à un de ses ^eiis. ih\ s(»ii|»(;t>im«' que l'adresse est feinte et
eoiivemie. H pourrait bien proliler de lenlive des cardinaux pour la
laire passer. On se tient sur ses j-ardes, et \\m a les yeux sur le jardin.
Les mesures sont prises poin* intercepter celle lettre.
\'t mars, à 0 Iieiurs du si ir.
Les deux cardinaux français (|ui simt entrés au Conclave (De La Tare
et De Crov) [>araissent i^iiiorer la coinnnmicalion de Lalil, ou du moins
se montrent indillérents sur ce sujet. All>ani s'elVorce de pénétrer ce
qui s'est |»assé, ce matin, entre les quatre évèques ; il met en jeu toute
son adresse, il Halle de la pa|>aulé tanlot l'un, tantôt l'autre; mais il
n'a rien pu découvrir dune chose (pii, d'ailleurs, n'est d'aucun intérêt
p(»nr ses propres vues. Il s'est longtemps entretenu avec De La Fare, a
fait l)eanc(»up de civilités à De Crov, el s'ima-ine manier avec succès la
froideur disoard. Il espère [)arvenir à son Imt, à l'aide des cardinaux
francai> eux-mêmes: mais De La Fare, c'clairé par les intrigues d'AI-
bani au dernier Conclave, le craint, connue l'agneau craint le loup.
1 i mars, à néidi.
Vous croirez, en voyant le résumé des scrutins, que l'élection du
Pape est éloignée; cei)endant il n'en devrait pas être ainsi, à en juger
par l'état présent des choses. Les quatre évêipies, qui ont conféré avec le
cardinal De Latil, sont d'avis (piil faut élire Cappellari. Ceux-ci ont de
rinlluence sur la plupart de leurs conirères, et, partant de celte base,,
ils peuvent être assurés de former un parti considérable ampiel vien-
dront se réunir à rinq)roviste les auxiliaires français, nnanimes dans
leur sulTrage. Albani sera joué, cette fois. Son manège trop conim ne n
proHtera pas certainement à celui qui peut être dans sa pensée; il soup-
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l.a colère rouge. (D'après Ileilbulli )
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130 LA l'HÉLATUIlE DE LÉON Mil.
.onne bien une coalilion opposée h ses vues, mais jusqu'ici il n'en tient
point le m et ne (.eut imaginer où elle dirige ses vœux. Il s applique a
retarder l'élection, persuadant .|u'il faut attendre les cardn.aux espa-
gnols et donner à Tambassideur Labrador le temps de venir ainsi i.re-
lenter ses hommages au Sacré-Collège. Je ne i.uis encore calculer la
portée de cette nouvelle intrigue.
La lettre interceptée semble écrite de bonne foi et ne renfermer
aucun mystère.
1 i inai-s, à 2 liciires oprès-inidi.
On a reçu, ce malin, des lettres de France. L'une d'elles contenait la
demande expresse, adressée à un cardinal (Xlacchi), do protester contre
les Ordonnances. On répondra, par une nouvelle dépèche au nonce,
dans les mêmes termes (|ue la précédente'. On invitera le nonce à se
servir de son autorité auprès de celui ou de ceux ([ui. voulant se mon-
trer zelanli outrés, ne sont que de secrets perturbateurs de la paix
du rovaume. Cette dé|)èche sera expédiée par un courrier du duc de
Blacas, qui doit arriver de Naples.
1 I a «élite faction qui tourmente la France invite le cai-dinal Maccl.i à protester
colt're e olnnances : c'est encore le nonce Lamhrusclnni, Jont la correspondance
erâe canal à ces odieuses sollicitations. I.a majorité du Sacré-Col lege reste '..eto. -
abe II ;stbien probable que le nonce nanra ,»s fait part au Gouvernen.ent fr ni»,,
de la llatteusc .approbatioi que le Conclave voulait b,en donner . ma condu.le. -
Clialcauljriand.
i 4 mars, à 5 heures du soir.
L'ambassadeur d'Aulriclie a écrit pour se plaindre des délais .lu'on
apportait à l'insertion de son discours dans le Journal de liomr. On a
remaniué dans sa note des expressions peu mesurées et un excès
d'humeur contre la juste défense de cette publication. On devrait songer
à autre chose (lu'à braver une puissance inerme et bornée mais (|.ii ne
craint aucun potentat de la terre, soutenue (lu'elle est par le bras lormi-
dable du Tout-Puissant. Les plaintes auraient pu partir avec plus de
fondement de la plume du vicomte de Chateaubriand, dont la vive élo-
quence a remué tous les cardinaux, dont le discours mériterait des
millions d'éditions pour l'utilité publique, pour l'intérêt de la vente
qur y brille et pour le triomphe même de la religion. Cet homme, d un
talent extraordinaire, n'a pas dit un mot et attend sans impatience la
décision des cardinaux, ce qui ajoute un nouveau .mérite à tous ceux
qui le distinguent. Les cardinaux-évôques ont ordonne (lu'on ajouterait
LE CABLNET DU ROI.
151
dans la dépêche préparée pour le nonce l'expression du contentement
que Leurs Éminences éprouvent de la conduite de ce docte ambassadeur.
1. La contratUclion que les cardinaux rcuiarqucnt, dans le discours de l'ambassa-
deur d'Aulriclie, avail frappé tous les esprits.
Il est naturel que les Sei/c, c'esl-ànlirc la minorité, ou la Faction de Sardaigne,
désirassent l'arrivée du cardinal de Clermont-Tonnerre. La condescendance delà majo-
rité est |K>ussée bien loin. — Chateaubriand.
14 mars, à 9 heures du soir.
Vous remar(pierez dans les scrutins du jour des mouvements rétro-
grades. 11 paraîtrait que l'élection s'éloigne; mais ce n'est pas mon avis.
J'espère qu'avant le 25 nous serons hors de la tour enchantée.
Remarquez comme en certain lieu on tient sa parole (allusion au
discours de l'ambassadeur d'Autriche). On offre tout pour maintenir la
liberté des suffrages, et puis on accorde des pouvoirs illimités pour
entraver l'élection. Et à qui les donne-t-on? A Albani, qui est dominé
par des haines particulières. Les cardinaux ont bien fait de révoquer la
défense d'imprimer le discours; ils prouvent de la sorte qu'ils savent
mettre les prétendus défenseurs ou protecteurs en contradiction avec
eux-mêmes. Tous les cardinaux se sont aperçus de la rancune d'Albani
contre De Gregorio; ils sont décidés à le proposer, afin d'obtenir l'heu-
reux résultat de faire élire Cappellari; les évéques manœuvrent avec
dignité dans ce dessein. 11 est de l'intérêt d'Albani d'exclure De Gre-
gorio; s'il l'exclut, le Pape est fait, l'instant d'après.
A la suite de débats qui ont duré une heure entière, on s'est prêté au
désir de seize cardinaux, qui demandaient ([u'on pressât l'arrivée de
rarchevêcjue de Toulouse. On lui écrira par le courrier qui est attendu
de Naples. Je crois que le cardinal Clermont-Tonnerre n'arrivera pas à
temps, tout étant déjà à l'ordre du jour.
15 mars, à 6 heures 1/2 du matin.
11 y a des* probabilités que le pape sera élu, ce matin. Si Dieu ne
change pas les esprits dans la salle même du scrutin, je croirais à ce
résultat. Tout le monde se montre empressé et résolu. Assurément, je
verrais une fin dans ces bonnes résolutions, si les passions humaines ne
venaient se jeter à travers les opérations du Conclave. L'amour-propre
fait commettre bien des trahisons. Ayons de la patience! Au moins
doit-on espérer d'arracher le serpent de la bouche d'Albani. L'exclusion
une fois donnée, tout obstacle aura cessé
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LA PRÉLATIRK DK LKO> XIII.
LE CABINET DU \\0\.
153
15 murs, ù in'uli.
Le gouverneur de Rome est chargé de faire mettre à l'étroit les deux
conclavistes qui ont été remis hier à la force armée, sans bruit et sans
scandale'. Les pièces saisies sur eux sont d'une grande importance.
Voilà donc le mystère dévoilé; l'argent répandu, et celui qu'on doit
répandre encore, n'aura servi cpi'à perdre deux traîtres, deux malheu-
reux. L'In.iuisition procédera contre eux, outre le directeur de la Police.
1. On verra ci-après riùsloire de ces deux conclavistes, agents de la i^licc du
prince de Mclternicli. — Cliateaubriand.
15 mars, à 8 licures du soir.
Je vous préviens pour votre satisfaction ([ue le pape est arrêté, entre
les cardinaux suivants : Cappellari, lienvenuti et Oppizzoni. Si l'on par-
vient U gagner trois voix, qu'on recherche par tous les moyens de
persuasion, l'élection sera emportée vivement. Le cardinal Cesarei est
parti hier; il vient à petites journées, et nous ne l'aurons pas avant le
18. C'est une voix assurée pour le hon parti'.
1. Toujours des processions et des prières, pour la prompte élection du pape. On
commence à murmurer vivement. Les Itomains craignent pour leur Semaine-Sainte.
Si le pape n'est pas nommé pour le 10 avril, jour de Pâques, il n'y a pas de Semaine-
Sainte, et adieu les loyers exorbitants. Nos hôtes parlent de la Semaine-Sainte, comme
d'une récolte ; ils prétendent qu'elle s'annonce fort bien, cette année. Les étrangers,
que les cérémonies du conclave ont attirés à Uomc, ne s'en iront pas et il en viemlra
beaucoup d'autres. Nous avons couru tous les quartiers de Rome, hier et aujourd'hui :
nous voulions trouver un logement pour un de nos amis, qui vient de Sicile, linixis-
sible de rien avoir : les prix sont du dernier ridicule. —Stendhal, Promenadrs t/«».>-
Home.
11^) mars, à 1 heure après-midi.
11 y a aujourd'hui de grands manèges. Albani, armé de ses pleins
pouvoirs, flatte l'ambition de ceux qu'il protège, et répand l'effroi chez
ceux qui peuvent être élus. Il ignore ce qui est arrivé, et se persuade
que l'Autriche est informée de ce qui se passe dans le Conclave. 11 est
dans l'erreur; ses rapports tourneront à sa confusion. Les deux cents
louis qui ont été promis ne serviront point une entrée dans la Tour de
lironze, comme la pluie d'or dans la Tour de Danaé. Si les ressources
de la politique autrichienne sont grandes, celles du Conclave sont incal-
culables. On ne saurait mettre en parallèle la position de celui qui sait
toute chose, avec la situation de celui qui croit tout savoir et qui marche
dans les ténèbres. L'élection s'effectuera, au contentement de la généra-
lité ; elle préviendra des désordres qui sont factices, et coupera court
aux'idées d'agrandissement. Le Dieu de paix soutient ^on Vicaire sur la
ter.'c par des moyens pacifiques, et non par le fanatisme.
U) mars, à 7 heures du soir.
Peu s'en est fallu cpie nous n'eussions un Pape, contre l'attente géné-
rale. Qui ciU jamais deviné qu'on aurait renoncé, dans le scrutin de ce
soir, à élire un jésuite? C'est pourtant ce ciui est arrivé. U n'a manqué
«pi'iine voix à GazzoUt, pour être proclamé. Je suis demeuré ébahi de
.ette variation subite. Je vois clairement maintenant qu'après les
influences humaines la main de Dieu conmience à opérer.
Iti mars, à 10 heures du soir.
J'avais espéré que, dans les conférences du soir, les cardinaux se
seraient mis d'accord; mais, à mon grand déplaisir, je m'operçois
du contraire. Les Seize ont placé sur leurs portes la croix de Samt-
André, signe manifeste au'ils se sont résolus h soutenir l'exclusion et à
prolongcr^'indétiniment le Conclave. C'est véritablement une obstination
d'hommes endurcis et entêtés dans leurs caprices; c'est vouloir tenter
Dieu, pour (pi'il fasse un miracle. Eh bien! ils verront, malgré eux, ce
miracle s'acconqilir dans des vues toutes contraires aux leurs, peut-être
même quand ils s'y attendront le moins. Cependant Albani profite de
cette ligue cpii se proclame aujourd'hui plus opiniâtre, pour tenir en
respect ''le parti de la majorité. Les Seize ne se contenteraient pas plus
de l'élection de Giustiniani (ju'ils ne seraient satisfaits de celle de Ber-
lazzoli. Oui veulent-ils donc? Serait-ce Micara, Pallotta? Qu'ils en
i^ssayent; nous verrions du moins les électeurs fanatiques finir leurs
jours dans un chàteau-fort. Mais, bon Dieu! cette opiniâtreté fait le
triomphe d'Albani. Par ce moyen tout naturel, il satisfait pleinement
aux vœux de ceux (pii lui ont confié des pouvoirs illimités, et se rit de
tout. Il prend plaisir à voir quelques cardinaux effleurer la tiare, comme
autrefois Tantale effleurait l'eau de ses lèvres sans pouvoir l'atteindre.
Ce soir, assez tard, on a apporté pour Albani une lettre officielle du
comte d'Apponv. On a usé envers lui de la courtoisie habituelle, de le
prévenir que tous papiers quelconques devaient être communi(|ués
à tous les cardinaux par la raison que, le Conclave étant un heu
destine à la sainteté de l'élection, il ne pouvait y rien pénétrer qui
concernât la politique, et qu'en aucune façon les pleins pouvoirs
à^
» ». m. Kl — .
M^^
154
LA PRKLATURE DE LÉON MIL
qu'il tient de S;i Majesté Impériale et Royale Apostolique ne lui
donnent le droit de convertir un sanctuaire aussi respectable en un
cabinet des Affaires ^:t^angères^ Albani a promis de faire ce (ju'on
lui demandait; il a lu la dépècbe et puis Ta jetée au feu, sans
proférer une parole ni vouloir faire une seule réponse. Apres un tel
procédé, les chefs d\>rdre ont commandé de tripler le nombre des sur-
veillants dans les endroits où Ton présun^e que les communications
peuvent être plus Aiciles.
\. Il faut entendre par ces idées d'agrandissement, dont il est question dans ce
rapport du l(>, les vues de TAutriche sur la succession des duchés de I arme et de
Modènc, et sur celles du royaume de Sardain;nc qu'on voudrait enlever au prmcc de
Carignan. La cour de Rome" refuse d'entrer dans ces menées, sur lesquelles j espc;r.;
avoir des renseignements plus précis. Le reste de cette journée du il. «^^^ >-^>';^»j;;;; "
des invectives contre la minorité ^jni veut un Jésmte, et contre le cardmal Alban.
qui brùlc une dépêche. — Chateaubriand.
17 mars, à midi.
Je suis assez content, et je me hasarde à dire que la Croix de Saint-
André n'est pas aussi redoutable (pic je l'appréhendais. Los Pères delà
Croix sont divisés en trois factions, et ceci est un trait de lumière pour
les autres. Albani s'en est aperçu et a viré de bord, aujourd'hui'. Il est
rusé et serviteur des circonstances. Nous n'aurons pas certainement un
exalté. J'entonne le Te Deum.
Ce soir, il V aura une conférence où Albani jouera le premier rôle :
tout se réglera suivant les intentions des Souverains étrangers. Les car-
dinaux modérés ont adopté un tempérament qui est de se prononcer
pour deux candidats, ou Cappellari ou lienvenuti. Les Français iront a
la majorité; la victoire nous est donc assurée'. J'ai la confiance que le
Pape sera élu, avant le 25, et qu'il sera pris dans le nombre de ceux
que tout le monde peut désirer.
l. Commencement du changement de rôle d-AU,ani. - Chateaubriand.
tJ. Ce soir, est sorti un des deux conclavisles du cardinal L.l.l. Il sennuy .t .c.
depuis qu'il avait mis les pieds dans le Conclave. Demi-heure après son msta lalnm, .1
demandait le hulTet. On lui répondit : « On ne passe pas! . ce qui déconcerta beaucoup
sa susceptibilité. Il demanda la porte de la hiblioUièque; et .1 eut pour repjmse un
'rand éclat de rire. 11 saUrisIa et se déclara n.alade. S'adres^ant a mou .1 me demanda
^•il pouvait enfin sortir ; je lui réiH)ndis que oui, mais qu'il ne rentrerait plus. le soir
même, il mettait en s'en allant le comble a ses vœux. - Indisposition du cardn.al h sel
et du cardinal Yidoni. Celui-ci se vante d'avoir été i-oi, Inns jours, et d avoir ele n-duit
à s'ouvrir les veines par suite des soucis que lui avait valus la eharge du monde entier
à gouverner. - Le canlinal doyen a proposé aux Knui.ences de permettre au cluru. g.en
Sisco l'entrée au Conclave, toutes précautions prises sur sa personne et sur celles de
ses domestiques. Il s'agit de visiter le cardinal Fe^cli, blesse au bras i>ar un trop gros
' f--'-
LE CABINET DU ROI.
l09
vcsictoir... U ,.ro|,osili„n faisant le Kmr de l'asseml.loe le cardinal Ij.'^^ fi^"» ^
::t>^ ronnluin,..nt a.sa,U ,ue. ^ ^'-<'JI^^^::,^^\XT^:^ l'iûu
iwiiivail annrouver une paredle innovation et que, uauu.nis, ic ion
ITe, mieux Le canlinal doyen, étant sorti de la Sixtino. -^''"^«e» - ca,ner,e.-de .en
ae la n.ain 1, porte ler.ee et de -^'»|,- --'ï/r-";:;, Vl":»' ^Z
sUrenouvelée après diuer, et Ton craud pour!» v,e du canl.nal. U >eslau>.lot
confesse. 11 avait trop manjté. parait-d. — Mgr Uaiilauo.
18 mar?, à 0 lieures du matin.
C-esl hier au soir .|ue les cardinatix, citez Ics-iuels il est permis
detitrer, otil été inlonités de la déc.uverle <iuon est parvenu a la.re.
Kn entendant expliquer le sens énigmali,,ue du document ..tterceple
deux jours auparavant (voir ci-après), on eût dit (pte 1 on voya.t br.ller
une étoile, messagère de la paix. Quelques-uns de ces vénérables pnnces
de l'Église levaient les yeux au ciel et, les mains jo.nles renda.en
.races à Dieu. Tous avaient redouté Albani. et pourtant Albant n eta.t
pas de ces houunes qui se livrent en aveugles a.tx volontés d une Puts-
sancc étrangère. U veut remplir l'auguste tnission qui lu. est eonhee:
mais il veut la remplir avec des restrictions qui attestent qu .1 est plus
dévoué au Sacré-Collège qu'à l'Empereur.
Vers ..euf heures et demie, il y eut une réunion a laquelle Albani lu
appelé. Les cardinaux n'avaient plus de .néfiance, et ils bc confirmèrent
mieux dans cette disposition d'esprit, quand Albant ettt man.feste 1 .nlen-
lion où il était qtt'on élût un Pape modéré et agréable a la majorité. U
mit à découvert ses sentiments, exprimant que, pourvu qtt on ne pro-
posât point Guerrieri, Pedicini, Micara, Pallolta, Caprano, tous les
autres pouvaient être bons et auraient l'assentiment des siens. U amie
plus le Français qt.e les Autrichiens, et il l'a prouvé dans des conjonc-
„res difficiles, comme au Conclave de Venise. Sa Majesté mpertak
Apostolique ayant fait entendre que l'élection de Malte, lu. sera.t
a 'rêable Albani, .,ui avait les pouvoirs de l'Autriche, fut le premter a
détourner ses a.t.is, disposés en faveur de Maltei. pour les fa.re passer
au parti de Chi.iramonl. „...•• „ ;.
Albani a dit encore .,ue si l'on pouvait éviter G.ust.ntan., ce sera.t
une bo.,ne chose; qu'à la vérité, ce cardinal avait des mœurs exem-
pt ires, mais qu'il était trop rigide, quoiqu'au fond tl neut aucune
Ldilection pour les Jésuites aux,,uels, du reste, Albant se mon re fort
Ltraire. Il est très piqué contre les Seize qui - -"'.déclares hot. de
tout cotnmerce. Son adresse réussira néanmo.ns a vamcre leur res.>
/
15G LA PRÉLVTURE DE LÉON XIII.
tance. Voici donc le Conclave dans nn étal de calme. L'exclusion, de la
part d'Albani, est réservée contre De Gregorio pour des vues person-
nelles; mais il n'en fera usage qu'après avoir la certitude que les cardi-
naux se sont prononcés décidément contre les sujets indiqués plus
haut.
Galifli est un brave homme qui s'appliquera à faire passer les suRrages
qu'on lui donne sur un autre personnage qui soit selon le vœu de toulc^s
les Puissances.
PIÈCE LNTKRCEPTÉE ET DÉCHIFFHÉE.
// francese Latil non si puà scopvire cosa ahhia in secvelo imlemlo
ai quattro Ve^covi. — I suoi colleghi vocjliono uno che sia conho il
proprio Ministero. E cosa buona. — Alhanim favel, ml inviclo
animo; nam mit Jmiiniano anteriorem. Il Conclave è diviso in
quatlo parti. — Castiglionus adhœret in secreto Galtis, ml maU\ sed
Alhanim /nwmp/iat//. — D'ailleurs, n'est-il pas impolitique perperam
de s'en tenir aux Jésuites lesquels ont toujours altéré, mutilé, soustrait
impunément tout ce (jui était contraire à leurs vues et systèmes? —
Alhani servira Uustria, ma fa riftettere che i calcoli di una convuU
sione politica non sono nioUo esatti e polrehhero compromellerc la
sicurezza deli Impero. — Triumphahit Albanius quoties electio non
incidat in cardinales Jesuitas, et hac conditione fuies servahitur
intégra. Si vero desideralur electio, ut ampliori ditione fiât Ger-
mania, hoc nullo pacto sperandum, nam pace non armis augentur
imperia. — Apres tout cela, il n'est pas glorieux à l'Autriche, (|ui
doit être considérée comme le siège de la justice et l'asile de la monar-
chie absolue, de soutVrir qu'il se passe impunément de semblables
désordres dans le Conclave, et par des gens qui ont l'honneur d'y appar-
tenir*.
1 le cardinal Albani est tout à coup converli; il se dclaclie des Seize; il nous
apprend, en les excluant, quels étaient les candidats de ce parti. Les pièces surprises
entre les mains des conclavisles arrêlés, et dcchiiïrécs avec assez de penic, prouvent
qu'Albani élait, au fond, contre les Jésuites et assez mal disposé iwur l'Autriche. —
Chateaubriand.
18 mars, à midi.
Je dis de nouveau et avec plus de confiance : Te^Deum laudamus!
Les Seize persistent; mais c'est cjuelque chose que d'avoir aperçu, dans
le scrutin de ce matin, que six d'entr'eux semblent disposés à quitter
.«^-
«VtlTjNO N'
.^
Un cardinal à San Pietro. (D'après Jules Lef'ebvre.)
■n
i:,,i L\ PIIKLATIRE DK LKON Mil.
tance. Voici donc le CoiiclaNv dans im ctal de calme. i;e\clu>ion, de la
p.irt d'Alhani, est réservée contre lie (Ire-orio pour des vues person-
nelles; mais il n'en fera usa-e (lu'après avoir la certitude que les cardi-
naux se sont prouinicés décidément contre les sujets indi(|ués |)lus
haut.
r.alifli est un Nrave lionmie ijui s'appli.pu'ra à Taire passer les sulTra-es
qu'on lui donne sur un autre persoinia-e qui soit selon le vceu de toutes
les Puissances.
|>IÈ«:E l.NTKRCEI'TKE ET DtCHimU-K.
// francrsc Latil }Wn xi puo scoprire cosa ahhia in .srerc/o palesalo
ai (juatlro Vescori. — I snoi cuUeifhi roijlimw iino rite nia contro il
proprio Miiii^^tero. E corn huona. — Alhnniun farci. scJ invicln
auinio; nain mit hi^tininno antcriorcm. il Conclave è divis^o in
quatto parti. —Caslifilnmus adkvrel in serreto (.V////>, s^J nialc, sed
Alhanius /W//m/>//^//>//. -l»*:dlleurs, nVst-il pas inq»olili.iue perperam
de s'en tenir au\ Jésuites les(pi.'ls oui toujours altéré, mutilé, soustrait
inq.unément tt)ut ce (pii était e«uitraire à leurs vues et systèmes? —
Alhaniserrirà l'Auslria. ma fa ri/hllrre che i calcnli di una conrul-
sione poliUca mm :^ono ntulto esalli e pobrbhrro iompnmirllern la
m-urezza dcW Imprro. — Triumphahit Mbanius quolirs clcctio non
incidat in cardinalr>< Jesnila^. rf hac conditione fidcs nervabitur
int('()ra. Si rero de^ideralur cleclio. ut ampliori ditione fiât Ger-
mania. hoc nnllo pacio .<perandnm, nam pace non armin anifcnlur
imperia. — Après tout cela, il n'est pas -lorieiw à l'Aulrii-he, qui
doit être considén'r comme le siège de la justice et l'asile de la moFiar-
chic absolue, de souiïrir qu'il se i)asse inipunément do semidaldes
désordres dans le Conciave, et par des gens cpii ont l'honneur d'y appar-
tenir^
l lo cardinal Ali)ani est tout à coup coiivcrli; il se dclaclic des Scizr; il nous
apprend, ci. les excluant, quels étaient les candidats do ce parti. Les pièces surpris.s
entre les mains des conclavistes arrêtés, et de.liilVr.'O avec assez .le penie. prouvent
qn'Alhani elait, an fond, .01. Ire les Jésuites cl assez mal disposé pour 1 Autriche. —
(ilialeauhriand.
18 mars, à midi.
Je dis de nouveau et avec plus de confiance : Tc^Deuni landamus!
Les Seize persistent; mais c'est quehiue chose ipie d'avoir aperçu, dans
le scrutin de ce matin, que si\ d'entr'eux semblent disposés à cpiitter
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I
Un cardinal à San Pietro. (Haprès Jules Lcîebvrc.)
I
n
158
LA PRÉLATIKE DE LÉON MIL
leur croix. Aujourd'hui, nous aurions eu pour pape le cardinal Gazzola
si, après avoir obtenu 28 voix et appris que les six cardinaux susdits
compléteraient l'élection dans la soirée, il neùt fait une touchante
homélie, ex[>osant avec une sainte modestie qu'il ne pouvait convenir à
son grand Age de prendre une charge aussi pesante; et, déclarant solen-
nellement qu'il n'accepterait jamais le pontificat, il a supplié qu'on
détournât de lui les suflrages pour les accorder a une personne plus
digne ^
A son tour, le cardinal Délia Somaglia a fait une semblable décla-
ration, alin d'accélérer les opérations. Les cardinaux s'étant séparés,
Albani a promis qu'il saurait gagner, par de bonnes façons, les Pères de
la Croix. Ce cardinal est décidément du bon parti. Il voudrait proposer
Bertazzoli; je le crois meilleur que De Grégorio, et beaucoup plus
modéré; il est intime ami de Cappellari, qui le dirige en toutes choses :
Bertazzoli ne fait rien sans l'approbation de celui-ci. Cappellari est aimé
de tout le monde, par sa modération et son savoir. Si l'on ne craignait
pas un refus de sa part, il serait le Secrétaire d'État, si toutefois on ne
prend pas le parti de confirmer Bernetti afin de plaire aux Puissances.
Si donc Bertazzoli est élu, le parti de la modération pourra s'attribuer
la victoire.
1. J'ai parlé, dans une de mes dépêches, du noble refus de Gazzola. 11 est ici ques-
tion des scciùlaircs d'État prolwbles. Le caractère «les canditlals à la papauté est bien
peint. — Chateaubriand.
18 mars, à 8 heures 1/2 du soir.
La découverte d'hier a ranimé les cardinaux de telle sorte qu'ils
traitent, concilient et .se concertent avec Albani; il n'y a plus de méfiance
sinon envers les Pères de In Croix, qui font encore la sourde oreille |.
On avait eu l'idée d'envoyer à sa destination la lettre interceptée; mais
on a réfléchi que ne connaissant pas la personne qui devait la recevoir
(puisqu'elle s'était enfuie du jardin), et cette lettre contenant d'ailleurs
des maximes d'une saine politique, Albani s'imaginera facilement qu'elle
est arrivée a son adresse; mais que, le contenu n'ayant pas été agréable,
un silence de confusion est la seule réponse qu'il doive en attendre. Que
ferons-nous de ces Pères de la Croixl Espérons qu'ils réfléchiront, en
cette journée consacrée à la vigile du glorieux époux de Marie. Tout lo
Conclave adresse des prières ferventes à un si puissant intercesseur,
afin qu'il touche le cœur de ces princes de l'Église cl les dirige vers le
terme tant souhaité de l'élection. J'espère que, i>ar la médiation de
'"yÇ^T"
LE CABINET DU ROI. ^^^
saint Josei)h, nous verrons, demain, ([uelque changement décisif.
i. Les Pcre^ de la Croix sont les Seize. Ils avaient mis sur leurs portes une croix
de Saint-André jwur annoncer que, déterminés dans leur choix, ils ne voulaient plus
communiquer avec personne. — Chateaubriand.
.1
19 mars, à midi et demie.
Quel revirement soudain, de la part des Pères de la Croix \ lis se
sont décidés unanimement pour le cardinal Macchi. Que veut dire ceci?
Il existait donc entre eux un accord pour surprendre le parti contraire.
Ce projet ne réussira pas. Bien des cardinaux qui auraient été favorables
à Macchi se sont repliés et n'ont point accédé, de crainte de donner dans
le piège, appréhendant que le serpent soit caché sous l'herbe riante. Si
au scrutin de ce soir la même chose arrive, les doutes s'accroîtront et
nul ne se mettra en avant sans un examen scrupuleux, sans passer au
creuset la vie entière de Macchi. Il y a quelque divergence dans la
manière de l'envisager». Quebiues-uns croient que ce cardinal est attaché
au parti des Jésuites; d'autres pensent le contraire, et se fondent sur des
faits qui sont survenus dans les derniers temps de sa mission en France.
Quoi qu'il en soit, on s'occupe de recueillir toutes les lumières possibles
il cet égard *.
1. Le cardinal Macchi, qui avait montré de la modcralion à Paris, semble l'avoir
perdue en Italie par ambition. Il a cru que la Faction de Sardaigne lemportora.l
dans le Conclave. Cette faute de jufçement lui a valu la voix des Seize, et lui a ote
toutes les autres. On ne saurait trop admirer les sentiments raisonnables et la same et
fernïc opinion de la majorité. — Chateaubriand. , • ..
^> Ce malin,. le lK)nnc heure, la Place du (juirinal était pleine de monde qui atten-
daiUa proclamation du pape élu. Au tourniquet des gardes, on disait que Casligliom
élail nommé. In conclaviste voulait môme engager le pari; mais le cardinal Pacca a
qui il avait dit : a Uelle journée! r> lui avait répondu : « Nous en profiterons! » Lu
autre avait mis le signet du Missel à la collecte Pro Pontifice, ce qui avait fait croire
au servant qu'on avait fait le pape, la veille. Le cardinal Bernetti ne veut pas mani-
gancer l'élection du pape, quel qu'il soit, dans l'e.poir de continuer à rester Secrétaire
d'Etat II a le pie.l entre deux élriers. A quelqu'un qui lui a demande, par allusion
à l'élection iK)ntilicale : a Que va nous apporter aujourd'hui Saint-Joseph dont cest
la fête' D le malin, éludant la question, a répondu: « Des frites 1 d par allusion aux
fricassées que les Uomains mangent, ce.j..ur-là. - Le cardinal Firrao avait pris froid,
à la porte de Pacca dont les armes, placées sur l'imposte, représentent une tête .o
mort posée entre deux tibias. « Que voulez-vous, dit larchevêque de Naples, ces armes-la
Imitent malheur ». — M'^ir Dardano.
19 mars, à 9 heures 1/2 du soir.
Ce soir, les Pères de la Croix se sont tous déclarés pour Guerrieri;
mais ils voient que les autres portent leurs voix d'un côté opposé, dès
uo
LA PRÉLATLRE DE LÉON XIIL
'V
qu'eux-mêmes se dirigent vers un choix (|Uclconque. Quoi(jue Macchi
n'ait pas été considéré tout à fait comme de leur bord, il faut néan-
moins se tenir en garde, parce qu'on pourrait tenter un coup de main
ei couronner ce cardinal par surprise. Si les premiers sont rusés, les
autres sont plus circonspects, plus réservés et moins présomptueux. La
prochaine arrivée du cardinal de Clermont-Tonnerre a excilé une grande
joie, parmi les Pères de la Crnir; mais je soupçonne que cette joie nest
qu'apparente, car il est certain que ce cardinal arrive pour donner son
vote au plus digne, au plus modéré, et c'est uniquement dans ce but
salutaire qu'il s'est mis en route, l/arrivée de Cesarei, que nous
crovons très prochaine, contribuera à la hàle de l'élection. Les Seize
achèveront par être mis au supplice, sur cette même croix cpi'ils ont
arborée pour entraver une si sainte opération. A peine se sont-ils assurés
que Clermont-Tonnerre destinait sa voix au plus digne, cpiils ont été
ébranlés et se sont résolus à ôter ce signe d'isolement, atin de recevoir
et de conférer'. En ce moment ils sont tous a<'cessibles, et il se ]>ourrait
tpie cela ferait bien; je présume néanmoins (pie nous verrons demain
reparaître le funeste signe, mais non sur toutes les portes, et j'en augure
(pi'il manque peu de chose pour arrivera l'élection d'un pontife modéré
i't analogue aux sentiments unanimement exprimés par toutes les Puis-
i?ances.
1. Ce passage est tout à l'avanlagc de M. le canliiial de Clei-monl-Tonncrrc. — Clia-
leaubriand.
"10 mars, à l liciire après-midi.
Nous voici revenus à la bannière de la Croix. Entre les Seize, trois
autres cardinaux ont pris parti pour De Gregorio. N'y faites aucune
^ittention; croyez plutôt que le Pape sera ïknvenuti'. Nous l'enq)ortons,
la victoire nous sourit. C'est maintenant qu'on fait parade d'un
<!aractère de rigidité et de persistance, le problème touche à son
dénouement.
Dans la nuit du 18 au 10, le Conclave a reç-u, par un courrier espa-
gnol, une lettre du cardinal-archevêque de Toulouse qui amionce son
départ pour Rome. Il mande cpie le roi, son maître, lui a fait connaître
par l'organe de ses ministres qu'il désirait (juc lui, cardinal, contribuât
.par son suffrage à l'élection d'un pontife modéré, prudent et zélé. Cette
Éminence ajouta qu'elle le fera de tout son cœur. >
1. Le cardinal Albani a aussi mis en avant le nom du cardinal Pacca qui ne veut
4)as de la papauté, parce qu'il n'a que a de la verlu on poudre », è pieno di virlù
LE CABINET DU ROI.
lU
polverom (|Kir allusion au favoritisme connu de Pacca pour la famille Polvcrosij.
On 110 vont pa-; «le Castiglioni, pour ses accès de lureur; ni de Gregorio, parce qu'il
prend len à tout propos. Les cardinaux commencent à s'ennuyer. — Quand on a
demandé à Pacca quel cas il ferait de son neveu, l'ex-gouvorneur de Rome, s'il venait
à cire élu pape, il a répondu qu'il ne lui laisserait pas mettre le pied dans l'Etat
Pontifical. — Mgr Dardano. . , . „
Mgr Tiborio Pacca, joueur fameux et galant réputé, s était epris dune cerlame
Magatti, à tel point qu'un beau matin, laissant là ses titres, il leva le pied avec elle.
On comprend ainsi la déclaration du cardinal Pacca contre son inavouable neveu^
l'Achille aux pieds aussi légers que le cœur.
20 mars, à 9 heures 1/2 du soir.
A juger par le scrutin de ce soir, on dirait que le cardinal Castiglioni
va être pa|ie. Moi, i[\ù connais les allures du Conclave et le jeu qu'oii
veut tenter, je ne m'en tiens pas à la majorité des voix et, jusqu'à
présent, je suis fermement persuadé que le choix définitif doit tomber
sur Benvcnuli. Pensez-vous qu'il soit possible (pie les Pères de la Croix
aillent plus loin, dans leur obstination? Je ne l'imagine pas. 11 faut pour-
tant avouer que ces croix sont bien nuisibles à l'Église, et je ne saurais
comprendre comment des hommes aussi irréprochables, aussi religieux,
peuvent être autant enclins à la discorde*. Demain, après le scrutin, le
cardinal-doven lira le statut qui suspend les votations depuis le samedi
de la Pa>sion jusqu'à la deuxième fête de Pâques. On se flatte qu'en
anticipant cette publication, les esprits fermés à tout bon conseil seront
ébranlés et amenés ensuite à se désister d'une scandaleuse oiiiniàtreté.
Il m'est venu dans la pensée que ces Pères de la Croix reposent
leur conliance sur la rigidité connue du cardinal de Clermont-Tonnerre,
et comptent l'.ittirer dans leurs rangs; mais ils s'aveuglent sur ce poiiU.
Los sentiments de ce respectable cardinal sont purs et consacrés à
l'élection d'un pontife zelanle modéré, ainsi que l'atteste sa lettre si
respectueuse.
1 Jr m- icaurnis comprendre coimnenl des hommes aussi irréprochables, aussi
rclîaieu v peuvent être autant enclins à la discorde. Cette ivilcxion, que fait 1 anno-
tateur .lu 'conclave, imus pouvons la faire également à Paris. Ouant à la ngiditc du car-
dinal d.' Clermont-Tonnerre, l'historien se trompe. On voit et l'on continuera devoir
.me cette petite Faction de Sardaigne, la.pielle représente notre Congregaliou de
France, a seule détruit la concorde dans le Sacré-Collège et retardé l'élection. — Cha-
teaubriand.
21 mars, à 1 heure après-midi.
La correspondance reçue aujourd'hui est un tissu de choses tellement
xtravai-antes, qu'elles ne mériteraient aucune réponse. Toutefois,
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112
LA PRÉLATDRE DE LÉON \I!I.
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comme il est de la dignité du Sacré-Colloge de démentir au plus tôt, et
d'une manière officielle, le hruil ;darmant (|u'on sème dans le monde
politique, il vient d'être écrit au nonce, à Paris, que jamais le Conclave
n'a joui d'autant de liberté et de sécurité qu'en cette conjecture; que
jamais on n'a vu les Souverains de l'Kurope aussi unanimes dans leurs
pensées et leurs sentiments, qu'ils l'ont été dans le présent Conclave. Si,
par hasard, (juelque agent [)olitique inconnu s'attachait a ré[)andre des
bruits absurdes et qui n'ont aucun l'ondement légitime, ses ellorls ne
feraient (|ue concilier davantage au Sacré-Collège la confiance et le
respect qu'on lui porte, et ne parviendraient jamais à altérer la bonne
harmonie qui existe entre lui et les couronnes. Vous savez aussi bien
que moi que le faisceau de forces rassemblé dans cette étroite enceinte
est plus puissant que toutes les armées de l'univers, et ne saurait être
atïliibli par des intrigues malveillantes*. C'est une grande témérité que
de provoquer avec les armes du mensonge ceux qui ont dans leurs mains
tous les secrets du monde.
Ce matin, les Pères de la Croix se sont montrés plus dociles. Après
le scrutin, quatre d'entre eux se sont rendus abordables et ont ouvert
des conférences réciproques. J'espère d'a[)rès cela que d'un momenf à
l'autre on pourra s'entendre.
1. Il s'agit, dans ce paragraphe, de la prétendue conspiration dont j'ai parlé dans
mes dépêches. C'était, selon moi, un coup monté afin qu'on en tirât cette conséquence :
qu'un pape moiléré comme Léon XII lomentait des révohitions, et qu'il était néces-
saire de nonmier un pape anlent, zelunte, pour contenir les rois el les peuples. — Cha-
teaubriand.
21 mars, ù 9 heures 1/2 du soir.
A l'instant, les cardinaux sortent d'une conférence qui, j'espère, sera
décisive. Les Pères de la Croix ont enfin abandonné leur pertinacité
insensée, et se sont déclarés pour Oppizzoni. La majorité du Conclave
est dans la joie; on ne saurait, dans la circonstance actuelle, faire un
meilleur choix. D'un abord facile, d'un extérieur imposant, affable,
pacifique, modéré, voilà Oppizzoni ^ Si les quatre convertis maintiennent
leur résolution je ne me serai trom[)é qu(» de nom. 11 est probable (pie
vous aurez, demain, l'heureuse nouvelle. Les 24 cardinaux sont fermes
dans leur premier dessein; les 4 qui adhèrent font 28; les 4 Français,
qui vont à la majorité, voilà Ô2; Albani, (pii favorise une élection modé»-
rée, cela fait 55. Le calcul est certain, si les 4 qui se sont offerts d'eux-
mêmes ne viennent pas à changer subitement, ce (ju'à Dieu ne plaise!
1. Ce qu'on dit ici d'Oppizzoni est juste, mais il me semble que les cardinaux de la
LE CABINET DU ROL
u;
majorité étaient dupes des Seiic, dans ceUe circonstance. Les quatre déserteurs n'étaient
vraisemblablement que d'honnêtes fidèles, envoyés pour pénétrer le secret de la majo-
rité. Il est triste de connaître aussi bien les moyens employés pour donner un chef à
la chrétienté. Jadis les peuples les plus fervents, moins libres et moins éclairés, igno-
raient ce qui se passait à l'élection secrète d'un pape: ils pouvaient croire aux inspira-
lion^ directes du Saint-Ksprit; mais aujourd hui ils voient tout, ils savent tout, ils
jugent tout. Ces intrigues, ces ambitions, ces passions de toutes les sortes qui se débat-
tent «lans un Conclave et qui sont connues au dehors, malgré les portes et les verrous,
font uu tort immense à la Keligion. — Chateaubriand.
22 mars, à 1 heure après-midi.
Je renonce à toute assertion positive, je ne veux plus parler que
conditionnellement; et peut-être mes raisonnements, tout conditionnels
qu'ils soient, n'aboutiront encore à rien. Les Pères de la Croix n'ont
point tenu leur parole; ils se sont, à l'ordinaire, déclarés à l'unanimité
|)0ur Macchi. Voilà mes espérances semées au vent. Qui sait combien de
temps nous resterons encore ici? Les intrigues ne discontinuent point.
Ce matin, on a été averti qu'un cardinal (Odescalchi) s'entretenait par
si'Mies avec des jésuites cpii se trouvaient dans un jardin de la Compa-
"Mtie situé vis-à-vis l'édifice du Conclave*. La garde de la rue a fait le
même ra[)port au maréchal du Conclave. On s'est posté en observation :
impossible de rien comprendre à ce langage par signes. A la fin, on a
aperçu une sorte de télégraphe, sur lecjuel étaient écrites ces paroles en
lettres capitales : « Rappelez-vous le chapitre ordinaire de saint Pierre,
à Coniplies. » Que signifient ces mots vagues et symboliques? On consulte
sa mémoire ou son bréviaire, et l'on trouve ce verset : Fratres, estote
sobrii el vigilate, quia adverforius rester diabolus, lanquam leo
ruqienSy circuit qnœrens quem devorel ; cui resislile fortes, in fide. En
vérité, voilà une singulière intrigue. Le cardinal a été prévenu de
s'abstenir de sentblables manœuvres, et sur-le-champ des ordres ont été
donnés pour les empêcher désormais. Uapport en sera fait, ce soir, au
Conclave, et j'ai l'espoir cpu' cette aventure servira à faire démêler le
«^enre d'entraves (jui embarrassent les opérations de l'assemblée, et à
convaincre combien il importe de i)resscr l'élection, en dépit des Seize.
1. Il serait im|K)ssibie do s'empêcher de rire du cardinal 0<lescalchi et du télégraphe
des Jésuites, si la gravité de la matière ne formait un contraste déplorable avec ces
tours d'écoliers. Voilà donc ù quelles ressources en sont réduits une compagnie qui se
dit pieuse et un cardinal dont on loue la régularité, pour asseoir dans la Chaire de
saint Pierre quelque pontife passionné, perturbateur du repos des nations. On trouvera
plus loin la réponse du l'rocurcur général des Jésuites. — Chateaubriand.
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LV PRÉLATIRE DE LÉON XIII.
22 inai-s, à 9 heures 1/2 du soir.
ApK- !r scrutin du soir, le cardinal-camerlingue et les trois chefs
d-ordre ont été inlorniés de ce ((ui s eU.il passé dans la matinée. Le
fait, communi.iué aux autres cardinaux avec l.eaucou,. dec.rconspcct.o...
I-. fuite entière en a été attribuée au conclaviste du cardinal Odcscalcl.i.
On voulait faire un exemple, en le renvoyant; maison s'est laissé aller
à rindulgence, afin d-éviter le scandale et les bavardages. On s occu|k-
du nioven dcmpèclier toute communication subséquente. Plusieurs car-
dinaux" ont été d'avis (lu'il était beaucoup i.lus noble de se taire sur
cette aventure; d'autres ont soutenu vivement que le silence accroilrail
l'audace de ceux (pii veulent tout savoir et (pii, profilant de la faiblesse
d'un m>tit nombre, aspirent à se procurer un choix selon leur fantaisie,
ou du moins, si la difficulté est insurmontable, h se donner la jouissance
de suspendre l'élection, s'en remettant au hasard des événements. 11 a
clé enfin détidé, h la pluralité des voix, .|u'on adresserait une lettre
ferme el sérieuse au Procureur général des Jésuites, el qu'on réglerait
sur sa réponse la conduite à tenir ultérieurement. La lettre est prête; on
va l'expédier et en demander un récépissé.
Albani est entré en grande faveur'. Il a promis que le pape serait
fait, dans huit jours, et s'est retiré avec dépit dans sa cellule pour y
former un plan qui lui assure une noble réussite.
1 Si Albani csl si,.copc, - cl l«ut porte à croire qu'il l'est sur ce point, - il se mon-
tre ici l'ennen.i décidé des Jésuites. Sa puissance croit en même lemps dans le (.on-
clave. — Clialeaubriaiul.
25 mars, à 1 heure après-midi.
Journée du meilleur augure! Tous les Pères de la Croix ont déposé
leur bannière. Le cardinal Pacca a été l'heureux mé-diatcur. Ce change-
ment imprévu a élé la consé.pience de la réponse aussi impertinente
que laconiiiue du Vicaire général des Jésuites. Ce Ferrarais confond, mal
à propos, les coutumes du xV siècle avec celles du xix". Quoique Pacea
eût paru iiisfiu';. ce jour avoir du penchant pour les Jésuites, il n était
pas cependant de ceux .|ui leur livrent l'Ame tout entière. Peut-être sa
noble conduite sera-t-elle récompensée par le pontificat, nonobstant les
inconvénients qui proviendraient de son neveu. 11 est demeuré convaincu
que les Jésuites ne recherchent, en toute chose, que leur accroissement;
il a persuadé î. ses collègues d'être mieux d'accord, et de ne pas sou-
tenir avec trop de chaleur une cause qui, si elle n;est pas tout a lait
perdue, paraît sur le point de l'être.
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LV ITiKLATlIii: I)K LÉON Mil.
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\,,,v~ Ir Hi-.ilin du soir, lo .ar.liiKiUMm.rlingu,' cl IfS trois clu'U
d-onlr.- oui (Ai inlonnrs .!.■ .■>• .[Mi s'él.il l-ass.' dans h, ...aluuV. !..■
fail, ,o„nnnni.|ur aux auhvs cardiuauv av.r l„au,o,>|. dy rnv,.u>|K.rl>..n.
I, i„„, ,„ii;.re rn a .^U^ allriiu.re au co.Hlavisl.. .lu cardiual (Hlcscal.- m.
(In v,.uiail fair. uu CNom|de. ou le reuvovanl; u.ais ou s\-sl laisse allrr
^ riudui.'..u.r, aliu déviler le s.auJaU' et l.'s iMyar-lages. Ou s occu|..'
du n...v,u d-.>u.|..Mhor loul.' .•..uunuuiialiou s»bséi|U,ule. IMusuurs .ar-
diuauv oui élé davis ,|uil était l.oau.ou|. |dus rml.l.- de se lanv sur
,etf aventure; daulres oui souteuu viveu.eut .(ue le sileuce aeero.lra.l
l'u.da. e de ceux ip.i veulent tout savoir et .|ui, |.rolilaul de la lail.less.-
,|-uu nelil uouduv. aspirent à se ,.rn,urer un ,lioiv selon l.'ur lanla.si,'.
on du moins, si la dillieulté est insuruiontalde. à se donner la jouiss e
d,. suMHiKhv léleclion, s'en ren.ellaut au hasard des évéueuieuts. Il a
,-.|é euliu déeidé. à la pluralilé des voix. M"""" adresserait une etliv
lVr.ne et sérieuse an Proenn^ur général des Jésuites, et M"'"" '•'■^-''-•'•■i"
sur sa réponse la e luite à tenir ultérieurem.nl. La lettre est prête; on
va l'expédier et en deinauder un réeépissé.
All-ani e.| entré en grande laveur'. Il a promis ,p... le pape serait
lait, dans liuil jours, el s'esl r.liré avee dépil dans sa eellule l-our ;
lornier un plan ipii lui assure une iioMe réussite.
1 <;i \ll,ani .-I siiuJio.- 01 ,«rle à .roiic (|.iil rc.>t sur co |H.i,.t. - il >•• n';-"-
„.c id loin "mi .UVi,16 ,1e. .l,M,i.,.. Sa ,,uissa,KC noil en nH-mc Icups dan* 1.- Lu,,-
^-lavc. — CliaU'auhriîiMtl.
20 mars, à l heure aitrrs-inuli.
Journé,- du meilleur au;;ure: Tous les /Vivs de la Croix ont déposé
leur Uauniére. I.e eardinal l'aeea a été Iheiiieux médiateur, (.e chau^'e-
nieut imprévu a été la .ousé.pieme de la réi^ouse aussi iiupert.uente
.,„e laeonione du V.eaire général des Jésuites. Ce Kerrarais confond niai
r! p,.„, les eouluines du xV sièele av.r eell.'S du xix". Q.lon,ue Pacca
fùl paru ius,n,\à .e jour avoir du peud.aul |.our les Jésuites, il ii était
naseependanl de eeux ,p>i '-"■■ l'^'-'-'l ''^'""' '""" '■•""■•'■'■• ^''"y^'\''
nolde enduite sera-l-elle réeouipensée par le ponlilieal, nonobstant le>
iueonvénienis .p.i proviendraient de son neveu. 11 est denu^uré convaineu
mie 1.- JéM.iles ne nrl.enl.ent. en loul,' eliose. que leur accroissement;
il a persuadé à ses collèi;nes dèlre mieux d'accord, et d.' ue pas sou-
tenir avee trop de el.alcur une cause .pii, si elle i^esl pas tout a lait
perdue, parait sur le point de l'être.
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LA PUÉLATURE DE LÉON XIM.
LE CABINET DU ROL
147
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Castiglioni a remercié ses amis de l'honneur qu'ils voulaient lui con-
férer, aUéguant sa laiblesse physique et le peu de temps qu'il avait a
vivre'.
On reçoit, demain, les hommages de l'ambassadeur d'Espagne. INous
verrons s'ils sont d'un puri/icato ou d'un impuripcato.
Le scrutin terminé, le cardinal Pacca a été le premier à donner
l'exemple et à signer l'article, concernant les Jésuites : « Nous pro-
(( mettons de maintenir la Compagnie de Jésus dans l'état où elle est
« aujourd'hui, et de nous opposer à ses progrès toutes Fois et (luanles
« ils seront reconnus être en couttit avec les relations de bonne harmonie
(( qui nous unissent aux Puissances, et lorsque ces progrès se trouveront
(( en désaccord avec la saine politi(|ue. »
Albani est un habile homme. Il a juré, hier au soir, de hàler l'élec-
tion; il y reviendra, et déjà nous ressentons de salutaires ellets de sa
promesse. Qu'on l'appelle démon, soit! 11 l'est assurément par son
adresse, son art de manier les esprits, ci son talent achevé pour réussir
dans les alVaires qu'il traite.
1. Ce paragraphe est d'iin style qui ne serait autre quaml il appartiemlrait à des
hommes loul^'à fait enlirs dans l'esprit du siècle.
Casti"lioni refuse la tiare. .
L'article concernant les Jésuites, que Pacca a signé le pre.i.ier, - article (|ui se trouve
textuellement dans le Joiinial, - scmhle appartenir à une déclaration générale, laque le
a dû être présentée à l'acceptation du nouveau pape. Je nai pu me procurer cette décla-
ration entière ; je n'en connais que deux dispositions. Lune est relative huk Putssanres
étrannères, et porte que le Saint-Siège gardera une complète uidependance. Or, il
est clair que c'est lAulriche seule qu'on a en vue: car l'Autriche seule pesé sur
l'Italie où les Fronçais sont appelés par les vœux secrets de toutes les populations. La
.econdc disposition, inclnse dans le texte même qui fait l'objet de cette reinan|uc,
maintient l'Ordre des Jésuites, en le circonscrivant dans ses devoirs. Cela montre a la
fois et que l'Ordre se crovait menacé, et qu'il a encore eu assez de crédit |K)ur sauver
son existence. Il est probable néanmoins qu'il ne tardera pas à périr, en Europe.
Le cardinal Zurlane faisait pasdillicnlté de dire que, s'il était nomme pape, le pre-
mier acte de son i^ntilical serait la suppression des Jésuites, comme perturbateurs du
repos des peuples. , •. i •
les éloges d'Albani, qui précèdent la lettre du Vicaire gênerai des Jésuites, ne lui
*ont visibrement donnés qu'en haine de la Compagnie dont on le suppose ennemi.
"^ Je dois avouer que les Jésuites m'avaient semblé trop malliailcs par l opinion. J ai
iadisété leur défenseur, et depuis cpiils ont été attaqués dans ces derniers temps, je
n'ai dit ni écrit un seul mot contre eux. J'avais pris i»ascal pour un calonnnateur do
liai un •" «-«'«'<' "'■ ^^'" • • . . 1 1- ■ 1 «, «i
génie qui nous avait laissé un immortel mensonge ; je suis oblige de reconnaître qu il
n'a rien exa-éré. La lettre du Père Pavani (voir le journal) a lair d'être échappée a
Escobar lui-même : elle figurerait merveilleusement dans les Leitrrs provinctales.
Comme elle dit tout et ne dit rien ! Comme tous les mots en sont pesés, de manière
ou ils puissent être interprétés ainsi que besoin sera ! L'humeur et la violence percent
pourtant Le révérend Père s'en est aperçu, et il va bientôt>tàcber de reprendre par
une seconde lettre, non moins captieuse, le peu de vérité (|u'il a laisse transpirer dans
la première.
Au surplus, l'audace est grande. Celte Congrégation, à peine rétablie, repousséc de
toute part, suspecte au Sacré-Collège lui-même, n'en aspire pas moins à donner la
tiare et à se racler de toutes les affaires du monde. — Chateaubriand.
LETTRE DU VICAIRE GÉNÉRAL DES JÉSUITES.
Au couvent du Gcsu^, le 23 mai-s.
Le soussigné, Vicaire général de la Compagnie de Jésus, a reçu
l'honorée lettre qui lui a été écrite au nom du Sacré-Collège. La ma-
nière inconvenante dont elle a été remise, et dont on a demandé un
récépissé, prouve le peu de confiance que l'on a dans une Religion aussi
utile quelle est ennemie des intrigues. Le soussigné n'a pas été médio-
crement surpris du contenu de cette lettre; il croit devoir se renfermer
à ce sujet dans le plus strict silence, pour ne pas dévier des maximes de
son saint Institut. Seulement il se sent obligé de dire, afin de dissiper
des craintes exagérées, que l'élection appartient tout entière aux cardi-
naux, (lu'elle est toujours libre et que les influences du dehors, soit
vraisemblables, soit supposées, ne sont que des prétextes pour diriger
des attaques. Si les cardinaux sont dans l'obligation d'élire, il est du
devoir du soussigné de rappeler chaque jour à ses confrères combien le
démon est prompt à les surprendre. Une leçon aussi salutaire, dont les
fins sont toujours saintes, ne saurait avoir rien de commun ni d'ana-
lof'ue avec le subhme ministère qui s'exerce dans le Conclave.
Signé : J. Pava>i, Vie. gén.
1 Le Gesu est la maison centrale des Jésuites. Là, réside leur Général. A cause
de l'élévation du mont Capitolin et de la disposition des rues, il fait assez ordmaire-
ment du vent, près de l'église des Jésuites. Un jour, le diable, dit le peuple, se
promenait dans Home avec le vent. Arrivé près de l'église du Gesu, le diable dit au
vent : ....
— J'ai quelque chose à faire là-dedans. Attendez-moi ici!
Depuis, le diable n'en est jamais sorti. Et le vent attend encore à la porte. —
STESDH.VL, Promenades dans Rome, T. I, p. 167.
23 mars, à 9 heures du soir.
Tout subsiste, dans l'ordre convenu; les cardinaux sont en parfaite
harmonie, à l'exception de cinq ou de six qui ont épousé leur opinion
d'une manière inflexible. 11 y a eu, ce soir, une assemblée dont les
résultats répondront k l'attente générale. Une exclusion a été convenue
entre les cardinaux modérés sur le concours de ceux qui, bien que
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V-J-X-I :t^i. >«.«.».
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143 LA PRKI.VTURE DK LÉON XIIL
remplis d'intégrité, sont possédés d'une exaltation (lui ne sait jamais
(aire la part des circonstances. Les sujets exclus par cet accord sont :
Micara Pallotta, Rivarola, Naro, Odescalclii, Doria, Pedicini, Macchi,
Caprano, et enfin Cristaldi à cause de la haine qu'il s'est attirée dans
l'administration par ses duretés et sa médiocre propension à iaire le
bien*.
Cette convention mettra un terme à tous les desordres, et nous aurons
un Pape très prochainement ; à moins qu'une nouvelle épître de samt
Pierre et de saint Paul ne vienne laire changer les pluj l'aihles.
1 les exclusions de cette journée s^.nl remarquables. C'est la Faction de Sar-
daiijHC tout cnlière, repoussce par le Conclave. - Chatcaubr.and.
24 niaiN, à midi.
La bonne harmonie subsiste; le scrutin de ce matin a été presque
décisif D'après ce que je vois, le Pape n'est pas éloigné, mais peut-être
pas aussi prochain ((u'on le croit généralement. Si l'unanimité des sut-
Ira-es eût été ménagée avec plus de discrétion, Cappellari aurait ete
(Axx^ Ce cardinal plaît à tout le monde, il a toutes les (lualités pour se
l'aire aimer; mais il lui manque le mérite de Pacca, qui, ayant accom-
pagné Pie Yll dans ses voyages imposés par la violence ou par l'im-
pie^té a partagé toutes ses tribulations. Ce souvenir, réveillé parmi bien
des ca^dinaux^a fait ciu'un grand nombre se soit décidé pour lui après
le scrutin. Quelques-uns soutiennent (|ue Benvcnuli serait plus conve-
nable que tout autre, à cause de son habileté pour l'administration tem-
porelle. Tout ceci nous fait penser que l'élection sera retardée de cinci
ou six jours. Il est de fait cependant cpi'il n'y a point d'animosité entre
les trois partis, mais il est vrai aussi qu'il n'est pas aisé de les réunir
au premier appel. „
Le lt> du mois prochain, les scrutins devront être suspendus jusqu a
la troisîl'me fête de Pàipies, comme cela est arrivé au Conclave cpii élut
Ganganelli.
1 les cardinaux Cucrrieri, Mon^z/o et autres, se concertent en faveur du frhe
hlnncKaom\hrV qui porte, en vérité, sur le visage un a.r du Paradis. Venit.cn d on-
o riuTnd ilsmit autrichien. Mais Venise est sous l'éperon tudesque; et qui sait
Ca;> 'il r nest pas destiné à sauver la malheureuse Italie 7 Oh ! vous dont 1 envie
serai de briller sur le candélabre des honneurs apprenez ici qu il importe surtout
a avoir une vie sans tache, tout au inoins libre de ces compromissions dans lesquelles
homme s'oublie si souvent lui-même ,)Our ne s'occuper que du vain point d honneur
I. .. Beaucoup pensent que la loi dAlbani est une foi grecque. D autres veu-
lent 7 croire, en rexcusant de mener quelques secrètes intrigues. Comme je regrct-
LE CABINET Dli KOI.
149
ferais de rester en prison plus longtemps!.. Certains cardinaux, de bonne heure, ont
renvoyé à leur palais maints objets de leur service. Aux jmrtes, Mgr Spada, doyen des
auditeurs de Bote, a dit au médecin Valori : «... A quoi bon lallendre? Vous lui par-
lerez quand il sera dehors. » A quoi l'autre ajouta : « Sera-ce tard? » Tous les concla-
visves attendaient dans la Salle Boyale. Firrao, encore malade, était présent au scrutin.
La sonnette annonva la sortie. Païlolta arrivait jubilant. Bussi et Fesch le suivaient,
d'un air aussi content. Tous les partis, à en juger par les visages, étaient satisfaits,
dernier point. Bientôt on a su que Cappellari avait eu 18 voix au scrutin et 4 à l'ac-
cessit, total 22 ; Castiglioni, 14 au scrutin et 9 à l'accessit; Pacca, ô au scrutin et G à
laccessit; Bertazzoli, une; De Gregorio, deux; CIcrmont-Tonnerre, une. — Mgr Dar-
dano.
24 mars, à 9 heures 1/2 du soir.
Nous voici encore plus près du but. La concorde se soutient entre les
cardinaux, et tous partagent le vœu de hâter l'élection. Yidoni est lassé.
Il crie, s'emporte, est impatient d'aller respirer l'air de la campagne*.
Pacca a été, ce soir, plus heureux que Cappellari et pourrait bien
avoir, demain, la plénitude des sulîrages.
1. Hier, deux cardinaux ont commandé leurs voitures. Il y en avait deux, toutes
prêles, dans la cour du palais Hospigliosi. Celle du cardinal Fesch attendait dans la
cour, chez Mme Lelizia. Le cardinal Vidoni, pensant qu'il délogerait d'ici, avait ordonné
qu'où l'attendît pour prépnrcr son dîner. Il se trouva bien embarrassé du retard. Il s'en
allait, par la Sixline, disant : « Je mangerai du caramel! je mangerai du caramel ! »
par allusion au macaroni qu'il avait commandé et qui brûlerait, sans doute.
25 mars, 1 heure après-midi.
Nous sommes dans le même équilibre, la paix et l'union bien cimen-
tées. Je m'afflige seulement d'être le témoin d'une lutte aussi indécise.
C'est tantôt Cappellari qui triomphe, qui tantôt est vaincu. Un instant,
Pacca chancelle; le moment d'après, il a l'avantage. La force de ce
dernier, quoicpie peu commune, a de grandes ressources : le premier a
pour lui l'opinion générale, Albani observe l'allure de chacun et sourit.
La nuit dernière le repos du Conclave a été troublé. Un bruit sourd
de marteaux dans les souterrains a jeté l'efl'roi parmi les cardinaux; ils
s'imaginaient qu'on préparait quelque mine foudroyante pour les faire
sauter. Ou'était-ce donc tout ce bruit? Le travail de quelques ouvriers,
qui réparaient des tuyaux de plomb, dans le jardin. Maudites soient la
politique et les spirituelles inventions du comte d'Appony! *
Le puripcato (l'ambassadeur d'Espagne) est content. Les cardinaux
ne l'ont pas été autant que lui.
1. Allusion au bruit d'une prétendue révolution arrivée à Rome, bruit transmis par
le comte de Lutzow au comte d'Api)ony et renvoyé au Conclave par le nonce Lambrus-
150
LA PRÉLATl'RE DE LÉON XIH.
LE CABINET DU ROL
IM
chini, grand propagateur des conspirations supi)osces et des feintes alarmes autri-
chiennes. — Chateaubriand.
25 mars, à 6 heures 1/2 du soir.
La palme est sur le point d'être cueillie. Cappellari se fraye la voie
au triomphe par son savoir, son affabilité, la sincérité de son caractère.
Pacca, qui le devançait, a beaucoup ralenti sa course. Voici une seconde
lettre du Vicaire général des Jésuites* :
i. J'ai parlé plus haut, dans la remarque 27% de celte seconde leUre du Père Pavani-
— Chateaubriand.
Au couvent de Jésus, le 24 mars.
Le soussigné Vicaire général, ayant réfléchi avec plus de maturité sur
les termes de la réponse qu'il a eu l'honneur d'adresser au Sacré-
Collège, s'empresse de rétracter de la manière la plus solennelle les
traits'apparents de chaleur dont elle semblerait empreinte, sans toute-
fois en altérer la substance; attendu qu'il serait trop messéant au chef
d'une religion si pure, si exemplaire et enviée, de laisser des traces
d'irrévérence envers ce respectable Congrès, où l'autorité suprême de
Dieu plane sous le voile miraculeux du mystère, pour se manifester
ensuite et se placer sur une seule tête. Les craintes qui nous empêchent
d'accomplir nos devoirs seront toujours vaines, si nous n'avons pas la
témérité de nous exposer au péril ou la faiblesse de l'attendre sans
nécessité. Dieu condamne également, et le zèle indiscret qui va au delà
de ses commandements, et l'excès de timidité qui fait prendre des
précautions contraires à la fidélité qui lui est due. Le Sacré-Collège doit
reconnaître, dans la vérité de ces maximes, avec quelle précipitation de
jugement on a attribué à des hommes entièrement consacrés au service
de Dieu le soupçon inconvenant de s'immiscer dans l'élection, laquelle
doit être considérée comme une œuvre toute divine, saisissant avec trop
de légèreté, pour faire cette imputation, l'occasion de ces saints aver-
tissements qui devraient être gravés en traits inefl'açables dans le cœur
de toute créature humaine. Cependant le soussigné n'a point la hardiesse
de vouloir dicter des lois ; mais il désire seulement que l'on se persuade
que la Compagnie de Jésus est indifl'érente sur toute élection quelconque,
qu'elle rendra hommage à félu avec cette profonde vénération (\m lui
est due, et qu'elle implorera sa protection en tout temps et en toutes
circonstances.
Signé : J. Pavam, Vie. gk.n.
2C mars, à midi et demi.
-5rKô^<^^«ÉW
La noble lutte se poursuit entre les deux concurrents. Pourquoi donc
tant différer à décerner la palme? Semper nocuit difj'erre paratisy a
dit Lucien. Prétendre que le lièvre n'échappe pas lorsque le chien
s'arrête, c'est j)rétendre l'impossible. Voilà pourtant ce qu'il semble
que l'on ait voulu, dans le scrutin de ce matin. Nous verrons le mou-
vement de ce soir; car, si les choses continuent ainsi, Idi difficulté
deviendra de plus en plus grave. Ce soir, Gravina entre au Conclave.
On sait positivement (ju'il apporte son suifrage à De Gregorio ; par consé-
quent, sa voix, outre qu'elle sera inutile, ajoutera un degré à lindé-
cision. Cependant, suivant mon opinion et celle de tous les cardinaux
modérés qui forment le plus grand nombre, Cappellari doit être élu.
Aussi longtemps que l'harmonie actuelle ne sera pas troublée, Cappel-
lari a la probabilité d'être couronné.
Qu'est-ce donc que ces bienheureux nonces se plaisent à écrire? Il
semble qu'ils s'étudient à montrer plus d'intérêt pour les Jésuites que
pour le Conclave, duquel pourtant peut partir ce foudre qui terrasse
tout. Sans s'en douter, ils arrêtent l'élection. Si le Père Pavani eût été
en discussion avec eux, il aurait condamne leur zèle indiscret, mais
aucunement si ce zèle eut été jugé favorable à ses vues particulières ou
à ses systèmes ^ On ne répondra point aux nonces. Jusqu'à ce que le
j>aj>e soit élu, ils doivent être laissés dans un abandon j>rovisoire.
Ces messieurs (les Jésuites) nous ont fait voir, ce matin, les paroles
suivantes : Quavè estin hïc, tolà die^ olio.n? (Matth., ch. xx.) Ceci
semble être moins un avertissement salutaire qu'une trame directe.
Mais il vaut mieux se taire que de réveiller des pensées de discorde.
i. Le sage Conclave continue à se plaindre des nonces, des jésuites et du télégraphe
que ceux-ci continuent à faire jouer daus leur jardin. — Chateaubriand.
I
2C mars, à 8 heures 1/2 du soir.
Gravina s'est rangé sans effort au parti de la modération. Si l'on
parvient à se mettre d'accord sur le choix d'un sujet, la victoire
nous demeurera. Aujourd'hui, Cappellari a culbuté Pacca qui, quoique
redoutable, a dû céder à la force.
Vers cin(| heures, le bruit a couru dans le Conclave que Cappellari
était exclu par la France*. Les cardinaux n'en savaient rien. D'où vient
cette rumeur? Existe-t-il des relations secrètes au dehors avec des
personnes corrompues qui, réagissant au dedans sur de légers ressorts.
152
LA IMIKLATLIIK DK LÉO.N Xlll.
lâchent de donner un mouvement rétrograde à la marche régulière de
la grande machine? Ou bien, se trouve-l-il en dedans quehjues individus
qui excitent ces désordres dans de honteuses lins?
1. Ce bruit de l'exclusion dii cardinal Cappellari, l'Iiomme le plus cajablc du Con-
clave, était 1res Taux par rapport à la France; mais il n'était pas liors de vraisem-
blance que rEspag;nc eiit songé à donner l'exclusion à Cappellari, parce «|U il avait été
d'avis de reconnaître les évoques nommés par Bolivar. — Chateaubriand.
"21 mars, i beures après-midi.
Les choses sont aujourd'hui plus concentrées. Quoique Gravina ail
donné son vote à De Gregorio, comme on le savait davance, cela n'a
point réveillé chez les partisans de ce cardinal un intérêt aussi vif que
celui qui le poussait dans les principe. 11 y a eu un peu d'oscillation,
mais point assez pour faire craindre un changement. Cappellari conserve
encore la primauté. Le faux bruit de son exclusion est tout a fai!
évanoui. Pacca est rentré dans l'ombre.
Nous allons avoir l'archevèiiue de Toulouse. Comment pensera-t-il?
Quelle enseigne va-t-il arborer? 11 faut se confier en sa piété sincère et
dans la promesse qu'il a fait parvenir au Conclave. Plusieurs cardinaux
l'attendent, pour l'attirer à leur parti; d'autres le souhaitent pour
achever l'élection. Ces derniers me semblent être dans la meilleure voie.
27 mars, à 9 heures 1/2 du soir.
IS'avais-je pas raison de dire : Semper nocuit differre paratlsY
Aujourd'hui, après le dîner, il y a eu une conférence entre les cardi-
naux, pour se décider touchant l'élection de Cappellari. 11 s'y trouvait
six Pères d'entre les Seize, et Cappellari lui-même à qui on a fait
d'importantes communications, relativement au système d'administra-
tion et à des règlements qui concernent le Sacrc^Collège. Les réponses
sincères de Cappellari et ses objections ont fait cesser sur-le-champ
cette conférence. Les six se sont retirés et, pénétrant successivement de
cellule en cellule, ont persuadé leurs collègues de se désister de tout
engagement. Au scrutin du soir, on a vu la subile désertion de dix-huit
cardinaux qui ont passé à un autre sujet.
Albani paraissait fort troublé. Questionné sur les motifs qui avaient
donné lieu à ce changement, il a feint de tout ignorer. Cependant un
personnage bien intentionné lui a lait toucher du doigt la nécessité de
hâter l'éleclion, attendu les désordres qui se manifestent de toute part
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LA Pr.KLATlIlK DK LK^N Mil.
tàthent de donner un niouvonient rt'troiirnde à la niarclic n'gulière de
la grande machine? Ou bien, se Imuve-l-il en dedans (|uel<|ues individus
qui excitent ces desordres dans de honteuses tins?
1. Ce bruit de rcxcliisinii du rar.liuîii Cappcllari, riiominc \c |ilu< ca] a!»lo du Con-
clave, était 1res faux par rapport à la France; mais il n'était pa-i Imr> de vraisem-
lilance que l'Uspa^fuc eût songé à donner lexclusiou à Cappellari, parce qui! avait «l»;
d'avis de reconnaître les évèqucs nommé? par IJoiivar. — Chateaubriand.
"11 nïar>, I heures après-midi.
Les choses sont aujourd'hui plus concentrées. Quoique (Irivina ail
donné son vote à Ile Gregorio, comme on le savait davance, cela n'a
|i(ùnt réveillé chez les i)artisans de ce cardinal un intérêt au>si vif que
celui (jui le poussait dans les print ii)e. il y a eu un peu d'oscillation,
mais point assez pour faire craindre im «hangement. Cap[)ellari conserve
encore la primaulé. Le faux hruit de son exclusion est tout à fail
évanoui. Pacca est rentré dans l'ondjre.
Nous allons avoir l'archevêque de Toulouse. ConnnenI pen^era-l-il?
Quelle enseigne va-t-il arborer? Il faut se confier en sa piété sincère et
dans la promesse qu'il a fait parvenir au Conclave. IMusicin's cardinaux
l'attendent, jiour l'attirer à h'ur parti; d'autres le souhait. 'Ut pour
achever lYdection. Ces derniers me send)lent être dans la meilleure voie.
"H mars, à 9 heures l/'i du soir.
N'avais-je pas raison de dire : Sempev nocuil differre jiarai'tsY
Aujolud'hui, après le dîner, il y a t'u une conférence entre les cardi-
naux, [jour se décider louchant l'élection de Cappellari. 11 s'y trouvait
six Pères d'entre les Seize, et CapjK'llari lui-même a qui on a fait
d'inq)ortantes conununications, relativement au système d'admini>tra-
tion et à des règlements qui concernent le Sacré-Collège. Les réponses
sincères de Cappellari et ses objections ont fait cesser sur-le-champ
cette conférence. Les six se sont retirés et, pénétrant successivement de
cellule en cellule, ont persuadé leurs collègues de se désister de tout
engagement. Au scrutin du soir, on a vu la subite désertion de dix-huit
cardinaux qui ont passé à un autre sujet.
Albani paraissait fort troublé. Questionné sur les motifs qui avaient
domié lieu à ce changement, il a feint de tout ignorer. Cependant un
personnage bien intentionné lui a fait toucher du doigt la nécessite de
hâter l'élection, attendu les désordres qui se manifestent de toute part
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LE CABINET DU ROI.
155
f.
et principalenu'nt du côle du royaume de Naples, dont les forces mili-
taires avaient violé le territoire romain sous le spécieux prétexte de
mettre une digue à la licence effrénée des sectaires et d'empêcher une
révolution. On lui a fait lire une lettre préparée pour Sa Majesté sici-
lienne, dans laquelle le Sacré-Collège fait des représentations contre une
agression aussi imprudente que peu mesurée. Cette pièce a fait une
profonde impression sur Tesprit de ce cardinal. On en a profité pour lui
parler avec abondance du cœur ; on la conjuré, quoique un grand
nombre de cardinaux se sentaient inspirés en faveur de De Gregorio,
qu'il leur laissât suivre l'impulsion de leur conscience; on l'a pressé de
déposer tout ressentiment personnel avec cette noblesse, cette grandeur
d'àme, qui distinguent sa famille.
Cet entrelien à peine terminé, Albani a fait appeler un de ses aides,
l'a envoyé chez l'ambassadeur d'Autriche et en a reçu un message, en
retour. On présume ({u'étant le plénipotentiaire de l'Autriche et ayant
l'ait connaître précédemment son dessein d'exclure De Gregorio, mainte-
nant qu'il sent la nécessité de le porter, il aura voulu obtenir une appro-
bation. Ce raisonnement ne me paraît pas mauvais; car Albani, étant
opposé aux Jésuites, ne voudra plus courir le risque d'un échec inat-
tendu, de la part de quelques-uns de ces cardinaux qui manœuvrent dans
l'ombre. Nous verrons ce qui en sera, demain; nous sommes à la veille
d'un grand développement. Si De Gregorio n'est pas remis en avant, et
si l'on attend qu'on ait pu concentrer de nouveau les suffrages sur
Cappellari, nous serons ici jusqu'au mois de juin'.
1. Tout ceci <luil faire rcgreller, tic plus en plus, que le cardinal Cappellari ne l'ait
pas cni|)orlé sur ses coinpélileurs. Il aurait élé pape, s'il eût voulu souscrire des engage-
ments qui répugnaient à sa conscience. Il s'agissait surtout de lui lairc adopter Albani
lK)ur Secrétaire d'Etal; il avait à la lois trop de religion pour l'accepter et trop de sin-
cérité pour le tromper, en lui promettant de le prendre sans avoir l'intention de lui
tenir parole.
Le mouvement des troupes na[>olitaines fait voir à quel point le Gouvernement des
Deux-Siciles est agité par ces fantômes de conspiration dont on elfrayc sa faiblesse. —
Chateaubriand.
28 mars, à midi.
On a découvert, aujourd'hui, que le message d'Albani à l'ambassa-
deur d'Autriche avait pour objet de lui faire savoir qu'il donnerait les
mains à l'élection du cardinal De Gregorio, si elle convenait aux cardi-
naux, mais en se conduisant de manière à ne pas laisser apercevoir s'il
était chargé ou non d'une exclusion.
Le bon Cappellari a été abandonné*, pour avoir fait observer que les
e
jf'
; TT.rani^rniiM
154
LA PRÉLATIRE DE LÉON XIII
protestations, émises dans les actes du Sacré-Collège contre les innova-
tions efl'ecluées par Léon XIL élaient inconvenantes et attentatoires aux
droits de la Souveraineté. Jl a été trop l'ranc, de répondre à ceux qui
le provoquaient par des questions étudiées*.
Aujourd'hui, De Gregorio a le dessus, parce qu'il a été plus politique
et qu'il a connu les faiblesses de ses collègues. Ce soir, après le scrutin,
je pense qu'on se concertera pour l'élire, d'autant mieux (jue le car-
dinal de Clermont-Tonnerre est tout ])orlc en sa faveur"'.
1. Au siTutin d(» ce jour, selon une ilépèehc de Lulzow ù son Gouvernement, le
nom (lu cardinal Vidoni fut écrit sur un bulletin et lu à haute voix dans la chapelle.
Vidoni étonné leva brusquement la tète et, s'adressant au scrutateur : Chi è queslo
minchîone che mi co...? Quel est l'imlH'cile qui se... motjue de moi? s'écria-l-il.
Le conclave s'épaya de cette iNUitade, et la candidature de Cappellari s'écroula dans
un immense éclat de rire. — Jauret, les Coulisses des Conclaves.
2. Mêmes éloges et mêmes regrets à doinicr à Cappellari. — Chateaubriand.
3. Ce soir, le cardinal Clermont-Tonnerre a fait, en chaise -à-porteurs, son entrée
au Conclave. On l'arrêta au milieu de la Salle Royale, et les cardinaux vinrent tous,
l'un après l'autre, prendre de ses nouvelles II a pour armes deux clefs croisées et une
tiare par-dessus. Un bon Napolitain dirait, à les voir, qu'elles sont de bon augure et que
« le pape est vile fait ». — Mgr Dardano.
28 mars, à 0 heures 1/2 du soir.
Dans la conférence de ce soir, beaucoup de cardinaux ont adhéré au
projet d'élire De Gregorio. J'y fais néanmoins peu de fonds, parce qu'il
n'a pas eu un assentiment complet. Il se pourrait que les partisans
d'Albani y donnassent leurs voix; j'en doute cependant, parce (|u'ils
sont divisés; ils veulent bien se guider par la volonté d'Albani, mais
tous ne l'agréent pas pour Secrétaire d'État. Albani fait lout ce qu'il
peut pour le devenir, et j'ai acquis la certitude que Cappellari aurait été
élu s'il n'avait témoigné de la répugnance à conférer une charge à
Albani et de l'inclination à lui préférer Ikînvenuti. Je ne supposais |)as
autant d'ambilion à Albani*.
1. Il y avait grande erreur dans ces jugements. Il est probable qu'Albani. sans le
dire, aspirait jus«ju'à la Papauté, et se rabattait sur la Secrétairerie d'Etal, qu'il a, eu
elfel, obleime. — Chateaubriand.
20 murs, à 0 heures 1/2 du matin.
Voilà les cardinaux qui s'assemblent, pour aller au scrutin. Je
m'assure qu'il n'y aura pas d'élection, ce malin, à moins qu'Albani n'ait
obtenu par écrit la promesse d'être créé Secrétaire d'Klat. Heaucoiq) de
-^f^,îri5^^■t^^■i,i
LE CABINET Dl' ROL
155
cardinaux sont disposés pour Oppizzoni. Qui sait si celui-ci n'obtiendra
pas la palme? Je vois tant de variations, que je ne serais pas étonné de
le voir élire.
29 mars, à midi.
De Gregorio est tombé, sans espoir de se relever. Nous voilà encore
une fois dans l'abîme. H n'est plus question de De Gregorio. Pas un
mot, de Cappellari. Giusliniani est à jamais ruiné, par sonédit vandale.
Seize autres cardinaux, qui naguère étaient sous la bannière de la Croix
de Saint-André, ne peuvent avoir la moindre espérance d'obtenir la
tiare, non plus que Galeffi, parce qu'ils ont eu la hardiesse de signer la
protestation contre Léon Xll, à l'occasion de l'empiétement des droits
du camerlingue. Qui sera donc le Pape? Je n'y comprends rien; seule-
ment je ne voudrais pas que le choix tombât sur un mannequin, comme
je commence à le craindre. Aujourd'hui on voit sur le tapis Dertazzoli,
Benvenuti, Dandini, Oppizzoni; tous ceux-là sont bons, mais le dernier
serait meilleur. Albani intrigue pour son compte, et intrigue à l'excès.
Jusqu'à présent, il ne s'est découvert à personne sur son ambition de
devenir Secrétaire d'État : il regarde la lutte, et s'il voit que l'un de
ces quatre cardinaux prospère, il suivra la même tactique à son égard.
Aujourd'hui, le nonce de Paris a jeté une pomme de discorde. Il
dépeint d'un ton pathétique la désolation qu'a produite dans les âmes
pieuses la menace de supprimer les missions dans l'intérieur ^ Les
instructions qu'on expédiera au nonce seront des armes pacifiques,
qui triompheront de tous les obstacles. Le nonce parle aussi de la loi
municipale, mais en termes vagues et tout à fait inintelligibles.
i. Entwe le nonce, dénonçant nos institutions et nos lois. — Chateaubriand.
29 mars, à 9 heures i/2 du soir.
Il paraît que, ce soir, les cardinaux ont formé le dessein d'élire le
Pape, avant Pâques. Les scrutins continueront pendant la Semaine Sainte,
c'est-à-dire : le dimanche des Rameaux, le soir; le lundi et le mardi,
de même; et le mercredi saint, dans la matinée; mais, si le Pape est
élu le mercredi, la proclamation n'aura lieu que le samedi matin.
Le cardinal Gaysruck a eu avec Albani un vif démêlé. Il lui a repré-
senté que c'était un grave délit que d'empêcher l'élection, soit en usant
de ses [deins pouvoirs, soit en nouant des intrigues, soit enfin pour des
intérêts privés. Le sage archevêque a ajouté avec beaucoup de dignité
116
LA PRELATIRE DE LEON XIII.
que les pleins pouvoirs, confiés à Albani, ne lui donnaient pasio droit de
s'en servir pour ses propres lins et avantages; que Sa Majesté Impériale
et Apostolique, en lui conférant cet honneur, n'aurait jamais imaginé
qu'il s'en autorisât pour entraver Télection, mais seulement pour pré-
venir le choix d'un pontife dépourvu de modération. Les cardinaux,
témoins de cette scène, ont ap[)laudi h un si sage propos.
Dans le scrutin de ce soir, Casliglioni a reparu. Dien qu'il ait déclaré
être sujet à de fréquentes absences d'esprit et à des attaques de paralysie
sur le côté droit, il ne so détermine pas à écarter entièrement de soi
l'élection'. Le Sacré-Collège doit être bien imbu de la nécessité de
choisir un pontife prudent et intègre qui, dans l'état actuel de l'Europe,
sache rapprocher les esprits avec douceur et par de bons conseils, au
lieu de les irriter par la sévérité ou par un zèle outré. Albani fait mal
de courir après la charge de Secrélaire d'État, parce que celle préten-
tion lui aliène ses parlisans, lesquels pourraient bien se concerter avec
d'autres pour une élection contraire à ses vœux.
i. Le cardinal Casliglioni est-il aussi malatie rju'il l'a déolarc au Conclave? Il est
certain qu'il a des attaques de nerfs, et souvent un mutiveuient convulsit' dans lu tête,
et dans le bras droit. — Chateaubriand.
50 nini*s, à midi et demi.
Ce matin, les choses semblent marcher vers le but désiré, (|uoiquc
la direction des cardinaux se soit partagée en huit rameaux |)our aboutir ,
au même point. Albani a beaucoup perdu parmi ses partisans, qui se
méfient de ses intentions. Le cardinal Macclii a reparu au scrutin : ceci
ne le mènera pas loin. Le vicomte de Chateaubriand se concilie de plus
en plus l'affection du Sacré-Collège ; il a eu toutes sortes d'attentions et
de soins pour le respectable archevêiiuc de Toulouse. 11 faut convenir
que c'est un ambassadeur loyal, affable et ennemi de l'intrigue.
50 mars, à 9 heures 1/2 du soir.
Le thermomètre est, ce soir, a zéro. Les partis sont tellement animés
les uns contre les autres, qu'aucun ne veut céder. Albani est passé, du
rôle de porte-drapeau, aux derniers rangs de soldat. 11 n'en perd pas
courage, j»our cela; il déploie tout son stratagème, alin d'effeclurr
quelque surprise. La phalange jésuitique s'affaiblit, chaque jour, par de
nouvelles désertions; je crains toutefois que ce ne soit un coup prémé-
dité, qui pourtant ne saurait r«'ussir, parce que les chefs qui mènent les
partis n'aiment aucunement le jésuitisme. Le dénouement paraît donc
r
y I ■mil m«9—
*i9B3ES
LE CABINET DU ROI.
157
très éloigné, et il faut se résigner à rester encore longtemps dans cette
noble prison*.
1. Ces fausses conjectures, faites la veille de l'élection, montrent combien les
hommes le i»lu> à môme de connaître les laits peuvent se tromper. — Chateaubriand.
&
51 mars, à 8 heures 1/2 du matin.
Le thermomètre est remonté tout à coup à oO degrés, et il paraît
certain ([ue l'instant des réjouissances approche. On se rend au scrutin.
La majorité est bien résolue à proposer Casliglioni, parce qu'elle est
lasse de tant dintrigues. Dieu veuille maintenir cette sainte détermi-
nation! ,
51 mars, à midi.
Hier, à di\ heures du soir, Albani s'appliqua avec beaucoup d'ardeur
à recueillir des suffrages pour l'élection du cardinal Castiglioni, dont les
sentiments de loyauté et de franchise étaient bien connus, non moins
(jue l'opinion qu'il avait conçue de la capacité et des talents d' Albani
pour exercer l'emploi de Secrétaire d'État. Les cardinaux Pacca, Galeffi,
Testaleriata, Oppizzoni, Arezzo, Bertozzoli et Gazzola, furent chargés de
persu.ider Castiglioni, et de ne le quitter (pi'après qu'il aurait promis
de Si» rendre au vœu commun et de se conformer à la volonté divine.
IVndant ce temps, Albani disposait les autres cardinaux à coopérer à
l'élection.
A minuit, tout était arrangé. Les cardinaux français se montrèrent
très satisfaits et promirent de donner unanimement leur vote au scrutin.
Le parti de De Gregorio fit d'abord (juelque résistance, mais enfin il
céda. Celui de Macchi demeura rebelle à toute concession. Le calcul
d'approximation établi, il fut reconnu que les suffrages s'élèveraient à
50, non compris le parti d'Albani, qui devait accéder en entier. Le
premier scrutin a donné 52 voix, et ce nombre s'est accru, par Y accédât,
jusqu'à i5. Les 15 voix de Y accédât ont été données par les 7 cardi-
naux ci-dessus nommés du parti d'Albani, et par 8 autres, savoir :
Cappellari, Gamberini, Zurla, Vidoni, Cacciapiatti, Firrao, Gravina et
Morozzo. Les billets ayant été ouverts, la régularité en a été constatée,
et l'élection déclarée canonique.
}
T
158
LA PRÉLATURE DE LÉON XIIL
Scrutin du 51 tnars. — 50 volants.
Castiglioni
De Gregorio
Benvenuti
Cappellari
Oppizzoni
Arezzo
52 voix, et V accédât 15. Ensemble Al voix.
2 —
i —
5 —
5 —
5 —
Pie VIU avait donné sa voix au cardinal De Gregorio. — Les deux
voix qui ont manque à Yaccedat sont celles des cardinaux Macchi et
Falsacappa. — Le procès-verbal d'acceptation, dressé par le notaire du
Conclave, porte, entre autres particularités : Que Sa Sainteté, ayant fait
une humble et fervente prière, s'est retirée dans sa cellule*. Après quoi
Elle a déclaré que, nourrissant dans son cœur une affection particulière
envers Sa Majesté Très-Chrétienne, et désirant en même temps donner
un témoignage de sa considération pour la maison d'Autriche, Sa Sain-
teté a choisi et nommé pour son Secrétaire d'Etat le cardinal Albani,
dans la vue de faire régner entre les deux Puissances, soutien du Saint-
Siège, cette bonne harmonie qui rend leurs peuples heureux, et afin
qu'éloignés de toute idée d'agrandissement elles rivalisent dans le
dessein de maintenir l'inviolabihté des droits et des possessions du Saint-
Siège apostolique. Sa Sainteté est convaincue que ce choix, si l'on en
considère la noble et religieuse fin, sera agréable à tout le monde
parce que, dans les circonstances criti(jues du jour, il ne peut y avoir
de meilleur moyen de concilier les intérêts et les rapports pacifiques
entre ces deux Puissances, sur lesquelles Sa Sainteté repose sa confiance
et qui, subsistant dans l'état actuel de bonne intelligence, sauront tou-
jours s'opposer avec énergie à quiconque tenterait de violer les droits
communs et de déranger l'équilibre de l'ordre présent des choses'.
1. Cette journée a fait le Pape, le Pape que voulait la France, en 1824, lorsque
j'avais le portefeuille des Affaires étrangères, le Pape qui a répondu à mon discours et
qui, par celte réponse connue de l'Europe, a pris des engaç^eraents |)oliliques. Le pro-
cès-verbal de l'acceptalion dressé par le notaire du Conclave, selon la coutume, est
digne d'être remarqué : a Pie VIII s'est déterminé, dit-il, à nommer le curdinal
Albani ministre, afin de satisfaire aussi le cabinet de Vienne. » Singulier moyen, sans
doute! Le Souverain Pontife, partageant les lots entre les deux couronnes, se déclare
le pape de la France et donne à l'Autriche, en compensation, un Secrétaire d'Etat
inamovible. — Chateaubriand.
2. Confusion générale. Les portes sont encore fermées, à i heures de l'après-midi.
Çà et là, des cardinaux en petit manteau, en frac, en simarre, en soutane. Dans Rome,
c'est une torpeur équivalente au demi contentement de la ville. Voici des ministres et
\
mmim
LE CADINET DU ROL
159
(les prélats, en visite au Conclave enfin ouvert. Le cardinal Morozzo et quelques autres
Lmmenccs dorment encore dans leurs cellules. II pleut tout le jour, à torrent —
Mgr Dardano.
3. Ce malin il pleuvait par torrents, une véritable pluie des tropiques, lorsqu'un
perruquier, a qui nous avions |)romis quelque argent, est entré, essoufllé et vcritable-
raent hors de lui, dans le salon où nous déjeunions : « Sif/non\ non v'è fumala. » Voilà
es seuls mots qu'il a pu prononcer : « Messieurs, il n'y a pas eu de fumatn. » Donc
c scrutm de ce malm n'a pas été brûlé. Donc le pape est nommé. Nous venons d'avoir
a constance de passer trois heures sur la Place de Montc-Cavallo. Il est vrai qu'au
bout de dix minutes nous élions mouillés, comme si l'on nous eût jetés dans le Tibre.
IVos manteaux de taffetas ciré protégeaient un pou nos compagnes de vovage, aussi
mtrepides que nous. Nous avions à noire disposition des Tenêires donnant sûr^la Place
niais nous tenions à êlre tout contre la prie du palais, à colé de la fenêtre murée'
afin d'entendre la voix du cardinal qui allait proclamer le nom du nouveau pape'
Jamais je n'ai vu une telle foule; une épingle ne lût pas tombée par terre, et il pleu-
vait à verse. De braves soldats suisses, gagnés d'avance, nous ont fait parvenir aux
places gardées pour nous, lo.it près de la porte du palais. Un de nos voisins, homme
fort bien mis et qui recevait déjà la pluie depuis une heure, nous dit : a Ceci est cent
fois plus intéressant que le tirage de la loterie. Songez, messieurs, que le nom du pape
que nous allons apprendre inlUie directement sur la fortune et les projets de tout ce
qui, à Rome, jwrte un habit de drap fin. b Peu à peu, laltenle, dans une situation si
incommode, a rais tout le monde en colère, et dans ces circonstances tout le monde
est peuple. C'est en vain que j'essayerais de vous peindre les transports de joie et
d'impatience qui, on un clin d'œil, nous ont tous agités lorsqu'une petite pierre s'est
détachée de cette fenêtre murée donnant sur le balcon, et sur laquelle tous les yeux
étaient fixés. Une acclamation générale nous a assourdis. L'ouverture s'est agrandie
rapidement, et, en peu de minutes, la brèche a été assez large pour permclli^e à un
homme de s'avancer sur le balcon. Un cardinal s'est présenté; nous avons cru recon-
naître le cardinal Albani ; mais, effrayé de l'horrible averse qu'il faisait en ce moment,
ce cardinal n'a pas osé se hasarder à la pluie, après une si longue réclusion. Après une
demi-seconde d'incertitude, il a reculé. Qui pourrait peindre à ce moment la colère
du peuple, ses cris de fureur, ses imprécations grossières? Nos compagnes en ont été
réellement effrayées. Ces furieux parlaient de démolir le conclave et d'aller en arracher
leur nouveau pape. Celle étrange scène a duré plus dune demi-heure. A la fin nos
voisins n'avaient plus de voix et étaient hors d'état de crier. La pluie a diminué, un
mstant. Le cardinal Albani s'est avancé sur le balcon. Cette foule immense a jeté un
soupir de contentement; après quoi, il s'est fait un silence à entendre voler une mou-
che. Le cardinal a dit : a Annuntio vobis gaudium magnum, papam habemus
eminendssimum et reverendissinmm dominum Franrhcum, episcopum Tuscu-
laniim, Sacrap fiomanae Ecclesiœ cardinalem Castiglioni, gui sibi nomcn impo-
smt Plus VIII. Au mot de Castiglioni, il y eut comme un cri supprimé, suivi d'un
mouvement do joie -narqué. On dit que ce pape a toutes les vertus; surtout il ne sera
pas méchant. Avant de se retirer, le cardinal Albani a jeté au peuple un papier conte-
nant les mêmes mots qu'il venait de prononcer. Il a iini par battre des mains. Des
applaudissements universels lui ont répondu. Au même instant, le canon du fort Saint-
Ange a annoncé ce grand événement au peuple de la ville et des campagnes. J'ai vu
des larmes dans beaucoup d'yeux. Était-ce simple émotion, pour un événement s.
longtemps attendu? Ces larmes étaient-elle l'expression du bonheur d'avoir obtenu un
Souverain aussi bon, après une si grande crainte? Le peuple se moquait fort, en s'en
allant, des deux ou trois cardinaux dont la nomination l'aurait consterné. Nous sommes
revenus bien vite nous chauffer. De la vie, aucun de nous n'a été mouillé à ce point
— Stendhal, Promenades dans Home.
A ces commentaires curieux du Journal d'un Conclave, nous aurions
i-U "Il
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1G0
LA PKÉLATLRK DE LÉON XIIL
pu ajouter tel extrait de h Correspondance de Joachim Pecci se rai)|)or-
tant à ces ftiits, avec une sûreté d'information qui pouvait défier tout
rival en h personne de ce jeune interviewer, connaisseur de Rome comme
sa ville presque natale, et de ses habitants cardinaux ou bourgeois comme
ses pères et maîtres spirituels qui, à leur école, avaient appris à un pa-
reil élève jusqu'aux secrets de leur légendaire malice. Et il s'en servait,
l'habile espiègle! sous une forme toujours respectueuse et un fond plein
d'arrière-pensées. Les cardinaux se portaient-ils processionnellement au
Conclave, il remarquait surtout ceux qui s'y faisaient porter; et, dans le
nombre, le nom de Vidoni émergeant suffisait à ramener le sourire sur
les lèvres de quiconque connaissait la somptueuse corpulence du car-
dinal bon vivant: « Les cardinaux, qui se dirigèrent processionnellement
« vers le Conclave, furent au nombre de trente-trois. Les cinq autres cjui
(( s'y firent transportera part, — est-ce par crainte? — sont: Bernetti,
« Naro, Guerrieri, Rivarola, Vidoni* )). liCs Romains, trouvant que le
pape est long à élire, se transportent-ils au Quirinal pour faire une mani-
festation sous les fenètt-es du Conclave, Joachim Pecci s'y rend aussi, si-
non pour protester, du moins pour voir comment on proteste. « J'y étais
(( allé, moi aussi; mais, au milieu du spectacle, une belle fumée a fait
« évanouir toutes les espérances* ». Cette fumée dissipe-t-elle tous les
calculs de la foule, sur tel ou tel cardinal qu'on aime et acclame déjà?
Notre philosophe, sorti à peine des écoles et déjà mùr pour les observa-
tions profondes, note fort humainement que « tout le monde ici espère
avoir bientôt son pape « et ce sera le cardinal auquel on s'attend le
moins^ ». Ce cardinal est connu enfin. C'est Castiglioni, (pii est pape. Et
notre informateur précis, de nous en faire un portrait achevé, même par
les petits cotés (jui n'échappent pas à l'ébauche : a 11 a le cou de travers,
« et semble danser quand il marche* ». Et Joachim Pecci se ravisant en
homme déjà fait, avec toutes ses qualités supérieures et ses petits travers,
l'homme complet du siècle de Térence, qui est aussi l'homme du
siècle de Pie YIIL — demande à son frère Titta si les Pecci n'ont pas eu,
un jour, l'honneur de recevoir l'actuel pape dans leur maison familiale
de Carpineto : « Je crois avoir entendu dire que ce Castiglioni, étant
(( vicaire-général sous Mgr Devoti, évécpie d'Anagni, était descendu
(( chez nous, h Carpineto. Si l'on en était certain, ce serait une occasion
« favorable pour inscrire sur les murs de notre maison un si heureux
•-
i. Cf. la Jeunesse de Léon XIII, p. 258. ^
2. Cf. bidein, p. 259.
5. Ibidem, p. 261.
4. Ibidem y p. 265.
Il
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ir.o
LA PIIÉLATI IIK \)K LKON Mil,
hii ajoutor toi extrait de h Correspondance de Joachiin Pecci se rappor-
tant à ces laits, avec une sûreté d'information qui jKiuvait défier tout
rival en la personne de ce jeune interviewer, connaisseur de Rome connue
sa ville presque natale, et desesliahitants cardinauv ou bourj^Tois connue
ses père^ et maîtres spirituels (jui, à leur école, avaient ap[»ris à un pa-
reil élève jus(pi'au\ secrets de leur léj-endaire malice. Et il s'en servait,
riiabile espièj^lel sous une l'orme toujours respectueuse et un Tond plein
d'arrière-|)ensées. Les cardinaux se [)ortaient-ils processionnellement au
Conclave, il remanpiait surtout ceux (|ui s'y Taisaient porter; et, dans le
nombre, le nom de Vidoni émergeant sul'lisait à ramener le sourire sur
les lèvres de quiconque connaissait la somptueuse corpulence du car-
dinal bon vivant: « Les cardinaux, (lui se dirigèrent processionnellement
(( vers le Conclave, lurent au nombre de trentcMrois. Lescinq autresipii
« s'v liriMit transportera part, — est-ce par crainte? — sont: Heriu-tti,
(( Naro, Cuerrieri, Uivanda, Vidoni* )). Les Romains, trouvant «pie le
pape est long à élire, se trans[K)rtent-ilsau Quirinal piun* l'aire une mani-
festation sous les l'enétn's du Conclave, Joacbim Pecci s'y rend aussi, si-
non pour protester, du moins pour voir conuuent on proteste. <( J'y étais
(( allé, m(»i aussi; mais, au milieu du spectacle, une belle fumée a l'ait
(( évanouir t(mtes les es|)érances^ »>. Cette fumée dissipe-t-elle tous les
calculs de la foule, sur tel ou tel cardinal (pi'on aime et acclame déjà'.'
Notre philoso[)be, sorti à peine des écoles et déjà mur pour les obser\a-
lions profondes, note fort bumainement que « tcuit le monde ici espère
avoir bientôt son [uqu' « et ce sera le cardinal au((uel on s'attend le
moins'' ». Ce cardinal est coiumenlin. C'est Castiulioui, (pii est pape. Et
notre iiiiormateur précis, de nous en faire un portrait acbevé, méuïe par
les petits cotés cjui n'écbappent pas à l'ébauche : « Il a h' cou de travers,
« et sembli^ danser (piand il marche'* ». Ht Joacbim Pecci se ravisant en
honmie déjà fait, avec toutes ses (pialités supérieures et ses petits travers.
riiomme complet du siècle de Térence, (|ui est aussi l'honnue du
siècle de Pie Vlll, —demande à son frère Titla si les Pecci n'ont pas eu.
un jour, riionneur de recevoir l'actuel pape dans leur maison familiale
de Carpineto : « Je crois avoir entendu dire que ce Castij^lioni, étant
(( vicaire-iîénéral sous M"ir hevoti, évècpie d'Anairni, était descendu
« chez nous, a Carpineto. Si l'on en était certain, ce serait une occasion
G [iivorable pour inscrire sur les nnu's de notre maison un si heureux
1. Cf. la JeunesHr de Léon XI IL |». 'i.'iS. ^
ti. Cf. hidnn, p. 2.VJ.
r». Ihidrm. p. "^CM.
4. Ibidem, p. 2C):».
Il
,52 LA PRÊLATURE DK LÉON XIM.
,( cvcncment. Infornicz-vous, si la chose est vraie; car papa en aura
« ..ardé le souvenir. A-t-il toujours le goût des nouvelles? Dans c.^ cas
« te vous prie de lui communi.iuer sans relard ces petites histoires • » l
faut croire que, si les histoires continuaient à intéresser le colonel
Peeci, le nouveau pape n'avait pas eu Theur de plaire au doux reclus
de Carpincto .,ui ne donnait pas à l'ie Vlll .pu.rantc jours a vivre. Kl.,
pourquoi donc? « Le Saint-Père se porte très hien. ccr.ra Joacinu.
pendant (lue les journées s'écouleronl et que son père se disposera
I, perdre son pari. Le I'ai,e se porte bien, Irè. bien nuaue. Je crains
lort que Titta n'ait encore à répéter souvent à loroille de son parte-
naire : — Encore quarante jours, et Ninive sera détruite 1 — Kt, en at-
tendant, le pari est perdu. *.. Mourir sitôt, un pape si bon et si bienveillant
„ui avait pensé i» ne faire que des heureux autour de lui, depuis
réminentissime .Mbani qui avait concouru à son élection el s était lait
nommer en retour Secrétaire d'État en remplacement de Bernetti, jus-pi a
Ihumilissime don liizzarri qui, de simple professeur de matl.emalMp.es
au Collège Romain, était passé crucifère de la Maison poulilicale : « Le cr.i-
eifère qui précédait le l'apc et cpii montait une mule blanche était...
Devinez qui?... Le professeur de mathématiques .pii ma donné des répé-
titions, don Bizzarri, de l'aliano, un grand a.ui de Castiglioni^» Quelqu .1
fût sympalhi<p.e aux uns ou indifférent aux autres, l'ie MU n était i.as
moins l'élu du conclave et le pape de l'Kglise universelle.
11 était aussi le candidat de Chateaubriand, tant l'élection avait ete
prévue el, - disons-le, malgré la parcLiionie du Cab.nel du Ko.. -
favorisée par les générosités personnelles de l'a.nbassadeur de Irance.
Quand il avait fallu intéresser ce Cabinet de chasse à courre a une poli-
Lue de haute inspiration et de longue portée, les lettres de Chateaubriand
n'avaient trouvé à Paris ni crédit ni correspondant même. Charles \ re-
lançait le cerf, de préférence aux cardinaux qui lui donneraient bon ou
mauvais, traînant la jambe ou le cou tordu, son pape pour lequel il
parla-eait la même indiirérence .pie le colonel Pecci en avait UMUOignee a
ses fils. C'était pourtant ce pape, qui pouvait être aussi autrichien qn u.i
Albani 11 fut, grâce à Chateaubriand el aux rapporteurs que celu.H'i s at-
tacha avec autant de générosité personnelle que d'avouable passion, aussi
Français que les amis de l'Kglise et de la France le pouvaient souhaiter en
la personne de O-stiglioni. Sans doute, ce pontife avait cède a influence
d'un parti prépondérant en nommant Albani son Secrétaire d Klat. Mais
1 . Cf. la Jeunesse de Léon XllU P- -63.
•2. Cl'. Ibidem, p. 285
3. Cf. Ibidem, p. ^264
LE CABINET m ROI. 155
riiabilctc du parti contraire saurait bien déjouer les plans du cardinal
dévoue, corps et àme, à l'Autriche: « Le cardinal Albani, écrit Chateau-
briand au comte Portalis pour réveiller l'indiftérence du Cabinet du Roi
a été nommé Secrétaire d'État. Le nouveau ministre ne plaît, ni à la
faction sarde, ni à la majorité du Sacré Collège, ni même à l'Autriche •
parce qu'il est violent, antijésuite, rude dans son abord, Italien avant
tout. Riche et excessivement avare, le cardinal Albani se trouve mêlé
dans toutes sortes d'entreprises et de spéculations. J'allai, hier, lui faire
ma première visite. Aussitôt qu'il m'aperçut, il s'écria : « Je suis un cochon !
« (Il était, en eflet, très sale.) Vous verrez que je ne suis pas un ennemi » .
Je vous rapporte. Monsieur le Comte, ses propres paroles. Je lui répondis
que j étais bien loin de le re-arder comme un ennemi. « A vous autres
(( reprit-il, il faut de l'eau et non pas du feu. Ne connais-je pas votre
0 pays? N'ai-je pas vécu en France? (11 parle français, comme un Fran-
(( çais.) Vous serez content, et votre maître aussi. Comment se porte le
<( Roi? Ronjour! Allons à Saint-Pierre. » II était huit heures du matin.
J avais dt^à vu Sa Sainteté, et tout Rome courait à la cérémonie de l'ado-
ralion. Le cardinal Albani est un homme d'esprit, faux par caractère et
iranc par humeur. Sa violence déjoue sa ruse; on peut en tirer parti, en
llatlant son orgueil et en satisfaisant son avarice*. » Cette lettre est' du
!> avril 1829, et est accompagnée du Jown?rt/ secret d'un Conclave que le
Roi voudra bien brûler, dès (|ue son Cabinet en aura fait la lecture. Et,
en attendant la réponse (jui ne viendra pas, — le Roi courant à Ram-
l^ouilletetson Cabin.t se reposant à Saint-Cloud, -Chateaubriand reçoit
les cardinaux en dîners de gala, reçoit la grande-duchesse Hélène en bal
t't en soirée princières, reçoit M. de Clermont-Tonnerre avec ses concla-
vistes, ses secrétaires, ses estafiers, ses valets, son cuisinier et jusqu'à ses
deux chirurgiens pour une seule jambe malade de l'Émineiice héber-ée
al ambassade, comme chez elle. Ce que Chateaubriand ne reçoit pas,
c'est le crédit suj^plémentaire qu'il a demandé au Roi. Cbarles X ne peut
pourtant pas laisser à la charge de son ambassadeur, et la surveillance du
Conclave ([ue celui-ci avait heureusement assumée pour le succès de la
j.oIiti(|ue française à Rome, et Fentretien des cardinaux français dans ce
même conclave. Il est vrai aussi, s'il faut en croire cette mauvaise langue
de Talleyrand, que monsieur l'ambassadeur a déjà coûté une fort belle
somme à la Couronne : « Je crois que M. de Chateaubriand devient un
peu pesant, écrit-il vers cette époque à la comtesse Mollien, femme du
ministre du Trésor, sous l'Empire. On ne voit pas les efl'orts qu'il pré-
^t%'\v ^^'[^r '^^"'T^^''"^^' »• V, p. 177. _ Cf. les notes secrètes sur le
Sacre Collège, a lAppciuhce de ce volume.
i
pi
164
LA PRÉLVTLUE DE LÉON XIII.
tend faire pour les personnes qui lui sont dévouées. Il part pour Rome
avec 301)000 francs d'appointements, et Villemain et Dertin de Vau\
restent là». » Le chiffre est beau, sans doute, mais c'est Talleyrand qui
l'accuse. Et puis, eut pu répondre notre dispendieux ambassadeur à
plus prodigue que lui, il en coûte tant de faire un Pape!
Étonné du silence du Roi, Chateaubriand écrit de nouveau au comte
l'ortalis, le 16 avril: « MM. les cardinaux français sont fort empressés de
connaître quelle somme leur sera accordée pour leurs dépenses et leur
séjour a Rome : ils m'ont prié plusieurs fois de vous écrire à ce sujet.
Je vous serai donc inliniment obligé de m'instruire, le plus tôt possible,
de la décision du Roi. Pour ce qui me regarde. Monsieur le Comte, lors-
que vous avez bien voulu m'allouer un secours do trente mille francs,
vous avez supposé qu'aucun cardinal ne logerait chez moi: or, M. de
Clerniont-Tonnerre s'y est établi avec sa suite, composée de deux concla-
vistes, d'un secrétaire ecclésiastique, d'un secrétaire laïque, d'un valet
de chambre, de deux domestiques et d'un cuisinier français, enfin d'un
maître de chambre romain, d'un maître de cérémonies, de trois valets de
i)ied, d'un cocher, et de toute cette maison italienne qu'un cardinal est
obligé d'avoir ici. M. l'archevêque de Toulouse, qui ne peut marcher,
ne dîne point à table; il faut deux ou trois services à différentes heures,
des voitures et des chevaux pour les commensaux et les amis. Mon res-
pectable hôte ne payera certainement passa dépense ici : il partira, et les
mémoires me resteront; il me faudra acquitter non seulement ceux du
cuisinier, de la blanchisseuse, du loueur de carrosses, etc., etc., mais
encore ceux des deux chirurgiens qui visitent la jambe de monseigneur,
du cordonnier qui fait ses mules bliinches et pourpres, et du tailleur qui
a confectionné les manteaux, les soutanes, les rabats, l'ajustement com-
plet du cardinal et de ses abbés. Si vous joignez à cela. Monsieur le
Comte, mes dépenses extraordinaires pour frais de représentation avant,
pendant et après le Conclave, vous trouverez sans doute que les trente
mille francs que vous m'avez accordés seront de beaucoup dépassés. La
première année de l'établissement d'un ambassadeur est ruineuse, les
secours accordés pour cet établissement étant fort au-dessous des be-
soins. Il faut presque trois ans de séjour pour qu'un agent diplomatique
ait trouvé le moyen d'acquitter les dettes (juil a contractées d'abord et de
mettre ses dépenses au niveau de ses recettes. Je connais toute la pénu-
rie du budget des Affaires Étrangères; si j'avais par moi-même quelque
fortune, je ne vous importunerais pas: rien ne m'est plus désagréable,
1. Talleyrand, Mémoires, Lettres inédites et Papiers secrets, recueillis par Jean
Gor^as. Paris, Savine, 1891. 1 vol., page 181).
L.
•T
LE CABINET \)V ROf.
JG5
je vous assure, que ces détails d'argent dans lesquels une rigoureuse né-
cessité me force d'entrer, bien malgré moi'. » Encore une fois, le Roi,
ses chasses payées ou à payer, n'avait plus assez d'argent pour offrir en-
core à ses menus plaisirs le luxe d'un pape que Chateaubriand avait fait
ehre, à ses risques. D'ailleurs, qu'avait bien pu coûter à l'ambassadeur de
France une ingérence dans les affaires des cardinaux qui, trop flaltés
que le génie honorât ainsi la vertu, avaient économisé à Chateaubriand
autant qu'ils avaient pu de ses frais de représentation? Par déférence, ne
lui avaient-ils pas tous envoyé leurs carrosses, qui escortèrent le sien, le
jour où il se présenta au Conclave? Que pouvait-il désirer encore?
H restait, certes, quelque chose à l'accomplissement de ses souhaits ;
puisque, quelques mois plus tard. Chateaubriand, las de demander inuti-
lement le strict payement de ses dépenses à Rome, envoya au Roi sa
démission d'ambassadeur indigent sur ces mêmes bords du Tibre où
Cmcinnatus avait, il est vrai, vécu pauvre, miiis au milieu de gens
pauvres et vertueux, comme lui. Au contraire, la Réimblique de Bonaparte
n avait-elle pas demandé à la Rome de Pie VII « vingt-deux millions,
l'occupation de la citadelle d'Ancône, cent tableaux et statues, cent ma-
nuscrits au choix des commissaires français? On voulait surtout avoir le
buste de Brutus et celui de Marc-Aurèle : tant de gens en France s'appe-
laient alors Brutus.» » Faisant donc contre mauvaise fortune bon cœur
et coinpren;mt au fond que, si le Roi ne donnait pas à son Cabinet l'ordre
d'envoyer les fonds nécessaires à l'ambassadeur de Rome, c'était parce
que la Révolution, grondant déyà aux abords de Paris, avertissait
Charles X que ces mêmes fonds, économisés sur autrui, seraient bientôt
indispensables à lui-même pour aller vivre en fox-hunting retraité à
Iloly-Rood ; Chateaubriand, aussi digne dans l'infortune dorée de sa charge
présente qu'il l'avait été dans la prospérité menteuse de ses précédentes
missions, prépara sa retraite, en homme accoutumé aux hommes.
Il voulut même, pour la France avare ou ruinée qu'il représentait à
Rome et que l'Autriche faussement libérale dans ses générosités com-
mençait à y éclipser puissamment, jeter des fleurs sur l'abîme qu'il ne
pouvait combler avec de l'or. Il voulut aussi couvrir son rival Albani,
qui avait fini par se montrer à l'œil nu, de ce manteau d'indifférence
dont les fils de Noë dissimulèrent l'ivresse de leur père en s'en allant,
du plus grand air, à reculons : a En quittant le cabinet de Sa Sainteté au
Vatican, je suis descendu chez le Secrétaire d'État et, abordant franche-
ment la question avec lui, je lui ai dit : « Eh bien! vous voyez comme
1. Cf. les Mémoires d'Outre- Tombe, t. V, p. 193.
2. Cf. Ibidem, t. V, p. 210.
160
LA PRÉLATURE DE LÉON XIIL
[M
W
r!^^^^^
« nos journaux vous arrangent! Vous clés « AutricLicn », vous « dë-
« testez la France », vous voulez lui jouer de mauvais tours. Que dois-je
« penser de tout cela? » Il a haussé les e'paules et m'a répondu: (( Vos
« journaux me font rire. Je ne puis pas vous convaincre par mes paroles,
« si vous n'êtes pas convaincu ; mais mettez-moi à l'épreuve, et vous
(( verrez si je n'aime pas la France, si je ne fais pas ce que vous me
« demandez au nom de votre Roi. » Je crois le cardinal Albani sincère. Il
est d'une indifférence profonde en matière religieuse. Il n'est pas prêtre ;
il a même songé à quitter la pourpre et à se marier. Il n'aime pas les
jésuites; ils le fatiguent par le bruit qu'ils font. Il est paresseux,
gourmand, grand amateur de toutes sortes de plaisirs : l'ennui, que lui
causent les mandements et les lettres pastorales, le rend extrêmement
peu favorable à la cause des auteurs de ces lettres et de ces mandements.
Ce vieillard de quatre-vingts ans veut mourir en paix et en joie'. »
Nous avions comparé le respect de Chateaubriand envers ce politicien
ivre ou dément de l'Église, à la piété d'un des fils de Noë surprenant
leur père dans les vignes traîtresses. Ne vaudrait-il pas mieux conq)arer
la plume du Français intraitable qui le visait, si indépendant et de si
haut, à la flèche de l'invincible Partlie tirant sur cet ennemi d'origine
déjà ancienne, le Romain invaincu?
Chateaubriand laissant, comme une proie fiicile à l'intrigue autrichienne,
cette Rome de César et de Pierre où le dernier Latin des temps classiques
et le dernier Chrétien de l'ère évangélique avait rêvé de trouver sa cellule
près de celle du Tasse à Sant-Onofrio, et son tombeau non loin de celui
de Rrutus au Forum, rentra donc à Paris. Il voulait voir, de sa modeste
demeure de la rue d'Knfer, comment l'ancien pensionnaire de la troupe
Nicolet engagée à Trianon saurait encore danser sur la corde de son
maître Placide et passer sur le volcan des Journées de Février, sans
brûler les bouffettes exquises de ses souliers de soie et les choux blancs
de ses culottes de peau. Ce Martignac que Charles X appelait « la Pasta »
et que le Roi gardait encore dans sa troupe, n'égayerait-il pas de sa voix
de sirène la chute de la « royauté de l'honneur » et l'avènement de la
« royauté des affaires »? Ainsi regardant, à Paris, Charles X et son
Cabinet passer le sceptre à Rothschild et à Torlonia, Chateaubriand,
qui avait peut-être deviné dt\jà le futur émancipaleur du siècle en la
personne d'un jeune étudiant du Collège Romain dont la diplomatie
future mettrait à profit les recherches politiques et dont la génération
à venir utiliserait les démocratiques trouvailles; Clfateaubriand, honteux
i. Cf. les Mémoires d'Oulre-Tombe^ loc. cit.y p. 203.
LE CABINET DU ROL
107
de vivre si longtemps dans ce siècle de monarchique jntransigeance qui
ne voulait encore rien entendre aux libérales concessions qu'une Noblesse
surannée aurait dû faire à un Tiers État désormais maître ; Chateau-
briand, las de marcher seul dans le vide, comme dans cette église dé-
serte des Pyrénées où les pas du vieillard retentissant sur des tombeaux
lui révélèrent tout à coup sa propre solitude, commença à désespérer de
son âge. Ce fut précisément l'époque où JoachimPecci, passant de l'école
de France à l'école d'Autriche et de l'influence de Chateaubriand à celle
de Metternich, entreprit, dans la foi que lui prêtait sa jeunesse, d'en
renouveler l'espoir.
il
il
' (
Sailli Pierre de lionic el le Valiean.
III
4
1
DE CHATEAUBRIAND A METTKRMCH
Un historiogra})lic de Louis-
Philippe raconte qu' « un jour,
se promenant àNeuilly, le nou-
veau roi de France aperçut un
«^aniin d'une dizaine d'années,
qui s'elïorçait de dessiner sur
une porte du parc, avec un
morceau de craie, la figure du
monarque caricaturée sous la
forme d'une poire. Louis-Phi-
lippe s'approcha doucement de
l'enfant et, lui prenant la craie, lui dit : « Tu t'y prends mal; c'est
« comme cela qu'il faut faire ». Et il acheva la caricature*. »
— Parbleu ! eut pu riposter le gamin, n'avez-vous pas cte' profes-
seur de dessin à Reichenau? ^^
1. Cf. f.e fiai Louis Philippe, par le marquis de Fiers, C. IX. j). 135. Paris,
Dontu, I8U1.
Aulour (le Pérouse.
4
\)E (JL\TEAl BHIAM) A MKTTERMCIL
1G9
II est vrai que cet enl'ant, plus vieux de quelques années, eût pu faire
lire au même roi Louis-Philippe, si fort en dessin, une ûmte d'orthographe
sur sa formule d'abdication dont on aurait rougi à l'école primaire. Ainsi
mûrissaient sur les espaliers de l'Lurope, depuis la fin de l'épopée napo-
léonienne, sous la garde des derniers geôliers de la monarchie expirante
contre l'aulocralie retardataire (les(|uels un libéralisme troj) vert encore
ne pouvait rien, les heureux fruits d'une si profitable paix. Du moins,
de cette grasse paix, profiteraient les instauraleurs d'une monarchie
nouvelle, ces ploutocrales de la fortune privée qui allaient remplacer si
puissannnent, chez le Pape et chez le Roi, aussi bien ruinés l'un que
l'autre, les aristocrates' décavés de la fortune publique. Et, sans doute,
«ju'il n'y avait pas de honte à prendre l'argent où il était. Rothschild
l'avait trouvé en vingt-cjuatre heures, d'un seul coup de bourse, sur les
cadavres de Waterloo ; et Torlonia, en un peu plus de temps et de patience
peut-être, d'un autre coup de bourse, sur les sels et les tabacs de l'État
pontifical que personne ne s'était donné la |»eine de régir, avant lui. Et
l'action de ces banquiers juifs ou chrétiens ne devait même pas être si
noire, puisque personne en Europe ne s'en apercevait. Tout au plus
un Joachim Pecci, dans sa Correspondance, laissait-il transparaître son
insurmontable dégoût pour ces Romains d'un genre moderne, ces Tor-
logne d'Auvergne dont le chef, autrefois misérable, finissait par mourir
dans le plus beau palais de la ville vandalisée des papes : « Il est donc
mort, ce Torlonia richissisme. Ce fut le 25 février qu'il succomba, âgé
de quatre-vingts ans environ, à la suite d'une congestion pulmonaire.
Son cadavre a été exposé au public, dans son palais. En cette occasion,
on a pu voir ses appartements splendides et sa magnifique galerie ^ »
Comme suite au motif amusant «|u'Horace Vernet venait de peindre,
dans sa Prise de la Smala , où un Rothschild avait obtenu pour rien
son portrait qu'il n'avait pas voulu payer à l'artiste. Chateaubriand
aussi, dans sa Correspondance, exprimait à Mme Récamier le même
dégoût du juif ou du catholi(|ue usurier, devant sa dépouille funèbre :
« La mort est ici. Torlonia est parti, hier au soir, après deux jours
de maladie. Je l'ai vu tout peinturé sur son lit funèbre, l'épée au côté.
Il prêtait sur gages; mais quels gages! Sur des antiques, sur des
tableaux renfermés pêle-mêle dans un vieux palais poudreux. Ce n'est
pas là le magasin oîi l'avare serrait un luth de Rologne garni de toutes
ses cordes ou peu s'en faut, la peau d'un lézard de trois pieds et le
lit de quatre pieds à bandes de point de Hongrie*. » Et Stendhal
1. Cf. l'Epistolaiic de Joacliim Pecci, dans la Jeunesse de Léon Mil, p. 247.
"2. Cf. les Mémoires d'Oulre-Toitibc ^\c C\:a[cnuhrhnu\, t. V, p. I5G.
.-** — fc!; ill.i.ifca '
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Saint Piono de Koinc cl le Valiean.
III
I>K tlIATEAlKUlAKD A MKTTKK.MCII
l'ii liisU)ri(>iira|»lic de Louis-
l*liilij>[»(' nuonle qu' a un jour,
se pronienaiil à Nt'uilJN , le nou-
veau roi lie France aperçut un
^ainin d'une dizaine d'années,
«pli s'elloreait de dessiner sur
une porte du pare, avec un
morceau de craie, la figure du
nionanpic caricaturée sous la
forme d'une poire. I.ouis-PIii-
Iip[>e s'apj)roclia doucement de
reniant et, lui prenant la craie, lui dit : u Tu t'y prends mal; c'est
(( comme cela cpi'il Tant faire ». Et il acheva la caricature*. »
— Parbleu ! eut pu riposter le gamin, n'avez-vous pas été profes-
seur de dessin à Heiclienau? ^
I. U. Le Hui Lo:iis l'iiilippc. par le manjuis «le Fiers, C. 1\. ]i._ l."rJ. Paris,
Autour (le Pérousc.
lŒ ClIATi: AI BKIAM» A MKTTKILMCII.
101)
II est vrai (pie cet enlanl, plus vieux de quelipies années, eut \ni faire
lire au nièine roi L(Kiis-Pliilippe, si fort en dessin, une faute d'()rlliogra[)lie
sur sa formule d'abdiciition dont on aurait rougi à l'école primaire. Ainsi
mûrissaient sur les espaliers de l'Kurope, depuis la lin de l'épopée napo-
léonienne, sous la garde des derniers geôliers de la monarchie expirante
«outre l'aulocratii' retardataire des«piels un libéralisme tr(»p vert encore
ne pouvait ri«'n, les heureux fruits d'une si profitable paix. Du moins,
de celte grasse paix, profiteraient les instaurateurs d'une monarchie
nouvelle, ces ploulocrates de la fortune privée «pii allaient remplacer si
puissamment, chez le l*ape et chez le lloi, aussi bien ruinés l'un «pie
I autre, les arislo«rates décavés de la fortune jjubliipie. Kt, sans doute,
«pi'il n'y avait pas de honte à prendre l'argent oij il était. Rothschild
l'avait trouvé en vingt-<|uatre heures, d'un seul coup de bourse, sur les
cadavres de \Vaterl«)o; et Torlonia, en un peu plus de temps et de patience
peut-être, d'un autre coup de bourse, sur les s«'Is et les tabacs de l'État
pontifi«al «pie j)ersonnc ne s'était dcjimé la peine de régir, avant lui. Kt
I ;»eti«»n de ces ban«juiers juifs ou chrétiens ne devait même pas être si
noire, puis<pie personne en Euh^jk' ne s'en aperc«'vait. Tout au j»his
un Joachim l'ecci, dans sa Correspoudance. laissait-il tr.ms[)araître son
insurmontable dégoût pour c«'s Romains d'un genre moderne, ces Tor-
logne d'Auvergne d«uit le chef, autref«»is misérable, finissait par mourir
dans le plus beau palais de la vill«' vandalisée des papes : « 11 est don«'
mort, ce T«»rl«)nia ri«hissisme. Ce fut le 2h févri«,T «pi'il succomba, âgé
«le «pialre-viiigts ans environ, à la suite dune congestion pulmonaire.
Son cadavre a été exposé au publie, dans s«>n palais. En cette occasion,
on a pu voir ses appartcMiients s[)lendides et sa magnifi«pie galerie^ »
Comme suite au motif amusant «|uTlorace Vernet venait do pehidre,
dans sa l*rise de la Sinald. «)ii un liothschild avait obtenu pour rien
son portrait «ju'il n'avait pas voulu payer à l'article, Cliateaubriand
aussi, dans sa Correspondance^ exprimait à Mme Hécamier le même
dég«)ùl du juif ou du «•atli«)li«pie usurier, devant sa dépouille funèbre :
«( La mort est ici. T«nionia est j>arti, hier au soir, après d«'ux jouis
de maladie. Je l'ai vu tout peinturé sur son lit funèbre, l'épée au cV>té.
II prêtait sur gages; mais «piels gages! Sur des anti«pies, sur des
tableaux lenfermés pêle-nii-le dans un vieux palais poudreux. Ce n'est
pas là le magasin où l'avare serrait un luth de Cologne garni de toutes
ses cordes ou peu s'en faut, la peau d'un K'zard de trois pieds et I«*
lit de «juatre pieds à bandes de point de Hongrie*. » Et Stendhal
I. (;f. l'E[»ist«)!airo tic Joacliiin IV'cci, dans la Jeunesse de Léon Mil, p. '247.
"l. Cf. les Mènioiéfif d'Oulre-Tomhcilc 0.d[<'uu\)runii\, \. \\ p. 150.
I '
i \
1^1
u
i
170
LA PRÉLATL'RE DE LÉON XIH.
surencluTissant ajoutait : « De la condition la plus vulgaire, M. Tor-
lonia s'est élevé par son savoir-faire à la condition la jdus brillante.
L'amour exclusif de l'argent est, selon moi, ce qui gâte le plus la
figure humaine. La bouche surtout, exempte de toute sympathie chez
les gens à argent, est souvent d'une atroce laideur. M. Torlonia est
curieux à entendre, lorscju'il raconte l'histoire de la rivalité des jeunes
princes romains qui sollicitent la main de ses filles. Il a une sorte de
naïveté dans son respect sans borne })our l'argent. Pendant plus de dix
ans, il n'a pas osé venir habiter le palais : une diseuse de bonne aven-
ture lui avait prédit qu'il mourrait, la première nuit (pi'il y couche-
rait *. )) Sur toutes les bourses européennes s'abattait ce vol de corbeaux,
chercheurs d'or, qui ne le trouvaient déjà plus sur les champs de bataille
épuisés et qui le chercheraient dorénavant sur les champs de la paix et
du travail. En sorte qu'après avoir tout spéculé, tout raflé, tout volé, —
grâce au repos d'une paix prolectrice et à l'ombre tutélaire du coq
gaulois qui, dans cette occurrence, ne vaudrait pas la plus sotte oie du
Capitole, — ces corbeaux d'outre-Rhin, d'outre-Manche et d'outre-Mont,
qui s'étaient abattus sans bruit sur l'Europe, seraient, du jour au
lendemain, prêts à reprendre vol vers l'étranger, laissant aux pays ra-
vagés par eux cette chose horrible, — la misère, — et cette autre chose
sinistre, — l'insurrection. Et voilà ce qu'on aurait gagné, depuis les
journées de juillet 1850 jusqu'aux journées de février 1848, à cultiver
la poire, pendant dix-huit ans.
Car les révolutions ne sont que les efîets réels de causes très cer-
taines. II n'eût suffi à la bourgeoisie régnante de ce temps-là que de
voir un peu plus loin que l'orbile de ses lunettes d'or, pour deviner
l'orage que les corbeaux de la finance, survenant après les aigles de la
conquête dans le ciel rasséréné de l'Europe, y annonçaient sinistrement.
On savait, certes, ce qu'avait été la première Révolution des Droits contre
les Privilèges, et l'on avait quebpie raison de s'applaudir de ses coû-
teuses et légitimes conquêtes. Mais la deuxième Révolution de la Misère
contre la Finance dont les orages de Juillet, sanglants encore qu'ano-
dins, ne faisaient présager rien de bon, que serait-elle? Que résulterait-il,
— non plus pour un pays seulement, mais pour l'Europe entière traquée
par l'àpre faim, — que résulterait-il d'un autre blocus continental que
quelques portefeuilles juifs exécuteraient, de leur plein gré, à l'heure
qu'ils jugeraient la plus propice pour tordre d'angoisse, dans le cirque
funèbre de leurs actions, des foules entières sans-argent et sans painV
1. Cf. les Promenades dans Honte, l. L p. 1G5.
DE CHATEAUBRIAND A METTERNICH.
171
L'argent : on l'aurait renfermé dans les cavernes d'Alibaba; et qui vien-
drait l'y prendre, ne sachant pas même où il est? Le pain : sans l'argent,
où l'avoir?... Tel est encore le problème dont les secrets de Dieu réser-
vent la solution terrible au siècle qui recommence pour en souffrir,
qui sait, peut-être plus que le précédent.
La ténébreuse donnée en fut nettement dégagée par Pecci, dès la
première heure. D'un premier coup d'œil de maître dans l'histoire de
son temps, celui-ci eut le mérite et la tristesse de lire la filiale page de
la fin, bien des années avant que l'eussent tournée les doigts qui n'au-
raient dû servir qu'à la déchirer quand elle était blanche encore du
sang dont, par la main de quelques hommes et pour le malheur de
l'humanité tout entière, elle serait, un jour, écrite. Mais la vie politique
de Joachim Pecci présente une telle unité de vues convergeant, dès les
premières années, à ce point final où la dernière note du diplomate
nonagénaire les résumera toutes ; que, le voyant à cette heure de sa
première jeunesse, au seuil de la longue carrière qu'il va fournir, il
semble nécessaire de découvrir, comme d'un coup d'œil prophétique,
l'avenir sombre qui l'attend et les bienfaits que lui demandera son
siècle.
Comme il y a la politique d'action, qui exécute dans le tumulte de la
vie civile et mihtaire les plans conçus, il y a la politique de pensée anté-
rieure à l'autre et conséquemment supérieure, pour les génies puissants
qu'elle y eujploie et les humbles vertus qu'elle y dépense. Celle-ci a, sur
celle-là, l'élévation de la main sur le plan (pi'elle trace; elle y tient la
distance de la chaîne dont un chasseur conduit la meute, ou du guidon
dont un tireur suit le tracé. Mais, comme la pensée reste cachée, la
politique de conception reste invisible et ne laisse apparaître que les
hommes ou les choses qu'elle dirige à son gré, sous les livrées d'or ou
de cuivre dont elle les distingue au regard. Qu'importe de ne pas voir la
balle, si, dans son invisible trajectoire, elle atteint l'ennemi et l'abat?
Qu'importe à l'histoire le nom des ministres inconnus qui dirigèrent les
conquêtes des Alexandre et celles des César? Machiavel ne fut qu'un pas-
sant inconnu, au milieu des paysans de San Casciano; et dix pages de sa
plume allaient pourtant suffire pour renverser le système des victoires
anciennes par la force, auquel succéderait le système des victoires mo-
dernes par la ruse. Si Joachim Pecci va dépenser près de quarante
années d'études, les plus remarquables et les plus ignorées, pour arriver
aux fructueuses conclusions que nous révélera seulement sa vieillesse,
qu'importe encore; — puisque le but à toucher sera, un jour, atteint?
Fort de sa valeur et de sa patience cet admirable meneur des peuples
h
U '•
172
L.\ PRÉLATIIRE l)K LÉON XIII.
de demain, auquel la victoire n'est promise qu'avec les cheveux blancs,
débute dans la carrière diplomatique à l'heure où sa jeunesse, excep-
tionnellement brillante, promet de le l'aire parvenir promptement aux
honneurs. Mais la main de Dieu, plus généreuse que celle des hommes,
ne s'est-elle pas chargée de conduire elle-même son élu à la suprême
récompense, en faisant passer par les plus modestes étapes son ambi-
tieux encore que pacifique vaincpieur?
Le Bmn Govemo était, en 1858, quand Joachim IVcci y fut admis en
«{ualité de simple expéditionnaire ou ponent, le bon petit <( Ministère de
rintérieur » de l'État Pontifical, qui ne pouvait guère s'en payer de plus
grand. Paisiblement assis à l'ombre et dans la solitude des vieilles rues
qui l'isolaient du mouvement de la ville et de la vie du siècle, en quebpie
sorte, ce « ministère du bon repos » n'avait de relations que celles (pii le
reliaient au Vatican, par les allées et veimes de ses jeunes et de ses vieux
ponents. Les vieux étaient les plus nombreux, dans celte maison (|ui ne
renouvelait pas son personnel deux fois en un siècle. Vêtus, l'hiver
comme l'été', de l'ample soutanelle ouvrant sur le jabot où la poudre de
tabac faisait miracle d'endurance, les mollets bien à jour dans des sou-
liers à boucles en cuivre mal doré ou en métal blanc mal argenté, on
les voyait, quelque temps qu'il fît, avec leur inséparable parapluie de
cotonnade verte, longeant à la même heure les mêmes rebords de trottoir
et d'ombre, n'acceptant pas pour une fortune de changer le côté de rue
que, de date immémoriale, ils avaient l'habitude de suivre.
A cette vieille race d'employés aussi intransigeants dans leurs idées
qu'inamovibles dans leur poste, s'opposait dt^à un élément plus juvénile
tt plus stylé qu'on eut pu appeler le « nouveau monde des ylobe-
trotters » de la politique pontificale pour le va-et-vient continuel oij, de
gaieté de cœur, ils allaient se laisser condamner. Strictement serrés
dans leur collet romain à la blancheur de neige qui émergeait de la
soutane collante et de la douillette de drap tin, boutonnés jusqu'au
menton et ccdlés comme des lettres de ministère pour ne rien perdre
des secrets de l'État, cette jeunesse élégante de « ponents » qui posaient,
sous la désinvolture du léger tricorne de casior qui les coilfait, moitié
en gens d'église, moitié en gens de cour, j)ouvait s'inlituler, de la tête
aux pieds de leur noble personne, et selon l'expression pittoresque de
l'un d'entre eux :
« Les Manuels ambulants des parfaits candidats- aux Délégations et
aux Nonciatures vacantes » .
Il n'était pas, au Vatican, une nouvelle intéressant la Ville, cjue ces
^*î
'5sn*w^*«»igpS|»' ■
DE CHATEAUBRIAND A METTERMCIL
175
fines mouches n'eussent aussi la charge d'y porter, avec un bruit d'ailes
perceptible à peine et un tour de langue impossible à surprendre. Du
jKipe à son moutardier, pas une histoire dont ces abbés de cour ne
lissent payer cher les pots cassés. Comment Sa Sainteté s'arrangeait-elle,
pour ne nommer ses cardinaux et autres prélats de sa cour, que vingt-
quatre heures après que les « ponents w bien informés n'eussent propagé
dans Home les noms des candidats élus? Mais c'est que Sa Sainteté elle-
mêiue n'avait pas le droit de mourir avant que ces informateurs en
titre, — cet « escadron volant » de l'intrigue romaine, — n'en eussent
arrêté, au su de tous, l'heure et le cérémonial. Par exemple, en cas
de mort pontificale, on les verra partout à la fois; chez le pape défunt
et thez le cardinal papable, aux novemdiales de Saint-Pierre et au
conclave de la Sixline; les corridors interminables du Vatican ne seront
plus que les trompettes aux cent voix par où ces infatigables souffleurs
jetteront sur la ville et le monde plus de nouvelles qu'il n'en faut pour
défrayer les plus rapides et comjdètes chroniques : « L'extrême désir
que j'avais de vous envoyer au plus vite la nouvelle, — alors toute
nouvelle, — de la mort de Léon XII, m'avait déterminé à vous en
écrire deux lignes dans une lettre vraiment informe. Et, pour com-
pléter ce chef-d'œuvre, comme le bureau de poste allait fermer, j'étais
entré l'écrire en toute hâte dans la boutique d'un cordonnier*.... »
Par cette dernière note, Joachim Pecci montre que, s'il est aussi une
fine mouche des antichambres pontificales, il ne l'est pas au point de
dédaigner l'échoppe d'un cordonnier pour y rédiger plus rapidement ses
tablettes.
Quehiues mois plus tard, ce sera le tour de Pie VIII, mort pré-
maturément; et la plume de notre jeune correspondant ira aussi bon
train que la veille, pour enregister à la fois les funérailles et le
conclave : « Le Pape est mort, les novemdiales ont été célébrées, et les
cardinaux entrent aujourd'hui en conclave. Hier, on disait qu'ils n'iraient
pas en procession, de Saint-Silvestre au Quirinal, selon l'usage. Au
matin d'une détermination si extraordinaire, les uns la mettaient sur
le compte du temps toujours pluvieux, les autres prétextaient la décou-
verte d'un complot tendant à troubler, dans Rome, la situation poli-
titjue actuelle. Le fils d'IIortense et de Jérôme Bonaparte, le garde-noble
Troili, Ernest Gozzano et beaucoup de Français, sont donnés par tout
le n)onde comme les auteurs de ce complot*. » Et Joachim, toujours à
l'éveil dans les couloirs du Vatican et dans les rues de Rome, se pré-
1. Cf. l'EpistoIaire (le Joacliiin Pecei dans la Jeunesse dû Léon XIII, p. 250.
ii. Cf. Ibidem, p. 2'.>4.
. /
r,
174
LA PRELATURE DE LÉON XIII.
pare à rédiger pour la deuxième fois les notes secrètes du conclave d'où
le cardinal Cappellari sortira vainqueur, sous le nom de Grégoire XVI.
L'échoppe du cordonnier est encore là, près de la poste, pour permettre
au jeune homme de rédiger et d'expédier plus vite les nouvelles. Mais
Chateaubriand, où est-il maintenant, pour donner à un informateur si
sûr le contrôle des notes mêmes d'un ambassadeur? Parti, lui aussi,
sinon encore pour l'autre monde comme Madama Vidoni qui n'a pu
résister à tant d'esprit du Siynor Ambasciadore ' ; du moins pour d'autres
destinées et d'autres infortunes, loin de Rome qui n'a pas voulu mêler
les cendres de l'Ambassadeur à celles des Césars : « Cette nuit est
mort l'éminentissime Vidoni. Son testament mérite qu'on l'écoute, mais
je passe outre », écrit Pecci*. Et Chateaubriand : « On ne voit que
des défunts, que l'on promène habillés dans les rues; il en passe un
régulièrement sous mes fenêtres, quand nous nous mettons à table pour
dîner. Au surplus, tout annonce la séparation du printemps; on com-
mence à se disperser; on part pour tapies. On reviendra, un moment,
pour la Semaine Sainte, et puis on se (jui liera pour toujours. L'année
prochaine, ce seront d'autres voyageurs, d'autres visages, une autre
société. Il y a quelque chose de triste, dans cette course sur des ruines.
Les Romains sont, comme les débris de leurs ruines : le monde passe h
leurs pieds. Je me figure ces personnes rentrant dans leurs familles,
dans les diverses contrées de l'Europe, ces jeunes misses retournant au
milieu de leurs brouillards. Si, par hasard, dans trente ans d'ici, quel-
qu'une d'entre elles est ramenée en Italie, qui se souviendra de l'avoir
vue dans les palais dont les maîtres ne seront plus? Saint-Pierre et le
Colysée, voilà tout ce qu'elle-même reconnaîtrait*. » Est-ce le post-
scriptiim du maître à celle vie de Rome, finie pour lui, et sur les pous-
sières augustes de lacpielle aucun doigt d'homme n'aura tracé plus
magnifiquement que lui ce mot de vanité qui acliève de résumer toute
chose ici-bas ?
Peu pressé de quitter Rome pour Paris et les vanités du siècle pour
les néants de l'éternité, Chateaubriand flût, avant de partir, à Joachim
Pecci une leçon de politique générale dont le jeune élève se souviendra
longtemps. Répondant aux bruits d'occupation des Légations romaines
par l'Autriche, le maître écrit : « Laisser occuper les Légations ou
mettre garnison autrichienne à Ancône sous un prétexte quelconque, ce
serait remuer l'Europe et déclarer la guerre à la France. Or, nous ne
sommes plus en 1814, 1815, 181G et 1S17; on ne satisfait pas impu-
i. Cf. l'Épislolaire de Joachi.i Pecci, dans la Jeunesse de Léon XIII, p. 285.
2. Cf. les Mémoires d'Outre -Tombe, l. V, p. 157.
'*•«»■
DE CHATEAUBRIAND A METTEUMCII. 175
némcnt sous nos yeux une ambition avide et injuste. Ainsi, que le car-
ci. nal Alhani ait une pension du prince de Metternicii ; qu'il soit le parent
du duc de Modène, auquel il prétend laisser une énorme fortune- qu'il
trame a«c ce prince un petit complot contre l'héritier de la couronne
de Sardaigne; tout cela est vrai, tout cela aurait été dangereux à l'époque
ou des Gouvcrnenients secrets et absolus laisaicnt marcher obscurément
des soldats, derrière une obscure dépèche. Mais aujourd'hui, avec des
.ouvemements publics, avec la liberté de la presse et de la parole, avec
le iclegraphe et la rapidité de toutes les communicalions, avec la con-
naissance des affaires répandue dans les diverses classes de la Société
on est a 1 ahri des tours de gobelet et des (inesses de la vieille diplo-
matie On prend i-our des conspirations ce qui n'est que le malaise de
ous, le produit du siècle, la lutte de l'ancienne société avec la nouvelle
le combat de la décrépitude des vieilles institutions contre l'éner-ie des
jeunes générations; enfin la comparaison que chacun fait de ce nui est
a ce qui pourrait être. Ne nous le dissimulons pas : le grand spectacle
de la Irance puissante, libre et heureuse, ce grand spectacle qui frappe
les yeux des nations restées ou retombées sous le joug, excite des reorets
ou nourrit des espérances. Le mélange des gouvernements représentatifs
et des monarchies absolues ne saurait durer; il faut que les unes et les
autres périssent, que la politique reprenne un égal niveau, ainsi imc du
temps de 1 Euroi.e gothique. La douane d'une frontière ne peut désor-
mais séparer la liberté de l'esclavage; un homme ne peut plus être
pendu de ce côté-ci d'un ruisseau, pour des principes réputés sacrés de
I autre cote de ce même ruisseau. C'est dans ce sens, et uniquement
dans ce sens, qu ,1 y a comphalion en Italie; c'est dans ce sens encore
que I Italie est /,«„f „/..«. Le jour où elle entrera en jouissance des
droits que son inte ligence aperçoit et que la marche progressive du
temps lu, apporte, elle sera tranquille et purement italienne. Ce ne sont
point quelques pauvres diables de cavbomn, excités par des manœuvres
de police et pendus sans miséri.^orde, qui soulèveront ce pavs. On donne
aux Gouvernements les idées les plus fausses du véritable état des
choses; on les empêche de faire ,.e qu'ils devraient faire pour leur
sure.c, en leur montrant toujours comme les conspirations particulières
d une pignce de Jacobins ce qui est l'effet d'une cause permanente et
générale. „ A ces idecs théoriques, qui précèdent ou qui suivent les
laits pratiques et paraissent plus spécieuses que précises, Joachim Pecci
repon, par la constatation toute simple et déjà effrayante des conspira-
tions el es-memes. Que les causes de la révolution italienne soient, ou
non, telles que Chateaubriand les raisonne; l'abîme n'en est pas moins
/'
</ •*"
I
il)
1 1
• -
\l
17C
LA PRÉLATURE DK LKON X[1I
ouvert et empoche de raisonner plus longuement des gens que la réalilc
des faits menace de pre'cipiter a chaque heure : « Comme les e'meutes
particulières sont, la plupart du temps, fomentées par ces mêmes
individus qui ont prémédité et établi un plan général de révolte, il
était facile de conjecturer, par les soulèvements partiels des provinces,
que quelque mouvement révolutionnaire se manifesterait aussi dans la
capitale. Une bande de scéléntls, de quehiue Aiçon qu'elle s'y soit prise,
soit séparément, soit de concert avec les [)rovinces en révolte, — ce
que je crois plus aisément, — s'était imaginé pouvoir séduire et
égarer le peuple de Rome et, comme cela est arrivé ailleurs, embar-
rasser ainsi le Gouvernement pontifical. Pour cet infâme complot, on
avait choisi les derniers jours du carnaval, et la révolte devait éclater
selon le plan que je vais vous exposer. A la date fixée, tandis que quel-
ques chars reaq)lis de masques armés de fusils et de pistolets parcou-
raient le Corso, deux hommes masqués se postaient à côté de chacun
des soldats qui, au tem[)s du carnaval, sont échelonnés de distance en
distance, le long du Corso. Le moment convenu serait la seconde dé-
charge des mortiers qui est tirée pour faire écarter les voitures. A ce
si'mal, les chars vomiraient sur le Corso une bande de furieux en armes
qui, se répandant dans les rues, contraindraient violemment le peuple
à les suivre et à faire avec eux cause commune. En même temps, les
masques postés le long du Corso poignarderaient et désarmeraient les
soldats. Le torrent de l'émeute s'étant grossi de la sorte à la faveur de la
nuit, imaginez-vous quel bouleversement, quel désordre et quelle
anarchie auraient régné! C'était pour le moins le pillage et le sac des
propriétés privées et, principalement, des communautés et des monas-
tères. Cette nuit criminelle aurait fait nombre de j)rosélytes. liCS bons
citoyens, effrayés et découragés, se seraient bien plus préoct-upés de
sauve'^arder leurs personnes et leurs biens, que de veiller à la tran(|uil-
lilé de la ville; et ainsi les rênes du Couvernement seraient probable-
ment tombées des mains du Pape. Conmie, parmi les rebelles, il n'y
avait persoime qui présentât queb|ue crédit aux yeux de l'opinion, on
devait s'emparer du prince Altieri et l'obliger à souscrire à sa nomi-
nation de Gouverneur de Rome.... Les Transtévérins, entre autres, et les
citoyens des Montiy dont les sentiments sont assez conmis, témoignent
beaucoup d'enthousiasme et d'attachement au gouvernement du Pape.
Quelques ultramontains qui, durant ces jours de trouble, étaient sortis
de leurs (juartiers (soit dans une intention mauvaise, soit par aventure)^|
ont été reçus à coups de sifflets et de j)ierres. On raconte aussi (jue,'
samedi matin, tandis que le Ihqie [utssait par le Transtévère au milieu
Le prince Clémcnl «le Melleriiich, en 1826. (D'après Fawreiice.)
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170
LA l'KKLATLIU: OK LKON Xlll
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ouvert et empêche de raisonner |»Ias longuement des gens que la ré;dit('
des faits menaee de |)ri'ei|»iter à cha(|ue heure : « (lomrne les émeutes
particulières sont, la plupart du tem[)s, lomentées par ees mêmes
individus qui ont prémédité et élahli un plan (je'néral de révolte, il
éliiit larilede eonjiH'turcr, |»ar les soulèvcnuMits partiels des provinees,
(lue quelque mouvement révolutionnaire se manifesterait aussi dans la
capitule. Une hande de scélérats, dr quehpie façon qu'elle s'y soit [»rise,
soit séparément, soit de concert avec les provinces en révolte, — ce
(|ue je crois plus aisément, — s'était imaginé pouvoir séduire et
égarer le peuple de Rome et, comme cela est arrivé ailleurs, emhar-
rasser ainsi le riouvcrnement pontifical. Tour cet infâme complot, on
avait choisi les derniers jours du carnaval, et la révolte devait éclater
selon le plan que je vais vous exposer. A la date tivée, tandis (pie «piel-
qucs chars remplis de mas<{ues armi-s de fusils et de pistolets parcou-
raient le Corso, deux hommes masiiués se postaient à côté de chacun
des soldats «pii, au temps du carnaval, sont échelonnés de distance en
distance, le long du Corso. Le moment convenu serait la seconde dé-
charge des mortiers ([ui est tirée pour faire écarter les voitures. A ce
signal, les chars vomiraient sur le Corso une bande de furieux en armes
(lui, se répandant dans les rues, contraindraient violemment le [)eu[de
à les suivre et à faire avec eux cause commune. En mémo temps, les
masques postés le long du Corso poignarderaient et désarmeraient le>
soldats. Le torrent de l'émeute s'élant grossi de la sorte à la faveur de la
nuit, imaginez-vous (jucl bouleversement, (juel désordre et (pielle
anarchie auraient ri'gné! C'était pour le moins le pillage et le sac des
pr<M)riétés [>rivées et, principalement, des communautés et des monas-
tères. Cette nuit criminelle aurait fait nombre de prosélytes. Les bous
citoyens, elîVayés et découragés, se seraient bien plus préoccupés de
sauveiiai'der leurs i)ersonnes et leurs biens, (pie de veiller à la tran<piil-
lilé de la ville; et ainsi les rênes du (iouvernement seraient [U-obable-
ment tombées des mains du Pape. Comme, parmi les rebelles, il n'\
avait personne (pii présentât (pielque crédit aux \eux de ro[»inion, on
devait s'emparer du prince Altieri et l'obliger à souscrire à sa noini-
naliondeCouverneur de l»ome.... Les Transtévérins, entre autres, et les
citoveus (le> Monti. dont les seniiments sont assez connus, témoignent
beaucoup d'enthousiasme et d'attachement au gouvernement du Pape.
Oueltpies uUramonlains «pii, durant ces jours de trouble, étaient sortis
de leurs (niarliers (soit dans une intention mauvaise, soit par aventure),
ont été reçus à coups de sifllets et île pierres. On raconte ;iussi (pie,
samedi matin, tandis «pie le Pa[>e passait par le Transtévère au milieu
\a' |u-iiM'»! (ilt'inciil i\v. McUcrnicli, (M1 182C. ;l)'ajnv' I !i\v:\m:(«'.;
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178
LA PRÉLATURE DE LÉON Mil.
de vives acclamations, un piquet de Transtévérins se forma qui lui
disait :
— Saint-Père, n'ayez pas peur de ces moustachus, de ces jaco-
bins!... Nous sommes là!... Saint-Père, n'ayez pas peur, ce n'est (fu un
accident!....* »
A ces arguments positifs de Pecci, Chateaubriand finit par répondre
aussi positivement : « Chacun des Ktals italiens, outre le travail com-
mun des esprits, est tourmente de quelque maladie locale. Le Piémont
est livré à une faction fanatique. Le Milanais est dévoré par les Autri-
chiens. Les domaines du Saint-Père sont ruinés par la mauvaise admi-
nistration des finances. L'impôt s'élève à près de cimpiante millions et
ne laisse pas au propriétaire un pour cent de son revenu. Les douanes
ne rapportent presque rien; la contrebande est générale. Le prince de
Modène (celui à qui sa mère disait, comme conseil suprême : Va e
fa danef Va et fais de l'argent!) a établi dans son duché des magasins
de marchandises prohibées, lesquelles il fait entrer, la nuit, dans la
légation de Bologne.... C'est l'absence de la vertu militaire cpii prolon-
gera l'agonie de l'Italie. Bonaparte n'a pas eu le temps de faire revivre •
cette verUi dans la patrie de Marins et de César. Les habitudes d'une
vie oisive et le charme du climat contribuent encore à ôler aux Italiens
du midi le désir de s'agiter, pour être mieux. Les antipatbies nées des^
divisions territoriales ajoutent aux difficultés d'un mouvement intérieur;
mais si quebiue impulsion venait du dehors, ou si ([uelcpie prince en
deçà des Alpes accordait une charte à ses sujets, une révolution aurait
ieu, parce que tout est mûr pour cette révolution. Plus heureux que
nous et instruits par notre expérience, les peuples économiseraient les
crimes et les malheurs dont nous avons été prodigues. » Si l'histoire
pouvait se conlondre avec la pbilosophie et si les faits ne précédaient pas
toujours les doctrines dans l'éducation des peuples, Joachim Pecci serait
peut-être répréhensible jmur n'avoir pas admis les déductions de son
maître avant que, par inductions successives et d'expérience en expé-
rience, il arrivât à reconnaître que Chateaubriand était un grand pro-
phète des malheurs qu'il ne savait que prévoir, sur les ruines d'une
monarchie im{)0ssible à sauver désormais par le plus dévoué et It plus
inutile de ses serviteurs. Telle, Cassandre, sur les ruines de Troie,
annonçait, malgré elle, l'irrémédiable infortune de Priam, son vieux
père, — trop vieux, hélas! pour se reprendre à ime vie nouvelle qui
demandait de nouveaux chefs à des peuples nouveaux.
1. Cf. l'EpistoIairc de Joachim Pecci, dans la Jeunesse de Léon XIII, p. 3L').
DE CHATEAUBIUAND A METTERNICII.
179
Un autre honmie existait heureusement, pour l'illusion que la monar-
cliie conservait encore en ses futures destinées ; un homme, qui pouvait
s'appeler le Samson des royautés européennes, pour la conviction d'im-
mortalité qu'il professait à leur égard. C'était un autre prophète d'un
nouvel Israël. Il croirait en ses rois aussi longtemps qu'ils seraient de-
bout, pareils aux plus beaux temples du monde faits d'ordre indécon-
certable et de suprême autorité. Cet autre Samson, qui ne s'ensevelirait
que sous les ruines de cette suprême royauté qu'il semblait soutenir
par miracle de ses deux colossales épaules, vous l'avez nommé : c'est
Metternicli, l'irréductible adversaire du libéral Chateaubriand, aux yeux
de Joachim Pecci, constant observateur et admirateur passionné de l'un
et de l'autre de ses différents maîtres.
Chateaubriand et Metternich, les deux faces du même soleil éclairant
aux deux antipodes le même point d'histoire : la politique de France
s'opposant à la politique d'Autriche pour l'occupation des États ponti-
ficaux par l'Étranger, que le Pape, impuissant à réfréner la révolution
grondante des Bomagnes, appelle lui-même dans ses Légations envahies :
tel est le thème désormais cher aux études secrètes de Joachim Pecci. Pas
un mouvement de troupes, que sa correspondance ne sij^nale, et, presque
toujours, avec une sympathie mal déguisée pour le triomphe de l'Au-
triche en Italie. Est-ce par insuffisance d'informations, du côté de la
France? « Hier, 7 courant, on a affiché un avis du cardinal Bernetti,
qui a dissipé toute crainte et répandu la joie et la jubilation dans
Borne. Le Secrétaire d'État y annonce la marche des Autrichiens sur
les provinces en révolte, et l'occupation des villes de Modène et de
Bome par ces troupes. Le corps expéditionnaire, qui se dirige sur
Bologne, comprend seize mille hommes. Ce chiffre vous donnera à en-
tendre que la (juestion est résolue et (]ue, sans qu'il soit besoin d'en
venir aux armes, les provinces révoltées feront promptement leur sou-
mission au Souverain légitime. » La question résolue est celle de l'ordre.
Et c'est parce que Metternich se proclame un homme d'ordre, — « Je
suis un rocher de l'ordre! » dira-t-il de lui-même, — que Joachim
Pecci est son partisan et son admirateur. Le Pape y met le prix, sans
doute : « On ne sait pas à quelles conditions l'empereur d'Autriche a
daigné envoyer ses troupes dans l'État Pontifical. Plusieurs versions
circulent. La plus répandue dit que, grâce k un concordat, les Tudesques
occuperont pendant quatre ans les provinces en révolte et que le gouver-
nement du Pape leur payera la somme de six millions. Pour faire face
à cette dépense, le Governo, comme nous l'apprendrons plus tard, a
vendu ses terres de Nettuno à la famille Borghèse, au prix de 400 000 écus.
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180
LA PRÉLATIRE DE LÉON XllI.
DE CIlATEArBRIAND A MEITERNICII.
181
sous la réserve de pouvoir récupérer ce bien-fonds dans un espace de
vingt années. » Est-ce parce que Rotliscliild s'est refusé de |)rêter
davantage au Pape? « Le Pape est pris en dérision. On se rit du cardinal
Bernelti^ on lit et siffle ses édits en plein théâtre. Ainsi vont les
choses, et l'on ne prévoit qu'uii funeste lendemain. Le Trésor est vide,
épuisé. Les trois millions, que Rothschild a prêtés au Gouvenioment et
que celui-ci a déjà reçus, ne suffiront que pour trois mois et appau-
vriront l'Ktat encore davantage. » Bien des raisons expliquent la défiance
de Joachim Pecci envers la France si mal représentée, alors, en Italie :
« On dit et affirme que le frère de Louis Bonaparte, qui fait cause com-
mune avec les insurgés, vient de mourir à Pérouse, d'un refroidissement
qui l'a emporté après cin([ jours d'alitement. » Et, sur ces nouvelles
fâcheuses, le pessimisme antifrançais de notre correspondant d'enchérir.
Chateaubriand a dtp cédé la place à Saint-Aulaire, sur le théâtre poli-
tique ; c'est comme qui dirait le soleil dans son plein midi, remplacé tout
à coup par un pâle clair de lune, aux yeux des spectateurs aveuglés. Et
les idées noires de monter plus intenses, dans l'esprit de Joachim Pecci
épouvanté : « L'État a perdu sa tranquillité, et l'homme de prudence et
de conseil prévoit un sinistre et anxieux avenir. Déjà, il semble que la
rruerre sonne la charge derrière nous. Les gazettes pourront assez vous
éclairer sur l'attitude équivoque des Français. Entre nous, — et la
nouvelle est officielle, — la France par l'intermédiaire de son ambas-
sadeur à Rome, M. de Saint-Aulaire, a remis, dar.s l'après-midi du
28 mars, à la Secrétairerie d'État, une note que j'ai lue et dans la([uelle
cette nation proteste contre la présence des Tudesques en Italie, et l'on
ne craint pas d'appeler l'intervention des Autrichiens une agression
injuste. » Décidément les sympathies autrichiennes de Pecci s'affirment
de mieux en mieux et, pour les expliquer, il nous faut essayer avec lui
l'étude qu'il fait de Metternich, comme de l'homme le plus apte à
ramener l'ordre dans l'Europe bouleversée, comme du diplomate le plus
capable d'ouvrir école d'ordre, et encore d'ordre, et toujours d'ordre, au
milieu des États désemparés par la tempête révolutionnaire.
Il n'est pas de papier concernant Metternich, que Joachim Pecci ne
classe avec amour, pas de nouvelles de l'homme public et privé qu'il
n'enregistre. Joachim Pecci n'eùt-il été qu'un élève du maître diplomate
que l'empereur d'Autriche retint autant qu'il put à son service, cette
raison serait suffisante pour nous autoriser à ouvrir ici une large pa-
renthèse sur l'homme qui, sans y prétendre, façonna à son moule un
futur homme d'État, de même taille et de même envergure. Toutes
les fois qu'on vous annonce la divulgation des papiers secrets d'un
homme qui fut célèbre, une mélancolie profonde vous serre l'àme,
comme à la vue d'un bel et vieil appartement « à louer » . Vous avez
éprouvé cette tristesse d'anciennes nobles choses mortes qui vont
revivre, un jour que, lisant l'écriteau pendu aux frises d'un hôtel sécu-
f^a roiiio llorlense, mère de Napoléon III.
laire qui cherchait de nouveaux maîtres h ses murs vides, vous êtes
entré et avez visité les pièces. Çà et là, les chambres s'en allaient dans
la solitude des meubles disparus et des tableaux décrochés. Un rayon de
soleil pénétrant avec vous là-dedans, par les portes rouvertes, remettait
quelque lustre aux vieux ors des serrures que les mains des aïeux
avaient fanés, ternis. C'étaient, au milieu des trumeaux-pompadour et
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180
LA PUKLATIKE UE LÉON MU.
I)K CIIATKAl l'.KIAM» A MKITKHMCH.
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sous la rôsiTVC do pouvoir ri'CU[)i'ivT re l/u'ii-l'onds dans uii espace de
viu<it anuées. )) Est-ce parce ((ue Ilollisiliild s'est relusé de prèlci-
davaula^e au Pape? « Le l'ape est pris en dérision. On se rit du cardinal
r.ernelli, on lit et sillle ses édits en plein llu'Alre. Ainsi vont les
choses, et l'on ne iuvv(»it ijn'u:^. funeste Kndeniain. Le Trés<»r est vide,
épuisé. Les trois millions, que Uolliscliild a prêtés au Gouvenienienl et
ipie celui-ci a déjà reçus, ne sullironl ipie pour trois nuéis el ap[KUi-
vriront l'Ktat encore davantai-e. » liien des raisons ex[»li(pienl la dt-liance
de .loachini Pecci envers la France si mal re|)résentée, alors, en Italie :
(( On dit et allirme que le frère de Louis Bonaparte, (pii fait cause com-
mune avec les insurgés, vient de mourir a IVrouse, d'un refroidissemeiil
qui l'a enqiorlé après ciiKf jours d'alitement. » Et, sur ces nouvelles
fâcheuses, le pessimisme antifrançais de notre correspondant d'enchérir.
Chateauhriand a déjà cédé la place à Saint-Aulaire, sur le théâtre poli-
tique: c'est comme qui dirait le soleil dans son plein midi, remplacé tout
à coup par un pâle clair de lune, aux yeux des specl;aeurs aveuiïlés. Et
les idées noires de nionter plus intenses, dans l'esprit de Joachim IVcci
épouvanté : u L'État a perdu sa tranijuillité, et l'homme de prudence et
de conseil prévoit un sinistre et anxieux avenir. Déjà, il sendde (|ue la
«Tuerre sonne la char"e derrière nous. Les gazettes pourront assez vous
éclairer sur l'atlitud»' équivo(iue des Français. Entre nous, — et la
nouvelle est oflicielle, — la France par l'intermédiaire de son andjas-
sadeur à liome, M. de Saint-Aulaire, a remis, dans l'après-midi du
!>8 mars, à la Secrétairerie d'État, une note cpie j'ai lue et dans laquelle
cette nation proteste contre la présence des Tudesques en Italie, et 1 on
ne craint pas d'api)eler l'intervention des Autrichiens une açjrcssion
iiiJHute. )) Décidément les sympathies autrichiennes de Pecci s'affirment
de mieux en mieux et, pour les explicpier, il nous faut essayer avec lui
l'étude (juil fait de Metternich. comme de l'honmie le plus aple à
ramener l'ordre dans l'Europe houleversée, comme du diplomate le plus
capahle d'ouvrir école d'ordre, et encore d'ordre, et toujours d'ordre, au
milieu des États désemparés par la tempête révolutionnaire.
Il n'est pas de papier concernant Metternich, ([ue Joachim Pecci ne
classe avec amour, pas de nouvelles de l'homme puhlic et privé (|u'il
n'enregistre. Joachim Pecci n'eùt-il été qu'un élève du maître di[)loinate
que rem|)ereur d'Autriche retint autant qu'il put à son service, cette
raison serait suffisante pour nous autoriser à ouvrir ici une large pa-
renthèse sur l'homme ipii, sans y prétendre, façonna à son moule un
futur homme d'État, de même taille et de même envergure. Toutes
les fois qu'on vous annonce la divulgation des papiers secrets d'un
homme (|ui fut célèbre, une mélancolie profonde vous serre l'àme,
comme à la vue d'un hel et vieil appartement d à louer )). Vous avez
éprouvé celte tristesse d'anciennes nohles choses mortes cpii vont
revivre, un jour que, lisant l'écriteau pendu aux frises d'un hôtel sécu-
La n'iin' llorU'iisc. iiu'ro do Na|>c»l('(m ItL
laire qui cherchait de nouveaux maîtres à ses murs vides, vous êtes
entré et avez visité les pièces. Çà el là, les chambres s'en allaient dans
la solitude des meubles disparus et des tableaux décrochés. Un rayon de
soleil pénétrant avec vous là-dedans, par les portes rouvertes, remettait
quelque lustre aux vieux ors des serrures que les mains des aïeux
avaient fanés, ternis. C'étaient, au milieu des trumeaux-pompadour et
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LA PRÉLATIIRE DE LÉO> XIII.
DE CHATEAUBRIAND A METTERNICII
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des cartouches-renaissance, des trous béants où furent les portraits
des seigneurs et des dames, et où ne restait plus que le vide. De ces
dorures mortes et de ces échancrures dans le néant et dans la nuit que
le soleil ravive au passage, quelque chose comme un sourire entre des
larmes émanait jusqu'à votre àme triste, sunt lacrymœ reruml Et vous
vous demandiez si cette maison d'ancien temps, en retrouvant aujour-
d'hui de nouveaux hôtes, réveillerait avec ses échos rajeimis les charmes
morts d'un autre âge. — Comme ces hôtels d'autrefois, les « Mé-
moires » anciens, paraissant de nos jours, sont des appartements à
louer, dont l'écriteau de l'éditeur cherche les locataires. Le temps
présent, si différent du temps passé, les y invitera-t-il et voudra-t-on s'y
complaire? Qu'ils soient écrits par des hommes de guerre et qu'on y
sente la poudre des batailles, ou qu'ils sortent des blanches mains de
quelque dame de salon et que l'on y respire la i)Oudre des toilettes ;
poudre pour poudre, que vaudra celle qu'avec ces nouveaux « Mé-
moires )) l'intrigue des cours ou la gloire des camps aura soulevée un
instant aussi vainement l'une que l'autre, sous le soleil indilVérent qui
voit monter et s'évanouir vite la petite et la grande poussière du troupeau
humain, en route vers le néant de cette chose appelée « l'immortalité »
par ces mêmes mortels qui, la connaissant le mieux, devraient la mé-
priser davantage.
Tels durent apparaître, à la lecture de Joachim Pecci ravi, les papiers
que Melternich, rival de Chateaubriand en ce genre de gloire littéraire,
permettait que l'on publiât de son vivant, avant le recueil défmitif de
ses « Mémoires posthumes' ». Par une coquetterie vaniteuse dont les
grands hommes eux-mêmes se défendent mal, Mettemich aima surtout
à se raconter par les femmes, et ce fut aux peintres les plus célèbres
de son temps qu'il confia le soin d'interpréter les pages les plus gra-
cieuses et les plus intimes de sa vie. Si vous avez visité l'Exposition
des Cent Chefs-d œuvre à la galerie parisienne de Georges Petit,
parmi les merveilleux portraits de femmes qui vous y charmèrent, vous
en aurez retenu un dont la beauté fascinatrice et rayonnante semblait
éteindre toutes les grâces d'alentour. Sur un fond bleu d'azur dont
quelques déchirures laissaient entrevoir le pays des étoiles, une figure
s'enlevait dans la rose nacrée de sa floréale jeunesse. Quinze ans, vingt
A. Cf. Aus Mettemich' 8 uaehfjelasseucn Papieren. Hernttsgegeben von devi Sohne
des Staalskanders Fûrsteu Hichard Metleruic/t-Winiiehoiirg, e/r. Yioii, W. IJran-
miiller. — Cf. Mémoires, dooumonts et écrits divers, laissés par le prince de McUer-
nich, publiés par son fils le prince Richard de Blellernich, classés et réunis par
M. A. Kunkowslroem. Paris, E. Pion, Nourrit et G".
ans, davantage peut-être, quel âge pouvait avoir cette jungfrau que
Lawrence avait peinte à Vienne, en 1825, sous les traits autrichiens œ
la pelite-fllle de Kaunitz, ce fameux « cocher de l'Europe )) que Marie-
Thérèse avait si favorablepient attaché à son char et, disent quelques-
uns, à son lit? Dans ce portrait idéal d'où la vie en lleur semble
émaner, comme un parfum trop céleste pour un calice d'ici-bas et ou,
comme à travers les vases trop fragiles, on entrevoit la pâle mort des
languissantes poitrines qui va bientôt briser cette enveloppe de carnation
ivoire et rx)se, la descendante du ministre-roi a déjà appelé l aigle de
Ganymède qui tend ses ailes et qui l'emportera, dans un envolement
des frisures évaporant cette adorable tète, et des gazes légères qui ne
retiennent plus ses seins nés d'hier, les bras tout grands ouverts de la
déesse à son départ.
Ce portrait féerique d'un Gahymède féminin ou d'une divine Hebe est
celui de la comtesse Éléonore de Kaunitz-Ueitberg, morte dans sa jeu-
nesse et sa beauté, en 1825, l'année même où elle se fit peindre. Mais,
pour en deviner toute la grâce, c'est à côté du portrait du prince Clé-
ment de Mettemich, son rival en grâce et son mari glorieux, qu'il faut
le contempler. Vous connaissez peut-être ce deuxième chef-d'œuvre
de Lawrence, peint vers 1850, et vous n'en aurez jamais vu aucun
autre qui exprimât plus fidèlement à la fois l'idéal de beauté dont un
visa-e d'homme fut jamais orné et la grandeur de caractère dont cet
honmie pût distinguer ce visage. Le buste haut, les épaules légères,
la tête oblongue et s'enfuyant vers le front grand ouvert, comme une
intelligence vers son temple, le modèle de ce portrait, — qui vieillira
jusqu'à »iuatre-vingt-six ans et qui toujours ressemblera â lui-même, —
ce prince (pie la gloire appellera bientôt tout court Mettemich, n'est
encore que l'heureux descendant des Winnebourg-zu-Beylstein. Ses
pères, depuis (|uatre cents ans, électeurs de Trêves et princes du Saint-
Empire, ont laissé à leur héritier assez de terres en Tyrol, pour qu il
n'ait pas le goiit d'en aller chercher ailleurs de plus grandes. Il a vingt
ans, comme dirait Byron dont ce portrait est l'identique image. Ses
études sont achevée: à l'université de Strasbourg, où les professeurs de
Napoléon Bonaparte lui ont appris les mêmes malhématiques et la même
escrime. Passant par les salons de Vienne, œmme un Childe llarold moins
boiteux et plus fascinateur que l'autre, il y eueille au passage la plus
suave fleur que Paristocratie autrichienne ait produite, l'unit à la sienne
et, au ravissement de ceux qui voient passer ce couple de parfaite
b(>auté et d'idéal amour, il va aussitôt faire s'épanouir leurs deux splen-
deurs jumelles aux solitudes protectrices du Rennweg.
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LA PRÉLATURE DE LÉON XIIL
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Ce dut être durant ce court passage, de Vienne au Tyrol, que Lawrence
conçut ridée de peindre cette image révoe du dieu de l'amour, qu'une
volonté su[)érieure allait bientôt me'tamorphoser en dieu de la politique.
Mais si, pnr ordre de l'empereur d'Autriche, les portes mystérieuses de
la montagne allaient bientôt se rouvrir et perdre pour toujours cet amant
du repos qui ne s'y arrêterait jamais plus, Clément de Metternicb
aurait-il à s'en plaindre? Ce meneur d'bonmies, aimé des femmes, ne
fleurira-t-il pas toute sa vie entre deux épouses, entre le regret d'en
avoir si prématurément perdu une et le plaisir d'en retrouver si tôt une
autre? Ainsi pourtant vivra ce Don Juan de l'iimour légitime, trop occupé
par les alTaires de l'État, et négligeant jusqu'à la troisième et dernicre
de ses esclaves qui furent ses épouses et qui tinrent dévotement, à sa
place, heure par heure, le journal de sa vie.
La princesse Mélanie, née comtesse de Zichy-Ferraris, semble, de
toutes les trois dont l'existence fut également précieuse à Metternicb,
celle à (pii nous devons la relation la plus étendue sur les actes intimes
et publics de son illustre époux. Aussi fortement subjuguée que les pré-
cédentes par cette irrésistible beauté du visage (|ui reflétait en cet
hmime une indéridable sérénité d'àme, Mélanie de Metternicb l'ut,
dès le jour de ses noces, Lbeureuse adoratrice de son idole et la con-
templatrice attendrie de tous les actes de son dieu. Elle écrit, dès la
première quinzaine de ses noces : « Aujourd'hui, pour la première fois
depuis mon mariage, j'ai déjeuné avec Clément. Il m'a longuement
[)arlé d'affaires, m'a initiée à ses idées et à ses projets, et j'ai été sur-
prise de voir jus((u'où allait mon ignorance. Je voudrais arriver à le
comprendre au premier mot, à pouvoir l'aider en toutes choses, suivre
ses discussions, discuter moi-même avec lui; en un mot, je voudrais
être plus qu'une fenmie aimante, — ce qui, en vérité, est un métier
trop facile. » Et, plus loin : « (ilément travaille beaucoup. J'ai été un
mojnent [)rès de lui, et, si je pouvais en faire à ma volonté, je resterais
toujours appuyée sur son é[)aule, pour voir comment il écrit ses dépê-
ches ; car c'est un spectacle aussi intéressant que curieux. Le soir, il a
parlé d'une manière très attrayante des événements du jour, et il a con-
tinué la conversation lorsque nous sommes reslcs seuls. Cet homme est
admirable. Dieu veuille le conserver pour le monde. » Dans le cabinet du
grand homme d'Etat où, en ^851, la douce princesse veut cpi'une grûce
particulière de Dieu l'ait fait entrer plutôt que son droit strict d'épouse,
Mélanie se met aussitôt en présence des volumineux papiers de Metter-
nic!i qu'il fimt classer, réunir en volumes et laisser eih trésor à l'histoire.
« Y pcnsez-vo:!s? lui répond Frédéric de Gentz qu'elle appelle à son
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courut ridi'e de |>cindre celte image revee du dieu de l'amour, qu'une
volonté supérieure alLiil bientôt métamorphoser en dieu de la politi(pie.
Mais si, par ordre de l'empereur d'Autriche, les portes mystérieuses de
la montagne allaient bientôt se rouvrir et [)erdre pour toujours cet amant
du repos qui ne s'y arrêterait jamais plus, (llémcnt de Metternich
aurait-il à s'en plaindre? Ce meneur d'IuMimies, aimé des l'emmes, ne
llcurira-t-il pas toute sa vie entre deux épouses, entre le regret iVri\
avoir si prématurément perdu une et le plaisir d'en retrouver si lot nue
autre? Ainsi ponriant vivra ce Don Juan de l'amoui" légitime, trop occupé
par les alVaires de l'Ktal, et négligeant juscpi'à la troisième et dernière
de ses esclaves «pii l'urenl ses épouses et qui tinrent dévotement, à sa
place, b(Mire par benre, le* journal de sa vii'.
La princesse Mélanie, née comtesse de /icliy-l'erraris, semble, de
toutes les trois dont l'existence fut également précieuse à Melternicb.
celle à (pii nous devons la relation la plus étendue sur les actes inlime>
et publics de son illustre époux. Aussi lortement subjuguée que les pré-
cédentes par celle irrésistible beauté du visage cpii rellelait en ce!
b )nnne une indéridable sérénité d'àmc, Mélanie de Metternich lut,
dès le jom* de ses noces, l'heureuse adoratrice de son idoli' el la con-
lenq)latrice attendrie de tous les actes de son dieu. Klle écrit, dès la
première cpiinzaine de ses noces : <( Aujourd'hui, pour la première lois
depuis mon mariage, j'ai déjeuné avec ('dément. Il m'a longuemeni
|)arlé d'alï'aires, m'a initiée à ses idées et à ses projets, et j'ai été sur-
prise de voir jusqu'où allait mon ignorance. Je voudrais arriver a le
conq»rendre au premier mot, à pouvoir l'aider en toutes choses, suivre
ses discussions, discuter moi-même avec lui; en un mol, je voudrais
être plus «[u'une l'eunne aimante, — ce qui, en vérité, est un mélier
tro[) facile. » Kt, ()his loin : « (Jément travaille beaucoup. J'ai été un
moment près de lui, et, si je pouvais en faire à ma V(donté, je resterais
toujours appuyée sur son épaule, pour voir connnent il écrit ses dépè-
ches; car c'est un spectacle aussi intéressant «pie curieux. Le soir, il a
parlé d'une manière très attrayante des événements <lu jour, et il a con-
tinué la conversation lors(pie nous sommes restés seuls. Cet honnm' est
admirable. Dieu veuille le conserver pcuir le monde. » Dans le cabinet du
grand homme d'Klal où, en 18,11, la douce princesse veut «pi'une grâce
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Mélanie se met aussitôt en [)résence des volumineux papiers de Mcller-
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DE ClIATEAUBRIAiND A METTERMCII. 185
aide. Mais il faudrait y dépenser toute une vie. » Ce sera donc Ja
sienne que la princesse, heure par heure, y emploiera. Et la voici,
ouvrant les paperasses des premières années de la vie politique du
pnnce et, des notes précieuses qu'elle y relève, complétant le précieux
jounial qu'elle nous laissera dans la suite. Sans jalousie, sans om-
brage, elle remonte à l'année 1800 où l'empereur François enviant la
Gciitz (Jcan-Frédéric).
reliaile des jeunes amoureux. Clément et Éléonore, perdus au fond de
leur paisible manoir du Tjrol, avait dit à Metternich :
— Vous vivez, comme je serais heureux de vivre à votre place. Tenez-
vous a ma disposition. C'est tout ce que je vous demande, pour le
moment. '
Ce moment fut de courte durée. Napoléon commençait à s'ariter
jusqu a Vienne, et il fallait lui trouver enfin „n homme à oui ileùt
sérieusement affaire. Metternich, choisi par son Souverain pour devenir
cet homme, écrit sur-le-champ ses principes pi>litiques avec les lignes
suivantes <,ui dessinent, aux premiers pas, la route droite qu'il suivra
...nexiblemcnt jusqu'au bout de sa longue carrière : « Ce qui caractérise
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186
LA PRÉLATUUE DE LÉON XIll.
le monde moderne-, ce qui le distingue essentiellement du monde
ancien, c'est la tendance des États à se rapprocher les uns des autres,
et à former une sorte de corps social reposant sur la même base que
la grande société humaine qui s'est formée au sein du (Jiristianisme.
Cette base n'est autre que le précepte formulé p;ir le Livre par
excellence : « Ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu'on te
« fasse ». Appliquée à l'Étiit, celte règle fondamentale de toute société
humaine s'appelle réciprocité. Dans la pratique, elle <létermine ce
que dans le langage de la diplomatie on nomme les bons procèdes
ou, en d'autres termes, la prévenance récipro<jue et l'honnêteté dans
les rapports. Dans le monde ancien, la politique se renfermait dans
l'isolement et pratiquait l'égoïsme le plus absolu, sans autre frein
que la prudence humaine. La loi du talion élevait des barrières éter-
nelles et provoquait d'éternelles inimitiés, entre les diflérentes asso-
ciations : à chaque page de l'histoire ancienne se retrouve la réci-
procité du mal qu'on se faisait. La société mcxlerne, au contraire,
nous montre l'application du principe de la solidarité et de l'équilibre,
entre les États, et nous otfre le spectacle des efforts réunis de plu-
sieurs États pour s'opposer à la prépondérance d'un seul, pour
arrêter le progrès de son influence et le forcer de rentrer dans le
droit commun. Le rétablissement des ra[»ports internationaux sur la
base de la réciprocité, sous la garantie de la reconnaissance des droits
acquis et du respect de la foi jurée, constitue de nos jours l'essence
de la politique dont la diplomatie n'est que l'application journalière.
Entre les deux, il y a, selon moi, la même différence qu'entre la
science et Vart. » De ces principes préliminaires à la formule géné-
rale, la force dans le droit, dont Metternich résumera plus tard tout
son système de politique impérative et consciencieuse, il n'y aura que
quelques pas àfiûre. Et aussitôt, sans ambition ni répugnance, dès 1803,
l'heureux seigneur du paisible Rennweg s'est mis en route. Il semble
qu'une Providence d'élection le conduit, comme par la main, de Vienne
à Dresde et de Dresde à Saint-Pétersbourg, pour lui apprendre, avant
de le diriger sur Paris, quelle est cette Allemagne dangereuse dont il
faudra vouer les ambitions aux armes répressives de la France, et (|uelle
est cette Russie dont l'alliance désirable sera le palladium de l'Autriche.
Une fois ce double plan bien conçu auquel Metternich rapportera tous
les actes de sa vie politique avec une admirable suite d'idées et une
parfaite rectitude de conscience, il part en 1805 pour Paris, à l'heure
où, l'empereur d'Autriche ne jugeant pas utile de s'allier à l'empereur
des Français aussi longtemps que Frédéric de Prusse arrêterait à sa
DE CnATEAFBRIANO A METTERNICH.
187
frontière les armées victorieuses de Napoléon, ce fut tout à coup sur
Vienne que ce dernier décida de diriger ses aigles :
— Monsieur d'Alopeus! put dire Metternich déjà triomphant à l'am-
bassadeur de Russie, le soir où celui-ci cherchait aux pieds de son secré-
taire la lettre que lui envoyait son Souverain et qui lui avait glissé dans
la manche : cette lettre providentielle, la voici. Répondez au Tsar que
l'alliance austro-russe est faite. Je cours à Paris, amuser Napoléon
sur Féchiquier où je dérangerai quelques pions, pour donner aux mains
de François et d'Alexandre le temps de s'unir à la frontière de leurs
empires, menacés aussi périlleusemenl l'un que l'autre.
— Trop tard. Monsieur de Metternich! put répondre Napoléon en
voyant arriver l'ambassadeur d'Autriche, à l'heure même où subrepti-
cement l'Empereur ordonnait à Murât et à Lannes de fra^^chir la Prusse
par Anspach et d'aller prendre leurs quartiers d'hiver aux environs de
Vienne : trop tard. Je ne joue plus!
L'Empereur joua bien, quehjuesmois encore, mais non plus aux échecs.
Ici vient une histoire que les Metternich n'ont pas consignée dans leur
Journal et dont ils ont, d'ailleurs, depuis, pris leur revanche. Avant
son départ de Vienne, on avait dit au nouveau plénipolenli;iire qu€, dans
Paris, quand les hommes ne parlent plus, c'est le moment de faire cau-
ser les femmes. Metternich, trop honnête pour réussir à ce jeu, pensa
faire un chef-d'œuvre d'une intrigue banale et n'en tira qu'une plaisante
histoire, dont il paya tous les frais. Napoléon avait pour confident secret
M. Regnault, président de la section de l'Intérieur au Conseil d'EUU; et
M. Regnault avait pour confidente plus secrète encore Augustine X...,
danseuse ordinaire de l'Opéra. Savoir que la belle habitait rue de la
Michodière, n'était pas chose si malaisée ; et, sur le conseil de la Cour
d'Autriche, par un bel après-midi où le jaloux Regnault sommeillait
au Conseil sur sa bonne conscience, le galant Metternich fit monter à
son cœur deux étages, — le premier demeurant bien réservé à la prin-
cesse Éléonorc. — et déposa celui-ci, lourd de la bourse qu'il supportait,
aux pieds de la divette. Ainsi l'hommage monétaire du galant homme
serait entretenu jusqu'à la somme totale de quatorze mille francs que
l'empereur d'xVutriche garantissait sur sa bonne renommée de payeur,
à une seule condition : — « Laquelle?... repartit la minette. — Que
M. Regnault n'en saura rien. — A Dieu ne plaise! » ajouta-t-elle. 0 for-
tune! le secrétaire de Napoléon était suborné en la personne de sa maî-
tresse, et Dalila allait Uvrer les pensées de Samson.... « Surtout,
continua M. Regnault qui sut l'histoire avant le souverain d'Autriche
qui la payait, garde-toi bien, ma fille, de fermer ta main droite. Moi, je
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LA PRÉLATURt: DE LÉON XIU.
n:
le monde moderne, ce qui le dislingue essentiellement du monde
ancien, c'est la tendance des États à se rapprocher les uns des autres,
et à former une sorte de corps social reposant sur la même base (pie
la grande société humaine qui s'est formée au sein du (Christianisme.
Cette base n'est autre que le précepte formulé par le Livre par
excellence : « Ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu'on te
« fasse ». Appliquée à l'ÉUit, cette règle fondamenUde de toute société
humaine s'appelle réciprocité. Dans la pratique, elle détermine ce
que dans le langage de la diplomatie on nomme les bons procèdes
ou, en d'autres termes, la prévenance récipro<|ue et l'honnêteté dans
les rapports. Dans le monde ancien, la politique se renfermait dans
l'isolement et pratiquait Tégoïsme le plus absolu, sans autre frein
que la prudence humaine. La loi du talion élevait des barrières éter-
nelles et provoquait d'éternelles inimitiés, entre les diflérentos asso-
ciations : à chaque page de l'histoire ancienne se retrouve la réci-
procité du mal qu'on se faisait. La société moderne, au contraire,
nous montre l'application du principe de la solidarité et de l'équilibre,
entre les États, et nous ofl're le spectacle des efforts réunis de plu-
sieurs États pour s'op|)Oser à la prépondérance d'un seul, pour
arrêter le progrès de son inlluence et le forcer de rentrer dans le.
droit commun. Le rétablissement des rapports internationaux sur la
base de la réciprocité, sous la garantie de la reconnaissance des droits
acquis et du respect de la foi jurée, constitue de nos jours l'essence
de la politique dont la diplomatie n'est que l'application journalière.
Entre les deux, il y a, selon moi, la même différence qu'entre la
science et Yarl. » De ces principes préliminaires à la fornmle géné-
rale, la force dans le droit, dont Metternich résumera plus tard tout
son système de politique impérative et consciencieuse, il n'y aura que
quelques pas à fîûre. Et aussitôt, sans ambition ni répugnance, dès 1805,
l'heureux seigneur du paisible Uennweg s'est mis en route. 11 semble
qu'une Providence d'élection le conduit, comme par la main, de Vienne
à Dresde et de Dresde à Saint-Pétersbourg, pour lui apprendre, avant
de le diriger sur Paris, quelle est cette Allemagne dangereuse dont il
faudra vouer les ambitions aux armes répressives de la France, et quelle
est cette Russie dont l'alliance désirable sera le palladium de l'Autriche.
Une fois ce double plan bien conçu auquel Metternich rapportera tous
les actes de sa vie politicjue avec une admirable suite d'idées et une
parfaite rectitude de conscience, il part en 1805 pour Paris, à l'heure
où, l'empereur d'Autriche ne jugeant pas utile de s'allier à l'empereur
des Français aussi longtemps que Frédéric de Prusse arrêterait à sa
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DE CHATEAIBRIAND A METTERMCIL
187
l'ronticrc les armées victorieuses de Napoléon, ce fut tout à coup sur
Vienne que ce dernier décida de diriger ses aigles :
— Monsieur d'Alopeus! put dire Metternich déjà triomphant à l'am-
bassadeur de Russie, le soir où celui-ci cherchait aux pieds de son secré-
taire la lettre que lui envoyait son Souverain et qui lui avait glissé dans
la manche : cette lettre providentielle, la voici. Répondez au Tsar que
l'alliance austro-russe est faite. Je cours à Paris, amuser Napoléon
sur l'échiquier où je dérangerai quelques pions, pour donner aux mains
de François et d'Alexandre le temps de s'unir à la frontière de leurs
empires, menacés aussi périlleusement l'un que l'autre.
— Trop tard, Monsieur de Metternich! put répondre Napoléon en
voyant arriver l'ambassadeur d'Autriche, à l'heure même où subrepti-
cement l'Empereur ordonnait à Murât et à Lannes de fra»ichir la Prusse
par Anspach et d'aller prendre leurs quartiers d'hiver aux environs de
Vienne ; trop tard. Je ne joue plus!
L'Empereur joua bien, quehjues mois encore, mais non plus aux échecs.
Ici vient une histoire que les Metternich n'ont pas consignée dans leur
Journal et dont ils ont, d'ailleurs, depuis, pris leur revanche. Avant
son départ de Vienne, on avait dit au nouveau plénipolenli;iire que, dans
Paris, quand les hommes ne parlent plus, c'est le moment de faire cau-
ser les femmes. Metternich, trop honnête pour réussir à ce jeu, pensa
faire un chef-d'œuvre d'une intrigue banale et n'en tira qu'une plaisante
histoire, dont il paya tous les frais. Napoléon avait pour confident secret
M. Regnault, président de la section de l'Intérieur au Conseil d'E>t:U; et
M. Regnault avait pour confidente plus secrète encore Augustine X...,
danseuse ordinaire de l'Opéra. Savoir que la belle habitait rue de la
Michodière, n'était pas chose si malaisée; et, sur le conseil de la Cour
d'Autriche, par un bel après-midi où le jaloux Regnault sommeillait
au Conseil sur sa bonne conscience, le galant Metternich fit monter à
son cœur deux étages, — le premier demeurant bien réservé à la prin-
cesse Éléonore, — et déposa celui-ci, lourd de la bourse qu'il supportait,
aux pieds de la divette. Ainsi l'hommage monétaire du galant homme
serait entretenu jusqu'à la somme totale de quatorze mille francs que
l'empereur d'Autriche garantissait sur sa bonne renommée de payeur,
à une seule condition : — « Laquelle?... repartit la minette. — Que
M. Regnault n'en saura rien. — A Dieu ne plaise! » ajouta-t-elle. 0 for-
tune! le secrétaire de Napoléon était suborné en la personne de sa maî-
tresse, et Dalila allait livrer les pensées de Samson.... « Surtout,
continua M. Regnault qui sut l'histoire avant le souverain d'Autriche
(|ui la payait, garde-toi bien, ma fille, de fermer la main droite. Moi, je
188
LA rRÉLATURE DE LÉON XllL
mettrai dans ta gauche les quelques petites économies que ta sagesse
m'aura permis de faire, en attendant. » Et recommandant l'éloquence a
Auguslinc, ce fut alors qu'il ne ménagea plus à la soubrette les secrets
du Conseil.
On triomphait déjà apparemment à Vienne lorsque Napoléon, las de
rire, fit appeler M. de Metternich et lui apprit ce qu'Augustine ne lui
avait pas révélé : à savoir que l'ambassadeur d'Autriche n'avait plus
qu'à rentrer à Vienne, pas assez tôt cependant pour empêcher les régi-
ments de Masséna d'y arriver avant lui. Faut-il donner à cette histoire le
même crédit qu'à celle du vase de Sèvres que Napoléon aurait brisé aux
pieds de Metternich, en disant qu'il briserait l'Autriche semblablement?
On ne trouve, dans les papiers des Metternich, pas plus trace du vase de
Sèvres que de l'histoire d'Augustine. Au demeurant, si celle-ci est vraie,
une autre femme, — une autre Metternich, sous un autre Najioléon, —
s'est chargée, on le sait, d'en prendre amplement la revanche.
Mais, bien avant les intrigues de Pauline Sandor à la cour de Napo-
léon 111, les brusques lendemains d'Austerlitz et d'iéna, qui conduisirent
Napoléon ^"^ jusqu'à Moscou et jusqu'à sa perte finale, donnèrent à
Metternich des représailles faciles. L'ambassadeur joué n'écrit-il pas,
après ces dates : « Selon moi, la victoire d'iéna marque l'apothéose de
Napoléon. Si, au lieu de vouloir anéantir la Prusse, il avait borné son
ambition à affaiblir cette Puissance et à la liiire entrer ainsi réduite à
la Confédération du Rhin, il aurait pu donner une base solide et
durable à l'édilice immense qu'il était parvenu à élever. C'est ce que
la paix de Tilsilt ne put faire. »
Et, plus loin : « La carrière parcourue par Napoléon, en si peu de
temps, avait ébloui bien des observateurs et ne leur avait pas laissé le
loisir de peser froidement, impartialement, les conditions sur les-
quelles reposait son existence. J'entrepris cette tâche avec amour,
convaincu que l'analyse de ce produit personnifié de la Révolution
m'éclairerait nécessairement sur la manière dont cet homme, parti de
si bas, avait pu s'élever si haut. » Et encore : « Au fond. Napoléon
ne songeait, ni à la Porte, ni à l'Asie; et si la haine qu'il avait vouée
à l'Angleterre lui suggéra un moment l'idée de l'attaquer dans ses
possessions asiatiques, ce projet n'exista que comme une éventualité
subordonnée à la réunion de circonstances difficiles à prévoir. Na|)oléoii
s'occupait plutôt de compléter son système continental et de chasser
les Rourbons du trône d'Espagne. »
Enfin la date où le patient Metternich eut la mesure entière de sa
vengeance après le mariage de l'archiduchesse d'Autriche qu'il avait
DE CHATEAUBRIAND A METTERNICH.
180
.
consenti, ce fut celle du 20 juin 1815 oh eut lieu l'entrevue de Dresde
entre l'empereur battu et le ministre triomphant. Metternich la raconte,
telle qu'elle se passa au palais Marcolini : « Napoléon m'attendait
debout, au milieu de son cabinet, l'épée au côté, le chapeau sous le
bras. Il s'avança vers moi, avec un calme afïecté, et me demanda des
nouvelles de la santé de l'Empereur. Bientôt ses traits s'assombrirent
et, se plaçant devant moi, il me parla en ces termes : « Ainsi, vous
(( voulez la guerre? C'est bien : vous l'aurez! J'ai anéanti l'armée prus-
« sienne, à Lutzen. J'ai battu les Russes, à Raûtzen. Vous voulez avoir
« votre tour? Je vous donne rendez-vous à Vienne. Les hommes sont
t incorrigibles, les leçons de l'expérience sont perdues pour eux. Trois
(( fois, j'ai rétabli l'empereur François sur son trône; j'ai épousé sa
« fille. Je me disais alors : tu fais une folie! Mais elle est faite. Je la
« regrette aujourd'hui.... » Ce préambule me fit sentir mieux encore
combien ma situation était forte. A ce moment décisif, je me regardai
comme le représentant de la société européenne tout entière. Le dirai-
je? Napoléon me parut petit....
« — Vous n'êtes pas soldat, me dit-il rudement, et vous ne savez
(( pas ce qui se passe dans l'àme d'un soldat. J'ai grandi sur les champs
« de bataille, et un homme comme moi se soucie peu de la vie d'un
<( million d'hommes. » En disant, ou plutôt en criant ces mots, il jeta
dans un coin du salon le chapeau que, jusqu'alors, il avait tenu à la
main. Je restai calme, m'appuyai contre une console entre les deux
fenêtres; et, profondément ému de ce que je venais d'entendre, je lui
(( dis : — (( Pourquoi vous adressez-vous à moi? Pourquoi me faire,
(( entre quatre murs, une pareille déclaration? Ouvrons les portes, et
« puissent vos paroles retentir d'un bout de la France à l'autre. Ce n'est
(( pas la cause que je représente qui y perdra. »
« Napoléon se remit k se promener avec moi, dans le salon. Au
second tour, il ramassa son chapeau. En même temps, il en vint à
reparler de son mariage : — « Oui, dit-il, j'ai fait une bien grande
a sottise, en épousant une archiduchesse d'Autriche. J'ai voulu unir le
<( présent au passé, les préjugés gothiques et les institutions de mon
« siècle. Je me suis trompé, et je sens aujourd'hui toute l'étendue de
« mon erreur. Cela me coûtera peut-être mon trône, mais j'ensevelirai
(( le monde sous ses ruines » Il avait dit précédemment : — « Vos
(( Souverains, nés sur le trône, peuvent se laisser battre vingt fois et
({ rentrer toujours dans leurs capitales. Moi, je ne le puis pas, parce
(( que je suis un soldat parvenu. Ma domination ne survivra pas au jour
« où j'aurai cessé d'être fort et, par conséquent, d'être craint.... ))
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190
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII.
Comme l'entrevue prenait fin : — « Eh Lien! reprit Napoléon en me
« frappant sur l'épaule, savez-vous ce (|ui arrivera? Vous ne me ferez
« pas la guerre. — Vous êtes perdu, Sire! m'écriai-je vivement. J'en
« avais le pressentiment en venant ici. Maintenant que je m'en vais, j'en
« ai la certitude. »
Cette partie du Journal est navrante pour toute ame française (jui, se
rai^pelant l'acculade elfra vante contre la hutte de Waterloo et la finale
dans le sang de l'épopée géante qui avait aussi commencé dans le sang,
préfère à l'histoire des conquêtes inutiles celle des victoires moins
bruyantes dont on fait de plus profitables réserves, et compare ces
impétueux capitaines cpie Ta monstrueuse comète sur la queue enllamméc
de laquelle ils chevauchent se charge d'engloulir dans les feux mêmes
de sa tourbillonnante volute, à ces diplomates tranquilles qui siègent
sur leur conscience et non sur la chimère et qui attendent patiemment
qaun lendemain meilleur se lève sur leur malheureuse patrie abîmée
— non sans espoir — dans les ténèbres et les ruines que, de son ombre
et de son tourbillon, cette comète égarée dans l'espace leur a faites.
Vei-s cette fin du premier Empire, oii Napoléon n'est plus traîné de
Fontainebleau à l'île d'Elbe, et de l'île d'Elbe à Paris, que par une aile
battante de l'aigle impériale mortellement blessée; alors cpie Mellernich a
fini par accoupler l'oiseau d'Autriche portant deux tètes et deux couronnes
à celui de Russie, dont les serres doubles portent la foudre; les cahiers
du chancelier satisfait passent avec une sobriété qui les honore la
revue de ce (jui reste encore, à Paris, des gloires survivantes. Camba-
cérès est « l'homme dans les talents administratifs du(|uel Napoléon
avait le plus de confiance ». Eouché devient « le contraste parfait de
(( Talleyrand », et Talleyrand « une intelligence hors ligne ». Sur
celui-ci, Metternich ajoute : « Je l'ai vu d'assez près, pour l'étudier
à fond et reconnaître (ju'il était fait pour détruire, plus encore (|ue pour
conserver. Empêcher de faire quebjue chose de définitif, tel était le
grand talent de cet homme d'État. « Je m'adresse à lui, disait Napoléon,
quand je ne veux pas faire une chose, en ayant l'air de la vouloir. » Ces
quelques lignes de Metternich sur Talleyrand pourront servir de texte
à l'argumentation solide des historiens qui, par le contraste de deux
natures si dissemblables, voudront reconnaître les bienfaits dont la droi-
ture de l'un fit part à sa patrie, et les désastres que la sinuosité de
l'autre sut préparer à la sienne.
Une chose frappera surtout la critique, quand elle op[>osera les dons
diplomatiques et les actes politiques de ces deux hommes : à savoir, la
divergence de leurs vues sur les mêmes questions, qui mit une telle
DE CUATEAl'BRIAND A METTERNICH.
191
,
différence dans leurs conclusions que celles de Metternich l'élèvent
indiscutablement, tandis que celles de Talleyrand le rabaissent. Après
les pa[)iers du chancelier autrichien, nous avons lu ceux du plénipo-
tentiaire de France; et qu'avons-nous appris sur la question des alliances
(jui, depuis le Congrès de Vienne, est devenue la question vitale des
États? — Au point de vue oii Metternich s'est placé, dès l'origine, et où
il est resté ferme jusqu'à la fin de sa carrière, une seule alliance était
profitable à l'Autriche : celle de la Russie. — Pour le bien de la France,
que l'extension de l'Allemagne menaçait tout autant que l'Autriche,
quelle alliance bizarre était-elle rêvée par le caprice de Talleyrand qui
employa, à l'obtenir, la faible constance dont il était capable? Le croirait-
on? l'alliance autrichienne!
— Mais elle vous perdra ! eut la franchise de lui répondre un Autri-
chien de premier ordre. Vos intérêts sont ailleurs. Cherchez. Vous
trouverez.
Talleyrand chercha, certes ; et il nous dit, dans son étude sur M. le Duc
(le Choiseul, ce qu'il trouva. La Prusse, dont il devinait pour la France
des dangers qu'il ne sut pas conjurer, « est, écrit-il, géographiquement
une puissance si mal constituée qu'elle ne peut point ne pas être
déj)endante. Avec une assez grande étendue de côtes, sans pouvoir
créer une marine militaire, attendu que ses revenus bornés ne suf-
fisent qu'à grand'peine à l'entretien de ses armées de terre, elle sera
toujours, à cet égard, à la merci de PAngleterre qui peut en un instant
ruiner tout son commerce. Obligée de tenir ses forces disséminées
sur une bande longue et étroite, elle sera toujours dépendante de
la Russie qui peut envahir le duché de Posen et la Silésie avant
([u'une arnïée prussienne ait été réunie. » En vérité, pour tant occuper
l'esprit de Talleyrand et de Napoléon lui-même, la faible Prusse de 1808
méritait bien de devenir la Prusse de 1870. Le danger pour la France
autant que pour l'Autriche, ajoutait Metternich, n'est pas dans celte
minuscule Prusse que personne, — Napoléon à part, — ne songe d'at-
taquer. Il est dans cette Prusse grandissante qui, au nord, va naturel-
lement servir de tête à ce géant invincible et h cette hydre affamée par
sa misère même qui s'appelle la Confédération Germanique et qui vous
terrassera à la fin, vous et nous, si nous ne l'empêchons de lier entre
eux ses membres disparates. Trois gardiennes géographiques sont
ap[>elées, par la situation de leurs frontières, à veiller au sommeil du
géant dont les membres sont étendus de toute part : la France, l'Au-
triche et la Russie.
La Russie?... plaisante Talleyrand, « on n'a su voir en elle qu'un
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LA PRÉLATLRK DE LÉON XIII.
[)ays qui, par son étendue et ses immenses déserts et par la rigueur
de son climat, est à l'abri de toute invasion et a sur les autres d'incal-
culables avantages; que, n'ayant rien à faire pour la défense, il peut
réunir tous ses efforts pour l'attaque; que le peuple encore tout
barbare qui l'habite, joignant un courage féroce à une grossièreté
d'organe qui en double la force, une soumission absolue à une
obéissance passive, n'ayant que des besoins peu nombreux et qui ne
dépassent point les bornes du nécessaire le plus strict, est, entre les
mains de son gouvernement, un instrument aussi facile à manier
(ju'il est formidable. » Et inscrivant ironicfuement au compte des
philosopîies du xvm'^ siècle le crédit (jue leur fit Catherine 11 et son
empire, il ajoute : « La France et la Hussie n'ont toujours aucun
intérêt commun; tous ceux qui les divisaient autrefois doivent les
diviser désormais, s'il est possible, encore davantage. Et si, contre
tous les conseils de la prudence, il pouvait arriver un jour que la
France recherchât une seconde fois cette alliance, l'effet inévitable et
immédiat qu'elle aurait, serait de produire un rapprochement intime
entre l'Autriche et la Prusse.... Un rapprocbement aux dépens de la
France ne manquerait pas de s'opérer entre les trois Puissances du
Nord, et l'on verrait une répétition des événements de 1815 et 181 i,
et probablement avec des conséquences encore plus fâcheuses ».
Pour si subtil et si retors qu'on soit, on suit malaisément l'argumen-
tation incohérente du mystificateur de Valençay ; on en constate surtout
le décousu quand l'acrobate, rompant sa corde et son pourpoint, tombe
dans cette conclusion bien inattendue : que la France, s'alliant à la
Russie, favoriserait aussitôt la jonction de l'Autriche à l'Allemagne.
C'est précisément ce que la France eût évité, en s'alliant en même
temps alors à la Russie et à l'Autriche, contre les États Germa-
niques, perpétuelle menace des trois Puissances (jui les entourent et
qui les eussent maintenus, ainsi unies k trois, dans l'impossibilité de
se nuire.
Par un engouement bizarre, que ne suggéraient pourtant pas les
tristes conséquences de la guerre de Sept Ans et les compromissions
fâcheuses des cabinets de Paris et de Vienne, mais par un besoin de
comprendre l'histoire autrement que Richelieu et peut-être aussi pour
le malin plaisir de comparer la taille de l'ex-évêque d'Autun à celle de
l'ex-évêque de Luçon, ce fut, à l'exclusion de toute autre, l'alliance
autrichienne que Talleyrand prôna : a Tout bien considéré, je ne vois
que la France et l'Autricbe qui puissent former une "alliance dans le
but que j'ai indiqué. Leur étendue, leur puissance, leurs richesses,
\.o )niiicc Clémi'iil (le MottiTiiicli, en 1848.
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de son climat, est à l'abri de toute invasion et a sur les autres dinial-
eulahles avantages: que, n'ayant rien à l'aire pour la défense, il peul
réunir tous ses elï'orts pour l'allaipie; (jue le pi'U|de encore tout
liarbare qui Tliabite, joignant un courage léroce à une grossièreté
d'organe qui en double la force, une soumission absolue à une
obéissance passive, n'ayant que des besoins |>eu nombreux cl (jui no
dépassent point les bornes du nécessaire le plus strict, est, entre les
mains de son gouvernement, un instrument aussi facile à manier
qu'il est formidable. » VA inscrivant ironi«|uement au compte ties
pliilosop!]es du xvni^ siècle le crédit que leur lit Catlierine 11 et s«»n
empire, il ajoute : « La France et la lUissie n'ont toujours aucun
intérêt connnun; tous ceux (|ui les divisaient autrefois doivent les
diviser désormais, s'il est possible, encore davantage. Kt si, contre
tous les conseils de la prudence, il pouvait arriver un jour «pie la
France rechercbàt une seconde fois cette alliance, lelVet inévitable et
immédiat qu'elle aurait, serait de produire un rapprocliement intime
entre l'Autricbe et la Prusse.... Un rapprochement aux dépens de la
France ne mampierait pas de s'opérer entre les trois Tuissances du
Nord, et l'on verrait une répétition des événements de 181."» et ISii,
et probablement avec des conséquences encore plus lâcheuses ».
Pour si subtil et si retors qu'on soit, on suit malaisément l'argumen-
tation incohérente du mystificateur de Valençay; on en constate surtout
le décousu (piand l'acrobate, rompant sa corde et son pourpoint, tombe
dans cette conclusion bien inattendue : que la France, s'alliant à la
Russie, favoriserait aussilcH la jonction de l'Autriche à l'Allemagne.
C'est précisément ce «[ue la France eut évité, en s'alliant en même
temps alors à la Russie et à l'Autriche, contre les Flats Germa-
ni([ues, j»erpétuelle menace des trois Puissances «pii les entourent et
qui les eussent maintenus, ainsi unies à trois, dans rinq)ossibilité de
se nuire.
Par un engouement bizarre, que ne suggéraient pourtant pas les
tristes conséquences de la guerre de Sept Ans et les com[)romissions
fâcheuses des cabinets de Paris et de Vienne, mais par un hesoin de
comprendre l'histoire autrement «pie Richelieu et peut-être aussi ])our
le malin plaisir de conq>arer la taille de rex-évé«|ue d'Autun à celle de
rex-évê(|ue de Luçon, ce fut, à l'exclusion de toute autre, l'alliance
autrichienne que Talleyrand [>rôna : « Tout bien considéré, je ne vois
que la France et l'Autriche qui puissent former une "alliance dans le
but que j'ai indiqué. Leur étendue, leur puissance, leurs richesses,
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194
LA PRÉLATLRE DK LKON MM.
sont telles qu'elles n'ont ri«?n à envier a personne, rien à désirer que
de conserver ce qu'elles |>ossèdent. Elles ont la force nécessaire pour
maintenir par leur accord tout en repos autour d'elles. Les plus
fortes puissances du centre de Tturope, elles seraient aussi les plus
fortes de l'Europe entière, si depuis un siècle il ne s'en était élevé
une au nord, dont les effrayants et rapides pro-rès doivent faire
craindre que tant d'envaliissements, par lesquels elle s'est déjà
signalée, ne soient encore que le prélude d'envahissements toujours
croissants, qui (iniront i.ar tout engloutir. »
Le principal contraste (pii oppose Metternich a Talleyrand, et la gran-
deur d'àme de l'un à la pusillanimité de l'autre, consiste en ce que,
tous deux envisageant le même danger du coté de la Prusse, le chan-
celier autrichien le conjura toute sa vie |)ar de durahles amitiés avec la
Rjssle (les affaires de Sadowa ne devant survenir qu'après sa morl);
tandis que le plénipotentiaire inconstant de l'Empire coiime de la I\es-
tauration, et de Charles X connue de Louis-Philippe, le laissa, dans
l'isolement des alliances stahles que son jahot flottant déconcertait,
grandir et croître jusqu'à cet amoncellement de images derrière lesquels
1 Allemagne unifiée se cachait et n'apparut à la France surprise que dar.s
le ciniue formidahle de Sedan où, en 1870, la forte partie enfin jouée
dut se perdre.
Mais, loin de ces tumultes d'em[)ires qui se hàtissent sur les champs
de hataille et tout à coup se ruinent dans un Congres, il convient de
rentrer dans le cahinet plus calme du prince de Metternich et d'ohserver,
sur les papiers qui manjuent la vie si droite de cet hjmme et dont la
princesse son épouse veut hien nous tourner elle-même les pages, de
quelle rectitude lut faite cette vie dont la devise était :
La force dans le droit.
On dit que les hergers, en Corse, n'ont, pour tout vêtement, qu'une
veste taillée dans la toison et dans la peau d'une hrebis, et que, deux fois
par an, en été et en hiver, cpiand ils retournent la toison à i'envers de la
peau ou la peau à l'envers de la toison, ils se contentent d'ajouter avec
un air très satisfait de ce sommaire rechange :
— B3nedeita la pulizûa! 0 hïanlicuvmsc propreté!
De combien d'hommes d'État n'en dirait-on pas autant, si l'on voulait
retourner leur habit! Et c'est cette belle tenue de l'homme du foyer qui
charme, en Metternich, autant ([ue celle de l'homme du forum en
impoaa. Il semble que ce seigneur de race, né pur plaire, n'entra
aux aifii-es que pour commander par hasard; et que, le Congrès
f#5.
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DE CIIATEAl lUtlA.M) A MKTTKIIMCII.
105
de Vienne — son œuvre et son chef-d'œuvre — l'ayant fait pour la
vie le monarque des ambassadeurs, il n'eut pas de plaisir plus vif que
celui de retourner vile auprès de sa jeune famille et de continuer
jusqu'à sa mort son règne en gouvernant, de préférence, avec une
galanterie d'idéal gentilhomme, ses femmes et les enfants qu'il eut
d'elles.
C'est la troisième de celles-ci qui nous initie, dans son Journal, à
la vie intime de son époux et de son dieu. Elle est digne de tout
éloge, par l'attention qu'elle met à hériter du passé de ses rivales
dont les mémoires ressuscitées eussent pu lui paraître cruelles.
Pour la princesse Mélanie, les épouses précédentes de Metternich sont
devenues ses sœurs; les enfants des autres lits, ses fils propres. Elle
recherche avec amour, dans les papiers du prince, les dates et les faits
oîi tressaillit son àme, le jour où le peintre Lawrence lui présenta
le portrait d(^ la princesse Éléonore, celui oîi la charmante déesse
Iriompîia de toute la Cour à un bal, celui où il la déposa au tombeau
vi\ un rayom^^ment de dernière et inoubliable beauté. Et puis, ce
fut aussi le tour de sa fillette Marie, à clore pour toujours ses veux
de fée « que Lawrence regrettera de ne plus pouvoir peindre » ; Marie,
celte image naïve de l'ingénuité qui, ne comprenant pas qu'on la
trouvât si belle (juand on se retournait à son passage, disait au prince,
son père :
— Il faut (jue ces gens n'aient jamais vu un chapeau comme le
mien !
Ce père et cet époux au veuvage, ne pouvant plus vivre dans la soli-
tude de son foyer, remit, l'année suivante, à ses genoux une deuxième
femme qui adorerait lidole, aussi pieusement (|ue la première. Moins
longtemps qu'elle, hélas! En 1829, la comtesse Antoinette de Beylstein
en mourant laissa encore le prince à sa solitude et à son déses-
poir : « Je comprends votre sentiment de peine, comme si vous n'étiez
pas mon fils, vou^ qui êtes l'ami né de ma vie, » répond-il aux con-
doléances de S3n aîné. Pour chercher une cojisolation m 'illeure, il se
tourne vers le petit hichard dont la naissance a occasionné la mort de
sa mère : a Le petit Dichard se porte très bien. Il est fort, robuste «t
très laid; ce qui me donno l'espoir qu'il ne le sera plus, quand il
sera grand. Il ne ressemble à personne qu'à lui-même. La seule
ressemblance qu'il ait avec sa pauvre mère, ce sont les mains. » En
s'exprimant ainsi sur les mains de son fils, le prince était parlemen-
taire. Ne dit-on pas j)lus vulgairement, en cette circonstince, (pie c'est
par les (ùeds que tel fils accuserait, encore (jui' de loin, un vague air de
f :
il
,96 LA PRÉLATIRE DE I.ÉOX XHI-
hmillc? Le prince Richard de Mellcrnich, en j mettant le temps, n-«rri-
vera pas mL h autant de distinction et d'intelligence que son père;
et ceiu qui ont fréquenté le bel ambassadeur, dans les salons de Impc^
ratrice Eugénie ou chez lui, riront complaisamment à cette sa.lhc du
vicu^ chancelier dAutriche, jaloux peut-être de son contmuateur poh-
tiiiue en France. . . • , • -,
Cependant, près de ce laideron au berceau, le prmce s ennuie et ecn
J, son amie la comtesse de Zichj-Fcrraris qu'il ny tient i^us et qu .1
veut se remarier. L'amie ne cherche pas plus lo.n qu autour d elle.
Le prince Hichard de Melleriiicli.
et, Jephtc féminin, elle envoie aussitôt sa fille pleurer sa liberté, no.,
plus comme celle du Juge d'Israël sur les hauteurs du Galaad, mais
dans les solitudes du Johannisberg, ou, vers 18W. Mettern.cl. sent -lue
l'acculent les révolutions contenues jusqu'alors par sa mam de 1er, qui
pèse, toute seule, sur la carte d'Europe tout entière. Le Journal de la
princesse devient encore plus intéressant, vers cette époque; et on en lira
'melques extraits avec l'intérêt qu'ils comportent, malgré la rapidité des
citations empruntée aux événements qui se multiplient et se preci-
'" Ks l'année 1847, la princesse a deviné l'orage -qui, de la France et
de rilalie. va éclater sur l'Autriche et emporter dans sa tempête l'aul-
l)K CHATEAUBRIAND A METTERNICH.
107
TÏté de Metternicli : « On vend en pleine rue de Rome des poignards,
■dont le manche est formé de la tiare avec les armes pontificales et cette
léaende : Viva Pio Nono!... « Clément est admirable. La crainte
n'a pas de prise sur lui, mais il est parfois très agité.... Depuis que je
vis à ses côtés, je tremble de voir venir le moment où il sera fatigué du
fardeau qui l'accable, delà vie, en un mot ».... « A di\ heures du soir,
pendant qu'on se battait sur les glacis de Vienne, j'appris que l'on com-
mençait à faire des concessions, et que la première concession accordée
était la chute de mon mari. Au premier moment, je regardais la chose
comme impossible. Mourir, oui, mais avec gloire! Faire des concessions,
<'ela me paraît trop misérable. » Et enfin, le 12 mars 1848 : « Je n'ai
Jamais fait grand cas des hommes, mais j'avoue que je ne me les étais^
pas figurés aussi vils. De même que les rats abandonnent un navire «fui
sombre, de même nous avons été fuis par une foule d'amis égarés
|>ar la peur.... Tout le monde avait perdu la tête (malheureusement on
lie peut pas perdre ce qu'on n'a pas). Clément est resté calme et résigné.
J'ai taché de le paraître aussi, mais mon cœur se brisait. » On sait la
suite, la (in de l'histoire : les concessions demandées par le j)arti lihérrl
^le Vienne à l'homme qui s'était défini lui-mcme « un tempérament histch-
rlqucy antipathique à tout ce qui tient du roman, )) et (|ui,ne oomp re-
liant pas qu'on puisse bâtir un gouvernement républicain sur les bases
d'un gouvernement monarchique, aima mieux prendre congé de son
Empereur et quitter les affaires pour n'y plus revenir. Alors ce furent
Jes voyages de l'exil où, Antigone dévouée à son Œdipe qui ne voyait plus
rien au monde, hors la diplomatie dont les révolutions lui refusaient la
ronduile, la princesse Mélanie, de ville en ville et d'hôtel en hôtel, mena
•son dieu déchu. A Bruxelles, à Ostende, à Carlsbad, on ralluma pour un
tenq)s la lampe du foyer. Des confidences plus intimes s'échangèrent,
H-nlre les hommes qu'ils avaient vus; et Metternich, qui, (( ayant fait de
l'histoire, n'avait pas eu le temps d'en écrire, » dictait, par passe-
temps, à son épouse, quelques phrases qui serviraient plus tard à une
ivdaction moins imparfaite.
Sur M. Thiers, elle dit : « Mon mari a passé la matinée avec
M. Thiers, qui l'a consulté un peu tardivement au sujet de son Histoire
(lu Consulat et de l'Empire. Ce livre contient déjà tant d'erreurs, que
îes conseils me paraissent inutiles. M. Thiers a trouvé à la Cour un
.jiccucil des plus empressés. On a donné en son honneur, à Hœcken, un
grand dîner auquel il est arrivé trop tard et dans une tenue qui n'était
pas correcte. Il avait une cravate noire et un pantalon gris. Tout le
inonde a été choqué.
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,yC LA PnÊLATLBE liK I.KCN MH-
fanille'' l.c prince Richard de Melternicl., en v ...citant le len.ps ..-arri-
«..-a ,.as ...«'..s r. autant de distinction et d'intelligence que son |.ere;
et cenx ..ni ont rré-incnlé le l.el an.bassadenr, .lans les salons de In-l-c-
r-arice l':uRé..ie on d.e/, lui, riront cou.i.laisan.n.ent î. cette sa.ll.e ...
vieux eha.reelicr d-A..t.iehe. jalon, pcut-èh^e de so.. conlin..aleur |.ol.-
tici.ie en F.-a..ce. . . .
Ce,.e..dant. près de ce lai.leron au berceau, le pr...ce sennu.eet e.r.
;, J au..e la con.tesse de Zicl.y-Fcrraris .lu'il n'y lient pins et .,.. .1
v,„, .c rcnarier. I/aïuie ne cl.ercl.e pas pl..s loin .p. a..tonr d elle.
I,,' |>nin»' llkliiinl tir Mi-IUtiikIi.
a J.uhlé le.ni.iin, elle envcu. aussitôt sa lille pleurer sa libertr, n(>.r
plus connue eelle du Ju^e d'Israël sur les hauteurs du Galaad, mais
dans les solitudes du Johanuisber-s où, vers iSid, Metlernuh sent 4"^;
l'acculent les révolutions contenues jus.iu'alors par sa niani de ier, qm
PÎ.SC, toute seule, sur la carte d'Kurope tout entière. Le Journal de la
princesse devient encore plus intéressant, vers cette époque; cl on en lira
Inieluuos extraits avec l'intérêt cju'ils comportent, nial^^ré la rapidité des
citations empruntée aux événements qui se multiplient et se preci-
^** d"s l'année lHi7, la princesse a deviné l'orage 4iui, de la France et
de rilalie, va éclater sur l'Autriche et enq.orler dans sa tempête 1 auto-
l)K CllATKALBlUAxM) A METTKU.MCH.
lia
rite de Metternich : « On vend en jdeine rue de Home des poignards,
dont le manche est formé de la tiare avec les armes pontificales et cette
légende : Vira Pio Nnno!... « Clément est admirable. La crainte
n'a pas de prise sur lui. mais il est parfois très agité.... Depuis que je
vis à ses colés, je ir('mi)le de voir venir le moment où il sera fatigué du
iardeau (jui l'accable, delà vie, en un mot ».... « A dix heures du soir,
pi'iidant ([u'on se battait sur les glacis de Vieinie, j'appris que l'on com-
ancnçait à faire des concessions, et que la première concession accordé^
élail la chute de mon mari. Au premier moment, je regardais la cho<e
comme inqiossible. Mourir, oui, mais avec gloire! Faire des concession^,
4ela me paraît trop misérable. » Lt enfin, le i^l mars 1848 : « Je n'ai
jamais fait grand cas des hommes, mais j'avoue (pie je ne me les étais
pas figurés aussi vils. De même que les rats abandonnent un navire qui
sombre, de mémo nous avons élé fuis par une foule d'amis égarés
(par la peur.... Tout le monde avait perdu la tète (malheureusement on
ne peut pas perdre ce qu'on n'a pas). Clément est resté calme et résigné.
J'ai lâché de le paraître aussi, mais mon cœur se brisail. » On sait la
suite, la fin de l'histoire: les concessions demandées }>ar le parti libérrl
^le Vienne à l'homme (jui s'était défini lui-même « un tempérament hi:<to-
rique^ antipathi(|ue à tout ce (jui tient du roman. )) «'t qui, ne .)onq)r(-
.naut pas ipi'on puisse bâtir un gouvernement républicain sur les bases
d'un gouvernement monarcbicjue, aima mieux prendre congé de son
Kmpereur et (piitler les affaires pour n'y plus revenir. Alors ce furent
les voyages de l'exil où, Antigone dévouée à son Œdipe cpii ne voyait plus
rien au monde, hors la diplomatie dont les révolutions lui refusaient la
conduite, la princesse Mélanie, de ville en ville et d'hôtel en hôtel, mena
•sou dieu déchu. A llruxelles, à Ostende, à Carlsbad, on ralluma pour un
l( inps la lampe du foyer. Des confidences [dus intimes s'(*changèrent,
•eutre les hommes «pi'ils avaient vus; et Melternieh. (pii, (( ayant fait de
riiisloire, n'avait |)as eu le temps d'en écrire, » dictait, par passe-
•temps, à sop épouse, qu«'l(pies phrases qui serviraient [dus tard à une
rédaction moins imparfaite.
Sur M. Thiers, elle dit : k Mon mari a i)assé la matinée avec
M. ïhiers, qui l'a consulté un pou tardivement au sujet de son Histoire
(lu Omsulal et de l'Empiri'. Ce livre contient déjà tant d'erreurs, que
les conseils me paraissent inutiles. M. Thiers a trouvé à la Cour nu
-accueil des plus empressés. On a donné «mi son honneur, à llffîcken, un
grand dîner auquel il est arrivé trop tard et dans une tenue ([ui n'était
4)as correcte. Il avait une cravate noire et un pantalon gris. Tout le
monde a élé cliofjiié.
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1U8
LA l'UÉLATLUE DE IKON MH.
L-f ,
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1 .
Plus loin, elle parle d'une visite que Berner leur a faile, cl où il leur
a rapporté ee propos tenu récemment devant lui par Victor Hugo : « Je
u\ vois plus, je deviens aveugle, comme les autres! — Qui donc, les
autres? — Comme Milton et Homère! » En vérité, pouvait-on l'être
davantage?
Au lendemain de la publication d'un nouveau livre de M. de Lamen-
nais, la princesse écrit cette saillie (pie Metternicli rapporte de Chiileau-
briand, sur cet honmie : « Les Paroles d'im Croi/aut, c'est 179Ô qui
fait sa conlession pascale ». Et ailleurs : « Lal'ayette est mort aujour-
d'bui. Trop tard, pour le monde 1 »
Une autre Fois, c'est de la littérature des Mémoires (ju'ils s'entre-
tiennent : « J'ai passé, ce matin, une beure très intéressante. Clément
parla des Mémoires de la ducbesse d'Abranlès, (pii n'olVrent pas, il est
vrai, un attrait bien considérable, mais dont l'auteur passera à la posté-
rité, ainsi que Mme Récamier. On les tiendra toutes deux pour des
lémmes remarquables, des personnalités capables de l'aire de grandes
clioses et de concevoir de grands desseins. Leur existence sera enveloppée
d'une sorte de mystère, et l'on ne soulèvera le voile «pie dans l'espoir
de recueillir des faits romanesques, de découvrir même les causes des
plus grands événements, et de trouver en elles des femmes pareilles à
celles du siècle de Louis XIV. Mais ceux qui les ont connues de plus
près, conmie Clément, par exenq)le, savent fort bien qu'elles n'ont profilé
des grands événements de Ibistoire que pour acquérir une certaine
célébrité, en remplissant les moments de loisir des bommes en vue de
le temps-là. La ducbesse d'Abranlès joignait à la passion de plaire et à
la beauté extérieure, un esprit vif et agréable. Mme Hécamier n'était
que belle et, pour le dire sans détour, elle avait dans son temps la
réputation d'être niaise. A présent, elle s'est tout à fait jetée dans la
dévotion; ce qui ne l'emi)êcbe pas d'être, selon toute api.arence, au
mieux avec Cbaleaubriand. »
Celte cbasse sur le terrain d'aulrui, tentée à petits coui)s de badine
par les deux cbàlelains du Jobannisberg si beureux de vieillir sans un
regret, ne peint pas au juste le caractère airiiable des deux causeurs.
Mais la veillée s'attarde. La lampe baisse. Lîf princesse a peur de voir
s'éteindre aussi son dieu, bienlot octogénaire; et, si elle le pi(iue ainsi,
ce n'est que pour l'empècber de s'endormir avant l'iieure. Sa malicieuse
gaieté recouvre mal la tristesse sacrée des dernières heures «pii appro-
chent : « A cliaque pas, écrit-elle, Clément semble dire adieu a la vie.
Cela est bien pénible. Il faut surtout que je me taise, ce qui souvent
me coule beaucoup. »
Wi I J
*|i*tf:
DE CllATEAUDRlAND A METTEU.MCIf.
1 09
A la date de février 1850, nous lisons cette mélancolie : « J'ai fait
chanter chez moi (à Bruxelles) des chanteurs slyriens, (pii sont ici de
passage. Cela m'a rappelé notre pays, mais m'a rendue bien triste. » Et
puis, trois ans après, le T» mars 1854, la poétique veilleuse que la prin-
cesse avait entreti'iiue vingt-trois ans devant l'autel de son idole s'étant
éteinte la première, ce fut le dieu qui prit la plume abandonnée sur le
Journal par la morte, et qui ajouta ces lignes dignes de leurs deux
âmes de vieillards et de contemplatifs : « Le dernier moment de Mélanie
a été comme la fin d'une lumière (|ui s'éteint doucement, connue le
sommeil d'un enfant, comme le tran(|uille départ pour une éternelle pa-
trie ». Ainsi, loin des trois tombes de ses trois chères femmes auxquelles,
chacune à son heure, il avait donné tout son cœur; loin des afl'aires
publiques que le lion, vieilli par cinquante ans de luttes, ne pouvait
plus régir, Metternich, dont la |)ensée sereine redresse encore son beau
front aussi haut qu'à vingt ans, reprend tout seul, de ville en ville,
l'ancien voyage de Childe Harold.
— Je suis vivant, écrit-il, avant de reprendre sa canne de pèlerin
solitaire, mais je suis du nombre des morts.
A Cologne, il s'arrête pour mander 5 sa fille : « Salue de ma part
le lilas, s'il est en lleurs ». A Kœnigwart, il prend rendez-vous avec
son fils Bichard et la princesse Pauline, sa bru nouvelle dont il devine
l'esprit brillant qui jettera sur la Cour sémillante de Napoléon III de si
ardentes étincelles : « Bichard et Pauline ont été exacts; ils sont arrivés
ici, le i. Ils ont, tous deux, très bonne mine et sont exactement satisfaits
de leur existence. Pauline est pleine d'esprit; elle a de l'assurance et
parle comme une personne mûrie par Page, sans que ses paroles perdent
le charme de sa jeunesse. On l'écoute avec plaisir, quand elle parle des
attentions dont la comblent les hauts dignitaires avec lesquels elle se
trouve en contact; et tout ce que j'entends dire, de l'impression qu'elle
a faite à la Cour et dans la société, lui fait honneur. »
A Mayence, il fixe ce trait exquis et comme ce rayon du dernier
automne qui, sentant bien (ju'il dore seulement des fruits qu'il ne peut
plus laire mûrir, salue sous le verger la vie qui louche à son soir :
« J'ai déjeuné hier chez les Crenneville, avec une de mes amies d'enfance,
une comtesse d'Eltz qui célèbre aujourd'hui son quatre-vingt-onzième
anniversaire de naissance. Elle m'a rappelé les menuels (|ue nous dan-
sions ensemble, aux bals denfants que donna l'Électeur de Mayence.
Tout, dans ce pays, est à la fois trop ancien et trop nouveau pour moi. »
Ainsi, le lied étant fini et le charmant minnes.Tnî;er avant atteint la
quatre-vingt-sixième année de sa vie, le 11 juin 1859, Clément de
M '.
H
M
1
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».'
200 LA PRÉLATLRK l>E LÉON XIII.
Metternich s'éteignit dans le sourire le plus doux dont puisse être
auréolée la vieillesse d'un l.on.me. Son fils Richard de Meltern.ch reçut
son dernier souffle, le ,,lus pur .|ui ait servi au ,.lus lionnète gent.l-
hommc pour exprimer de ces paroles qui ont le poids de 1 or dans les
balances où se pèsent les destinées des peuples, et dont la d.plou>atie
éprouve, pour des siècles, la puissante inHuence. Ce fut à la princesse
Pauline .lu'écl.ut la plun.e .pii avait écrit pour quelles causes le pren.ier
l-mpirc croula, - la même princesse qui, de la même plume, nous
apprendrait, plus lard, en de nouveaux .Mémoires, pour «luels mot.ls le
dernier Empire ne résista pas davantage.
— J'ai été un rocher de l'ordre!... avait dit, vers la fin de ses jours,
rinfrangil.le chancelier d'Autriche à un ami d'autrefois qui était venu
lui faire visite. Et comme l'ami, se retirant, s'était arrêté sur le seuil
pour regarder une dernière fois le grand vieillard dont le huste mcas-
sable se redressait sur ses papiers de cabinet où sa main toujours ferme
essayait décrire encore, Metterni.h. solennel et souriant, de repeler
encJre : — ... Un rocher de l'ordre! . , , , .
Un rocher de l'ordre, et le plus inébranlable, et le plus semblable a
la pierre angulaire sur laquelle l'Église doit établir pour les siccU-s son
Gouvernement ici-bas; n'était-ce pas, enfin trouvé,-, la formule politique
à la(|uelle l'esprit d'ordre et de gouvernement de Joachim l'ecci allait
se conformer par tenipéranient personnel, aussi bien que par éducati.m
ecclésiastique'; Oii l'eût conduit, au contraire, la barque instable de
Chateaubriand qui, pour toucher aux plus extrêmes rivages, nembar-
«lua que plus dangereusement les plus humaines et plus périssables
passions? L'élève vieillirait bien assez, pour mêler la pondération trop
rétrograde d'un Metternich i'i l'envolement trop prompt d'un thaleau-
hriaml. De ces deux éléments, sagement combinés, il se composerait a
la longue un manuel politique bien personnel à cet élève «lUi, sachant
accorder plus lard les monarchies et les républi(|ues, les princiix-s
immuables des temps anciens et les formules variables des temps mo-
dernes l'Église qui demeure et le siècle (pii passe, deviendrait, grâce,
à ses deux maîtres si divers, le politicien le plus com|.let peut-être du
XIX» siècle, et peut-être le Pape le plus accompli de tous les temps.
Fl déjà, malgré son extrême jeunesse, Joiichim Pecci n'était-il pas deja
assez instruit aux choses de l'Église et du siècle dans le silence de la
cellule où l'heure sonnait joyeusement la sortie de noire futur diplo-
mate, si ambitieux cl à si juste titre? Ce fut vers la fin de 1857. quand,
pour recevoir le mantelet du monsignore en même temps que 1 onction
au sacerdoce, l'abbé Pecci se présenta ?i l'Antichambre du Pape.
I 0 carrosse <1i' Mgr Joacliiin Pecci.
ÎY
l/AMICII.VMnRE DU P.^PE
Quand le soleil s'incline sur Uome et
tombe derrière les aqueducs de Claudius
dont les arceaux géants relient la ville à
la montagne avec leurs mille bras de co-
losses toujours dressés et toujours im-
muables, c'est un spectacle grandiose de
voir, le soir, s'en aller l'astre en feu le
\m" de ces arcs en ruines et sous les
murs de celte ville éternelle vraiment oîi
^ une grande chose semble finir à cliaijuc
fois qu'une autre grande chose recom-
mence. Quelle était, sur le cadran de
Dieu, l'heure marquée aux destinées de
Uome quand le pape Grégoire XVI suc-
céda au pape Pie YIU, comme un soleil
dhiver descend après un soleil d'automne sur la désolante grandeur
de cette campagne romaine où l'horizon ne connaît d'autres bornes
Mgr Joadiiin IVcci.
i
il
i il
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200 LA l'IîfiLATtRK liK LÉON MU.
Melternicl, sVicignit Jans le souri ,p lo |.lns .lo.ix dont |mis^e .■lie
aun-'oléc la vieillesse ci-.in hoiunic. Son fils Iticliard de Medern.ci, rer.U
son der.,ier sonllle, le plus ,m>- .|ni ail servi au pins lionnèle f:.nl.l-
iiomme pour exprinier de ces paroles ([ni ..nt le poids de 1 or dans les
iMianees oii se pèsent les destinées des peuples, et dont la d.plo.iiade
épronve. pour des sièeles, la puissante inllnenee. Ce (ut à la pnn.rsse
Pauline (inéeliut la plume qui avait éeril pour .pielles causes le premier
l'inpire croula. - la nièni.. piiiicsse .|ui. de la même plum,'. nous
iipprendrait, plus lard, en de nouveaux Mnunires, pour ipiels motils le
dernier Empire ne résista pas davantage.
— Jai été un rocher d.^ l'ordre!... avait dit, vers la (in de ses jours,
linfran-iMe chancelier dAulriclie à un ami d'autrelois qui était venu
lui |;,ire visite. Et comme Cami, se reliranl. s'élail arrêté sur le semi
iwur regarder une dernière (ois le grand vieillard dont le l.uste incas-
.ahlc se redr..ssait sur ses papiers de cdiinet oi. sa main toujours (erm.'
essavail décrire encore, Melleinicli, solennel el souriaiK, de ivpeler
onc(ire : — ... In rocher de l'ordre 1
Un rocher d.' Tordre, el \,' plus inéhranlahle. et le pins semblable a
la pierre aimulaire sur laquelle l'Église doit établir pour les siècles son
r.ouverii..ment ici-bas; nélait-ce pas. endn (rouvce. la Cormule polKique
-, la.iuelle l'esprit d'ordre el de gouvernenient de Joaclnin l'ecci a((ail
se conCormcr par (empérament personnel, aussi bien que par educal...n
occlésiastique'.' Oîi leùt conduit, au contraire, la l.ar<|ue instable de
Chateaubriand cpii. pour toucher aux plus extrêmes rivages, n embar-
qua que plus dangereusement les plus humaines el ,dus périssables
passions? l/clèvc vieillirait bien assez, pour mêler la pondcralion trop
rétrouraile d'un Metternich à renvolcmenl trop prompt d un Chalcau-
hriand Ile ces deux élénienls, sagement combinés, il se composerait a
la l.m.ue un nianu.i pcditique bien personnel à cet élève qui, sachant
accorder plus lard les monarchies et les républi.pies, les principes
immuables des temps anciens el les formules variables des temps iimh
dcrncs, l'Église qui demeure et le siècle .pii passe, deviendrait, grâce,
à ses deux mailles si divers, le politicien le plus complet pent-ê'lre du
xiv siècle, .'t pcul-êlr.> le l'ape le plus .iccompli de tous les Icmi.s.
El d.Mà. malgré son exlième jeunesse. Joachim l'ecci n'était-il pas dcja
assez instruit aux choses de l'Église cl du siècle dans le silence de la
,elhile oîi l'heure sonnait jovcuscment la sortie de noire (udir diplo-
mate, si ambitieux el à si juste tilre'M;e Cul vers la fin de Isr.i. ,piand,
pour recevoir le mantelet du monsignnre en même temps que I onction
du sacerdoce, l'abbé l'ecci se présenta .-. rAntichambre du l'ape.
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lonihe derrière les acjneducs de Claudnis
dont les arceaux «géants relient la ville à
la niontapie avec leurs mille bras de co-
losses toujours dressés et toujours im-
Miualdes, c'est un spectacle grandiose de
voir, le soir, s'en aller l'astre en feu le
long de ces arcs en ruines et sous les
murs de celle ville éternelle vraiment où
une grande chose semble finir a clKUjue
fois qu'une autre grande chose recom-
mence. Quelle était, sur le cadran de
Dieu, l'heure man|uée aux destinées de
Home quand le pape Grégoire Wl suc-
céda au pape Pic Vlll, comme un soleil
dhiver descend après un soleil d'automne sur la désolante grandeur
de cette canq^agne romaine où l'horizon ne connaît d'autres bornes
M<;r Joarliiin IN'ki.
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202
LA PRÉLATLHK DE LKO.X MIL
que celles des tombeaux? Mais ces tombeaux du passé, oa nous avons
vu Chateaubriand vieilli aimer à ployer ses genoux, pour rendre U
la poussière l'homme qui en était sorti, et pour lui donner son argile
mortelle en échange de la statue d'argile que les mortels y pétriraient^
peut-être, un jour; ces tombeaux de l'an mort, oîi nous avons vu aussi
la silhouette de Pecci adolescent profiler les graciles contours de sa
l'réle personne et la mélancolie de sa jeunesse errante, à lacjuelle était
promis l'avenir ; ces h>pogées de tant de siècles disparus sans laisser
d'autres traces (jue celles des l'unèbres sillons dont Rome est labourée en
tout sens, n'étaient-ils pas les reposoirs sacrés où la main de Dieu a jeté,
comme les grains de sa moisson mystique, d'immortelles promesses? Cet
avenir, assuré à Home et à ses Papes, quel serait-il? L'alliance fatale et
désormais irrémissible de la religion chrétienne avec les libertés mo-
dernes, telle que Chateaubriand l'avait demandée devant le guichet du
Conclave à une assemblée de vieillards invités à « replacer la religion à
la tète de la marche de la société », cette union des vieilles monarchies
décadentes avec les jeunes démocraties ascendantes à la(|uclle le pape
Castiglione n'avait eu que le temps de présider, le pape Cappellari aurait-
il l'énergie de la consommer et de la conclure pour le bonheur des peuples
catholiques confiés spirituellement à sa garde?
En attendant que Iiome parlât, Paris agissait. 11 envoyait à l'Angle-
terre geôlière du premier Napoléon déchu le dernier Bourbon en désht'-
rence, qu'elle saurait garder de languir à l'ombre hospitalière des arbres-
magnifiques d'Holyrood. Facteur clandestin de la première Révolution qui
emporta sa belle-sœur Marie-Antoinette, comme dans la finale tourbillon-
nante du dangereux valtzer pour lequel le comte d'Artois avait servi de
cavalier et d'imprésario à la reine de France, une fois roi pour son
compte Charles X devait être aussi justement emporté par la Révolu-
tion suivante. Les derniers coups de canon n'avaient pas annoncé la fin
du bombardement d'Alger et la conquête d'une terre nouvelle à la
France, que celle-ci invitait les fournisseurs de la Cour à nettojer leurs
écussons. « Ceux qui jadis avaient recouvert les aigles napoléoniennes
peintes à l'huile de lis bourboniens, détrempés à la colle, n'eurent besoin
que d'une éponge pour nettoyer leur loyauté, » dit Chateaubriand ; et le
nettoyage du vieux parti fut encore en faveur de la phalange des « vété-
rans réengagistes » de la monarchie au rancart, et des ci-devant régi-
cides convertis a la royauté constitutionnelle par la conversion même de
la rente qui, des derniers carmagnolains de 1793, avjiit fait les premiers
bourgeois de 1850. Philippe d'Orléans n'était-il [las leur homme, étant
de cette famille qui « ne dit et ne fait jamais rien de complet, et
L'A.MICIIAMHRE DU PAPE
205
laisse toujours une porte ouverte a l'évasion ». Aux cris de : « Plus de
lk)urbons î » le cousin de Charles X avait reçu à l'Hôtel de Ville, du popu-
laire de Paris, la couronne de France en même temps i[uc l'accolade de
Lafayelte, sur la joue oîi le Christ avait reçu le soufllet de la foule.
— Vous venez de prendre de grands engagements, lui dit un de ses
satellites. S'il vous arrivait d'y manquer, nous sommes gens à vous les
rappeler.
— Monsieur, je suis honnête homme î répondit Louis-Philippe à
ce Dubourg costumé en général avec des nippes du magasin de l'Opéra-
Comique.
Honnête homme! c'est qu'il l'était aussi, cet Edouard Cavaignac,
mieux connu sous le titre de « Na[)oléon de l'Émeute » que lui avaient
valu sa vie de conspirateur sans trêve et sa mort qui arriva, pour lui
comme pour Ronaparte, un 5 mai : « Votre père fut régicide, comme le
mien! )) dit-il au fils de Philippe-Egalité devenu roi des Français, « cela
vous recommande dans la lignée des autres rois ». C'est qu'honnête
homme, il l'était encore, ce Casimir-Périer bureaucrate de la démocratie
en bancpie, de i\m le duc Decazes disiiit : « Que voulez-vous faire d'un
homme qui regarde toujours sa langue dans une glace? » Honnêtes
hommes, c'est (|u'ils l'étaient tous ensemble et séparément ces Thiers,
ces Guizot, ces Mignet, ces Carrel, ces Royer-Collard , ces Dupont de
l'Eure, ces Laflitte, qui retenaient comme le trait d'union le plus favo-
rable, entre la royauté absolue et l'absolue république, cette forme de
monarchie constitutionnelle qui, selon la juste expression d'un chroni-
queur des États de la Ligue, rend ses souverains d'emprunt « maîtres et
valets tout ensemble ». Contre cette forme nouvelle de la monarchie des
bourgeois, (jue pourra faire la romanesque duchesse de Rerry, pour
revendiiiuer la couronne de France confisquée à son fils, le roi légitime?
Une conspiration sur les côtes de Provence où le pire naufrage qu'elle
pourra éprouver sera celui de ses partisans qui feront tous défaut à
son royal apiKil. « C'est Walter Scott, et non sa folle lectrice, qu'il faut
pendre! » disaient les royalistes sourds à la voix de la duchesse. Sem-
blable à la sirène dont l'eau perpétue les accents, ou au phénix qui renaît
de ses cendres et dont les fabulesques images furent si chères à son style
de magicien et de chanteur, que pourra encore essayer le dernier servi-
teur de cette monarchie retardataire et de sa folâtre régente, avant de
clore la série des classiques et démodées métaphores par quelque chant
du cygne, dont le plumage blanc s'est tout à coup fait noir; ce pauvre
vieux Chateaubriand qui, sur les ruines de sa croulante Ihon, s'appelle
pour finir une « inutile Cassandre » qui a (( assez fatigué le trône et la
:' \
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•frjjTMsar
L'ANTICHAMBRE Di: PAPE.
205.
204
LA PRÉLATURE DE LÉON MIL
■* .
(A:
w
patrie de ses avorlisscmenls dédaignés » ? Que lui reslera-t-il à l'aire, sinon
de « s'asseoir sur les débris d'un naufrage tant de fois prédit » ? « Je re-
<îonnais au malheur toutes les sortes de puissance» excepté celle de me
délier de mes serments de lidélité. Je dois aussi rendre ma vie uniforme :
après tout ce que j'ai fait, dit et écrit pour les Bourbons, je serais le
dernier des misérables, si je les reniais au moment où, pour la troisième
-et dernière l'ois, ils s'acheminent vers l'exil. » Ainsi la Cassandre de
Charles X, se transformant en cygne deLéda pour la duchesse de Berry,
en phénix pour Henri Y et en sirène pour les Pairs, ses auditeurs char-
més encore, n'a plus, avant de disparaître pour toujours, (ju'annoncer
à la phalange des « vétérans réengagistes » l'entrée en scène d'une « mo-
narchie domestique » avec laquelle la liberté, habile dans l'art d'accom-
moder les restes, fera son pot-au-feu; a défaut de l'autre monarchie trop
vieille et trop grande dame à qui il a manqué « de l'élan, de la jeu-
nesse, de l'intrépidité, |K)ur tourner le dos au passé et marcher avec
Ja France à la rencontre de l'avenir ». De Paris à Rome, on applaudit
le tibicinaire virtuose. « Dans le journal que je vous envoie, écrit Joachim
Pecci à son frère Titta, vous trouverez, encore qu'en résumé, la lin du
bel et éloquent discours que Chateaubriand vient de prononcer devant
la Chambre des Pairs'. » Et les funérailles des vieilles monarchies, ainsi
ordonnancées en France, n'ont plus qu'à suivre au pas d'enterrement
joyal, l'une après l'autre, les grandes et les petites cours d'Europe.
Les petites, d'abord. Et c'est premièrement, sous la protection falla-
cieuse de Sa Majesté Chrétienne d'Autriche et sous la garde Gdèle de Met-
ternich son grand-maître des cérémonies, la déiapitation syslémalique
de tous les petits États italiens. Les rois eux-mêmes avaient admirable-
«lent préparé leur déchéance future et le prochain avènement des jeunes
républiques, avec le traité de Vienne et son adjudant complémentaire de
Paris, le '20 novembre 1815; ces deux actes de la Sainte Alliance par
desquels les monarques, alliés contre le démembrement européen de Napo-
léon, voulurent donner un lendemain à la journée sanglante que vit
l'auberge de la Belle-Alliance, et où ils signèrent a leur tour leur Water-
loo. — En Italie donc, les partageurs de l'aigle impériale avaient retenu
|)our l'Autriche voisine la Vénétie et la Lombardie, comme les deux ailes
de l'oiseau adriatique et méditerranéen qui, ainsi lié, ne serait plus bon
►ipi'à vendre au plus ofl'rnnt sur le marché des esclaves. — Un frère de
l'empereur autrichien, Ferdinand 111, prendrait pour son compte la Tos-
*cane, comme le cœur de celte pauvre Itahc qui n'avait plus qu'à battre
1. Cf. TKpislola'iv «l«« Joni'liim Pf-i. «lan; l.i Jrnnrfxc de l/ur.\ MU. p. 200.
pour ses envahisseurs. — A Marie-Louise reviendrait Parme et Plaisance
comme un joyau de fête que ne saurait plus porter dans son veuvage celle
qu'on a si justement appelée la o Niobé des nations » . — Naples et Sicikv
apanage séculaire des Bourbons d'Espagne depuis que les Bourbons de
France y avaient implanté le lis rouge d'Anjou et des Vêpres, pouvaient-^
elles encore semer et récoller pour d'autre maître que Ferdinand 1*'% dans
leur double grenier d'abondance qui ne laissait de vides que les entrailles-
des laboureurs? — Comme une monstrueuse prison d'Etat, au centre
de cette Italie démembrée qu'il faudrait surveiller, Modène s'élevait en
forteresse farouche où l'on plaça, comme garde-chiourme, un Autrichien,
encore, ce félon François IV que sa mère Marie-Béatrice éleva à l'école
de l;i déloyauté, avec les préceptes suivants, pour ligne de conduite :
— Commande à les yeux. Place-toi au-dessus des lois, qui n'ont pas
à en imposer à qui peut les faire et défaire. L'honnête, pour les princes.,
est ce (pii tourne à leur profit. Dans la haine contre les esprits forts,,
sois ferme comme un pilier. Aux républicains de 1789 on ne pardonne
jamais. Ne prêle pas l'oreille aux lamentations de les sujets; tu ne sau^
rais les contenter ; plus ils seront pauvres, plus ils seront soumis. Ne te
laisse circonvenir ni dominer par personne : par leur faiblesse, trop de
princes ont perdu leur couronne. Plus tu seras avare de ton argent, plus-
tes serviteurs te seront fidèles. Va e fa dane! Va et bals monnaie!
Beslait encore Gênes, qui n'a plus renoué les chaînes de son port depuis
que Pise les brisa pour les emporter en ex-volo dans son Campo-Santo-
où elle les conserve encore, sans en tirer d'autre profit que le baïoc
dédaigneux dont le touriste en paye, chemin faisant, le spectacle : on la
donna au roi de Sardaigne dont Joachim Pecci annonçait à ses frères la.
mort, en ces lermes : « Le roi de Sardaigne a cessé de vivre, le 27 avril.
Le nouveau roi, Charles-Albert, de Savoie-Carignan, en est à sa trente-
troisième année et s'est fait connaître par ses idées libérales*. » C'est de-
celte île, sœur jumelle de la Corse, que se lèvera à son heure l'éman-
cipaleur de l'Italie moderne, en la personne de ce même Charles-Albert
dont le jeune Pecci applaudit déjà le libéralisme. C'est aussi à cette
heure que Joachim Pecci, promenant sur l'Europe un œil déconcerté par
tant de changements que Phistoire enregistre et que Dieu n'a pas ratifiés,
écrit encore : « Les aiîaires du Portugal, comme celles d'Espagne, sont
terminées au détriment de la légitimité.... Don Miguel, réduit aux der-
nières ressources, a souscrit à tous les engagements et est monté sur un
vaisseau, pour être conduit où bon lui semblera. Don Carlos est aussi, dit-
1. Cf. la Jeunesse de Léon XIII, p. 542.
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L'ANTICHAMBRE DU PAPE.
207
206
LA PRÉLATLRE l»E LÉON XIII
on, avec Don Miguel. Voici donc comme tout est pousse à l'extrême* ».
Kt, plus loin : « Les nouvelles d'Espagne ne man(juent pas d'intérêt. La
reine Christine, à la suite d'une insurrection militaire, a accepté la
Constitution qui règle la forme nouvelle du Gouvernement espagnol. Vous
savez que cette Constitution n'est formée que d'éléments démocrates, et
qu'en substance le Gouvernement (|u'elle régit est presque républicain* ».
Et, plus loin encore : « A Rome, au palais Marescotli, nous possédons
Don Miguel de Bragance. C'est un lionmie fort laid de ligure. Taille courte.
Iront ridé, cheveux très noirs, yeux vifs, barbe épaisse et longues mous-
taches; tel est ce Don MigueP. » Et voici déjà la réponse de Dieu aux
tètes couronnées de la Sainte-Alliance cpii commencent à leur tour à
choisir, pour auberge de leur Delle-Alliance et de leur NVaterloo, cette
Home dont l'enseigne est bien « le Carrefour des Nations », comnn;
l'appelait De Demis. N'est-ce plus là que s'acheminent, tôt ou lard, pour
y mourir, ces grandeurs un temps maîtresses des destinées du monde et
qui ne le sont pas de la leur? (( C'est à Rome que je voudrais mourir,
a écrit l'une d'elles. En échange d'une petite vie, j'aurais du moins une
grande sépulture jusqu'au jour où j'irai renq)lir mon cénotaphe dans
le sable qui m'a vu naître*, w Ainsi va de l'Europe, comme de l'Ilalie,
;i cette heure. Mais nous voudrions surtout savoir cv. (ju'il va advenir des
États du Pape, pendant le règne de Grégoire XVI où nous sommes :
mesquine gageure de quelques hectares de royauté laclice que les
monarques de la terre ont donnée au monarque du ciel, pour couvrir
de son indulgence leurs méfaits ou de sa connivence leurs actes, sous
la solidarité du même sceptre (jue rois et pape ont ainsi en commun!
Pour pénétrer plus sûrement dans ce jardin des llespérides chrt'-
tiennes dont les fruits d'or seraient trop beaux, s'ils l'étaient autrement
(|ue d'apparence et si le redoutable gardien qui en a pris désormais la
surveillance n'était le dangereux Metternicli, au lieu de l'inolfensif Gré-
goire XVI, il faut, avec notre jeune Pecci, ([xù s'y présentera souvent
avant l'heure de sa prochaine prélature, que nous montions au Vatican
et que nous fréquentions aussi pour notre compte YAulicamera du Pape.
Le personnage principal autour du(|uel toute la Cour pontificale et
Piome entière évoluent, comme les astres grands et petits autour du
I, Cf. la Jeunesse de Léon XIII , p. ÔM.
•2. Ibidrnt, p. 410.
7k Cf. Ihidcm. p. 406.
i. Mémoires dOiilre-Tonihe. I. V, p. 22î).
■soleil, est, croirez-vous, Grégoire XVI? Non, mais son tout-puissant
maître de chand)re, le vrai pape secret de la mystérieuse Antichambre
où se lie et se délie ce que le monde catholi(iue possède à la fois de j)lus
petit et de plus grand : c'est-à-dire l'intrigue qui, d'un simple moine,
fera un potentat de l'Église; et même, d'une Éminence redoutable hier
4încore, un cardinal sans influence aujourd'hui. Cet homme, autour de
4|ui tout le Vatican évolue avec des inclinaisons pareilles à celles du sys-
tème planétaire, plus ou moins profondes selon la position de ces astres
de cour toujours en mouvement sur le zodiaque romain ; ce domestique
du Pape, qui tient L's clefs de l'appartement de celui qui tient celles
de Pierre ; ce maître de son maître qui, sur le seuil de l'inaccessible
4mtichambre, traite d'égal à égal avec les })lus grands de Rome et de
l'Étranger venus ici pour implorer les faveurs du Cameriere di Sua
Santila d'abord, celles du Souverain Pontife ensuite, s'appelle le Che-
valier Gaelano Moroni et, pour les rares familiers, tout simplement
daetanino. N'allez pas croire que Gaelanino soit un mjthe, ou que
faiutante da caméra di Sua Santila soit un domestique comme les
autres. Grand et bel homme, comme un Romain de race, le visage char-
mant comme celui d'un Ganymède imberbe ou rasé de frais chaque jour,
l'œil bleu de mer, la bouche en cœur, l'air de visage aussi intelligent
4ju'aimable, le corps bien fait et portant la soutane violette du service
pontifical avec l'aisance que mettrait un oificier d'ordonnance dans son
uniforme de camp, le cavalière Moroni, — pour qui son maître recon-
^laissant semble avoir spécialement créé l'ordre de ^'ail^t-Grégoire, — n'a
pas son pareil à recevoir le monde. D'un soiir'r.' toujours charmant, il
.iiccueille sur le pas de la première antichambre preslolets et prélatins
A\u\ n'ont pas d'autres titres à franchir les suivantes. S'il se porte au seuil
^e la deuxième, c'est pour y conférer, avec un sourire plus gracieux
encore, sur les titres majeurs qu'ont les visiteurs de j^lus grosso pezzo
à obtenir l'audience pontificale. Et c'est enfin avec une inclination de
mei%o corpo digne de l'honmie de cour le mieux laçonné aux usages,
'que notre cérémoniaire de la dernière antichambre va au-devant des am-
J[)assadeurs et des princes qui auraient pu se résoudre à quitter Rome
sans avoir vu le Pape, mais non sans avoir vu son camérier.
— Troppo onorsy Eccellenui!... Serritor tuo, Eminenza reveren-
dissima !
Ce[»endant, un autre monde (jue celui des Excellences et des Éminen-
lissimes obtenait les sourires de ce Ganymède en soutane : c'était le
monde des érudits. Sous le violet paonazzo de sa soutane domestique.
Je bel et séduisant Gaetanino recouvrait un lettré de primo carlello. Ses
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208
LA PRÉLATUHE DE LÉON XIII.
amis préférés étaient les livres et leurs auteurs. Mais, le service quoti-
dien de la chambre du Pape ne permettant pas à Moroni d'écrire, i)
eut l'ambition de faire écrire. Un plan gigantesque d'études sur toutes
- les choses de l'Eglise et leur histoire encyclopédique s'était dressé dans
son esprit chercheur; et, à la réalisation de ce projet, il employait tous
les ouvriers de plume et de grimoire, qu'au hasard des rencontres, au
- Vatican et à la Ville, il pouvait embaucher de toute part, clerc et
laïque, homme d'Église et homme du monde, simple étudiant et claris-
sime professeur, petit frate de couvent et gros fralone d'abbaye,
pauvre prêtre de scagnotza et riche [irélat de corle, minutante di*
congrégation et eminenza de curie, l'historien et l'archéologue, le cano-
niste in utroqne jure et le computiste de omni re scibili, toutes les
plumes, toutes les sciences, le monde romain tout entier. Ce monument
en cent volumes, l'étonnant camérier-éditeur voudrait, dans son infati-
gable ambition, qu'il devienne la plus belle couronne du pontificat de son
maître et la plus belle tentative qu'ait pu jamais oser un domestique du
pape, — pape lui-même à sa manière et Mécène indéconcerlable des
Lettres de son temps. Telle fut pourtant l'œuvre de compilation gigan-
tesque, le magazine énorme de dix-huit siècles de sciences historiccn-
ecclésiastiques, qu'à l'égal d'un Muralori clironologiste, d'un Cancellicri
littéraire ou d'un Nibby archéologue, réalisa, comme il l'avait rêvé, Gaetano
Moroni, barbier de profession et, par élection inespérée du moine Cap-
pellari, aujourd'hui camérier omnipotent de Sa Sainteté Grégoire XVI.
L'étonnant Figaro romain, en effet, avant de passer premier moutar-
dier du Pape, n'avait été rien de plus qu'un pauvre petit barbier. Né à
Rome le 17 novembre 1802, — pour mourir, à Rome encore, le 3 no-
vemvre 1885, — Gaetanino avait eu pour père un certain Rocco Moroni,
dont la petite boutique de parrucchiere ouvrait rue San-Romualdo,
près la place Venise. Sa mère s'appelait Catherine Benccrini. Le blaireau
et les ciseaux furent ses premiers outils sur les têtes plutôt humbles
qu'élevées de la clientèle paternelle, en attendant que les Frères de la
Doctrine, — les Ignorantelli de Rome, — lui apprissent à se servir
aussi de la plume. Ce fut un moine camaldule d'un petit couvent voisin
de la boutique, où le petit allait faire les barbes et les tonsures de la
communauté, qui en fit son élève dans l'art de tenir aussi les ciseaux
sur les feuilles des livres, — ces autres vaines touffes des têtes humaines
que la main d'un enfant peut suffire à abattre, en attendant la faux du
temps qui tranchera du même coup le lettré et ses folliculaires, — en
sorte que notre jeune artiste capillaire saurait tondre à la fois les têtes
des clients et les cerveaux des penseurs. Par une coïncidence plaisante, (pii
Cn'îfoirc XVF, on 1840.
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208
LA PHÉLATIHK DK LKON Mil.
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amis préfén's étaient les livres et leurs auteurs. Mais, le service quoti-
dien de la ehaiiiNre du Pape ne permettant pas à M(»roni d'écrire, il
eut l'ambition de faire écrire. Un plan •;i«'antes<jue d'études sur toutes
les choses de l'K^dise et leur histoire eneyelopédi(jue s'était dressé dans
son esprit chercheur; et, à la réalisation de ce projet, il employait tous
les ouvriers de plume et de grimoire, qu'jui hasard des rencontres, au
Vatican et à la Ville, il pouvait emhaucher de toute part, clerc et
laïque, homme d'Kglise et homme du monde, sim[de étudiant et claris-
sime professeur, petit fraie de couvent et gros fratone d'ahhaye,
pauvre prêtre de scaynozza et riche prélat de corle, miuulante d
congrégation ci eminenza de curie, l'historien et l'archécdogue, le cano-
niste in vlroquc jure et le compulisle de omni re scibili, toutes les
plumes, toutes les sciences, le monde romain tout entier. Ce monument
en cent volumes, l'étonnant camérier-éditeur voudrait, dans son infati-
gahle ambition, (|u il devienne la plus belle cc^uronnedu ponlilicat de son
maître et la plus belle tentative qu'ait pu jamais oser un domesti()ue du
pape, — pape lui-même à sa manière et Mécène indéconcerlable des
Lettres de son temps. Telle l'ut pourtant l'œuvre de conq)ilation gigan-
tesque, le mnijazine éntn-me de dix-huit siècles de sciences historico-
ecclésiastiques, cpi'à l'égal d'un Muratori chnuiologiste, d'un Cancellieri
littéraire ou d'un Nibby archéologue, réalisa, connue il l'avait rêvé, Gaetam»
Moroni, barbier de profession et, par élection inespérée du moine Cap-
pellari, aujourd'hui camérier omnipotent de Sa Sainteté Grégoire XVI.
L'étonnant Figaro romain, en elfet, avant de passer premier moutar-
dier du Pape, n'avait été rien de pins qu'un pauvre petit barbier. Né à
Rome le 17 novendjre ISO^, — pour mourir, ;i Uome encore, le 5 no-
vemvre iHSr», — Gaetanino avait eu [)Our père un certain Rocco Moroni,
dont la petite boutiipie de panuccliieie ouvrait rue San-Romuaido,
près la place Venise. Sa mère s'appelait Gatherine Remerini. Le blaireau
et les ciseaux furent ses premiers outils sur les têtes plutôt humbles
qu'élevées de la clientèle })aternelle, en attendani tjue les Frères de la
Doctrine, — les lijnoranleUi de Rome, — lui ap|>rissent à se servir
aussi de la plume. Ce fut un moine camaldule d'un petit couvent voisin
(le la boutique, où le petit allait faire les barbes et les tonsures de la
communauté, qui en lit son élève dans l'art de tenir aussi les ciseaux
sur les feuilles des livres, — ces autres vaines loufl'es des têtes humaines
que la main d'un enfant peut suffire à abattre, en attendant la Auix du
temps qui tranchera du même coup le lettré et ses folliculaires, — en
sorte que notre jeune artiste capillaire saurait tondre l\ la fois les têtes
des clients et les cerveaux des penseurs. Par une coïncidence plaisante, «pii
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Civ^oirr \V[. en 1X40.
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210
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII.
s'ajoutait à celle des ciseaux de notre barbier compilateur, son client en
ca/tiglialura s'appelait Cappellari. Don Mauro, camaldule du couvent de
San-Michele de Murano, avait été élu abbi' de San-Giorgio de Rome, et
sa cellule se trouvait précisément voisine de la boutique des Moroni.
Pour se rendre à San-Giorgio, sur le mont Cœlius, le moine passait quo-
tidiennement devant l'humble ménage des barbiers et ne se faisait pas
lautc d'y entrer, pour admirer les vertus domestiques de chacun : la
more Catherine, vaquant aux saponale du plat à barbe, dont elle pré-
parait le> mousses, sans laisser d'aller aussi écumer le pot-au-feu
(|u'elle préparait pour ses hommes dans rarricre-bouli(pie ; le piTe
liocco, aux chiacchierate du client bavard qu'il fallait bien entendre et
à qui il fallait bien répondre, en ce métier spécial de gais parleurs ;
(iaetanino enfin, au lavotino sur ses cahiers d'école, quand il n'était
pas à la tavoletta sur les barbes et sur les cheveux des pratiques ; le
tout, dans ce simple saloney propret comme les âmes simples qui l'ha-
bitaient, égayé par quelques pots de (leurs sur les consoles, par quebpie
cage d'oiseau au plein soleil. Quand Gaelanino, plus instruit aux leçons
de l'abbé qui se plaisait au commerce de cette intelligence facile, fut
devenu le grand beau jeune honmie que l'on sait, Don Mauro Ca[)pellari
le prit pour compagnon des promenades journalières qui le conduisaient
à son abbaye de San-Giorgio, non sans passer Via ilei Fornari, par la
{•harmacie Ricci qui tenait l'angle de cette rue et du Forum Trajan. Là,
se tenait bureau d'esprit, selon la coutume du temps, avec (piebpies
abbés célèbres de l'époque. On entrait, la tabatière d'une main, la canne
de l'autre. Pour se présenter la prise de rapè de l'amitié, on décoillait
du tricorne sa belle téie à queue poudrée, selon l'usage que les purs
codini conservaient de l'autre siècle. Enfin, la soutanelle a frac, libre-
ment ouverte sur le jabot de soie et le gilet à fleur (lu'allait soulever la
franche gaieté et la romaine bonhomie de ces abbés savants, chacun
jirenait, entre les grands pots de porcelaine pour les onguents et les
grands llacons de cristal pour les sirops, les hauts fauteuils de paille où
siégeaient sans cérémonial ces curieuses compagnies de grands hommes
en chambre ou en pharmacie. Là, souvent, d'un siècle à l'autre, on se
montrait celui où s'était assis un Nibby, un Fea, un Scarpellini, un
Mariollini, un Missirini, un Cancellieri. Il y a quelques années encore,
dans cette même pharmacie Ricci, on voyait le fauteuil où l'abbé Mauro
Cajjpellari était venu presque (|uolidiennement se reposer.
Ce fut dans cette compagnie de savants aimables que Gaetano Moroni,
accompagnant en Télémaque attentif son Mentor aussi hilare que sage,
apprit l'art de composer des livres en même temps que des perruques;
L'ANTICIIAMURE DU PAPE.
211
jusqu'à ce que son maître, improvisamment appelé à échanger le f.in-
teuil (le paille de la pharmacie Ricci contre le siège de i>ierre de l'Kiilise
romaine, voulut que son Gaetanino l'accompagnât aussi au Vatican."
Cet événement double delà vie d'un moine et de celle d'un perruquier
arriva le 2 février i 851, après 50 jours de conclave. Après 20 mois d'un
règne sans effort. Pie YIH s'était éteint sans bruit. Les pasquinades qui
avaient accueilli la mort du pape Castiglioni, connue elles l'avaient fait
de ses prédécesseurs par ce besoin inné qu'éprouve le Romain des
Papes pour la paynotla et le sc/ieno et qui rappelle celui du Romain
des Césars [mir pain et le cirque, se résumèrent en celle-ci :
riiunlo Pio innanzi à Dio
F« richiesto : — « Cosa hai f;itlo! »
Gli rispose : — « Niente alfatto. »
Commencées le 50 novembre, les funérailles durèrent jusqu'au 14 du
mois suivant. Alors, le Conclave vit revenir au Quirinal à peu [irès les
mêmes cardinaux qui avaient fait, vingt mois avant, l'élection précédente.
Les mêmes candidats papables y furent aussi présentés par les groupes
des papeggiants; mais le camaldule blanc, aux mœurs si douces, y sem-
blait recueilhr encore plus défaveurs. Si seulement ce Mauro Cappellari,
originaire de Delluno, voulait pactiser avec l'Autriche dont le redou-
table cardinal Albani continuait à être le grand électeur. Mais n'était-ce
pas ce même moine Cappellari qui dirait, plus tard, à son compalrioîe
(^esarc Cantu : — « Connue citoyen, je suis le sujet de la sérénissime
Venise; mais, comme pape, je ne suis le sujet de personne ». Dans
cette incertitude du maître, autrichien ou non, en laquelle les cardinaux
s'attardaient a Rome et le Conclave, comme l'écrit encore Joachim Pecci,
n'ofl'rent que peu d'intérêt et même pas du tout. Les bruits qui courent
en ville sont, pour la jdupart, faux et ne présentent pas les choses sous
leur aspect véritable. iXombrouses sont les satires, qui courent de main
en main ; mais je n'en possède aucune, et je n'ai pris aucun soin d'en
avon* ». Si le champ de l'information est moins couru, cette fois, par
Joachim Pecci que ne relanc9 plus Chateaubriand exilé de Paris et de
Rome avec ses rois légitimes, du moins Mgr Dardano, conclaviste du car-
dmal Morozzo, nous reste pour nous apj)rendre que ce Conclave, présidé
par le capucin Micara, ressemble à un couvent. Pourra-t-on se résoudre
à n'y point rire du tout? La monotonie des séances interminables, qui no
concluent encore à rien, est bientôt rompue parla supplicjue des fncchiui
i. Cf. la Jevuesee de IJon Mlf, p. 9i.;,^
> A"!» P"P ■".1' . ."l'mm
^12
LA PRÉLATURE DE LÉON XIIL
de Rome « qui demandent au Sacré-Collège une élection prompte du
nnpe pour faire revenir les aiïaires, ou qui menacent de proclamer la
ilépubli(|ue ». Il Y a aussi le docteur Bomba, médeciu du (lonclave, qui
y meurt d'ennui et qui, à l'orce d'inslances, « obtient la permission de
revenir cohabiter avec sa Dulcinée : « Riavicinarla », écrit le conclavislo
italien pur délier toute traduction possible de son annotation aussi
canonique qu'égrillarde. D'ailleurs, au plaisant s'ajoutant le sévère, ce
Conclave, ennuyeux comme la pluie cpii ne finissait pas de tomber,
n'avait-il pas menacé de devenir un drame complet, avec conspiration
des poudres dans les sous-sols du palais, apparition des fantômes le long
des murs, et le reste? « Un de ces soirs, on a vu, sous les vieilles tapis-
series d'Arras qui recouvrent les murs de certaines salles du Ouirinal,
un honune en bras de chemise se cacher. On crut d'abord qu'un étranger
venait de s'introduire au Conclave, et certes il était à plaindre si son
intention eût été de voler; car ici nous sommes tous capucins. Et puis,
chaque porte de cellule a trois ou quatre personnes, pour la défendre. Un
lui supposait donc un autre projet, connue celui d'aller mettre le feu à
la biicherie et de presser ainsi les canlinaux embourbés dans leurs réso-
lutions. L'îs jdus avisés, en constatant le bris des roues à l'entrée du Con-
clave, supposèrent quelque intrigue de femme, un mari soupçonneux qui
serait allé placer les cornes sur sa porte pour conjurer la je//a////Y7, <ui un
jeune marié qui, grâce à sa femme, eut voulu s'inscrire au droit de citoyen
de Corneto sans en avoir, au préalable, formulé la demande. Cette dernière
supposition paraissait la plus vraisemblable' ». Ouebjues jours avant
qu'on eut constaté le bris de clôture au Conclave, un malin ne s'était-il
pas avisé de faire jouer des engins explosibles sous les murs du Quiri-
nal ? « Oh ! dit Joachim Pecci qui raconte plaisamment l'aventure à ses
frères, quatre ou cinq kilos de poudre, une simple petite châtaigne.
Celle-ci avait été fortement empaquetée dans une double enveloppe, bien
ficelée, liée, serrée. Le plaisant vint donc a Montecavallo avec son bibe-
lot et le déposa contre une colonne du portail principal, en ayant soin de
bien allumer la mèche. Puis, prudemment, sans être vu, il s'écarta tan-
dis que le feu gagnait l'intérieur de la boîte et occasionnait cette explo-
sion à tout jamais mémorable'. » De son côté, c'est-à-dire de l'inté-
rieur du Conclave ahuri par un semblable vacarme, Mgr Dardano
donne ainsi l'impression des cardinaux épouvantés : « Vers neuf heures
et demie du soir, écrit-il, un gros hotm de^poudre éclata si fort
sous le portail de Montecavallo, que les uns crurent à un coup
1. Cf. le Diario de Mg:r Daiilaiio pour le Coiulavr île Grégoire XVL inanuso. cil.
2. Cf. la Jeunesse de Léon Mil, p. 50i.
L'ANTICHAMBRE DL PAPE.
215
de canon, les autres à l'explosion d'une mine. L'appréhension fut
presque générale; et plusieurs cardinaux payèrent à la pancia le tri-
but de leur frayeur : les uns, comme l'éminentissime Dandini, en
n'osant plus aller se coucher; les autres, comme le duc de Rohan, en se
sentant pris d'un accès de fièvre. » Enfin l'élection avait eu heu, au béné-
fice du cardinal Cappellari qui avait fini i)ar recueillir 52 voix, contre
7 données à Pacca, 5 à De Gregorioet 2 a Galeffi. Et c'était le vaincu de
la journée, le cardinal Albani qui, « un peu nerveux, écrit Joachim
Pecci, etaflectant tant bien que mal l'indifférence» », avait proclamé, du
haut de la loggia du Quirinal, le nom du nouveau pape. 11 désirait
s'appeler Grégoire XYI. U désirait aussi changer de Secrétaire d'État, et
le ch(ûx fut significatif en la personne du cardinal Bernelti qui, supplanté
dans cette charge par Albani sous le pontiliciit précédent, supplanta à
son tour son rival, prince et cardinal, sous le règne suivant où un
pauvre moine et son humble barbier allaient mener ensemble les affaires
dans les États du Pape fort endommagés, à cette heure.
Thomas Ikrnetti sortait de la bonne école du cardinal Consalvi.
Libéral avec les intransigeants de l'absolutisme que Metternich condui-
sait à l'assaut des républiques naissantes, il i)Ouvait aussi aisément
passer pour réactionnaire aux yeux des républicains que Chateaubriand
avait voulu gagner à la cause de la monanhie. Et piécisément, entre
l'absolutisme de Charles X et le constitulionalisme de Louis-Philippe, il y
avait peut-être place pour un gouvernement de sages alliances avec les
libertés modernes auxtpielles celui de l'Eglise se familiariserait peut-être,
sous la direction prudente du nouveau et habile Secrétaire que Grégoire X\ I
donnait à ses États. Né à Fermo en 1779, par sa famille de bonne no-
blesse et par son oncle, le cardinal Brancadoro aussi riche d'écus que de
nom et que de sympathique renommée, ce beau Domain des Marches
d'Ancone n'était à peine entré dans les ordres que pour s'immiscer tout
à fait dans les affaires. Sous-diacre à brevet, — ce qui lui eût permis, du
jour au lendemain, de prendre moglie en rendant les fiocchi, âgé de
50 ans au plus, il arrivait pour la deuxième fois à la Secrétairerie de
l'État. En le créant cardinal, Léon XII l'avait fait succéder au vieux
Délia Somaglia, non seulement pour la cliurge ecclésiastique que cette
octogénaire Éminence lui abandonnait sans regret, mais aussi pour les
relations mondaines «lue le galant ex-secrétaire avait liées avec M™'^ de
Staël, M""' de Krudner, M"^' de Tholosan, et que le nouveau promu
saurait continuer avec la princesse Doria et les dames les plus élégantes
m
1. Cf. la Jeunesse de Léon XIIL p. 51'.K
i
1 !
'''^0-
^214
LA PRÉLATURE DK LÉON XllL
(le Rome. N'était-ce pas dans les salons et par les femmes, que les plus
l'ortes parties se jouaient sur réelii(|uier européen, et les baleines trans-
parentes d'un éventail ne valaient-elles pas \gs grilles ajourées d'un
confessionnal pour pénétrer avec souplesse tels secrets nécessaires à la
sûreté des l^lats? Sans doute, à ce flirt dangereux d'un cardinal poli-
tique, s'entouiant à plaisir d'un cercle d'éventails plus diplomatiques
que galants, quelques plumes risqueraient 5 tomber. Mais autant en
emporterait le vent, et la réj)ulalion du cardinal Ik'rnotti resterait
intacte, même après l'inconsciente équipée de la Doria, lui demandant le
déplacement immédiat d'un simple computkla camerale, — gralte-
l)apicr des bureaux apostoliques, — pour l'insolente fortune de ce rie-
coue (|ui pouvait payer à sa femme, sur le revenu de sa cbarge, un
drap (juadruple de caclicmire que la princesse avait marcliandé, quinze
jours durant, et s'était laissé linalement enlever par certaine Gi"ia
lienucci.
— Et c'est la place du sieur Benucci que je viens demander îi Votre
Kminence, jiour le prince Doria, mon mari, qui pourra ainsi me paver
(les cachemires, à mille écus la pièce!
Le cardinal Hornolti revenait donc aux aflaires, quand les Romagnes
se soulevant allaient multiplier les diflicultés du Gouvernement pontificiil.
Sous le règne d'un pape vénitien et anti-autrichien de naissance, lui, son
secrétaire, originaire des Marches libérales, comment se résoudrait-il à
entrer en comjjromission avec Metternich dont le concours gratuit
s'imposait presque à un État sans armes et à un Pontife sans argent*'
(( On ne sait pas exactement à quelles conditions l'Empereur d'Autriche
a daigné envoyer ses troupes dans l'État pontifical ' », écrit Joachim
Pecci, en constatant, dès les premiers jours du pontificat de Grégoire XVI,
l'acceptation forcée de l'intervention tudesque pour ramener l'ordre dans
les llomagnes soulevées. Mais à quoi serviront, sur un volcan si prompt
à porter l'incendie dans les provinces italiennes toutes préparées aux
flammes révolutionnaires, h quoi serviront ces Tudesques qui ont,
(( quand ils marchent, comme on dit, des... pieds de plomb»? o En
présence de deux dangers, Bernelti acceptera le moindre. Ainsi, en dépit
du principe de « non-intervention » admis par les États de l'Europe
à l'égard des États du I»ape, il admet les secours de l'Autriche,
('(juipe une milice de Sanfedistes avec ses dernières ressources, provoque
la capitulation d'Annme pour la violer sit()t après et finit par mettre les
I. Cf. la JeiueHSie de Léon XIII, |». .'2i.
"2. IIj'mIcit). |). ">0.
*y> ■■ "- >— *
L'ANTICHAMBRE DU PAPE.
"IVo
Françiiis, qui avancent, en face des Autrichiens qui reculent : « On dit,
poursuit Joachim Pecci, (juc les troupes autrichiennes s'apprêtent à éva-
cuer immédiatement tous les points occupés par elles sur le territoire
des États pontificaux. Cette nouvelle, conmie vous le voyez, encore que
déjà prévue, est en elle-même assez déplorable ; car, abandonnés par les
i'orces tudesques, nous sommes exposés à redevenir victimes de quelque
nouveau coup de main des rebelles. Le Pape n'a pas d'armée, et les
ressources lui man(tuent pour en improviser une. De plus, les province^,
encore (|u'apparemment tranquilles, couvent un feu qui pourrait bien
éclater à la dernière heure. Vous voyez bien que j'avais raison, quand je
vous disais précédenmient que non seulement le ciel de l'Europe, mais
encore celui de l'Italie allait s'obscurcir, et quand je présageais [m\v
nous un avenir fort triste et plein d'angoisses*. «L'échec autrichien «juc
Joachim Pecci déidore ne servira-t-il pas à l'avantage français dont, eu
sous-main peut-être, Bernelti s'applaudit? A moins que, par une poli-
ti(iue assez romaine que le cardinal-secrétaire ne renie pas. Français et
Autrichiens ne doivent servir, chez le Pape, qu'à se chasser les uns les
autres et à laisser enfin libres les États pontificaux qui les ont supportés
trop longtemps. En attendant, voici Ancône qui se rend aux soldats dh
général Cubières, malgré les protestations des Sanfedistes que leur
timide commandant Uuspoli invite à aller déposer sagement leurs
armes, en compagnie des républicains libres du joug autrichien, entre
les mains du libéral évê(|ue de Spolète dont la première bénédiction
sera, — quand le cardinal Mastai sera pape, — pour les libéraux de bonne
volonté et d'intentions encore meilleures. En politique, quel progrès
peut-on faire, sans récipro(iues concessions? Ce n'est pourtant pas
encore le sentiment de Joachim Pecci qui ne veut pas copier le texte do
la capitulation d'Ancône pour ses frères de Carpinelo : « Si je la copiais
sur cette lettre, je m'exposerais au danger de la lîiire lire par d'autres
que par vous.... Cette capitulation, on la dit une indignité. On assure
que son fameux commandant, le chevalier Ruspoli, aurait été destitué
après ce beau fait d'armes* ». Il ne peut se faire au spectacle d'un
Sercognani, « cet enragé, l'un des rares exempts de l'amnistie accordée
par le pape'* », au bras du général Cubières. Et que sont venus faire ces
Français, en Italie? « Le fait est que, par leurs actes, les Français sont
en opposition avec eux-mêmes, quand ils disent qu'ils ont été envoyés i« i
pour protéger le Pape. S'ils étaient venus pour fomenter une révolte, s'y
I. Cf. la Jeunesse de Léon XllL p. 'il.
"l. Cf. ibi.lfiii, I». ri.V2.
.">. Ilti lom, p. 5(>2.
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2I(Î
LA PRÉLATURE DE LÉON XIIÎ.
seraient-ils pris autrement * ? » Après tout, notre chaleureux correspon-
dant n'entend peut-être pas encore les choses poHtiques comme il faudrait.
Aussi bien, « les cours reprendront, jeudi, au Collège Romain, et j'aurai
en mains un travail qui, sans m'accorder de Irêve, m'obligera à beaucoup
de latigue ». A Bernetti, de gouverner l'État à sa guiso. Plus guère
longtemps, lui non plus. Car, ami secret de la France, Bernetti peut-il
en être manifestement absous par l'Autriche qui demande et finira par
obtenir du Pape le rappel de son ministre? Un jour de l'année 1830,
Grégoire XVI a commande' qu'on attelle son carrosse et ordonné (pi'on le
conduise chez Bernetti malade, contrairement à l'usage du Pape qui ne
faisait de visites qu'm extremis à ses cardinaux mourants. Il s'agissait
aussi d'enterrer, avant l'heure peut-être, le cardinal secrétaire. Bernetti,
trop intelligent, ne voulut pas comprendre son souverain visiteur (jui,
lui parlant de démission, n'en obtint que des remercîments sur une
santé à peine touchée par une attaque de goutte. 11 fallut (|ue, le
lendemain, Grégoire XVI libellât en forme la démission de Bernetti «pii,
la recevant en même temps qu'une corne de rhinocéros, — don de la
République de l'Equateur, ave<: laquelle il venait de signer un concor-
dat, — se contenta de répondre:
« La Secrétairerie d'État m'aura du moins rapporté (quelque chose,
puisque j'en sors avec un cor no î »
Si la France et l'Autriche, inversement conjurées, enlèvent au pauvre
pape ses Légations et ses légats en la personne du cardinal Benvenuti
escamoté par la Révolution, comme une muscade par Cagliostro, ses
Etats et ses secrétaires en la personne de Bernetti que le prince de
Metternich, autre Cagliostro, lui subtilise ; du moins le iidèle Gaetanino
reste au malheureux Grégoire XVI. Le souverain et son confident sont
même plus inséparables que jamais. Quand le désespéré vieillard n':i
qu'un reste de sa bonne humeur naturelle, pour se consoler des déboires
que le gouvernement impossible de ses États lui cause, c'est ce dernier
trésor dont le doux maître, — appelé à tort le Gregoraccio, — veul
conlier la garde à un seul homme de confiance absolue et éprouvée. El
c'est encore et toujours son cameriere Moroni, qui ferme sa |)orte au
monde qui va da se, dit-il, et qui n'a pas besoin de tant de réformes.
N'a-t-il pas déjà fait fermer sa fenêtre d'où, à Civita-Castellana, par
exemple, il eut pu lire sur un transparent les vœux des prisonniers,
voisins de l'évêché, qui demandaient pardon au Pape*^ Cliiudete queslra
finestra! se contenta-t-ii de répondre, en recommandant toutefois qu'on
\. (if. la Jeunesse de Léon XIII, \). ."G2.
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LA IVHKLATLKE DK LÉON Mil
serait'iit-ils pris aulrcnient ' ! )> A|)rès tout, iiolrc chaleureux correspon-
danl neiilend poul-èlre j)as encore les choses jjoliliques comme il faudrait.
Aussi hien, « les cours reprendront, jeudi, au Collèiie Romain, et j'aurai
en mains un travail cpii, sans m'accorder de trêve, m'ohli-iera a heaucouj»
de latigue )). A Bernelli, de ijiouverner l'Htat à sa yuise. Plus guère
longtemps, lui non plus. Car, ami secret de la Trance, liernetli peul-il
en être manilestement ahsous par rAulriche (pii demande et linira par
ohtenir du Pape le rappel de son ministre? In jour de l'année I8r»().
Grégoire XVI a commande ((u'on attelle son carrosse et ordonné «m'on le
conduise chez Bernelli malade, contrairement à l'usage du Pape (pii ne
iaisait de visites (\\iin extieniis à ses cardinaux mourants. Il s'agissait
aussi d'enterrer, avant l'heure peut-être, le cardinal secrétaire. Iternelli,
trop intelligent, ne voulut pas comprendre son souverain visiteur cpii,
lui parlant de démission, n'en ohtint ipie des remerchnents sur une
santé à peine touchée par une attaipie de goutte. Il fallut cpie, le
lendemain, Grégoire XVI llhcllàt eu forme la démission de IJernelti «pii»
la recevant en même temps (pi'une c(U'ne de rhinocéros, — dini de la
lU'puhli(pie de l'hjpiateur, avec laquelle il venait de signer un concor-
dat, — se contenta de répondre:
0 La Secrélairerie d'Ktat m'aura du moins ra[>porté quehpie chose,
puiscpie j'en sors avec un covno ! »>
Si la France et l'Autriche, inversenu'ut c(Mijmées, enlèvent au pauvre
pape ses Légations et ses légats en la [MTSonne du cardinal Henvenuli
escamoté par la Piévolution, connue une nuiscade par Caglioslro, ses
Etais et ses secrétaires en la persomie de IJernelti cpie le prince de
Metternich, autre Cagliostro, lui suhlilise ; du moins le lidèle Gaetanino
reste au malheureux Grégoire XVI. Le souverain et son cimfidenl sont
même plus inséparahles (pie jamais. Quand le désespéré vieillard n':i
qu'un reste de sa honne humeur naturelle, pour se consoler des déhoircs
que le gouvernement impossihie de ses États lui cause, c'est ce dernier
trésor dont le doux maître, - appelé à tort le Gregoraccio, — veul
conlicr la garde à un seul homme de conliance ahsolue et éprouvée. Kl
c'est encore et toujours son cameriere Moroni, (|ui ferme sa porte au
monde ipii va da se, dit-il, et «pii n'a pas hesoin de tant de réfonnes.
N'a-l-il [)as déjà fait fermer sa fenêtre d'où, à Givila-Castellana, par
exemple, il eut pu lire sur un transjjarent les vœux des prisonniers,
voisins de l'évêché, (pii demandaient pardon au i'ape'^ C/iiudete (jueslra
fineslra! se contenta-t-il de répondre, en recommandant toutefois (ju'ou
1. I.f. la Jeunesse de Léon Mil, |». ."0*_'.
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I
218
LA PRKLATLRE DE LÉON MIL
traitât bien les détenus. Désormais, sans camérier Moroni, plus de pape
Grégoire. Le domestique est devenu pour son maître toute la vie du dé-
faillant vieillard, il lui est tout Rome qui n'a plus d'autres histoires que
celles qu'il lui conte; tout le Consistoire, qui n'a pas d'autres créatures
que celles qu'il lui présente. C'est l'État et l'Église même que Moroni
gouverne, do la chambre papale. Et qu'il ne s'avise pas, par maladie, d'y
faire un jour défaut; car alors, ce serait Grégoire XVI qui irait faire sa
chambre de celle de son serviteur, (irégoire XVI passa, dit-on, chez Moroni
les heures les plus intimes de .«;on pontificat, en compagnie du petit
Gregorio quil aimait Aiirc jouer sur ses genoux. C'était l'unique enfant
de Gaetano. Quand la mort l'enleva prématurément à son père, elle fit
couler sur le i)etit cercueil plus d'encre même «lue de larmes. De l'en-
semble des éloges posthumes tiue les adulateurs adressèrent au père, en
mémoire de l'enfant, on composa un volume in-folio, (Rome, typographie
Salviucci, 1817»), où les plumes les plus célèbres du temps n'hésitèrent
pas à mesurer sur le mètre de Virgile la grandeur du nouveau fils
d'Octavie que le ciel venait de ravir à la terre :
Tn Marcellus cris!
Dans l'intimilé impénétrable de ces cliambres closes, le pape Grégoire
ne reçoit donc que du camérier Moroni les impressions du dehors. Que
font ses cardinaux de curie ? — Le brillant Gamberini continuait à
mener le sous-secrétariat d'Etat, connue une cause au barreau de
Milan où le redoutable ex-bàtonnier avait laissé une réputation de mata-
more avant que, sur le tard, du coup, le diable se fît ermite et cardinal. —
Depuis qu'il avait trouvé son pâle successeur à la Secrélairie d'État, en
L» personne inolfensive du barnabite serre-frein Lambruschini, le fuisu-
rant sigisbée Bernetti se plaisait à servir de lustre au salon de la prin-
cesse Doria. — Le beau Guerrieri, justifiant en tout bien tout honneur
son nom et sa descendance des Gonzague, chassait à courre en attendant
de chasser à conclave. — Benvenuti et Oj>pizzoni, de retour des Léga-
tions dans le landau fameux d'où la Révolution les avait renvoyés les yeux
bandés à la papauté qui utiliserait mieux leurs services, se consolaient
réciproquement de l'od\ssée d'Ancone dans la barque de Pierre, vaisseau
d'Ulysse pour leurs grandeurs battues par la folle tempête. — Ne pou-
vant plus faire de la politique pour le compte de la France, sa passion, et de
Chateaubriand, son idole, Zurla composait un Traité de Gcojvaphie où
il trouvait encore à célébrer ses divinités malheureuses. — Rivarola
continuait à mettre son talent dans ses relations et préparait, dans le
silence de son Nazareth romain, le prochain pnpc qui ne serait autre
I
L'AXTICIIAMRHE DU PAPE.
219
peut-être que lui-même. — De Gregorio, ce Tanta|e de la tiare qui
avait bu de si près au lac fameux, n'attendait pas d'être proposé h un
nouveau Conclave pour se faire, en grandissime seigneur, sa propre cour
en compagnie des plus opulents cardinaux dont le palais rigide du
Gregoraccio n'utilisait pas les pourpres mirobolantes : l'ancien beau
majordome Frosini, qui parlait toutes les langues, et son rival bien
r.onuné Nasali (jui ne parlait que celle de son nez. — Un autre major-
dome, en retraite forcée, était ce vieux Naro qui ne pouvait pardonner
à Pie VII d'avoir rapporté l'ordre, donné par lui, de détruire les embel-
lissements que Napoléon avait faits au palais des papes; et, depuis 1814,
ce cardinal anlibonapartiste en reparlait chaque jour. — Heureusement,
pour les aigles de l'Empire, le plébéien Micara survivait, et sa réputation
d'orateur pouvait permettre à sa pourpre de prince d'entrer sans honte
dans la loge de la villa Ruffaneili dont son pauvre frère tenait les clefs,
pour faire visiter au touriste les anciens appartements de Lucien Bona-
parte, lui, son concierge resté fidèle. Un charretier n'avait il pas été le
père du cardinal Papcrano, et y avait-il déshonneur pour le frère du
cardinal Micara, à recevoir du touriste quelques baiocs en pourboire,
dans la villa d'un Bonaparte? — Baïocs ou paoli, quattrini papalins ou
sons français, plus ignorant qu'un concierge sur la valeur des monnaies,
c'était ce doux, ce juste, ce bienfaisant Pacca que les conclaves précédents
auraient déjà porté sur le siège de Pierre, si ce Sisyphe infatigable de la
p;ipauté en exil, après avoir roulé de Rome à Paris et de Paris à Rome
le roc inamoindri où s'était assis Pie VII, n'avait pas été roulé à son tour
par un neveu incorrigible, ce trop fameux Tibère Pacca dont les folies
féminines et financières faisaient partager au plus infortuné des oncles
une réputation qu'il ne méritait pas. — Mais la chronique scandaleuse
s'arrêtait au seuil d'autres plus humbles cardinaux, pour n'y laisser
passer que le bon renom de science et de piété d'un Galletti, d'un Pal-
lotta, d'un Dandini, d'un Sala, d'un Polidori; ces vrais amis du stu-
dieux ancien moine Cappellari, dont le pape Grégoire demandait le plus
sympatlii(juement des nouvelles.
Grégoire XVI laissait bien volontiers les cardinaux, princes de
Rome, à l'insignifiance de leurs milieux retardataires où la dernière
noblesse d'ancien temps jouait sa dernière partie de wislh ou de tarot
en compagnie des nobles dames, leurs tantes, leurs nièces ou leurs
sœurs, sous l'œil observateur de (|uelque peintre qui, la palette à la
main, en tirait tout au plus quel(|ue amusant tableau. — C'était le
cardinal Doria, dont la taille d'enfant et la voix féminine représentaient
bien cette caste romaine à qui la grandeur du passé suffisait et qui,
)
220
LA PKÉLATLRE DE LÉO.N XIU
I
pour un eflurt [personnel qu'elle lui eut coulé, n'eût njoulé à oucui»
prix une coudée à la taille ainsi rapetissée des aïeux, auprès desciuels les-
petits-fils n'apparaissaient plus (pie des nains. — C'était Macchi, écono-
misant les bascpies de ses minables larbins en frac, pour ajouter (jucl-
ques paniers de plus aux robes lamentables de ses nièces ruinées. —
C'était Odescalchi, simple et doux comme le permettaient ses dernières-
ressources, et n'ayant plus pour toute fortune que le bon mot qu avait
prononcé son commensal de la veille et que l'Éminence en déficit servi-
rait à son bote du lendemain. — C'était encore ce jeune et sémillant
grand de Na[)les, Riario Sforza, en qui la dernière noblesse s'attardait
de briller comme les lustres d'un salon sur des ruisseaux de diamants
qui vont rouler dans d'autres lits, après les dernières mesures du biil
fini. — Mais, c'était surtout cet octogénaire et toujours invincible car-
dinal Albani, représentant irréductible d'une aristocratie d'ancien régime,
qui n'avait pas capitulé à Ancône, celle-là; celte Kminence des ci-devant
en frac de soie, en culottes à boucles et en jabot plissé, qui, chaipic
5oir, dans les salons oîi les. derniers chevaliers de réchii|uier et du
pharaon faisaient la partie et tenaient la banque, ne détournait pas.
même la tète vers le cartel doré sonnant significativement minuit. Albani
interrompait tout au plus son jeu pour écouter un morceau de harjn^
et dire à la Bellucia Palombi, qui avait fini son menuet de Mercadante
ou sa sonate de Paccini.
— Per DiOj quanto sei bella !
Sans sortir de son cabinet où il se plaisait à suivre ses anciennes
habitudes de moine au couvent de Saint-Romuald, Grégoire XVI con-
naissait, par les rapports de son fidèle messager, la vie de la noblesse
romaine, grande et petite. Et i)lut()t la petite cpii faisait d'assez bonnes
affaires avec les adjudications de l'État, pour se payer des musiciens et
des sorbets en des soirées mirobolantes, d'où la «irande, à tout jamais
ruinée et incapable de négocier rien plus que ses billets d'emprunt,,
s'était exclue en fermant ses salons et en s'exilant même de Home. La
roue de la fortune avait tourné, et c'était une simple femme de compu-
iste qui se payait des cachemires (juadru^iles que ne pouvaient plus
s'acheter les princesses romaines, et qui recevait en soirées dansantes
et chantantes les derniers nobles de la ville, prêts à redorer leur blason
en combinant dans ces mêmes soirées (luelijues riches mariages bour-
geois. — On trouvait, par exemple, au [>alais de Valdambrini, à
Ripetta, certaine Romagnoli (pi'avait épousée le manpiis Sacrati, et
pour l'amour de qui s'était ruiné Cnudi, le trésorier des Romagnes.
A ses soirées, fréquentaient littérateurs et politiciens mêlés, Ciordoni
!'
'\
L'ANTICUAMBRE DU PAPE.
•221
^t Mamiani, De Romanis et Gian Gherardo de Rossi, Biondi et Perlicari,
le chev.dier Palombi, qui se vantait d'avoir engagé la partie avec quatre
Souverains à la fois, et la femme Belluccia Moroni, que le cardinal
Albani se plaisait à complimenter sur sa beauté, chez les autres comme
chez elle, avec la même désinvolture qu'il mettait à provoquer et à
battre, a la table de jeu, ses partenaires habituels Sauli et Zauli, le
comte Alborghetti et le marquis Lepri. — Chez la belle Corneglia Mar-
liiielli, où l'on avait vu Canova et Stendhal, on rencontrait Odoardo
Maison à louer. (D'après Ccsbroii.)
Fabri, qui fut plus tard ministre de police de Pie IX et beau-frère
d'Allemps, et le commandant de gendarmerie Cecilia qui faillit arrêter,
en 1830, ce même comte Fabri, dans la maison même des' Mar-
tinelli et préféra le laisser s'échapper jusqu'à Imola, où l'avéré carbonaro
se fit prendre. Res abbés de ruelle et d'académie, dits codini, Coppi,
Palma, Marcello, Calandrelli, Grazioli, qui ne dcpasssèrent pas les
honneurs de la Nicchia et de VAlmanach des Muses, y rencontraient des
prélats di fiocclii, devenus depuis les cardinaux Darili, Fornari, Mori-
« hini, Viale, Rrunelli, les avocats Tarenghi et Semprebene, le mathé-
maticien Tisi, le préfet des études .Mgr Testa et une envolée de belles
que la renommée des grandes soirées chantantes appelait la Sorlofra, la
Viale, PAltemps, la Lampugnani. — Chez les Yera, où une ancienne
i-3',7*-?&-*:33«-,=^^
Tsm
•mata
220
LA PHKLATIHK DK LÉO.N Xill
pour un fflort [lersonuel ([u'olli* lui eut toute, irt'ùl njoulr à îiucui»
prix une coudée à la taille ainsi ra[>etissce des aïeux, au[>rès destpiels le-
petits-fils n'apparaissaient plus (pie des nains. — C'était Maeehi, éeeim-
niisant les basques de ses minables larbins en Irae, pour ajouter <[ut I-
(|ues paniers de plus aux robes lanuiilables de ses nièces ruinées. —
C'était Udescalcbi, simple et doux connue le permellaient ses dernières
ressources, et n'ayant plus [K)ur tonte fortune que le bon mot ([u av.iit
})rononcé son commensal de la veille et que rCminence en déficit serNi-
rait à son bote du lendemain. — C'était encore ce jeime et sémillant
grand de iNa|)les, Uiario Slorza, en qui la dernière noblesse s'altardail
de briller connue les lustres d'un salon sur des ruisseaux de diamants
(pii vont rouler dans d'autres lits, après les dernières mesures du bal
fini. —Mais, c'était surtout cet octojiénaire et toujours invincible car-
dinal Albani, représentant irréductible d'une aristocratie d'anc'ien réginu',
ipii n'avait pas cjqûtulé à Ancone, celle-l;« ; celte Kminence des ci-devant
en Irac de soie, en cubâtes à boucles et en jabot plissé, qui, cb.Kpu-
soir, dans les salons où les derniers cbevaliers de l'écliiquier et du
pbaraon Taisaient la pîulie et tenaient la banque, ne détournait [ms
même la tète vers le cartel doré soimant si^nilicativement minuit. Mbani
interrompait tout au plus sou jeu [tour écouter un morceau de barpr
et dire à la Hellucia Palombi, qui avait fini son menuet de Mercadanle
ou sa sonate de l'accini.
— Per DiOy qnanlo sei helln !
Sans sortir de son cabinet où il se plaisait à suivre ses anciennes
babitudes de moine au convcul de Saint-Iioniuald, (Iréj^oire X\l con-
naissait, par les ra|)porls de son fidèle messager, la vie de la noblesse
rtunaine, grande et petite. Et plulol la [U'iite «pii l'.ns:ut d'a^-sez bonnes
alîaires avec les adjudications de IKlat, p(Mir se payer des musiciens cl
des sorbets en des soirées mirobolanles, d'où la grande, à tout jamais
ruinée et incapable de négocier rien |)lus «pie ses billets d'tMupruuL
s'était exclue en fermant ses salons et en s'exilant même de \\on\e. La
roue de la fortune avait tourné, et c'était une simple fennne de conipn-
iste «pii se payait des cacbemires «piadriqdt's (pie ne pouvaient plus
s'acbeter les princesses romaines, cl (pii recevait en soirées dansanb's
et cbantantes les derniers nobles de la ville, prêts à redorer leur blason
en combinant dans ces mêmes soirées (piebpies ricbes mariages bour-
geois. — On trouvait, par exenq»le, au palais (je Valdambrini, a
lUpetta, certaine Uomagnoli (pi'avait épousée le manpiis Sacrali. et
pour l'amour de (pii sétail ruiné (lundi, le trésorier des Ibunagnes.
A ses soirées, fré([uentaient littérateurs et politiciens mêlés, (iiordoni
U !
L'A.NTICIIAMnnK bU l'APE.
'221
it Mamiani, De Komanis et Cian (iberardo de Uossi, Ifiondi et Terlicari,
le cliev.dier Palombi, (pii se vantait d'avoir (^ngagé la partie avi^c quatre
Souverains à la fois, et la fennne Ijelluccia Moroni, (pie le cardinal
Albiini se plais;iil à conqiliinenter sur sa beauté, cbez les autres coninie
(liez elle, avec la même désinvolture (pi'il mettait à provotpier et à
battre, à la table de jeu, ses partenaires babiluels Sauli et Z.iuli, le
4*omle Alborglietti et le manpiis Lepri. — Cbez la belle Corneglia Mar-
*iiu'lli, où l'on avait vu Canova et Slendlial, on rencontniit (Idoardo
MiiiM>n à huicr. IVapivs (Icslirou.)
Tabri, (jui fut plus tard ministre de ptdice de Pie IX et beau-frère
«l'Allemps, et le commandant de gendarmerie Cecilia qui faillit arrêter,
en 1850, ce même comte Fabri, dans la maison mé-me des- Mar-
tinelli et préféra le laisser s'écbapper jus(prà Iinola, où l'avéré carbonaro
se (il prendre. Des abbés de ruelle et d'académie, dits codini, Coppi,
Palma, Marcello, Calandrelli, Crazioli, qui ne dépasssèrent pas les
honneurs de la Mcchia et de VAlmanach des Muses, y rencontraient des
pn'lats di fiocclii, devenus depuis les cardinaux Darili, Fornari, Mori-
< bini, Viale, l»runelli, les avocats Tarengbi et Semprebene, le matlK'-
inalicieii Tisi, le préfet des études Mgr Testa et une envob'e de belles
que la renommée des grandes soirées cbantantes appelait la Sorlofra, la
Niale, l'Altemps, la Lampugnani. — Chez les Vera, où une ancienne
222
LA PRÉLATUaE DE LÉON XIIL
s
actrice, Carlotta Hacser, faisuit les lioiineiirs de sa «.orge célèbre, so
coudoyaient, pour entendre clianter, les princes de Piomhino, Odescalclii
et de Viano, les marquis Capranira et Antici, et les di|)loniales Dunson
de Prusse et Gagarin de Russie qui succéda à cet octogénaire Souvarow-
Italinsky dont la galanterie sans vacances faisait, encore à 80 ans,
l'ébahissement des dames. 11 ne l'ut vaincu en cet art que par son rival
octogénaire Hoeflin, se pàniant devant la Boccabadati et la Tamburini
quand elles interprétaient en duos, avec leurs maris respectifs et ras-
surés, les pages les plus enllammées de Cimarosa et de Mercadante.
Chez le satiriste Giovanni Giraud, au palais Ruspoli, on allait
voir jouer la comédie. Inspecteur des théâtres de l'État pontifical, le
maître de céans avait écrit pour son compte seize volumes de savnetles,
dont les plus applaudies n'étaient pas les moins mordantes. *L;i, se
donnaient rendez-vous, comme étalons en foire, les plus beaux restes de
la vieille noblesse à laquelle il faillit un sang nouveau et des écus
plus neufs : la duchesse Lanle et ses trois filles qui s'v trouvèrent troi.
comtes pour maris ; la belle Morici et sa sœur plus belle encore, Gigia
liavaglini, qu'on appelait couramment ÏÀnlichambre du Paradis et pmir
laquelle le prince Louis Bona])arte, — plus tard Napoléon 111, — s'habilla
en femme, seul stratagème qui permît au futur Knq)ereur des
Français d'admirer de jdus près cette beauté (pi'il venait contempler de
si loin. — On liiisait de la musique au palais Golonna qu'occupait un
vigneron de Genazzano, le riche Vaiuiutelli, pour y faire entendre à bi
harpe sa femme Girometti, qu'Andréa Corsini venait écouler. Chez les
Carnevali, on conversait avec Massimo d'Azzelio ; et chez les Lozzano, alliés
aux Carpegna et aux Falconieri, on retrouvait les Vera et les Vannutelli.
Le romagnol Marconi, enrichi aux adjudications de l'État Pontifical sous
Pie VII, s'était payé, déjà vieux, son mariage avec une Giustiniani et son
salon de réception avec tcule une vraie banquise de corail, devant
laquelle venaient parader les pauvres naufrages de cette dernière noblesse
C'était la princesse Chigi, qui devait 24000 écus à son voisin IJersani*
le charcutier de la rue Cacciabove, et qui finit par le payer en lui
cédant sa terre de Casaletto, hors la porte San-Pancrazio. Celait don
l^rancesco Chigi, qui s'était marié par caprice avec une paysanne de
Frascati, apptlée parle peuple la Duchessaccia. alliance qui faisait tant
rougir un des gendres du duc, le prince de Teano don Philippe (iaetani
que celui-ci n'osa plus revenir à Rome et vécut, jusjju'à sa mort ii
Florence. C'était le duc Caffarelli, mari en secondes noces de la femme
d un boucher, certaine Pozzonelli. C'était le duc Bonnelli qui, pour .a
part, avait pris une revendeuse de légumes. La vieille robe de l'archi.
-■ :w«t^J
mm
L'ANTICUAMBRE DU PAPE.
225
séculaire noblesse romaine ne pendait plus qu'en loques, à la défroque
de ses palais abandonnés où la nouvelle noblesse des affaires allait
remplacer l'écu des chevaliers par les écus des marchands et maqui-
gnonner en mariages interlopes, comme en libres haras, un troc élionté
de purs sangs. Le plus fameux macjuignon de cette espèce avait été le
brasseur d'affaires Jean ïorlogne, venu d'Auvergne à Rome sous Pie VII
pour bazarder l'État pontifical presque entier à son seul et inavouable
profit. Les Borghèse, les Ruspoli, les Colonna et jusqu'aux Sforza-
Cesarini, — dont un |)rocès scandaleux, auquel nous pouvons seulement
faire ici allusion, a rendu le nom célèbre dans les annales de la scato-
logie, — furent d'abord les commensaux et puis les alliés de ces Torlonia
sans rivaux pour les bals qu'ils donnaient à leur monde et à l'autre*.
A un de ces bals, entre autres, un soir, une belle comtesse entra comme
chez elle. Et, en vérité, elle ne pouvait y entrer autrement; cette belle
comtesse de la ville de Pérouse n'étant autre (|ue la Piazza, au sujet de
qui le duc Torlonia avait répondu à quelqu'un lui demandant quelle
place (en italien piazza), il préférait, de toutes les cités de l'Italie :
— La Piazza di Perugia!
Cette même Piazza avait introduit avec elle, à ce bal, sans autre pré-
sentation, une jeune marquise répondant au nom encore inconnu de
Florenzi et dont la beauté, aussi effrontée qu'idéale, allait faire courber
sous elle le front d'un roi. L'avis de la duchesse Torlonia, qui ne se fit pas
défaut de le dire hautement, était que ces manières de s'introduire dans
1. M. Torlonia aiinoiu'o une aneclote. On fait cercle autour de lui, et il entre
dans tous les détails d'une ruse adi-oite, au moyen de laquelle il obtint des marchands
de glaces de Paris (|>our les places de ses salons de Uome), un rabais de 5 0/0. Il se
vêlit encore plus mal qu'à l'ordinaire, sa physionomie prit une teinte encore plus
misérable cl plus juive. Ainsi grimé, il se présenta aux marchands de Paris, auxquels
il dit que ce banquier ilalien si avare, le fameux Torlonia, l'avait chargé lui, pauvre
miroitier de Home, d'acheter des glaces à Ix)ndres ou à Paris. Ilolfraitde payer comptant :
« C'est ainsi, poursuit le millionnaire triomphant, que j'ai arraché un rabais de 5 0/0
sur le prix le plus restreint que j'aurais pu obtenir en me présentant sous mon nom.
Ce rabais de 5 0/0 fil une st)mme assez ronde. » Et les petits yeux du banquier
brillent de joie et perdenl, pour un moment, leur air inquiet.
Plus tard, vers les une heure, M. Torlonia parlait de ses fils au groupe où était la
pauvre miss Balhurst. Un tel, disait-il en montrant l'aîné, je crois, est un nigaud; il
aime les tableaux, les arts, les slalues ; je lui laisserai trois millions et deux duchés.
Mais l'autre, c'est bien différent : celui-là est un homme, il connaît le prix de
I argent. Aussi lui laisserai-je ma maison de banque ; il l'augmentera, l'élendra et, un
jour, vous le venez non pas plus riche que tel ou tel prince, mais que tous les
pniK es romains pris ensemble ; et s'il arrive à la moitié de la prudence de son père,
il fera son fils pape.
A deux pas du duc, la célèbre lady N... était attristée de voir cette figure à argent,
c Torloma, disait-elle, ne devrait pas se trouver aux bals qu'il donne. Les princesses,
ses filles, en feraient mieux les honneurs. » — Stendhal, Promenades dans Home.
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224
LA l'RÉLATlRE DE LÉON XHI.
Je monde pouvaient passer à Pérouse, mais non à Rome. Les deux étran-
^^ères, ainsi toisées par leur hôtesse, ne perdirent rien de leur taille élé-
.^ante et attendirenr, pour se venger à leur manière aussi, l'ouverture du
bal. Les musiciens étaient au pa!ço et tout le monde allait danser cpiand
<lon Marino Torlonia, l'aîné des lîls du duc, se présenta devant le roi de
Bavière et l'invita, à titre de premier invité, à choisir pour le vallzer^n
dame. Ce moderniste Louis h% qui |)orJait le frac noir comme à la soirée
.«|ue lui doima Chateaubriand quand celui-ci en écrivait : « Ce souverain
<frec, en portant une couronne, semble savoir ce qu'il a sur la télé et
comprendre qu'on ne cloue pas le temps au passé », accepta sur-Ie-
•champ l'invitation du jeune duc. Passant devant la Borghcse, la Piom-
bmo, la Grazioli et la Torlonia, cpii brillaient conmie des lampadaires
<lans leurs corsages de diamants, il alla droit à l'inconnue petite mar-
(luise qui portait pour toute parure une fleur blanche dans ses cheveux
iioirs, et lui offrit, au scandale de l'assistance, son bras roval d'où la
(rop célèbre Florenzi ne s'est plus, depuis, détachée. Peut-être, à ces bals,
<'tait;aussiinvitélej)rincePoniatowski,aco(|uiiiéà une fille des rues que la
police avait traquée, de nuit, jusqu'au palais où elle se réfugia pour en
devenir la maîtresse. Et pcut-élrc aussi y voyait-on ce don Miguel de Por-
tugal qui dépensait en folles noces, dignes de figurer dans les Nolti
Romane de Verri, le prix d'un tronc joyeusement dépensé dans l'exil,
au pays de Priape et de Bacchus ; ce même roi des festins libres qu'un
pauvre savant de Rome, le bon codino Bartolucci, apostrophait, cotide à
-coude, en plein Corso, avec l'épilhcte suivante :
— Com voleté voi, sor re di coppe?
D'autant plus clos dans son Ouirinal ou dans son Vatican, que se
^•épandait davantage au dehors cette noblesse décadente dont il ne pou-
vait plus arrêter la chute prochaine et dont il n'était encore le Souve-
rain que de nom, le vieux Grégoire XVI ne demandait même plus a son
informateur intime Gaetanino des nouvelles d'un monde qui trouverait,
sans doute, d'autres réformateurs que lui. « // mondo va da se! Je suis
trop vieux pour le refaire ! » répétait-il en se promenant, d'un fauteuil
à un autre, dans ces appartements pontificaux où Moroni n'avait le droit
d'introduire personne, mais où il se chargeait de faire passer qui il vou-
lait des invites de son maître. Un cardinal ou un ambassadeur se pré-
sentait-il à l'audience, c'était Moroni qui l'abordait le premier et s'in-
formait, entre les compliments obséquieux, de l'aflaire que l'introduit
venait exposer au pape. Et cet ambassadeur ou ce 'cardinal n'avaient
»pas dépassé les premières salles pour arriver jusqu'au cabinet du pon-
tife, que l'avisé domestique avait déjà envoyé à Grégoire XVI, entre deux
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224
l\ l'RKLATLUE DE LÉON Mil.
le monde pouvaient passer à Pérousc, mais non à [>,ome. T.es deux ('tran-
-ères, ainsi toisées par leur hôtesse, ne perdirent rien de leur taille élé-
gante et attendirent, pour se venger à leur manière aussi, l'ouverture du
l)al. Les nnisiciens étaient au pafço et tout lo monde allait danser cpiand
<lon Marino Torlonia, l'aînc' des fils du duc, se présenta devant le roi de
Bavière et l'invita, à litre de premier invité, à choisir pcuir le vallzery.x
dame. Ce moderniste Louis \% ipii portait le frac noir comme à la soirée
<|ue lui donna Chateauhriand (piand celui-ci en écrivait : « Ce souverain
(/rec, en portant une couronne, sendjle savoir ce qu'il a sur la tèle et
comprendre .pron ne cloue pas le temps au passé », accepla sur-le-
champ l'invitation du jeune duc. Passant dcvani la nor-hcse, la Piom-
hino, la (irazioli et la Torlonia, .pii hrillaient conmic des lampadaires
dans leurs corsages de diamants, il alla droit à linciMume petite mar-
(juise qui portait |.our toute parure une lleur hlanchc dans ses <heveux
noirs, et lui oll'rit, au scandale de Passistance, son hras royal d'où la
trop célèbre Florenzi ne s'est plus, depuis, détachée. Peut-être, à ces hais,
était aussi invité le prince Poniatovvski, acoquin.- à une lille des rues (pie la
jîoliee avait traquée, de nuit, jusqu'au palais où elle se réfugia pour en
devenir la maîtresse. Kl peut-être aussi y voyait-on ce don Miguel de Por-
tugal qui dé|)ensait en folles noces, dignes de (igurer dans les Noffi
llomnne de Verri, le prix d'im troue joyeusement dépensé dans l'exil,
au pays de Priape et de lîacchus ; ce même roi des festins lihres qu'un
()auvre savant de P,ome, le hou coilino llartolucci, ap(.stro])hail, coude à
toude, en plein Corso, avec l'éiMllicle suivante :
— Cosa voleté voi, sor re tli coppe?
D'autant plus clos dans son Quirinal ou dans son Vatican, que se
répandait davantage au dehors cette niddesse décadente dont il ne pou-
vait plus arrêter la chute prochaine et dont il n'était encore le Souve-
rain que de nom, le vieux Grégoire \V| ne demandait même plus à son
informateur intime Caetanino des nouvelles d'un monde qui trouverait,
sans doute, d'autres réformateurs que lui. « // mondo va da se! Je suis
trop vieux pour le refaire I » répêlait-il en se promenant, d'un fauteuil
à un autre, dans ces appartements ponlilicaux où Moroni n'avait le droit
d'introduire personne, mais où il se chargeait de faire passer qui il vou-
lait des invités de son maître. Un cardinal ou un ambassadeur se pré-
sentait-il à l'audience, c'était Moroni (jui l'abordait le premier et s'in-
formait, entre les complinients obséquieux, de l'an'aire que l'introduit
venait exposer au pape. Kt cet ambassadeur ou ce 'cardinal n'avaient
pas dépassé les premières salles pour arriver jusqu'au cabinet du pon-
4ife, que l'avisé domestique avait di^à envoyé à (;régoire \VI, entre deux
I >
L'ANTICHAMBRE DU PAPE.
225
ieuiilcls d'un livre qiu'lcontjuo, une note détaillant par le menu les
secrets que le visiteur apportait à l'audience pontiticale et que le maître
avait le temps de connaître avant de recevoir son visiteur. De la sorte,
personne ne parvenait jamais à le surprendre. Un jour, entre autres,
Pellej^Tino Uossi se présenta à l'antichambre, chargé par Louis-Phihppe
de venir intercéder auprès de Grégoire XVI pour que le décret de l'Index,
qui censurait le Manuel de Droit Lcclésiastique Françai^idc M. Dupin,
Les deux noblesses. (D'après Escoura.)
ne fut pas puhlié. L'envoyé du roi, qui n'eut [)as confié son secret à son
ombre, ne pjt le dissimuler à Moroni; et sa surprise ne fut pas ordi-
naire, de trouver Grégoire XVI en train de lire et d'annoter ce même
livre dont, pensait Pellegrino Kossi, le Pape ne connaissait pas même le
titre.
— Dites à Sa Majesté le roi des Français combien je regrette ne pou-
voir rien faire pour Elle, en cette circonstance. Mais, à l'heure tardive où
vous m'informez du louable désir de votre maître souverain, le texte du
décret court la poste. H sera publié partout, en France, quand votre
dépêche y arrivera. Monsieur le chargé d'affaires, nous serons plus
heureux une autre fois.
15
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L'ANTIClIAMIiUi: l>l PAI»i:.
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(euillols (l'un livre (juclcoiiijîio, une iKito dctaillanl pjir le inciiii les
secrels que le visiteur u|»jMtrl;iit à rardieiice pontilicîile et (jue le maître
avait le leni|)s île eonuaître avant de recevoir son visiteur. Pe la sorte,
personne ne parvenait jamais à le surprendre. \ n jour, entre autres,
Pelleurino jiossi se présenta à l'anticliambre, eliargé par Louis-Philippe
de \enir intercéder auprès de (irégoire Wlpour (pie le décret de l'Index,
qui censurait le Manuel de Droit Ecclédaslique FranvaUàv M. I)upin,
lit's <l('uv noblesses. |D après Escoura.)
ne lut pas puMi('. j/envoyé du roi, »pii n'eut pas confié son secret à son
ond)re, ne j) il le dissimuler à Moroni; et sa surprise ne l'ut pas ordi-
naire, de tnuiver Gré^roire \VI en Irain de lire et d'annoter ce môme
livre dont, [>ensait IVIIegrino liossi, le Pape ne connaissait pas même le
litre.
— Dites à Sa Majesté le roi des Trançais combien je rej^retle ne pou-
voir rien faire pour Klle, en cette circonstance. Mais, à l'heure tardive oi^i
vous m'informez du loualde désir de votre maître souverain, le texte du
dé<rcl couri la poste. Il sera publié partout, en IVance, (piand votre
(b'pècbe y arrixera. Monsieur le chargé d'affaires, nous serons plus
heui'i'ux une autre fois.
15
-wmitiMÊÊÊm
t226
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII.
L'ironie du pape Grégoire, si à point servie par un introducteur si
habile, ne se faisait point défaut de se manifester plus librement avec
de moins importants personnages. Un autre jour, — ce jour-là, venait-il de
lire une page de Paul de Kock ({ui ne fut qu'après son bréviaire son
auteur favori, s'il faut en croire la légende qu'aucun témoin sérieux n'a
contrôlée, — le pape avait daigné recevoir en audience le graveur dio-
vani Folo chargé de reproduire au burin, pour la Cakogra[)hie pontificale,
un Adam et Eve du Titien. Le pontife, amateur passionné des belles
estampes, examinait tous les détails de celle-ci. L'observation artistique
en était si sincère que le graveur, se familiarisant tout à coup, s'oublia,
pour l'amour des beaux-arts, jusqu'à dire le plus naturellement du
monde : « Saint-Père, remarquez les mamelles d'Eve ! Votre Sainteté
n'est-elle pas d'avis que le i)eintre a fait là deux pures merveilles? —
Vous aimez donc bien les femmes ? lui demanda le Pape, sans se décon-
certer et en relevant i)laisamment ses lunettes brillantes vers l'artiste,
tandis que l'estampe semblait être tombée d'étonnement sur les genoux
du Pontife. — J'en suis foui » répondit Folo, sur un ton si convaincu,
(|ue Grégoire XVI n'insista pas. Mais il s'informa, le lendemain, de la
moralité de l'artiste; et quand il eut appris que cet homme sincère était
un père de famille accompli, il lui fit adresser la commande de plusieurs
autres scènes du Paradis terrestre à graver pour son compte, d'après
les maîtres célèbres.
Entre deux dolciumi que lui faisait si bien cuire Gioacchino Saraceni,
son cuisinier pontifical, et deux flûtes de Champagne que Louis- Philippe
continuait fidèlement à lui servir aussi, Grégoire XVI se plaisait à rece-
voir alla buona et pour le compte de Gaetanino, qui s'y retrouvait bien,
les privilégiés de son valet de chambre. Telle, la crestaia ou modiste en
renom donna Massoni, qui, après avoir coiffé les plus élégantes et folles
tètes de Home, voulut aussi coiffer ses deux fils. Le chapeau à soufflet,
— que les hommes portaient alors et que le haute-forme rigide a si désa-
gréablement remplacé depuis les derhijs d'Auteuil où Louis-Philippe mit
le gibus à la mode, — n'ayant pu trouver grâce aux yeux delà difficile
Massoni, elle sollicita si habilement les faveurs du tout-puissant Moroni,
que l'aîné de ses fils parvint à coifl'er les fiocchi des prélats attachés à
la Secrétairerie d'État. Pour son second garçon, elle obtint le zuccheito
de nonce accrédité près le grand-duc de Toscane :
— Et Madame la Mort, comment la coifferons-nous? demanda Grt*-
goire XVI à l'heureuse crestaiaj en la félicitant des b'êaux plumets qu'elle
faisait porter à tant de têtes à l'envers de cette société romaine, où le
vieux pasteur démodé ne reconnaissait déjà plus ses ouailles.
L'AMICIIAMRRE DU PAPE. ' 227
Au lieu des redingotes à triple collet et des habits iT la française trop
courts devant et trop longs derrière, surtout au lieu de ces modernes
têtes touffues que le chapeau à soufflet porté sous le bras ne savait plus
coiffer aussi bien qu'avait fait l'antique tricorne les têtes bien peignées
et bien poudrées des retardataires porte-queue, que ne parlait-on au
vieux Grégoire XVI de ces fracs bien drapés et de ces jabots bien étoffés
des vieux cordini, ses premiers amis? Fréquentait-il encore la ISicchia
au palais Huspoli où avaient fait, entre deux orangeades, leur cercle
littéraire les Magden, les Xibby, les Tambroni, les Cœcilia, les Salvatore
IJetti, les Amiati, les Fea? Et YAi^ dei Carbognari, où le Cercle des
Gardes-Nobles s'était recruté des comtes et marquis buoniemponi, ama-
teurs de beaux-arts et de belles manières? Et le Coffè del Veneziano,
sur la place Sciarra, où l'on trouvait le docteur Metaxa et le professeur
Scarpellini, le docteur Feliciano et le professeur Bartocci? Et le cercle
de la Place du Clémentine, où allaient Morichini et Prela, Bartolucci et
.Mauri, et iNicolai? Et l'imprimerie du Cracasi Et les cabinets de lecture
du presque légendaire Vieusseux et des deux Romanis? Et la pharmacie
Uicci, où l'on ne voyait plus le beau Cancelliori parlant, ore roimdo, du
haut de ses cent soixante et un volumes manuscrits que la postérité in-
grate n'irait pas même chercher Via del Mascherone où le fécond et
éloquent abbé se retira pour mourir, en conversation avec lui seul. Là
non plus ne reviendrait, de son jardin de la Via del Lateranooxx il plan-
tait ses choux, le satiriste Mariottini, après avoir épuiséla verve débor-
dante d'un Giraud. Le fauteuil de Mauro Cappellari y restait encore, mais
vide; et le carrosse pontifical ne passait plus devant les bocaux évaporés
de la Via dei Fornari sans évoquer, dans l'àme attristée du vieux Gré-
goire XVI, les souvenirs odorants comme un pré où la faux a passé.
C'étaient les bonnes remembrances d'un passé plein de charme et d'oubli
qui ne reviendrait plus, ni pour le Stato, ni pour son Pape.
Les foins étaient coupés et, faucheur ou fauché, il fallait sortir d'un
siècle où l'on n'avait plus rien à faire. Le soir du 31 mai 1845, comme
le prince Torlonia préparait à Rome entière une fêle à laquelle Gré-
goire XVI avait promis d'assister, le Pape absorbait un dernier dulciume
quand il se sentit pris d'un malaise que son ordinaire bonne santé n'expli-
quait pas. Vers minuit, il tomba en syncope et fit perdre la tête à son
fidèle Gaetannio, qui prit la porte, pour aller cacher chez lui ses larmes
et ne pius revenir. Quand, au matin du 1- juin, des étrangers ouvrirent
l apparlement du Pape, l'état du moribond était désespéré. Et, le soir de
ce jour, on mit dans son cercueil, — pour toute couronne, celle du
Rosaire dans ses mains, et non plus, sur sa tête, celle de l'État pontifical
M >.
"tf|-^
-ï*t^-.^
228
LA PRÉLATURE Ï)E LÉON XIU.
aux trois quarts défleuronné, — le dernier Pape souverain dont l'Eu-
rope, dgà aux trois quarts républicaine, reconnaissait encore l'autorité
temporelle.
De ce règne infécond pour les libertés grandissantes des génération*^
nouvelles qui demandaient leur place légitime au soleil, de ce règni-
fermé aux justes revendications des déshérités de la vie qui rck^-la ni aient
toujours leur part aux favoris de la naissance qui la leur refusaient sans
cesse, — et vous vous rappelez encore la fenêtre de Civita-Castellana que
Grégoire XVI avait fait fermer jiour ne pas lire, sur un tran>parent, la
pétition que lui tendaient d'une autre fenêtre les prisonniers de la for-
teresse voisine, — une création heureuse était, du moins, sortie. C'était
celle d'un humble étudiant de l'Académie Noble qui, son stage d'univer-
sité iini, s'était décidé à expérimenter pour son compte la périlleuse
antichambre du Ptqie et les faveurs de son inabordable Souverain. Dési-
reux de réaliser tôt ou tard, pour le bonheur des autres plutôt que pour
le sien, le rêve humanitaire qu'avait déjà formé son Ame généreuse^
conscient de sa force exceptionnelle qui excusait sa particulière ambi-
tion, Joachim Pecci s'était-il résolu à invcwpier Grégoire XVI, par l'inter-
cession de Gîjctano Moroni? Ses amis le disent. Lui seul le sait. Dans ses
lettres de cette époque nous ne trouvons trace que des faveurs obte-
nues : « Grâce aux protections puissantes que ma conduite et mes études
m'ont procurées auprès de S. Em. Pacca et d'autres cardinaux. Sa Sain-
teté, le 6 février courant, anniversaire de son couronnement, a daigné
dans sa clémence me compter au nombre de ses prélats domesti(|ues et
m'a accordé la manelletta de faveur», » écrit-il à son frère Charles, le
8 février 1837. Et, le 29 juin de la même année : a J'ai le plaisir de
vous apprendre que j'ai reçu, hier, de la Secrétairerie d'État, le billet
qui me nomme Ponenle du Buon Governo. Ce poste était rendu vacant
par la promotion de Mgr Amici à la charge de Votante di Seynalura,
Bien que je fusse le dernier des prélats créés par Sa Sainteté, et bien
que d'autres eussent sur moi l'avantage de l'ancienneté en prélature, je
n'ai pas moins été le candidat préféré'. » La carrière diplomatique était
assurée par ce début à Joachim Pecci. Il pouvait donc entrer dans les
Saints Ordres, et il les reçut justement assez tôt pour être prêtre et pré-
fet, presque en même temps. Le 12 février 1858, Mgr Joacchim Pecci,
prêtre depuis le 51 décembre 1857, recevait de la Secrétairerie d'État
le billet qui le nommait Délégat ai>ostolique,- pour la province de
Bénévent.
1. Cf. la Jeunesse de Léon XIII. p. 427.
2. Ibidem, p. 40 i.
%XS^Sm^m^?^SSm
mm
L'ANTICUAMBRE DU PAPE.
229
— Je suis trop vieux pour réformer l'État! disait,. vers cette époque,
<]régoire XVI à Mgr Capaccini, ancien secrétaire du cardinal Consalvi.
En ouvrant à la fois à Mgr Pecci la carrière des honneurs et des affaires .
le pape Cappellari avait au moins le mérite d'avoir découvert et de pré-
senter au monde le futur et providentiel Pontife qu'espéraient, pour
leur rénovation autoritaire et libérale à la fois, les sociétés modernes.
Aux premiers jours du mois de mars 1858, une des lourdes berlines
des écuries pontificales, chargées de pourvoir au service des Délégations
ou Préfectures du StatOy suivait, au trot de quatre chevaux, attelés en
llèche, la route qui va de Bome à Terracine et de Terracine à Bénévent.
A la portière de cette chaise de poste liguraient, en cartouche extérieur,
Jes armes prélatices du i)ersonnage dont la présence, à l'intérieur, était
-nnsi signalée : un pin barré d'une banderole en sautoir, avec une
étoile rayonnant d'en haut à sénestre, le tout sous le chapeau et les
glands des prélats simples. Le voyageur que cette berline emportait
se distinguait, tout jeune encore, par un visage longuement ovale et
^lussi gracieux que sévère. De ses deux yeux, petits et vifs, qui bril-
laient sous d'épais sourcils noirs avec l'éclat glacial de deux aiguës
marines, il regardait froidement la campagne où le printemps prochain
sommeillait encore. Parfois aussi, il interrogeait brièvement ses domes-
tiques dans leurs épaisses livrées de valets. Coiffés de grands bicornes à
galons, ensevelis en d'immenses fracs aux basques hiasonnant en
pointe, les uns, cocher et valet de pied, tenaient le siège de devant; les
autres, majordorme et camérier, occupaient le siège de derrière. L'abbé-
secrétaire, répondant au nom de Don Philippe Salina, faisait, à l'inté-
rieur, compagnie à son maître. Et toute la maison du prélat ainsi sus-
pendue, entre les malles, aux lèvres minces et prescjue toujours closes
<le monsignor Gioacchino Pecci, patricien d'Anagni, prélat domestique
de la Saniita di Nostro Signore le pape Grégoire XVI et, par la grâce
du Saint-Siège, délégué apostolique de Bénévent ; toute cette maisonnée
de camériers, de cuisiniers, d'estafiers, de valets de pied et de cochers,
— cmq en tout, — était une même Aimille de frères, nés à Carpineto
€t répondant par leur nom italien Cappucci à notre vocable français
Choufleuri. Est-ce à dire que ces charmants La Fleur de notre jeune
prélat avaient autant d'esprit que de grâce, et ne sera-ce pas de ces
cinq choux fleuris que Mgr Pecci plaisantera bientôt en se plaignant de
ne pouvoir, avec tant d'herbes à la fois, faire une bonne soupe :
— E con tanti cappucci, non posso fare iina minestra!
/îi
4l|
230
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII.
t.
Pour l'instant, de plus graves pensées occupaient Mgr Joachim Pecci,
en route vers sa Délégation. Il gagnait, au trot de ses bétes, un poste
assez dilficile à gouverner après tant de maîtres qui y avaient fait fleurir
la contrebande et le brigandage, comme en principauté d'exception.
Et c'était précisément l'heure où le dernier prince en titre de Bénévent
se préparait à mourir mieux (ju'il n'avait vécu, en la personne de l'ex-
évêque apostat Talleyrand-Périgord dont l'abjuration, attendue par le
Pape, ne serait signée par l'excommunié, montre en main, que quel-
ques heures avant le jour même de sa mort, cpii devait arriver le
17 mai 1858.
— Vous soufl*rez? lui demanda Louis-Philippe.
— Sire, comme un damné! lui répondit Talleyrand.
— Déjà?... ne put s'empêcher d'ajouter le roi, au bord du lit de son
moribond ministre, qui le fut aussi, — par quel prodige de mauvais
génie ou par quel aveuglement du mauvais sort! — des précédents gou-
vernements, douze fois changés et douze fois rétablis depuis la première
Révolution française. Quelle leçon des hommes et des choses présen-
tait l'histoire, sur le premier feuillet où elle invitait à lire, chemin
faisant, un si jeune prélat ([ui succédait à un si vieil ex-évéque : ce pur
génie à son aurore, lorsque celui du triste patriarche de Valençav tou-
chait à son couchant; ce visage idéal de Joachim Pecci à son premier
printemps de gloire, devant ce visage décharné de Talleyrand à son
dernier hiver et à sa dernière ambassade dans le rovaumc de la morti
Dans la haute quiétude de Dénévent et dans la solitude sévère de la for-
teresse qui lui servira de palais, Mgr Pecci continuera, sans doute, une
méditation si utile. C'est là, que le laissant, pour étudier nous aussi
son état d'âme par la lecture de ses simples lettres de famille, nous
irons lui demander comment, par la loi des contrastes, un Talleyrand a
pu engendrer un Pecci et le patriarche déshonoré de la politique des
intérêts former, de longue main, le Pape glorieusement légendaire déjà
de la poh tique du sacrifice et de l'Évangile.
DEUXIÈME PARTIE
EPISTOLAIRE DE W JOACHIM PECCI
\
i
'3
1
LA DÉLÉGATION DE BÉNÉVENT
Sommaire. — Arrivée à Bénêvent et maladie de Mj;r Pecci (I-IX). — .Mgr Oifei
emporte la caisse de la préfecture (X-XVI). — Tallevrand compromet le
duché de Bénévent (XVII-WIII). — Achat de chevaux et premières courses
(XIX-XXII). — Le prince Borohése à Carpineto et le marquis Muti à
Bénévent (XXIII-XXVIII). — Mélliode de gouvernement de Mgr Pecci (XXIX-
XXX). — In mari:.gc, s. v. p.! (XXXI-XXXVIII). — A la cour de Naples
et bruils de changemeni préfecloral (XXXIX-XLII). — Mort du cardinal Sala
cl visite du cardinal P.cca (XLIII-XLVIll). — Un poste à Borne, quel qu'il
soit (XLIX-LI). — Du carnaval de Bénévent aux vacances de Carpinelo
(LIÏ-LX). — SUmislas Suuhini et la Direction des Douanes (LXI-LXVII).
— La nomination de Spolète (LXVIII-LXX). — En route i)our Snolète oii
pour Pérouse (LXXÏ-LXXIV).
I
Catherine Pecci, dame Lolli de Ferentino, à son frère
Charles, à Carpineto. — C'est avec un indicible plaisir que
j*ai appris la nomination de Joachim comme délégat de
Bénévent. Mais, d'autre part, j'ai déplaisir qu'il parte de
Rome. J'ai reçu par la poste une de vos chères lettres où
vous me donnez des nouvelles de Joachim. Il m'est impos-
sible de vous exprimer le plaisir que j'en ai éprouvé.
J'espère que Dieu voudi^a que notre frère se fasse honneur
et qu'il rehausse le lustre de notre famille. Joachim est un
jeune homme qui promet beaucoup. C'est l'opinion gêné-
Il irtlMii
«iPPiWiBMi
t/.
LA DÉLÉGATION DE BÉNÉVENT
Sommaire. -- Arriver à B^'hôvoiiI ol mM.uWo de Mur Vecn (l-l\). — M^v (liioi
t>iii|M»rte ia caisse de la pivloctinv (\-\Vi). — TaJN.vrand compiomel le
diichr dt» i;«''in''venl (WII-WIII). \,|,;,( d,. chevaux el premières course^
(\l\-\\ll). — le prince nor-lièsc à Carpinelo et le inî«rquis Mnli à
Hériévenl (Wlll-WViJj). — .Mélliode de -(uivcriiemenl de Mgr Pecci (\\l\-
\\\). - In inarii.-e, s. v. p.! (\\\|-\\\VIII). — A la cour de Naple.
4.U hruifs de clian-em.Mil prélWloial (\\\|.\-\LI|). _ Mort du cardinal Sala
et visile du cardinal P.iccn (\I.III-\LVIII ). — In poste à Home, «p.el (p.'il
soil (\LI\-M). — Un rarnaval de llénévcnt aux vacances de Carpinelo
(Lir-L\). — Stanislas Sl«'rltini et la Direrlion des Douanes (L\I-IAVIIK
— Li nomination de Spolèle (LXVII|-IA\). — En route i»our Spolètc ou
pour IVrouse (lAM-LWIV).
('(ilhcnne Prrri, dame Lolli de Ferentino, à son frire
Charles, à CnrjHncto. — C'est avec im indicible ])lnisirque
j'ai nppi'is la nominalioii de Joacliim coiiinie délé^at de
Béfirvenl. Mais, d'atilie paii, j'ai déplaisir qu'il parte de
Home. J'ai reeti par la peste une de vos chères lellies oi'i
vous nie donnez des nouvelles de Joacliiin. ]| m'est iinpos-
sil)le de vous exprimer le plaisir que j'en ai éprouvé.
J'espère (|ue Dieu voudra que notre frère se lasse liotineur
et qu'il rehausse le luslre de notre famille. Joachim est un
jeune homme qui promet beaucoup. C'est l'opinion «;éné-
ÉiiwiMh û \im\émuÊÊÊàmimimtÊà
" yM-*i-fc W. .-*■ •■ "'
254
LA PRÉLATURE DE LÉON XIIF.
Il
raie. J'espère bien que, pour la confirmer, il aura la vie
longue et qu'il arrivera juscju'à cent ans. C'est la grâce que
je lui souhaite, de tout mou cœur.
Fcrcntino, 22 février I8r»8.
Il
Joachim Pecciau frère Jean-Baptiste, à Home. — Vous
et l'oncle Antoine, vous apprendrez en même temps par
cette lettre mon heureux voyage et ma bonne arrivée dans
la cité de Bénévent. Jusqu'à présent, je n'ai qu'à me louer
de l'esprit de cette population, très docile et affectueuse.
De toute part, j'en reçois des démonstrations. Mgr Orlei,
qui partira demain pour Rome, me comble d'amabilités.
De votre côté, en raison de ce que je vous dirai i)lus tard,
vous voudrez bien vous rendre chez lui et le remercier
encore, en votre nom, de toutes les bontés dont il me fait
part.
Bénévct:t, 10 mars 1838.
III
Le comte Antome à son neveti Charles, à Carpineto. —
Nino était arrivé à Bénévent en excellente santé ; mais, après
quelques jours, il s'est senti pris de rhume et de gastrite. II
paraît qu'aujourd'hui le malade va mieux. Nous attendons
d'autres lettres et, par le même courrier, je vous enverrai
d'autres nouvelles.
Rome, 27 mars 1838.
I)
IV
Du même au même, à Carpineto. — L'état de Nino a
^^.
«WWWWW»*..,
LA DÉLÉGATION DE BÉAÉVE.NT.
255
empiré. Nous avons reçu une lettre de Peppuccio (Joseph),
qui élait parti tout de suite pour Bénévent. Il faut prier,'
pour (|ue Dieu fasse au malade la grâce de guérir. Ce soir,'
Titia partira aussi pour Bénévent.
Home, 31 mars I8.")8.
La comtem Lolli à son frère Charles, à Carpineto. — A
toute heure, je suis dans une anxiété indescriptible pour
n'avoir plus aucune nouvelle sur l'état de IVino. Jeudi der-
nier, on m'écrivit de Rome que les choses s'élaienl aggravées,
et je vous donne à penser mon affliction. Dimanche, j'ai eu
aussi une lettre de M. Nino Ambrosi, qui s'était chargé de •
porter dans sa voiture dom Philippe Salina jusqu'à Capoue.
Celui-ci lui avait écrit, à la date du 50 mars, que Nino lui
avait dépêché jusqu'à Capoue deux bersagliers, qu'il l'avait
trouvé en voie de guérison et qu'il serait revenu le voir, le
jour suivant. A son tour, M. Nino Ambrosi m'a confirmé les
mêmes nouvelles ; mais, à dater de ce jour, je n'ai plus
rien su. Je vous répète, mon cher frère, que j'en suis très
troublée. Si vous avez quelques informations, pour la voie de
Rome, communiquez-les moi au plus vile. M. Ambroise m'a
dit aussi que notre frère Joseph, le jésuite, à peine connue
la maladie de Nino, était parti pour Bénévent et qu'il s'y
trouve encore.
Fiorenlino, 5 avril 1838.
VI
LecomteAntoineàsonwveuCharles,àCarpineto.—'^m
a été à la mort. Ici, à Rome, celte afireuse nouvelle s'était
11
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!256
LA PRÉLATURE DE LÉON XIH.
;
I
déjà répandue ; mais, Dieu merci ! hier, 5 courant, j*ai ap|)ris
par Peppuccio et par Salina que Télat du malade s'est amé-
lioré. Titla, comme je vous Tai écrit, est parti samedi, de
nuit, sur les instances de Peppuccio, qui se trouve, seul de
la famille, à Bénévent. Espérons, de jour en jour, de meil-
leures nouvelles.
Rome, 0 avril 1858.
VU
Le comte Antoine Pccci à son neveu Charles, à Carpinelo,
— Nino a été sur le point de mourir. Cette nouvelle se
répandait dans Rome quand, ^ràce à Dieu, hier, 5 courant,
j*ai appris de Peppino et de dom P. Salina que l'élatdu ma-
lade s'améliorait. Titta, comme je vous Tai déjà écrit, est
parti pour Bénévent, samedi dans la nuit, sur les instances
ile Peppino, (jui ainsi ne sera pas seul, là-has. Espérons de
recevoir encore de meilleures nouvelles.
Rome, G avril 1858.
VIII
Charles Pecci à dom Philippe Salina, à Bénévent, —
Veuillez faire savoir à mon frère que les termes me manquent
pour exprimer dans cette lettre combien vif a été l'intérêt
que, dans une circonstance si attristante, tous ces messieurs»
d'Anagni ont pris à Télat du malade. Quant à Carpineto, le
désir de recevoir des nouvelles y a été si grand, que la
population en est venue jusqu'à déchirer la bourse du cour-
rier et y prendre la lettre que vous nous adressiez et que la
foule a apportée chez nous, dans une lièvre générale.
Carpinelo, 7 avril 1858.
"-■' ifïïlr^îfi'' - i I â
-j..li .
LA DÉLÉGATION DE BÉNÉVENT.
*j.> /
IX
Le comte Antoine Pecci à son neveu Charles, à Carpineto.
— Vous avez bien raison de faire célébrer une messe chan-^
tée pour remercier saint Vincent. Nino est un mort qui
ressuscite.
Rome, 11 avril 1858.
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X
Charles Pecci à Voncle Antoine, à Rome. — J'ai reçu
hier une lettre dans laquelle j'ai eu la consolation de revoir
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Autour du Palais de la Délégation, à Bénévent.
récriture de Nino. Grâce au ciel, son rétablissement va
progressant chaque jour. Le récit de sa maladie et de toutes
les souffrances qui l'ont accompagnée, jusqu'au moment
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LA IT»KLATUnE DE LF:0N Mil.
i\é\h n'pandue : mais. Dieu nioici ! Iiier, ricourani, j'ai appiis
par PeppiRTÎo et |)ar Salina (jiie l'étal du malade sVst amé-
iioiV'. Tilla, comme je vous Tai écrit, es! parti samedi, de
unit, sui' les instances de l*eppuccio, qui se trouve, seul de
la famille, à Bénévent. Espérons, de jour n\ jour, dr meil-
leures nouvelles.
riumc, 0 avril LS-^S.
Vil
Le comte Antoine Vcrvi à son neveu Charles, a Cavplnelo,
— ^ino a été sur le point de momir. (ielte nouvelle se
ré|)andait dans Rome (juand. uiàce à Dieu, hier, 5 conranl,
j'ai ap(»ris de Peppino et de dom V, Salina (jue Télatilu ma-
lade s'améliorait. Titia, comme je vous l'ai déjà écrit, est
parti |)our lîénévent, samedi dans la nuit, sur les instances
«le lVp|)ino, qui ainsi ne seia pas seul, là-has. Es|)ér«uis de
recevoir encoie de meilleures nouvelles.
rioiae, () avril 1858.
VJll
Charles PeccI à dom Philiifjte Salina, à Bénérent. —
Veuillez faire savoirà mou IVèi'eipie les termes me man(|uenl
pour exprimei' dans cette lettre cmnhien vif a été Tiutéi'ét
(|ue, dans une circonstance si attristante, tous ces messieurs
4rAnagui ont pris à l'état du malade. QuanI à ('arpinelo, le
désir de recevoir des nouvidles y a été si urand, (|ue la
|)opulation en est venue jus(pi'à déchirer la bourse du cour-
rier et y prendre la lettre (juc vous nous adressiez et que la
l'oule a apportée chez nous, dans une lièvre générale.
Carpinelo, 7 avril 18Ô8.
e -,.<f^-î
LA DÉLÉliATION DE Bl-NÉVENÏ.
2.17
IX
Le comte Antoine l^ecci a son neveu Charles, à Carpineto.
— Nous avez l)ien raison de faire célébrer une messe chau-
lée pour remercier saint Vincent. Nino est un mort qui
ressuscite.
llomc, 11 avril 18r>S.
X
Charles Pecci à loncle Antoine, à Rome. — J'ai reçu
hier une lettre dans laquelle j'ai eu la consolation de revoir
Aiildiir <lii r.il.iis de la IK'li'<;aliuii, à Déiiovoiit.
l'écriture de Nino. Grâce au ciel, son rétablissement va
pn^gressant chaciue jour. Le récit de sa maladie et de toutes
les souffrances qui l'onl accompagnée, jusqu'au moment
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238
LA PRÉLATURE DE LÉON XUI.
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OÙ son existence môme n'était plus qu'une question
d'heures, attendrirait jusqu'à un cœur de pierre. C'est
miracle qu'il en soit échappé. 11 est vrai qu'il y a fallu des
dépenses énormes. Qu'il vous suffise de savoir (jue, pour
deux visites du docteur Vulpes, médecin de la cour et
sommité de Naples, nous avons payé cent cinquante écus.
Autres cinquante écus sont allés chez deux médecins de
Bénévent. Et je ne compte pas les remèdes et autres acces-
soires qu'a nécessités une si grave maladie. Ajoutez à
cela l'embarras occasionné par les honoraires du mois de
mars, que s'est attribués son prédécesseur, Mgr Orfei ; de
sorte que mon frère a eu le poids de cette charge, sans en
avoir un sou de récompense. 11 mérite réellement que tous
les membres de la famille s'emploient, de leur mieux, à lui
venir en aide ; c'est un devoir strict que commandent le
sang et les qualités remarquables de notre convalescent*.
Carpincto, 28 avril 1838.
XI
Joachim Pecci à ronde Antoine Pecci, à Rome. — Vous
voudrez bien excuser l'écriture étrangère que j'emploie. Ma
main est encore trop faible et trop tremblante pour me per-
mettre de rédiger cette lettre moi-même. Néanmoins, je me
trouve en bonne convalescence. L'appétit revient, et avec lu
je commence à reprendre peu à peu mes forces premières
Je peux vous assurer que le danger auquel j'échappe a été
très grave. Les médecins avaient presque désespéré de moi
Je peux dire que j'ai touché le bord du sépulcre et frappé
aux portes de l'éternité. Le Seigneur iTieu, dans son infinie
I . A la date de celte maladie remonte un testament que Mjjr Joachim Pecci
lédigea. L'original est conservé dans les archives des Pecci, à Caipinelo.
LA DÉLÉGATION DE BÉNÉVENT. roi)
miséricorde, n'a pas permis que ses portes s'ouvrissent,
(iraces en soient rendues h lui et à la Vierge sainte, ils
m'ont sauvé, comme par miracle.
Je suis véritablement ému de la part d'intérêt très vif
qu'ont, me dites-vous, pris à mon cas et à la gravité d'un
mal qui m'avait mis à toute extrémité, tous nos amis; ceux
que nous connaissons et, puis-je ajouter, ceux que nous ne
connaissons pas. Je désire manifester à tout ce monde mes
sentiments degralitude,pour l'empressement qu'on a témoi-
gné envers moi qui ne le mérite nullement. Dès la première
occasion d'un messager partant pour Rome, je vous enverrai
un échantillon des pâtisseries bénéventines; et je ne doute
pas que vous les agréerez avec plaisir et qu'elles vous paraî-
tront réussies.
Voilà trois jours que mes frères Joseph et Jean-Baptiste ont
déjà quitté Bénévent. A cette heure, ils sont à Naples. Joseph
rentrera à Rome vers la fin de la semaine couranle; vous
pourrez ainsi le voir, dimanche, au Collège Romain. De son
côté, Jean-Baptiste se propose de jouir plus longtemps de
la capitale. Le recteur Salina, à qui je dicte cette lettre,
vous envoie ses hommages distingués. 11 apporte un soin
particulier à l'économie de ma maison. C'est pour moi un
compagnon excellent. Avec une attention vraiment affec-
tueuse et aimante, il me facilite un rétablissement bien
désiré*.
bénévent, 18 avril 1838.
I . La lettre se termine par un envoi de confitures à la famille, d'une provi-
sion de lahac à Mgi- Sinihaldi, président de l'Académie Noble, et par une
demande d'argent assez urgente, après une telle maladie qui a vidé la bourse
Ml
du délégat.
\
-V, '■ *A,-*^
2i0
LA PRÉLATURE DE LÉON XIH.
XU
Au frère Charles, à Carpinelo, — Je profile de Tobli-
goance de nolie cher Salina poui' dicter ces deux lignes,
que je n'ai pas la force d'écrire encore. Je suis sûr que
vous en aurez quchpie plaisir, tant il y a de jours que
vous n'avez reçu de mes lettres et que vous ne ne re-
voyez plus mon écriture. C'est que j'ai passé par de hien
graves dangers. Donc me voilà heureux de vous confirmer
mes bonnes nouvelles; depuis déjà dix jours et plus, je suis
entré en convalescence, et celle-ci progresse rapidement.
J'espère bien être complètement rétabli au mois de mai
prochain, et pouvoir me mettre tout entier à la direction
et au bien-être de cette province.
Il faut que je vous dise une chose. Il était bien naturel
que votre titre de frère et l'aflection toute particulière (jui
vous lie intimement à moi vous fissent prendre une part très
vive à ma maladie, juscju'à vous faire perdre la tète à mon
égard et à adresser à Dieu et aux Saints des prières pour ma
guérison. Mais si je ne vous exprime pas, h vous, ma recon-
naissance, il faut ([uejVn fasse part à tous nos bons paysans
de Carpineto pour leurs démonstrations d'intérêt, |)our la
tristesse et la stupéfaction oii les plongeait mon état. Faites-
vous l'interprète de mon entière giatitude, et remerciez
bien vivement tout le monde.
h
1 1
Tf)
Bénévenl. 18 avril J8Ô8.
XIII
Le comte Jean-Baptiste à son frère Charles, à Carpineto,
-De Naples, je réponds à votre lettre pour vous confirmer,
:.>».~HÉÉ.igiCî::'
LA DÉLÉGATION DE BÉNÉVENT.
24i
à notre commune satisfaction, que la santé de Nino va
s'améliorant si bien que nous louchons à son rétablissement
complet. Telles sont les nouvelles que je reçois, chaque
jour, deBénévent, où j'ai laisséNinoen pleine convalescence.
Cette maladie a exigé de fortes dépenses. Au seul Vulpes,
un des médecins de la cour de Naples et le plus célèbre
docteur de cette capitale, il a fallu verser- 21 5 ducats pour
Sous les murs de la Drlrjiatioii.
deux visites qu'il a faites à Bénévent. Ce sont les honoraires
d'usage pour un docteur de ce renom, cjuand on l'appelle ; et
nous ne pouvons pas trouver cette somme excessive quand,
grâce à ce médecin, la guérison est obtenue*.
Nanlos. Ifi 25 avril 1838.
1. A l:i s:)in:no que le frèro Jonn-Baptisle jivait laissée, le secréinire de
Mgr Pecei, Don S:iliii:i,dnt ajouter 100 écus. On a donné 1213 ducats au docteur
Vulpes el 50 ducats aux médecins ordinaires et à l'apothicaire, dont les notes
étaient discrèles. dette pénurie du Délégat nia'ade était imputable à la situation
(|uc son prédécesseur, Mgr Orfei, lui avait faite en emportant la paye de
vingt deux jouiN qui ne lui étaient plus dus. (le déficit aurait forcé Mgr Pecci
à se gratter le ventre « a grattarsi la pancia », selon son expression, si la
maladie même ne l'avait obligé à jeûner. Atteint de fièvre typhoïde, il ne fut
guéri que p;n- une cure radicale aux bains froids.
!6
241)
LA PUÉLATLRE hK LKON Mil.
Xll
Au frère Charles, à Carpineto. — Je inufile de Tiddi-
fieancc de noire eher Salina jHMir dieler ces deux li|^nes,
que je n'ai pas la l'oree d'écrire encore. Je suis sur que
vous en aurez (juel(|ue plaisir, tant il y a de jours que
vous n'avez l'ecu de mes lellres et que vous ne ne re-
voyez plus mon écriture. C'est cpie j'ai passé par de hien
graves (lanciers. Donc me voilà heureux de vous confirmer
mes bonnes nouvelles: depuis déjà dix jours et plus, je suis
entré en convalescence, et celle-ci proj^resse ra[M*d(Mnenl.
J'espère hien être complètement rétabli au mois de mai
prochain, et piuivoir me mettre tout entier à la direction
et au hien-étre de cette province.
Il faut que je vous dise une chose. H était hien naturel
que votre titre de frère et ralTectiim toute particulière qui
vous lie intimement à moi vousliss(Mit prendre une paît très
vive à ma maladie, jus(|u'à vous Taire peidic la tète à mon
égai'd et à adresser à Dieu et aux Saints des piières pour ma
guérison. Mais si je ne vous exprime pas, à vous, ma recon-
naissaïice, il iaul (pie j'en lasse pari à tous noslxms pavsans
de Carpineto ])Our leurs démonstralions d'inlérél, piuir la
tristesse et la stupéfaction où les plongeait mon élal. Failes-
vous l'interprète de ukui entière gialilude, et remerciez
hien vivement tout U) monde.
lU-névenl. IS .ivril l8âS.
xin
Le comte Jean-B(iptisle â son frcre Charles, à Carpineto.
-De tapies, je réponds à votre lettre pour vous conlirmer.
LA DKLKliAilUN DK UKNKVKM.
24!
à noire ccunmune satisfaction, que la santé de Nino va
s'améli(;ranl si hien que nous UmicIious à s(ui rétahlissemeni
complet . Telles sonl les nouvelles (pie je recois, chaque
j(uir, de l)éru''venl, où j'ai laissé Nino en |deine convalescence,
dette maladie a exigé de foites dépenses. Au seul Yulpes,
un des médecins de la cour de Xa|)les et le plus céli'hrt;
docteur de celle capilale, il a l'allu verser- ^217) ducals |>our
S(Mi> les murs de hi Drh'n.itioii.
deux visites (ju'il a faites à Bénévent. Ce sont les honoraiies
d'usage pour nu docteur de ce renom, (juand on l'apixdle; el
nous ne pouvons [)as li'ouver cette somme excessive ((uand,
grâce à ce médecin, la guérison est obtenue'.
N:i|ilos. le '.'" .jviil ISr.S.
1. A I:» siiiriH' (|;n' \e fivir .l«vm-l»;i|»lisl(' ;iv;iit l;iiss('«\ !<• sccivinire de
Mgr iN'ici, Doti Siilin-udiil ;ij<>iil<M' IIM) ('eus. On a donné 217) durais au dcicliMir
Viilpos «'l .M) ducals aux nuMlccins (H'diuaircs cl à l'apulhicaiic, doul les noies
claicnt discrclcs. Celle |M>nurle du l)('>l(''g:d uia'adc T'hiil iui|)iil:dde ;'i la siluation
(|uc son |»r«'dcccsscur. Mur Oifei, lui av.iil l'aile en enijioilani la paye de
vjnjil deux jours (|ui ne lui élaieul plus dus. (!c déficil auiail foicc Mj^r l'ecci
à se i^ialler le vrulie (( a grallarsi la pancia », selon son cxjti'cssion, si la
maladie même ne l'avail ol»li^('' à jeûner. Allciul de lièvre Ivplioidc. il ne fui
jidcri (jue pu* une cui'c radicale aux liains !Vo:ds.
m
n'iri.
"^ Jà'-éf'
-— ^ - _ -, '-^±^
3s^
'2l>
l\ PRiaVTniE l)K LÉON Mil.
XIV
Joachim Peccl au frcrr Charles, à Carpineto. — Apivs les
m.uivais temps que nous avons passés, aurez-vous plaisir
à relire mon écriture? Aussi hien, je m*empresse à tracer
pour vous ces lignes de ma propre main, parce (lu'ainsi
je suis sur de vous apporter quelcpie assurance. Tout
d'abord, il faut que je vous donne des nouvelles de ma santé,
qui, Dieu merci, va toujours s*améliorant. Je suis maink-
nant en sure et rapide convalescence. Pour tant que je puisse
concilier la santé et le travail, je m'occupe déjà des allaires
de cette délégation dont, par souveraine clémence, j'ai Thon-
neur d'occuper le gouvernement. Présentement, je respire
l'air de la campagne, à un mille hors de Rénévent, dans un
site qu'a mis à ma disposition le jeune comte Capasso. Jus-
f[u'à aujourd'hui, l'expérience ne me fait pas trouver trop
insalubre l'air de Hénévent....
Déiicvenl, 12 mai 1838.
\v
Au frère Jean-Bapliste, à Rome, — Les bruits qui ont
couru et qui courent encore sur ma mutation de Réné-
vent, je ne les crois pas assez fondés. La venue du marquis
del Carretto, — je tiens ce renseignement de source cer-
taine,— a pour objet principal la délimitation des confins sur
la grande ligne de division des deux États, dans les provinces
d'Ascoli, de Rieli et de Terracine. De là, l'infoimation que
le Gouvernement a demandée aux délégats de ces provinces.
Sur cette ligne s'élèvent de continuelles contestations, de
telle sorte que les deux (iouvernements limitrophes se sont
^JI»Wi»»<>fw^^wp#v.
^S^^T-' ■• *■;
LA DKLKGATION OK IIKNKVE.NT. ^i\:,
décidésà terminer amicalement cette affaire, pour leur tran-
quillité personnelle cl pour celle de leurs suj(îls.
Je ne serais aucunement étonné qu'il soit aussi (juestion
de Bénévent; car Naples désire pour elle ce territoire, et le
Saint-Siège ne s'est jamais montré opposé à une rétrocession
ou, pour mieux dire,
à un échange, pourvu
<|u'on lui fasse des
conditions justes et ho-
norables. En outre, ici
on considère la chose
comme déjà faite, et
bon nombre de Béné-
ventins s'en applau-
dissent déjà. Beaucou|)
d'autres s'en affligent,
et d'autres enfin, dont
les intentions ne sont
pas bonnes et dont le
cerveau est troublé, en
prennent motif pour
crier contre le Governo
et ameuter le peuple.
Pauvres fous! ils ne connaissent pas la durée de leur imbé-
cillité et le caractère de cette population. Si par un hasard
étrange ces combinaisons aboutissaient, ma mission serait
bientôt terminée, et en même temps s'évanouiraient mille
projets que j'ai en tète pour certaines réformes à opérer
dans cette Délégation où les abus ne manquent pas. Je vous
prie de croire que je regretterais vivement de partir
ICI.
Vous savez l'intérêt et l'aflection que m'a témoignés le
I^ clioiiiiii (le ronde.
n
'Ji>
LA i'K!':i.\n iiK i)i: i.kon mu.
\l\
l\ hKI.KGATION l)i: IIKNKVKM.
'Ji.")
.liHirltltn Perd an frrrr Clnnlrs, à Carpincto, — Apivs les
m.Hivais ItMiips que nous avons passés, anivz-v(Mis plaisir
à iviiiv mon éciiluiv? Aussi hicn, je niVni|)ivsse à Iracer
|)our vous ces lignes de ma propre niain, parce qu'ainsi
je suis sur de vous aj^poiler (|uel(pie assurance. Tout,
d'aljord, il faut (|ue je vous donne des nouvelles de ma sanlé,
(pii, Dieu merci, va (ouj(mrs s'amélioiant. Je suis mainlc-
nanl en sure el rapide convalesceiue. INmr lanl que je puisse
concilier la sanlé el le Iravail, je m'occupe déjà des alliiins
de celle déléi-alion dont, par souveraine clémence, j'ai Thon-
neur d'occuper le «iouveinement. l*résenlemenl, je respire
l'air de la campagne, à un mille hors de Rénévenl, dans un
site qu'a mis à ma disposiiion le jeune ccunle Capasso. Jus-
(ju à aujourd'hui, l'expérience ne me fail pas li'ouver Inq»
insaluhre l'air de r»éné\enl....
Iténôvenl, l'2 mai IS"8.
Au frère Jean-Ihtjfllste, à Rome. — Les hruils (pii (Mil
couru et ([ui ccmreni enc(uc sur ma mulalion de lîéné-
venl, je ne les ciois pas assez fondés. La venue du marquis
del Carrello, — je liens ce renseignement de source cer-
laine, — a pour ohjet princi[»al ladélimilationdesconlins sur
la grande ligne de division des deux Liais, dans les piovinces
d'Ascoli, de Uieli et de Terracine. De là, l'inlmnialion (juc
le (iouvernement a demandée aux délégals de ces provinces.
Sur celle ligne s'élèvent de conlinuelles conteslalioiis, de
telle sorte (jue les deux (louveiiiemenls limilro[)Iies se sont
décidésà Icrmineiamicalementcelleairaire, poui- leui' Iran-
«iiiillilé personnelle et jHMirctdle de leurs sujels.
Je ne serais aucunement élonné qu'il soit aussi (jueslion
de Uénévent; car Naples désire pour elle ce teriiloire, et Ui
Saint-Siège ne s'esl jamais inonlré (q)poséà une réli'ocession
ou, pour mieux dire.
a un échange, pourvu
qu'on lui fasse des
condilimis jusies et ho-
norahles. En oulre, ici
on considèi'e la chose
comnu; déjà faile, el
hon nomhi'e de Héné*-
ventins s'en applau-
dissent tléjà. JleaiRMuqj
d'aulres s'en al'fli<»(Mil,
et d'aulres enfin, doni
les intentions no soni
pas honnes el dont le
cerveau est Irouhlé, en
pi'ennent molif pour
crier contre le (iorerifo
nt ameuler le |)euple.
PauYi-es fous! ils ne connaissent pas la durée de leur imhé-
<-illilé et le caractère de cette population. Si [)ar un hasard
étrange ces comhinaisons ahoutissaient, ma mission seiait
hieiitot terminée, et en même temps s'évanouiraient mille
pr(>jets que j'ai en télé pour certaines réformes à o|)érer
dans celle Délégation où les ahus ne manquent pas. Je vous
prie de croire que je regielterais vivement de partir
1% • • ■*■
ICI.
Aous savez l'intérêt et raffeclion que m'a témoignés le
L<' vlicmin de loiido.
Il
=«Sr:^ . »
24i
LA PKKLATLHE DE LÉON Mil
|)c'uple de Bénévent. Je serais un ingrat si, en réciprocité,
je n'en conservais pas une éternelle reconnaissance.
Bénévent, 19 mai 1858.
XVI
Au frère Jean-Bapliste, à Rome, — Ci-inclus, vous trou-
verez le laisse z-passer pour les chevaux. La poste de ce tnatin
me Ta apporté. Comme vous le verrez, j'ai olilenu celle
pièce du ministre des finances le marquis d'Andréa, vu
l'inutilité des démarches laites auprès du ministre de l'inté-
rieur.
On continue à répéter pul)liquement que le Saint-Siège
cédera ce duché au roi de Naples. Les uns veulent (|ue ce
suit à titre d'échange de territoire, les autres à titre de vente.
Si sur ce point vous avez des nouvelles |M)silives. j'aurai
j»laisir à les connaître pour ma gouverne.
I/état de ma santé continue à être excellenl, elc
BcjiévcnJ, *27 mai 1838.
XVII
Au frère Jean-Baplisle, à Rome. — Aujourd'hui, non-
obstant ce que je vous ai écrit dans ma précédenle lettre, on
sait olTiciellemenl que les négociations pour l'échange du
duché de Bénévent sont très avancées. C'est au point que,
même au prix de grands sacrifices que s'imposera Naples,
la conclusion de l'affaire sera en faveur de l'échange.
Me voici donc probablement en disponibilité d'emph)i,
après trois mois de séjour dans Bénévent. J'aurai passé le
premier au lit, Dieu sait comment! le second en convales-
LA DÉLÉGATION DE BÉNÉVENT.
245
cence, et seulement le troisième en activité de service.
Le domaine pontifical dans ce duché grandirait si le vieux
duc de Bénévent, le prince de Talleyrand, cessait de vivre'.
Dans cette ville, à très peu d'exceptions près, la plainte est
générale; et même, dans le bas peuple, l'irritation que cause
ce déplaisir fait qu'on se forme la fausse opinion, non d'un
échange, mais d'une vente réelle. — Sans date.
XVIII
Au frère Jean-Baptiste, à Rome, — ... Pour les chevaux,
ne regardez pas à quelques écus de plus. Il y a ici giand
luxe d'équipages. C'est le faible de nos Bénéventins, et il ne
faut pas que récpiipage du délégat fasse tache'.
Rcnévcnf, "0 mai 1858.
XIX
A don Philippe Satina, à Bénévent. — J'ai bien reçu les
lettres et la boîle que m'adresse le majoidome de M. le car-
dinal. La visite à iMonte-Vorgine aurait eu lieu, ce matin, si
Son Eminence ne m'avait engagé à la remettre à lundi,
jour où elle se joindra à nous. Ce jour de la Saint-Guil-
laume, en effet, est jour de grande fête à Monte- Vergine.
Je compte rentrer mardi à Sant-Angelo-à-Scala, et mer-
credi à Bénévent. Employez-vous à me procurer une voiture
fermée, — |)ar exemple, celle de Capasso avec chevaux de
I. Le prince (te Talleyrand, duc de Bénévent, était mort à Paris, dans son
hôte! de la rue Saint-Florenlin, quand Mgr Joachini Pecci écrivait ces lignes. Le
17 mai 18.)8, le patriarche de Valençav avait cessé de vivre, à l'âi^e de 84 ans.
Î2. Mgr l»eeci attendait ces chevaux pour la fête du Corpus Domini. a Oh !
la maigre ligure que je ferai î » écrivait-il encore, mais inutilement. Il ne put
paraître à la procession qu'avec des chevaux de louage
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2iU
LA rnKLATlRK DE LÉON Mil.
remise; ou ln'en celle de Masti, comme vous le jugerez
meilleur, — afin que je puisse faire plus commodément le
reste de la i*oute. Tenez cela au secret.
Je vous rappelle que, en affaires de police, vous aurez
à vous régler sur les conseils du président, ])our mandats
d'amener, etc. En afï^iires d'administration, rapportez-vous-
en exclusivement au secrélaire général. S'il faut encore
vérifier les tabacs, employez-y La Talle, Jannassi, un des
Mutarelli, Pace, ou tout autre que vous désignera M. le secré-
taire général; mais donnez toujours la préférence aux plus
capables et aux plus [)auvres.
Je me porte très bien, et l'air de ce pays m'est tout à fait
favorable. M. rarchiprélre Simeoni, qui nous béberge, est
une agréable personne, pleine de boulé el de cœur, etc.
Saiil-Anijolo. 25 juin 1858.
XX
.1// frcre Jean-Ikijftisle, à Ihtmc. — Mardi prochain, je
serai de retour à Bénévenl, a|)rès avoir visité le sanctuaire
do Monle-Vergine en compagnie d(^ M. le cardinal, qui
actuellement se retrouve dans ce pays pour sa tournée pas-
torale. Les moines verjîinienssont descendus de la montaîjrnc
pour nous inviter lundi à la fête de saint Guillaume, leur
fondateur; et nous avons, d'avance, accepté l'invilahon, etc.
;iul Anpclo-iVScala, 25 juin IS58.
Sa
XXI
Au comte Antoine Pecciy avocat à Borne. -^ En ce mo-
ment, je me trouve très occupé par de multiples affaires
concernant cette province. La ville de Bénévent, enclavée
>
LA nfiLKCATIUN I)K IKNKVKM.
247
dans un royaume étranger, présente de gra-ves embarras
qu'il faut chercher à surmonter, du mieux qu'on peut. Les
affaires d'administration et de police exigent, spécialement
de moi qui débute dans ce genre de gestion, beaucoup de
piudence, de vigilance et d'activité. J'ai pourtant plaisir
a voir que tout va son
chemin, de bon train et
régulièrement.
Mercredi dernier, je
suis rentré d'une explora-
tion faite sur le territoire
bénéventin. J'ai poussé
jusqu'à Sant-Angelo-à-
Scala, où se trouvait le
cardinal Bussi en tournée
pastorale. J'ai visité Cep-
paloni, Fietra-Stornina,
Bocca-Bascievana , etc. ,
forteresses sises sur h»
territoire d'Avellino. De
là, en compagnie du dis-
tingué cardinal , je me suis
rendu au sanctuaire célèbre de Monle-Vergine, situé sur les
hautes crêtes de l'Apennin. Nous y avons séjourné un jour et
passé une nuit, traités par les moines avec une magnificence
royale, en un souper et deux dîners des plus somptueux.
Nous sommes descendus à Loreto, résidence de l'abbé géné-
ral et des plus hauts dignitaires de l'ordre. Us habitent un
superbe palais octogone, bâti sur les mêmes dessins que
celui de Caserte, près de Naples; il n'a rien à envier aux
plus beaux palais de ce royaume. De là, toujours escortés
et recevant les honneurs militaires, nous avons regagné
La place de Moiilclanico, pivs ilo Carpiucto.
^Foiilaiiio, par Erncsto HiDiidi.]
k**-^
'■t '-;• ;*s:
2i(J
f,\ rjiKf.An lii:
LKHN Mil,
l'cinisc; ou lu'eii celle de Masli, conune vous le ju;4eiT/
meilleur, — nfin ([ue je puisse fnii'e plu^ commodénieiil le
reste de la loute. Tenez cela au secret.
Je vous rappelle (pie, eu alTaires de pidice, vous aui'ez
à vous ivi^lei- sur les conseils du piésidenl, pour mandats
(ramen(M\ etc. Kn afVaires cradministralion, ra|)porlez-vou^-
en exclusivement au secrélaire <;énéial. S'il faut encore
v<'rifi(M' les lahacs, eitiployez-y La Talle, Jannassi, un des
îfutarelli, Pace, ou tout autre (jne vous dési^^nera ^[. lesecré-
laii'e néiUM'al; mais donmv loujtuirs la ])ivrérence aux [du^
capaMes et aux plus pauvivs.
Je me poile 1res hien, et Tair de ce pays m'esl Inul à l'ait
lavoralde. M. rarchipièlre Simeoni, qui nous li(''h(»ri:e, est
une agréable personne, pleine de honlé el de cieur, etc.
Saiit-Aiiuclo. "2" juin 1S.~S.
\\
An frhr ,lc(fH-l)((jfllsli\ à Honir. — Mardi priichain. je
serai de retour à lîénévi'ul, après avoir visité le sancluaii'e
d(; )lonle-\er^ine en c<)m[Kiiinie de M. le cardinal, (|ui
actuellemeni se relr(Hive dans ce pays pour sa louiiiée pas-
torale. Les moines vcr^iniens>ont descendus de la mnnlanne
pour nous inviter lundi à la l'ète de saint (inillaume, leur
roiidateui'; el nous avons, d'avance, acce|>lé l'invilatimi, etc.
Saiil AnjiohHà-Siala, 2." juin IS.'S.
\\1
Ât( comte Anttrinr Vecci, ((vocal () Homo. -^ Kn ce nm-
ment, je me trouve très occupé [Uir de multiplet alVaiies
concernant celte province. La ville de Dénévent, erudavée
I.A liKLKCAMON DK I.KNKVKM.
2i
À i
dans un royaume étran^cM', présente de p-,Y\o< embarras
qu'il faut chercher à surmonter, du mieux (pi'on jumiI. Les
alFajres d'administiatimi et de police ex i,i»enl, spécialement
de moi (jui déhute dans ce <i(»nre de ^eslicm, beaucoup de
prudence, de vij'ilance et d'activité. J'ai pourlanl plaisir
à voir (pie t(uit va son
cliemin, de hmi train et
n';:»uli('remenl.
Mercredi dernier, je
suis rentré d'une explora-
lion faite sui' le teiritoire
hénévenlin. J'ai poussé
jusrpiVi Sant-Ani;el()-;i-
Scala, où se trouvait le
cardinal J]ussi en touiîK'e
pastoiale. J'ai visité Cep-
paloni, Pieira-Stornina.
Ilocca-Dascievana, etc.,
forteresses sises sur 1;'
territoire d'Av(dlino. Ile
là, en com|)a^nie du dis-
tingué cardinal, je me suis
rendu au sancluaii'e célèbre de Monte-Vei;iiine, silué sur les
hautes crêtes de rApennin. Nous y avons st'journé un jour et
passé uneniiil, lrail('s pai' les moines avec une majiiiificence
royale, en nn souper el deux dîners des plus somptueux.
Nous sommes descendus à Lorelo, résidence de l'abbé génc'-
ral el des plus hauts dionitaires de l'ordre. Ils habitent nn
superbe |)alais octogone, bàli sur les méuK^s dessins (pie
celui de Caserle, près de Naples; il n'a rien à envier aux
plus b(\uix palais de ce royanme. De là, toujours escort(3s
et recevant b^s honneurs militaires, nons avons regagné
\.n |il;ni' (jt> Monltl.iiiin», jir.--; il.' CMi'pim'fo,
Konl.iiiir. |);ii- Knicsio liioiiiii.
mtmtmm
MHWkl
\
248
LA PRÉLATLRE DE LÉON XIII.
i
I !
Saiit-Aiigelu-à-Scala, el, le jour suivaiil, j'ai opéré mon
retour à Bénévent.
Eéiiévcnl, 30 juin 1808.
XXII
Au frère Jean-Baptiste, à Carpineto. — ... Je voudrais
que ces chevaux courussent comme des éclairs. Je compte
les jours qui me séparent de leur arrivée, parce que je suis
fatigué d'en emprunter. Cela me fait ici le plus grand tort.
Le délégal ne sort jamais à pied. Je dois donc passer des
journées entières à la maison, au grand préjudice de ma
santé ^...
XXlll
Au frère Charles, à Carpineto, — Si vous conmiissiez
Tesprit de celle petite proviuce, aussi l)ien (jue vous en [)os-
sjdez la lopograpliie, je suis sûr que vous me conseilleriez
d'y rester, au lieu de m'inviter à me rendre à Carpineto
pour la venue de M. le prince Borghese. Je me suis pres(|ue
repenti d'être allé à Monte-Vergine. Je ne sais même si, l'au-
tomne prochain, je devrai me rendreàNaples pour me pré-
senter au roi, tant sont nomhreuses les affaires qui m'oc-
cupent ici. De quel cœur donc pourrais-je entreprendre un
voyage de cent trente milles et plus encore, même dans le
cas ou le ministère supérieur de la Secrétairerie d'État m'en
aurait donné la permission? Uéjouissez-vous donc, en com-
1. Les chevaux arrivent enlin, mais l'un des deux est si vieux qu'il enfle
<!es jambes. A celte nouvelle, Jean-Baptiste vexé n'écnt plus. « Avez-vous
l'esprit assez borné, lui mande le Délégat, pour vous émouvoir et me faire indû-
ment un reproche d'un fait dont je voulais seulement vous faire la preuve,
et nullement vous rendre responsable? »
*
.^s^.-'-^U^i*»-'--— ' - --
'-'- -' ■' -- ^-r ■
'^asÉtk
ti ;'. îàkâ.^. i— «-T^ "liV ' -■■" *"*^ '^Ç.Â4M
tî5«-*^/.<'1
ri
Ifl
laM. ^•yaa-j^
248
r\ Pina\Ti HK hK lkon mil
Saiit-Aiifiolo-îi-Scahi, et, h» jour suiviuiL j'ni opôiv mon
retour à BciK'veuL
rôiiévonl. TA) juin 1S"8.
AU I
XXII
'/'OY' Jfdif'Uaptislr, à Carplurto.
.1
«' vouurais
11
<[ue CCS clicvîiux couiusscnl coninic des rclairs. Je couiple
les jouis (|ui me s<''p;n'eul de leui' arrivée, parce <jne je sui>
l'ahLiuc' d'eu ein|)ruu(ei-. (Icla nie Tail ici le [dus lijand loil.
Le délé^al ne sort jamais à pied. Je dois doiu- passer des
joui'uéi's enlii'res à la mai>ou, au <;raud pivjudice de nia
santé'
Wlll
Âtf frhr (liarlrs, à Cdriunrio. — Si \(»us cmi naissiez
1
»os-
espril (le celle petite province, aussi hien (jue vous en j
s''dez la lopo^rajdiie, je suis sur (jue vous me conseilleiicv,
<l'y rester, au lien de nrinviler à me l'cndre h Caipineto
pour la venue de M. le piinee ilor^hf'^,'. ,\r me suis piesipie
repenti d'être all<'' à Monlc-Vei'uinc. Je ne sais même si, l'aii-
tomne pi'ochain, je devrai me rendreà Naples |)our me pré-
senter an roi, tant sont nmnhreuses les aU'aires <pii m'oc-
cupeiil ici. De (piel ca'ur donc pourrais-je entreprendre un
dans l(
voyage de cent trente mules el plus cucore, même t
cas où le ministère supérieur de la Secrétairerie d'Etal m'en
t il
I;
'^ I»
lurail donne la permission : lîejiMiissez-vous donc, en com-
I.
I. l
es ilK'Viiux ;ii rivciil ciiliii, iiiiiis riiii «les deux esl si vii'iix «lU il «'iilh
o\\<
<les j;tinlK's. A celte nouvelle, Jeiiii-H;i|»liste vexé iréeiit plus. (( Ave/.-v
resjtiit assez l>oi'né, lui mande le DéK'j^al, |)(»ur vous émouvoir el uie faire indù-
lueiil un reproelie d'un l'ail doni je voulais seulemeul vous laiie lu preuve,
el nullement vous rendre lesjMtnsable? »
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250
LA l'HKLATURK DK LÉON MIL
LA DÉLÉGATION DE DÉNÉVENT.
251
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t J
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pagnie de Jean-Bnpliste et de M. le prince; tandis que moi
j'aurai à m^occuper de bien d'autres affaires, pour Thon-
neur même de notre maison.
Présentez mes com|)liments au prince Borghèse, et soyez
rmterprete de mes sentiments auprès de lui.
Bcnévenf, 19 août 18,"8.
XXIV
Au frère Charles, à Carpineto, — J'envoie le brigadier
Cappucci jusqu'à Frosinone, pour qu'il remette à M. Ignace
Conti deux boîtes de pâ-
tisseries fines. Selon vos
désirs et ceux de Jean-
Haptiste, je les ai l'ait faire
exprès, à l'occasion de la
visite que vous aurez, à
Carpineto, de M. le prince
Horghèse. J'espère qu'elles
réussiront à votre gré. Il
y a des pâtes d'amande,
des ossa da morto\ et
d'autres morceaux divers
de la meilleure qualité.
J'aimerais apprendre en
temps voulu comment la
rencontre et l'accueil au-
ront eu lieu, et quelle aura été la satisfaction du prince.
Mes précédentes lettres vous auront convaincu de l'impos-
sibilité où je me trouve à quitter Bénévent, et'à laisser à
1. PiUisseric faite avoc des œufs ef du sucre, usitée surtout à Pérousc.
L'hôtel des Pecci, à Carpiiidu.
découvert toute ma charge. Il n'aurait pas été agréable au
Gouvernement supérieur que, pour des raisons de famille,
jehii eusse demandé un congé, encore que provisoire. Vous
suppléerez à mon absence, et en mon nom vous vous ferez
un devoir de présenter au prince mes compliments et mes
hommages.
Bcncvent, 25 août 1858.
XXV
Dom Philippe Salinn à Jean-Baptiste Pecci, à Maenza.
— .l'ai le plaisir de vous apprendre que Monseigneur
reprend, de jour en jour, sa santé première et que, comme
je l'espère, celle-ci se raffermira encore mieux au bon air
de Sant-Angelo, où nous nous rendrons vers la fin de cette
semaine, si aucun empêchement ne survient. Votre frère,
en attendant, continue à faire un usage modéré de quinine.
11 n'a plus souffert de maux de tète, ni manqué d'appétit.
Le ^4, Mgr le cardinal-archevêque est parti pour Monte-
fosco; de là, il se rendra à Sant-Angelo et y partagera
quelque temps, avec Monseigneur, la même villégiature.
I/accord qui règne entre ces deux autorités est à la fois le
plus étroit et le plus admirable. Cet accord est d'autant
plus heureux, que pas un des deux prédécesseurs de
Mgr le Délégat n'a su, aussi bien que lui, l'établir et le main-
tenir. Etc.*.
Bénévciil, 26 septembre 1858.
I. A la fin de celte lettre, Mgr Joacliim Pecci recommande à son frère Jean-
llaptistc que leur autre frère Charles reçoive, à Carpineto, — ainsi que la
tamille des iVcci en a usé, de temps immémorial, — Mgr Annevazzi, évèque
d'Anagni, son ami, qui fut toujours un homme s;uîs cérémonies. Mgr Annevazzi
devait être accompagné par les abbés Belli et (iigli, anciens amis de la maison.
Belli est devenu cardinal, et Gigli évèque de Tivoli.
-fmm ^^'"mm-f^m^^^
^'-- — •'- — ^jB^-.r
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200
I^A l'IlKLATliliK \)K IJ'J»\ \|||.
|)ngnir (Ir Jcjni-lî.iplisle cl ilf M. le priiico; landis rpio moi
jVuinu à nrocciiprr dr Imcii craulrcs affaires, pour l'hon-
neiir mèrric de notre maison.
Présentez m(s complimeiils an prinee r)or<;hèse, et soyez
rinlerprèle de mes sentiments auprès de lui.
liénôvoul, II» .(oiil [^T,H.
\\1V
Au frère Charln. à Car/Hncto. — J'envoie le Ini-adier
Cappucci jusiju'à Frosinoiie, pour rpTil remette à M. I<inaeo
(i(mli deux boîtes de pâ-
tisseries Unes. Selon vos
d('sirs et eeu\ de Jean-
llapliste, je les ai l'ail l'aire'
expies, il Toceasion de la
vi<it(^ que vous aui'ez, à
(iarpinelo, de M. le |)riiu*e
llorglièse. respère(prell(S
i'<''ussi l'ont à voti'e un'*. Il
V a des pâtes d'amande,
des (ma da moiii)\ el
d'autres morceaux divers
de la meilleure qualité.
J'aimerais apprendre en
temps voulu comment la
l'encontre el Taceueil au-
ronl eu lieu, et quelle aura été la salisfaelion du prince.
Mes précédentes lettres vous aunml convaincu de l'impos-
sibilité oîi je me trouve à quitter Bénévent, et'à laisser à
I. hili-nio f^.il,. :.v.T (1rs uM.f; ,1 ,lu siinv, usil.V sinloul à IVioiisc.
I/1j(jIo1 (h's Pt'ai, à Carpinrh..
'^liiilrittlÉÉiÉ)fÉiiiiÉÉ^fti«bK«aiiiÉtt^
^
i.A I)l^rJ^(;ATlo^ m-: iii':m':vi:nt.
201
découvert t(Mite ma cbarjre. 11 n'aurait pas été agréable au
riouveriuMuenl supérieur (pu% |)our des raisons de l'amille,
je lui eusse demandé un conjiié, encore que |)rovisoire. Vous
suppléerez à uKui absence, et en mon nom vous vous ferez
un devoir de piésenter au prince mes compliments et m( s
liommages.
nrncv.'iil, L>5 août IH.lX.
Ihnu l^lullpifr Sallna à Jcum-Baptlstc PeccI, à Mdcnza,
— .1 ai le |daisir de vous apprendre (pie Monseigneur
repi-end, de jour en jour, sa santé première et (jue, comme
je l'espèie, celle-ci se rafleiiniia eiH'ore mieux au bon air
<le Sant-Angelo, où nous nous rendrons vers la lin de cette
semaine, si aucun empécbement ne survient. Votre rrèr(%
en attendant, continue à l'aire un usage modéi'é de (juinine.
Il n'a plus souflèrt de maux de télé, ni manqué d'appétit.
Le îî, Mgr le cardinal-aicbevécpie est parti pour Monte-
l'osco; de là, il se ivndra à Sant-Anii(do el v î)arta<>era
quelque temps, avec Monseigneur, la même villégialuie.
l/accoi-d (|ui règne entre ces deux autorités est à la lois le
[dus étroit el le plus admiiable. Cet accord est d'autant
plus heui-eux, que pas un des deux i)rédécesseurs de
Mgr le Délégal n'a su, aussi bien que lui, l'établir el le main-
tenir. Ktc.'.
llriicvciiU 2G SP|)toinl»rc ISHS.
I. A la fin (le t-ellc Icllrc, >i-:r Joacliiiu Pocci roconunaiule à son fiôre Jean-
l!a|tlisl(' (|ii(> Icm- aiilic l'ivre Cliaili's rec-oive, à Car|»iiu'lo, — ainsi (jno la
lamillc (les iVcci en a usé, de temps iminéinoi ial, — Mj^m- Anncva/zi, évècjiic
d'Anajini, son ami, ({iii fnl lonjonrs un liomine sans cérémonies. M^r Annevazzi
devait être accompaj^né par les aldiés Delli el (iijji, anciens amis de la maison.
Helli e>l deveiui cardinal, el (iigli évéquc de Tivoli.
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LA PRÉLATIRE DE LÉON XIIL
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XXVI
iîi /y'6^/'^ Jeati'Bapiiste, à Maenza. —Dans un inslani,
je pars en villégiature. Je vais en pays soumis à ma délé-
gation, en pays de Principauté ultérieure. Si présentement
ma santé est suffisante, je me trouverai bien mieux encore
à respirer un air plus salubre que celui de Bénévent.
Des personnes amies se sont employées à demander mon
changement [mur Ascoli, sans que j'en eusse rien appris.
Tai prié qu'on suspende toutes ces démarches, étant pour
rinstant très content de mon séjour à Bénévent, où je ferai
de mon mieux pour que ce climat ne nuise plus à ma santé.
Kéncvent, ."O scplembrc IX."8.
XX\J[
Au comte Antoine Pecci, à Carpineto, — ... iMa santé
est bonne. L'air nouveau que je respire m'est salutaire. J'ai
déjà parcouru une bonne paitie de la province de Princi-
pauté ultérieure, dans le royaume de Naples. iM. le cardinal,
lui aussi, se porte très bien.
Sant-Angelo, 14 octobre 1838.|
XXVllI
Au comte Antoine Pecci, à Carpineto. — Le H, je me
suis hâté de revenir à Bénévent, pour retenir à dîner le
marquis Muti, le jour du 12. iMon hôte en a témoigné son
vif enchantement. 11 est parti le jeudi suivant pour Avellino,
en compagnie de Calamani. 11 se rend à Naples, après avoir
passé quelques jours à Home.
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LA PRÉLATI IJE DK LÉON XIIL
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XXVI
Au frère Jean-Baptiste, à Maenzn, —Dans un inslanl,
je pars en villé<iia(nre. Je vais (mi pays soumis à ma délé-
l^alion, en pays de Prinei|)aulé ultérieure. Si présenlemenl
ma santé est suffisanle, je me trouverai l>ieii mieux encore
à respirer un air plus sainhre fjue celui de Bénévent.
Des personnes amies se sont employées à demander mon
clian<iement pour Ascoli, sans que j'en eusse rien appris,
.l'ai prié i\\\\n\ suspende toutes ces démarches, étant ponr
l'instant très content de mon séjour à Dénévent, où je ferai
de mon mieux pour (|ue ce climat no nuise plus à ma santé.
Rénovent, ."0 srpleiiihro IS'X.
XWJI
Au comte Antoine Pecri, à Carpineto. — ... Ma santé
est bonne. I/air nouveau (|ue je respire m'est salutaire. J'iii
déjà parcouru une honne paitie de la province de Trinci-
|)auté ultérieure, dans le royaume de Aaples. M. le cardinal,
lui aussi, se porte très bien.
Sanl-Anjiclo, 1 i ocJohm 185S.|
XXVIII
Au comte Antoine Pecci, à Carpineto, — J.e 11, je me
suis hâté de revenir à Bénévent, pour retenir à dîner le
marquis Muti, le jonr du 12. Mon hôte en a témoigné son
vif enchantement. Il est parti le jeudi suivant pour Avellino,
en compagnie de Calamani. Il se rend à Naples, après avoir
passé quelques jours à Bome.
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2^*^ l^A l'RfiLATrnK [)K LÉO.N XIII.
L'air du petit paye de Sant-Angelo-à-CupoIe est vif,
salubre, et va bien à mou tempérament. De fait, j'en ai
éprouvé la bienfaisante influence en recouvrant la santé, tout
à fait et en un rien de temps.
Je serais curieux de savoir pour(|uoi s'est évanoui le
projet de voyage que le prince Borghèse devait faire à
Carpineto, ou qu'il s'était du moins proposé de laire.
Bénévent, 21 octobre 1838.
LA DÉLÉGATION DE HKNÉVKNr.
;>:j5
Au frère Jean-Baptiste, à Maenza, — Comme vous le
savez, notre frère Joseph passe à Reggio-di-Modena. Moi, je
me porte bien, et j'ai tiré bon parti des villégiatures faites à
diverses reprises et en des endroits différents.
Les affaires de la province sont en régie. L'opinion de
la majorité, c'ost-dire du peuple, m'est favorable. Mon
guide, en toute affaire, est la conscience et le devoir; mon
système, un affranchissement complet de toute espèce
d'entrave; et je suis à l'éveil devant chaque cabale, chaque
intrigue. Cette taclique sied mal aux nobles et autres gens,
accoutumés à un système différent. Elle ne m'a pas moins
mérité le titre d'amant de la justice, et n'en satisfait que
mieux ma conscience. Celle raison fera que je ne m'en
départirai jamais.
J'imagine vos angoisses, vos craintes, pour la réception
de don Camille Aldobrandini à Carpineto; mais je suis
persuadé que mon imagination est encore impuissante à me
dépeindre la réalité des choses. Le retard prolongé de ce
prince aura encore accru vos peines. Je désire que, pom-
ma distraction, vous m'en fassiez une description détaillée,
minutieuse.... Mais, quelle inimitié pour les hommes mani-
festez-vous! Quel esprit antisoi-ial ! Bon Dieu! à quoi
sommes-nous réduits? Par pitié, ne sacrifiez pas l'honneur
de la famille.
Bénévent, 28 octobre 1858.
XXX
Au frère Charles, à Carpineto, — J'ai pris beaucoup de
plaisir aux nouvelles que vous m'avez envoyées sur l'arrivée,
le séjour et le départ du prince Camille Aldobrandini, en
visite à Carpineto. Mon plaisir a élé grand d'apprendre
aussi que ce prince a été satisfait de l'hospitalité offerte, et
<iue notre famille s'en est tirée à son honneur. J'accepte
l'invitation que vous me faites, d'écrire moi-même au
père du prince une lettre de félicitations. Elle partira par
la poste de mercredi prochain, et semblera correspondre
aussi bien à l'invitation que j'avais déjà faite moi-même au
prince dans llome.
Donnez de mes nouvelles et mon salut à tous les nôtres
<jui prolongent leur villégiature dans Carpineto. Ma province
me donne des satisfactions. Les affaires y suivent régu-
lièrement leur cours, à l'enchantement du Gouvernement
supérieur.
Bénévent, ô novembre 18."8.
XXXI
Au frère Charles, à Carpineto. — Bien qu'éloigné de la
famille je ne négligerai aucun moyen, comme je l'ai fait par
le passé, pour faire cesser l'état d'angoisse où elle se
trouve. Oui, c'est une agonie, puisque la succession n'est
pas assurée ; c'est donc la fin prochaine de notre nom. Ayez
Kl'
^N
5*^-Ç.
250
LA pi; KL A Tir.:: dk lko.n mil
au moins la volinliî ih' lair*; (jiicl(|iie chose, car, si celle
volonlé maiiquo, luus nos elTorls seroiil inutiles. Moi, j'avais
le sincère désii* de Wûw ([ueliine chose, et j'y ai réussi.
Vous me voyez, i)ie;i qn:' tout jeune encore, parvenu à un
])oste où n'est ariivé aucu:i memhre de la famille avant
moi; poste (|ui apporte honneur el lustre a m)tre famille.
L"s ftrr.'s Miii;'ms de Sîm-j'ic'ro. à rupiiirto.
en même temps (ju'j noliv pays. Je ne dis pas cela par
vaine forfanterie on pai' une |)résomption orgueilleuse que
j'ahhorre, mnis p;)ur vous montrer un exemple des elFels de
la honne volonté. Papa est moit, el j'ai la persuasion
absolue que j'ai répandu pleinement à ses vœux; et ma
douleur est immense, (|u'il ne puisse en être témoin*....
Béi;évLMil, le 'J8 imve.sj!»:e I8."S. ^
1. Il s";igiss::it de dccidvv JiMU-L^iplisk» ;i se lUîniiT, puisque CIimiIos s'y
refusai!, (our que la fiimlMo «Irs iVcci ne sVliM-rnil |»:is. I);uis une letlrè
réservée (lu H uoreinhie I8.".s, Mgi- iVcii énil : « L'exisleuce de la famille
dépend de Je.in-Hq)lisle. Ainsi «pie Cliailes. il avance en âge. Moi, je me suis
LA DÉLÉGATION DE UÉNÉVKNT. tiô?
XXXII
Au frère Jean-Baptiste, à Maenza. — ... Je me suis
réjoui de n'avoir été proposé à aucun changement dans les
promotions dernières, bien qu'à Rome la chose fût retenue
pour certaine, ainsi que me l'écrivaient affirmativement
les amis. Je voudrais conserver Tillusion que je resterai, au
Environs de Carpincto.
moins deux ans encore, dans cette Délégation où je me
trouve content.
Béncvent, C mars 1859.
XXXIII
An frère Charles, à Carpineto. — ... Voici donc Tanni-
châtré, propler regnum cœlonuiu Si ni l'un ni l'autre ne se décide,
l'extinction de la famille est fatale. » Le 18 janvier 1859, il ajoute : « Sacri-
liez i»our la famille un peu de votre bonheur privé. » Et, le 17 février : « Si
vous ne voulez que la famille périsse, il faut que vous ou Carluccio preniez
femme. » Enfin, en avril, l'effort suprême est tenté : « Faut-il laisser une
famille qui a coûté tant de sueurs à nos ancêtres. » Alors, un des deux frères
se décide au mariage, el c'est ce même Charles qui promettait un célibataire
endurci. Mais qui a-t-il choisi? « Une femme qui n'est pas de sa condition et
qui fera sa ruine ! » Celte négociation délicate n'est pas près d'al)Outir.
17
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au inoin^ la v<>h:il;'' (!;• laii»' (luclipic cIium', car, si (•('(!('
voloiHr i:i;)n(|ii;\ l;;;;s n;is ciïorls sn'oiil imililcs. Moi, j'avais
le sinciMV ilésii" ilc lair.' <jii('li|ii(' cho'-e, cl j'v ai n'-ussi.
Nous me voyez, l>ie:i i|n;* hml jeune eiieoi'e, pai\euu à un
pusle où u'esl ai'iivc aui-uu UKMnhre de la rauiille avant
ni(u'; |M)sle (|ni apjiorle lionneur et lu>li'e à noire faniille,
I. •> rivr.'> M:ii iii^ <!(• S;iii-|'i,'i(>. ;i ('. ii piiirlo.
en inr'ine lenips (ju'à noire |>ay>. Je ne (!i> pas cela par
vaine forfarîlerie ou par une |uvH)inplion ori^uei lieuse que
j'abhorre, mais pjur vous monli'er un exemple des elFels de
la lionne volonlé. Papa ( si mori, e( j'ai la persuasion
absolue (|ue j'ai ivpimdu pleinement à ses vœux; et ma
douleui'tst immt^nse, (pi'il ne puisse en èlre lémoin'....
Im-i.i'vciiI. le t:S iiiiM'.:i!.;v 1S"S.
1. H s";i-iss::il «le (liridci- .Icim-irapli.lc ii s,, mni irr. pnivqiic CIlhIcs s*\
refusait, | oiir <ji!.' la lainillc des \Wr\ iir v'/'lci-nii jm^. haiis iiric Iclliv
ivsiMvtV (In li ii..v.'mliic iS.'s'. M^i- |N.(ci ('•ciil : ., I.V\i>lriico «If l:i raiiiillr
<K'|KMnl (le .l(';tii-i;.|.lislc. Ainsi •|im> Chaiio. il axancc vu à-t'. Moi, je me suis
LA Dl-Ll-CATIO.N DK HKM-VKNT. -lUl
XXXII
Au frère Jcan-Baptisle, à Maenza. — ... »le me suis
réjoui de n'avoir été proposé à aucun cban^iemenl dans les
promotions dernières, bien (pi'à Rome la chose fûl retenue
pour certaine, ainsi (|ue me l'éerivaient arilrmalivemenl
les amis. Je voudiais conserver Tillusion que je resterai, au
Environs de ( jirpinclo.
moins deux ans encore, dans cette Délégation oii je me
trouve content.
Bénévenl, G mars \STi{\
XXXIII
.1'/ frère Charles, à Carpineto. — ... Voici donc l'anni-
clijilré, inoplcr rajuam cd'lonim. Si ni l'un ni l'anl rc no so décide,
rexiinclion de la famille est fatale. » Le J8 janvier 1851), il ajoute : (( Sacri-
liez |)our la famille un pou de votre bonheur privé. » Et, le 17 février : « Si
vous ne voulez que la famille pelisse, il faut que vous ou Carluccio preniez
femin»'. » Knfin, en avril, l'eflort suprême est tenlé : « Faut-il laisser une
famille qui a coûté tant de sueurs à nos ancêtres. » Alors, un des deux frères
se décide au mariage, et c'est ce même Charles qui promettait un célibataire
endurci. Mais qui a-t-il choisi? a Une femme qui n"esl pas de sa condition et
qui fera sa ruine î » Cette négociation délicate n*est pas près d'aboutir.
17
_A
t>58
LA PHKLATl KK DE LÉON Mil.
versaire de mon arrivée à Bénévent el de la maladie qui
m'aurait conduit à la tombe, si la sainte Vierge ne m'avait
secouru. Après Pâques, j'irai à Naples me présentei* à la
Cour, comme Tout fait les délégats mes prédécesseurs. Je
renouvellerai mes hommages à tout le ministère royal.
I/archiduc Charles est à Naples. Le roi est allé à sa ren-
contre, jusqu'à Manfredonia.
Bénévent, 20 mars 1850.
XXXIV
Au comte Antoine Pecci, à Rome. — ... Je désirerais
savoir si don Phih*|)pe Salina pourra descendre chez vous
en venant à Rome, à l'occasion de la canonisation prochaine.
Jl m'en a fait lui-même la demande; car, en cas
d'empêchement que je ne peàx pas prévoir, il devra
penser à se loger ailleurs. Le cardinal aussi viendra au
palais Muti, et vous le connaissez bien. Par la même occa-
sion, vous pourrez aussi me faire savoir si la lettre partie
pour Reggio, à l'adresse de mon frère jésuite, a été
afTianchie.
Dénévcnt. 20 mars \ST,*J.
XXXV
Ail comte Antoine Pecci. — Don Philippe Salina viendra
définitivement à Rome, pour faire suite au cardinal. Celui-ci
sera chez vous avec sa suite, non le 23, mais le 25, sauf
les cas toujours imprévus qui peuvent se présentei* au cours
d'un long voyage. Partant moi aussi à cette époque pour
Naples, je lui tiendrai peut-elre compagnie.
Bénévent, 4 avril 18")'.).
LA DKLKCÎATION DE BÉNÉVENT. 250
XXXVI
Don Philippe Salina an comte Antoine Pecci, à Uomr. —
Le 1" du mois courant, Mgr le Délégal, en compagnie de
S. Em. Bussi, est allé à Magnano visiter le sanctuaire célèbre
de Sainle Philomène. Le soir du 2, une demi-heure après le
Los fivros Angnislinions de riiùiiilîil. à Carpiiiclo.
coucher du soleil, tous deux éUiient de retour après un
heureux voyage. Le jour de Pâques, Mgr le Délégat s'est
porlé en grande pompe à la métropole, accompagné des
carrosses de la magistrature communale et de la troupe,
qui ont assisté à la messe pontificale. Celle-ci terminée, on
est allé diner chez le cardinal-archevêque. Etc...\
Bénévent, 7 avril 1830.
i. Au bas de celte lettre, M-r Pecci érril à l'oncle Antoine : k Le départ
pour Naples s'efifeclut^ra, le mois courant. »
^*- •
t. . ^ . .--:;-•
:>:.s
LA nîKLAïniK l)H LKO.N Mil.
versairc de mon arrivée à nénévenl el de lîi maladie (|ui
m'aurait conduit à la tombe, si la MÛnio Vierge ne nravail
secouru. Après IVicjues, j'irai à Naples me présenter à la
Cour, comme l'ont fait les délégals mes prnlécesseuis. .le
renouvellerai mes liomma<»es à tout le ministère roval.
l/areliidue Charles est à Xa[)les. Le roi est allé à sa ren-
conti'e, jus(ju'à ManlVedonia.
Hciiévonl, '20 imr< isr><>.
\\\IV
Au comte Attlolne PcccI, à Tloync. — ... .le désirerais
savoii* si don Phili[n>e Salina [ïouiia descendie chez vous
en venant à Rome, à riK'casion de la canonisMli(Mi prochaine.
Il m'en a l'ail lui-même la demande; car, en cas
d'empéchefuenl (pie je ne peux [>as piévoii*, il devra
penser à se louer ailleurs. Le cardinal aussi viendra au
palais Muli, et vous le connaissez hien. Par la même occa-
sion, vous |Mmrrez aussi me laiie savoir si la leltie pailie
|)our Ileiigio, à l'adresse de UKUi IVère jé'suile, a éié
aiïranchie.
JH-névcnl, ^H) mai- KS.7.>.
\X\Y
Âti comte Antoine l*cccl. — Don Philippe Salina viendra
définitivement à liome, pour l'aire suile au cardinal. Celui-ci
sera chez vous avec sa suite, non le '27), mais le 2*), sauf
les cas toujours imprévus qui peuvent se piésenttM" au cours
d'nn lon<^^ voyape. Partant moi aussi à celle épo(|ue pour
Naples, je lui tiendrai peul-élie compaj^nie.
Itriiévenl. i avril lsr»U.
LA hKLK(iATI(»N lU: BKNKVKNï.
2:>î>
XXWI
Don Vhilippe Sdlhid an comte Antoine Vecci, n Uome. —
Le 1" du mois couiant, Mgr le Délé-'al, en compagnie d.;
S. Em. Hussi, est allé à Ma,i»iian(f visilei-lesancluaire célèhre
de Sainle IMiilomène. Le soir du '2, nuLMlemi-heure apiès le
Lrs fivrcs Aiip-nsliiiiciis de riiôpil.il. à Cariiiiicld.
coucher du soleil, tous deux étaient de retour ajuès un
heureux Vi^ya^e. Le jour de Pà(|ues, Mur le Délégal s'est
porlé en grande pompe à la métropole, accompagné des
carrosses de la magistrature communale et de la troupe,
qui ont assisté à la messe pontificale. Celle-ci terminée, on
est allé dint'!' chez le cardinal-ai'chevé(|ue. Etc...'.
Boiirvcnl, 7 avril IXÔW.
1. Au hiis lie iM'IU» l('(li(\ M^r l'cici érril ;'i rctrulc Aiiloiiu' : (\ Le (lc|>;ut
pour Niiplos s'olfectucra, le mois coiinuil. »
260
LA l'RÉLATUHE DE LKO^ Xlll.
XXXYII
Mgr Joachim Perd au frère Jean-Baptiste, à Maenza. —
Les nouvelles que vous apportera celle cinquième lellre sonl
toules pleines crallégresse el de paix. Elle vous dira en
substance que je partirai de Bénévent avec S. E. le cardinal-
archevêque Bussi, le 22 du mois courant; que, le 25 au soir,
je me trouverai avec lui à San-Germano.et au sommet de
Montecanino; que, le surlendemain, tandis que le cardinal
poursuivra son chemin jusqu'à Bome, je resterai encore là
à admirer les merveilles de ce monastère; et enfin que, par
Oapoue, je me rendrai à Naples.
Vous êtes donc invité à vous trouver à San-Germano le
soir du 23, c'est-à-dire mercredi, si vous voulez avoir
l'honneur de baiser la pourpre sacrée du respectable
porporalo, et en même tem])s le plaisir de présenter vos
hommages au chanoine auditeur Pillei. A'ous y retrouverez
un ami de famille, don Philippe Salina, qui est compris
dans la suite du cardinal, et vous pourrez enfin m'embrasser
une fois de plus. Si vous n'êtes pas trop pressé de rentrer
ensuite à Maenza, vous pourrez, après avoir visité Monteca-
nino, me faire compagnie, le 25, jusqu'à Capoue.
Bénévent, 15 avril 1839.
XXXVIU
Au frère Charles, à Carpineto, — Après avoir accom-
pagné jusqu'à San-Germa|;io l'Ém. cardinal Btissi, arche-
vêque de Bénévent, qui se rend à Bome pour la canonisation
prochaine, j'ai, le jour suivant, admiré le fameux monas-
tère de Montecanino, la surprenante merveille de cette
LA DKLÉGAT10> DE HÉNÉVENT.
%1
contrée. Et enfin je suis arrivé, le soir du 25, à Naples par
la direction de Capoue.
Je séjournerai dans cette magnifique et enchanteresse
cité, une bonne partie du mois de mai. Après avoir pré-
senté mes hommages à S. M. le roi Ferdinand el fait mes
devoirs au ministère royal, je me propose d'admirer en
détail toutes les beautés que la nature et l'art ont répandu
si largement dans cette métropole et dans son voisinage.
Don Philippe Salina, comme vous le savez, est à Bome*
De là il passera à Carpineto.
Naples, 27 avril 1839.
XXXiX
Au comte Antoine Pecci, à Rome. — Depuis huit jours,
je suis à iSaples avec un temps peu favorable. La tempéra-
ture y est variable et la
pluie fréquente. Nonobs-
tant, j'ai déjà admiré quel-
ques-unes des merveilles
de celle ville.
Lundi dernier, j'ai eu
mon audience chez le roi.
Je lui ai été présenté par
Mgr Asquini, ex-nonce de
Naples, qui devait lui apporter en même temps ses lettres
de rappel. L'entrevue a duré un quart d'heure environ. Le
roi s'y est montré plein de bonté; il m'a demandé depuis
combien de temps j'étais à Bénévent, et il m'a invité à voir
toutes les raretés de sa capitale.
Le soir, en compagnie du même nonce, je suis allé en
société chez le prince de Cassero, ministre des Affaires
Sainle-Marie du Peuple, à Carpineto.
• -i
f ïKiaL'j. »_
IjJ
200
\A PIIKKATUIIK hK KKO^ MM.
WXVll
M(jr Joarlilrn Perri nu frhr JraH-lhtptIstc, à Maenza. —
Les nouvelles (jue vous appoileia celle ciu(|uiènie lellie soiil
toutes pleines d'allégiesse et de paix. Mlle vous dira en
sul)slanee que je parlirai de liénéveiit avec S. E. le cardinal-
arclievèquc lUissi, leS'idu mois courant ; (jue, le 2.1 au s(dr,
je me Irouveiai avec lui à San-(jermano el au sommet de
Monlecanino; (jue, le surlendemain, tandis que le caidinal
poursuivra son chemin juscju'à Uonie, je resterai encore là
à admirer les merveilles de ce monastère; et enfin (jue, pai*
Otqioue, je me rendiai à Xaples.
Vous êtes donc invité à vous li'ouver à San-Germano le»
soir du t^ô, c'est-à-dire mercredi, si vous voulez avoir
riionneur de baiser la pourpre sacrée du respectalde
porporalo, et en même temps le plaisir de présenter vos
liomma<i('s au chanoine auditeur Pillei. Vous v retrouverez
un ami de l'ami Ile, don IHii lippe Salina, (jui est compris
dans la suite du cardinal, el vous pourrez enlin m'emhrasser
une fois de plus. Si vous n'êtes pas trop [uessé de rentnM'
ensuite à Maenza, vous pourrez, après avoir visité Monleca-
nino, me l'aire compagnie, le 21), jusqu'à (lapoue.
Bonéveiit, lô avril ISjO.
XWVllI
Ai( frère Charlc^^ à Carpinelo, — Après avoir accom-
pagné jus(prà San-Germano TEm. cardinal Ihissi, arche-
vè([ue de Bénévenl, cjui se rend à Rome pour la canonisation
prochaine, j'ai, le jour suivant, admiré le fameux monas-
tère de Monlecanino, la surprenante merveille de celle
LA DKLKf.ATlON IH! r.l':.\ KVi: NT.
^r.t
contiéi'. Et enlin je suis airivé, le soir du 25, à Saples par
la direction de Ca[)oue.
Je séjournerai dans celte magnifKpie et enchanteresse
cité, une bonne partie du mois de mai. Après avoir pré-
senté mes hommages à S. M. le roi Eei'dinand et fait mes
devoiis au minislère lojal, je me propose d'admirer en
détail IcMites les beautés (|ue la natuie el l'art ont ré[)andii
si largement dans celle métropole et dans son voisinage.
Don i*hilippt» Salina, comme vous le savez, est à ]{ome.
De là il passera à Garpinelo.
Naplcs, 27 avril 1S31>.
\X\I\
Au comte Antoine Pecci, à Home. — Depuis huit jours,
je suis à >aples avec nn tem|)S peu favorable. La tempéra-
ture y est variable et la
pluie fréquente. Nonobs-
tant, j'ai déjà admiré (juel-
ques-unes des merveilles
de celle ville.
Lundi dernier, j'ai eu
mon audience chez le roi.
Je lui ai été présenté par
Mgr Asipiini, ex-nonce de
Napics, qui devait lui apporter en même temps ses lettres
de rappel. L'entrevue a duré un quait d'heure environ. Le
roi s'y est montré plein de bonté; il m'a demandé depuis
combien de temps j'étais à Bénévenl, et il m'a invité à voir
toutes les raretés de sa capitale.
Le soir, en compagnie du même mmce, je suis allé en
société chez le prince de Cassero, ministre des Affaires
Saiiilc-.Maru' <lii IV-upIt'. à Carpiiu'l(».
h^
262
LA PRÉLATLUE DE LKO.N XIII.
Élrangères; et le jour suivant j'ai été reçu a la table de
rÉm. Caraccioli, eartlinal- archevêque de Naples, à qui
j'avais précédemment fait mes devoirs. Le repas y était
splendidc et somplueux; huit évéques du royaume y assis-
taient.
La marquise Muli et don Salina m'écrivent que le bruit
court de mon changement à Rieli. Je ne le crois nullemeni
probable. Si ce bruit se mainlicul, il est pourtant bon que
j'en sois informé à temps, pour commencer les démarches
opportunes.
Napics, 2 mai 185î>.
XL
A don Philippe Salina, à Uome. — Non, je n'ai pas
mérité d'être réputé indigne d'avancement. Vous qui, mieux
que personne, connaissez la marche des choses au cours
de ma gestion, vous rirez, comme je ris moi-même de bon
cœur, de ces aristarques qui prononcent une sentence, sans
connaître la cause, sans citer des faits, sans procéder à une
accusation régulière. J'ai beau m'examiner, je ne trouve
rien à me reprocher.... Je ne crois pas aller bien loin de la
vérité, en croyant qu'il y a quelque complot visant ma
ruine. Mais rien ne peut m'elfrayer, tant que je garderai
la conscience du devoir accompli....
Bcnôvent, le 2 mai 18Ô0.
XM
A don Philippe Salina, à Uome. — J'ai Uni la visite des
principales beautés et raretés de Naples, les écoles, le refuge
des pauvres, l'arsenal, la chapelle de Saint-Sévère, la
LA DKLÉGATIO.N I ^ BÉ.NLVî:NT.
2G3
Mergellina, le Tausilippe, la grolle de Pozzuoli, Pompei, les
délices royales de Portici et de Capodimonle, etc., etc. Je ne
suis pas du tout tranijuillisé par les termes dont vous vous
servez au sujet de la santé du cardinal Sala, quand vous
dites ([il il y a plus à craindre quà espérer. Ne manquez
pas de m'en écrire tous les jours et avec tous les détails
que vous pourrez en apprendre.
Sans date.
XLll
A don Philippe Salina, à Uome, — Je dois d'abord vous
faire savoir que je suis rentré à Hénévenl, le 5 couiani,
comme je l'ai écrit déjà à
Tonde Antoine. Après
avoir attendu inutilement
à Naples Mgr Capaccini,
j'ai, durant ce long séjour,
pu observer toutes les mer-
veilles de cette ville et pro-
curer à ma santé un sen-
sible progrès.
Je suis heureux de vous
apprendre qu'aujourd'hui,
9 courant, aura lieu la pose
solennelle de la première
pierre pour la nouvelle
église à dédier à la Vierge
des Grâces. Dans une lettre
prochaine, je vous décrirai cette cérémonie. Les prépara-
tifs en sont magnifiques, et tout fait croire que la solen-
nité aura lieu en présence de Bénévent presque tout entier
et d'une grande affluence d'étrangers. Le Père provincial
Le Père Joseph Pccei.
■•fi
202
LA PIIKLATIIIK HK LKON MM.
Élran^èrt's; cl le jour suivant j*ai r\r roru à la table tic
l'Em. (laraecii^li, cardinal- ucheveciue de Naples, à ijui
j'avais précédemment fait mes devoirs. Le repas y était
splendide et somptueux; huit évéques du royaume y assis-
taient.
La man|uise Muti et don Salina nféci ivent (jue le hruit
court de mon changement à liieli. .le ne le crois nullement
probable. Si ce bruit se maintient, il est pourtant bon que
j'en sois infoimé à tem|)s, pour commencer les démarches
oppoitunes.
.\:iplrs. 2 mai IS."1>.
\L
.1 ilon l^hillppc Sulina, à llainr. — Non, je n'ai pas
mérité d'être réputé indigne d'avancr'Uient. Vous (jui, mieux
«jue personne, connaissez la marche des chostîs au ccuirs
de ma gestion, vous rirez, comm(^ je ris moi-même de bon
cœur, de ces aristaïques (|ui prononcent une sentence, sans
connaître la cause, sans cilei" des faits, sans procéder à une
accusation régulière. J'ai beau m'examinei', je ne trouve»
rien à me re|)rocher le ne crois [)as allei' bien loin de la
vérité, en crojant (ju'il y a (piehpu' complot visant ma
ruine. Mais rien ne |ieut m'effrayer, tant que je garderai
la conscience du devoir accompli —
Bôiiévoiit, le 2 mai IS.'U.
A don PlnUifpr Salliui, à Itome. — .l'ai lini la visite des
piincipales beautés et raretés de Naples, les écoles, le refuge
des pauvres, l'arsenal, la chapelle de Saint-Sévère, la
\A \)KiVA\\'ï\i)S \v. iikn: :v::m".
2or>
Mergellina, le Pausilippe, la gro»!e de iVrzzuoli, P-ompei, les
délices royales de Portici et de (lapculimonte, etc., etc. .le ne
suis pas du tout tiaujpiillisé par les termes dont vous vous
servez au sujet de la santé du cardinal Sala, cpiand vous
dites i[uil ij a plus à craindre (juà espérer. Ne manquez
pas de m'en écrire tous les jours et avec* tous les détails
que vous pourrez en apprendre.
Sans date.
XLIl
.1 don Philippe Salina, à Home. — .le dois d'abord vous
faii'e savoir que je suis rentré à liénévenl, le 5 couiani,
comme je l'ai écrit déjà à
l'oncle Antoine. Ai)rès
avoir attendu inutilement
à Na[)les Mgr Capaccini,
j'ai, durant ce long séjour,
pu observer toutes les mer-
veilles de cette ville et pro-
curei' à ma santé un sen-
sible pi'ogivs.
,1e suis heureux de vous
apprendre ([u'aujourd'hui,
1) courant, aura lieu la pose
solennelle de la première
pierre pour la jiouvelle
église à dédier à la Vierge
des Grâces. Dans une lettre
prochaine, je vous décrirai cette cérémonie. Les prépara-
tifs en sont magnihiiues, et tout fait croire que la solen-
nité aura lieu en présence de l^énévent i)res(iue tout entier
et d'une grande affluence d'étrangers. Le Père provincial
Le IV'ic J(»S('|ili iVcci.
w.
264
LA PRÉLATLRE DE LEON Xllf.
des M. M. 0. 0. est venu exprès de Naples* Toutes les
autorités publiques comparaîtront en corps, et j'accomplirai
les fonctions sacrées comme représentant de Son Ém. Tar-
chevêque, avec Tassistance du chapitre de la métropole.
Le Père Betti prêchera. M. le vicaire général a publié un
avis par lequel il invite les fidèles à prendre part à la céré-
monie et à contribuer à l'œuvre par une aumône. Aujour-
d'hui, pendant l'office, la quête sera confiée à MM. le vicaire
général lui-même, don Paul Pacca, le comte Fabius Capasso
et le chanoine son frère, deux Jésuites, deux Augustiniens,
Liberatore Collenea, etc.
Donnez toutes ces nouvelles à Son Éminence, dans l'es-
poir qu'elles lui seront agréables; et ajoutez que je ne
tarderai pas à lui en adresser le texte officiel, comme c'est
mon devoir. Tout à fentour, les fondations sont creusées
en grande partie; et, par fortune, à trente ou quarante
pieds de profondeur, on a trouvé un gisement de brèches
anciennes sur lesquelles, de l'avis des architectes, on peut
asseoir les bases en toute assurance.
Béncvcnl, 0 juin 1850.
XLIII
Au comte Antoine Pecci, à Carpineto, — J'ai appris par
l'excellent don Philippe votre heureux retour au pays et le
bon état de votre santé, malgré l'été qui nous accable ici
d'une chaleur suffocante, à rendre fou. Mais à Carpineto elle
se fera moins sentir, ou du moins elle ne sera fatigante
que quelques heures de la journée.
Depuis la mort du cardinal Sala, dont j'ai été très doulou-
reusement frappé, ma santé s'est beaucoup altérée. Je ne
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LA priKLATTRE DK LEON MU.
des M. JF. 0. 0. est venu exprès de Naples, Toutes les
aulorilés publiques comparaî'roiit en corps, et j'accomplirai
les fonctions sacrées comme représentant de Son Em. Tar-
chevêque, avec Tassistance du chapitie de la métropole.
Le Père Helli prêchera. M. le vicaire général a publié un
avis par lequel il invite les lidèles à prendre part à la céré-
monie et à contribuer à l'œuvre par une aumône. Aujour-
d*bui, pendant rollice, la (juète sera conliée à MM. le vicaire
général lui-même, don Paul Pacca, le comte Fabius Capasso
et le chanoine S(mi livre, deux Jésuiles, deux Au«^usliniens,
Libéra tore Collenea, etc.
Donnez toutes ces nouvelles à Son Eminence, dans l'es-
poii' qu'elles lui seront a<^réables; et ajoutez (jue je ne
tarderai pas à lui en adresser le texte olTiciel, comme c'est
mon devoir. Tout à Tentour, les fondations sont creusées
en grande partie; et, par fortune, à trente ou (|uarante
pieds de [)rofondeur, on a trouvé un gisement de brèches
anciennes sur lesquelles, de l'avis des architectes, on peut
asseoir les bases en toute assurance.
liénévenl. 0 juin 1850.
XLIII
Ati comte Antoine Pecci, à Carpitteto. — J'ai appris par
l'excellent don Philippe voire henreux retour au pays et le
bon état de votre santé, malgré l'été (|ui nous accable ici
d'une chaleur sulfocante, à rendre fou. Mais à Carpineto elle
se feia moins sentir, ou du moins elle ne sera fatigante
que quelques heures de la journée.
Depuis la mort du cardinal Sala, dont j'ai été très doulou-
reusement frappé, ma santé s'est beaucoup altérée. Je ne
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Cti^A-'Tlft'''
LA DÉLÉGATION DK BÉNÊVENT. 265
peux dire encore que je suis complètement rétabli. J'espère
me remettre bientôt, de façon à ne pas redouter d'autres
conséquences.
Béncvcnt, 13 juillet 1839.
XLIV
 don Philippe Salina. — Les officiers de la province
marchent régulièrement, à ce quil me paraît. Au capi-
Environs du Vésuve.
taine P... a succédé, comme vous le savez, le capitaine D...
qui me donne toute sécurité, quant à Tordre public de la
province. Il est de beaucoup supérieur à P.... que j'estimais
grandement, du reste, pour son activité, sa capacité et, ajou-
terai-je, sa religion. Grâce à ses soins, les troupes de la
garnison ont déjà subi, pour les mœurs et la discipline,
une réforme salutaire.
Bcnévent, le 7 juillet 1839.
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2G6
KA PRÉLATUItE DE LÉON Xlfl.
XLV
Au frère Jean-Baplhte, à Maenza, — Je peux aujour-
d'hui de ma propre main vous donner des nouvelles de
ma sanlé, qui s'est améliorée sensiblement. Comme en
septembre passé, la quinine a encore triomphé de ma
fièvre périodique. A cette heure, je ne ressens guère autre
chose qu'une extrême faiblesse.
J'attends en septembre l'intendant d'Avellino, pour opérer
le tracé de nouvelles roules dans le duché. D'autres
messieurs de Naples viendront aussi, parmi lesquels le
prince Ruffo et l'auditeur de la nonciature, mon ami.
Probablement aussi viendra le cardinal Pacca, selon la
promesse qu'il a faite aux siens, pour les noces de sa
pelite-nièce avec le jeune marquis Mosti.
Etc....
Béiiéveiil, 20 juillet IS.IO.
XLYI
Au frère Charles, à Carpineto, — Depuis longtemps je
désirais vous écrire, et je vous assure que j'en ai eu l'inten-
tion pendant que je séjournais à Naples, et ensuite dès mon
retour à Bénévent. Mais les délices enchanteresses qu'on ne
se lasse pas assez de goûler, et les distractions qui assaillent
(luicon([ue pose pour la première fois le pied dans cette
brillante capitale, m'ont empêché de mettre là-bas mon
projet en exécution. Et, dès que je fus rentré à Bénévent, je
ne le pus encore, tant étaient nombreuses les affaires dont
j'eus à m'occuper après une absence de plus de quarante
:^
.
LA DÉLÉGATION DE BÉNÉVENT.
267
jours. Je souhaite que cette lettre supplée au manque des
autres que je vous devais.
Je commence par vous donner des nouvelles de ma
santé qui, à iNaples, fut excellente et se maintint bonne
jusqu'au commencement de juillet courant; mais, vers la
moitié de ce mois, j'ai été atteint par une fièvre intermittente
qui m'a cueilli à l'improviste. Les deux premiers médecins
de Bénévent m'ont ordonné la quinine, dont on use beau-
coup dans ce pays; c'est un remède qui semble tout indiqué
dans cette atmosphère, pour les fièvres de ce genre. Et, de
fait, comme je l'ai éprouvé en septembre de l'année dernière
au deuxième accès de cette fièvre, j'ai employé ce remède
qui a arrêté net le mal, et je n'ai plus rien ressenti. J'avais
l'intention de changer d'air aussitôt et d'aller passer
quatre jours à San-Lencio, pays de celte délégation situé à
<|uatre petits milles de Bénévent, d'où j'aurais pu vaquer
sans difficulté aux occupations et au débrouillement des
affaires publiques. Mais, jusqu'à présent, des circonstances
imprévues ne me l'ont pas permis. Pour l'instant je crois
me bien porter, autant que peut le permettre la fatigue que
nous fait éprouver ici la chaleur véritablement suffocante.
En septembre viendra à Bénévent le chevalier Patroni,
intendant de la province de Principauté ultérieure. De
Naples, viendront aussi d'autres messieurs avec lesquels j'ai
lié récemment d'utiles relations. On attend également le
cardinal Pacca, selon la promesse qu'il en a faite à sa
famille.
Bénévent, 27 juillet 1859.
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268 LA PUI.LATIIU: DK I.KON Mil.
XLVII
A Mgr de Prospéra Caterini, secrétaire de la S. Congré-
gation des Études, à Borne. — Liiiuli dernier, j'ai eneore été
pris de fièvres intermillenles, qui sont revenues me faire
visite le mercredi suivant. Ces récidives ne laissent pas de
me donner quelque appréhension, et je vous avoue qu'en
voyant s'approcher Tautonme, je sens croître mes craintes.
Un an et demi de séjour à Rénévent, et déjà trois maladies,
dont une qui fut mortelle ! Aujourd'hui, je suis bien forcé
d'avouer que l'air de ce pays m'est tout à fiiil contraire. En
laissant de côté toute autre considération, sur le conseil
même des médecins, je serai forcé de changer d'air, s'il est
vrai que la sanlé soit parmi les choses de ce monde le
premier des trésors. Provisoirement, je me contenterai de
chercher dans le voisinage un air plus favorable; mais
j'aurais besoin de passer à Naples, pour me rétablir tout a
fait. Que s'il ne plaisait |)as au Governo d'aviser autrement,
ou de s'inquiéter autrement de ma personne, etc —
XlVIil
Au frère Charles, àCarpineto. — ... Ce n'est, ni pour la
fumée des honneurs, ni pour l'ambition de commander, et
pas davantage afin d'aggraver les charges de la famille, que
je suis entré dans la carrière prélatrice; mais seulement
pour servir Dieu et l'Eglise, et pour apporter quelque lustre
à notre famille dans un chemin noblement suivi par nos
ancêtres, et pour réporulre aux intentions de notre excellent
père. Je ne suis pas un dissipateur, je ne me traite pas avec
LA DÉLÉGATION llK liÉNÉVENT.
^209
une magnificence de prince; je me tiens, au contraire, dans
la condition modeste qui convient à une famille aisée de
la légation de Velletri, — et j'en connais bien d'autres*.
C'est ce que je vous prie de demander, si le témoignage de
Salina ne vous suffit pas, aux 18 000 Ames de Bénévent;
Le Pausili|»p»', près do Naplcs.
et vous entendrez ce qu'elles répondront, d'une voix una-
nime.
Bénôvcnt, 50 novembre 1839.
XLIX
Au frère Charles, à Carpineto. — Je vous remercie
de la narration que vous m'adressez sur les fêtes célébrées à
Carpineto, en l'honneur de saint Uoch et de saint Sébastien.
1 . Il s'agissait d'obtenir 50 écus pour payer la dépense des rafraîcbissements
offerts k la réception du cardinal Pacca et du prince Ruflb. Est-ce que
Mgr Medici, pi'édécesseur de Mgr LoUi son parent à la vice-légation de Velletri,
ne mettait pas 1000 écus de sa poche à son budget de représentation?
y-f
^
:^.u.
270
LA PRKLATinE DE LÉO.N Xllf.
Vous avez suivi rexemple de nos bons ancêtres, et cela me
plaît beaucoup. Puissent ces glorieux protecteurs continuer,
à Tavenir, comme ils Tout fait visiblement clans le passé, à
sauver notre Carpineto clos malheurs et des disgrâces cjui le
peuvent menacer !
BcnévenJ, 5 février 1840.
Au frère Jean-Baptiste, à Maenza. — ... Rien de nou-
veau pour rheure, sur mon changement. Pour le moment,
on ne parle d'aucune promotion nouvelle ; mais je compte
sur une mutation à bref délai. Je conviens avec vous de
Tavanlage qu'il y aurait, à passer dans notre province natale
ou à Rome. Je vous embrasse de tout mon cœur, et je me
redis vôtre très affectueusement, etc....
Béiiévent, I'2 IV'vrior 18 iO.
LI
Au frère Jean-Baptiste, à Maenza. — ... J'attends tou-
jours avec empressement de vos lettres, sur nos affaires de
famille. Faites en sorte que votre correspondance ne se
ralentisse pas et devienne plus active, pour que nous puis-
sions faire quelque chose à votre avantage. Je n*ai pas
encore écrit à Charles sur nos importantes et urgentes
affaires domestiques ; j'attends d'abord votre réponse à une
de mes dernières lettres.
Pour l'instant, on ne parle d'aucun avancement. On ne
m'écrit, non plus, rien de Rome au sujet de la proposition
faite par Mgr Orlandini. Ainsi, il faut attendre. Mon désir
LA DÉLÉGATION DE BÉNÉVENT.
271
cependant serait d'obtenir un poste a Rome, quel qu'il soit.
Ma santé se maintient bonne, malgré les froids de Sibérie
que nous subissons depuis quelques jours. Nous voilà, de
partout, couverts de neige. Je vous embrasse, et de tout mon
cœur je me dis vôtre, etc.
licuévent, 26 février 1840.
LU
Au comte Antoine Pecci, à Rome. — ... A Bénévent
aussi, nous avons eu un brillant carnaval, l/année passée,
Dans les moiilagiies de Carpineto.
nous avions reçu une troupe de musiciens ; celte année,
c'est une troupe dramatique qui a figuré sur notre théâtre.
Elle s'y fait honneur, particulièrement dans la Maschera
Partlienopea, autrement dit « le Polichinelle », qui a eu
lieu le jeudi et le dimanche. La célèbre improvisatrice Rosa
M'-Tij
r«
.^....: :
•*. ^-•«.
270 LA l'IlKLATI Ki: DK LKO.N \|||.
Vous avez suivi rexoniple de nos hous ancêtres, e( cela nie
l)lait beaneoup. Puissenlces ««lorieux pi'olecleiii'sconlinnei*,
à Tavenir, comme ils Tonl fait visiblement dans le passé, à
sauver noire Caijiinelo des malheuis et des disgrâces nui le
peuvent menacer !
néiiéven». 5 février 1840.
Aif frirr .Jpaii-Uapîisle, à Maenza. — ... Ilicn de nou-
veau [)our riieure, sur mon chan<^enienl. Pour le momenl,
on ne parle d'aucune piomolion nouvidle ; mais je comple
sur un(» mufalion à hrel* délai. Je conviens avec vous de
l'avanlaije (pfil y aurai!, à passer dans noire province nalale
ou à liome. Je vous embrasse de tout mon cœur, et je me
ivdis votre 1res alTeclueusemenl, etc....
BcMicveiil. I'2 r.'vricr 18 K).
u
Ak frèrr .Ican-lhjnhtc, à Macnzd. — ... J'atlends tou-
jours avec em|)ressement de vos lettres, sur nos affaires dcî
Tamille. Faites en sorte (pie votre correspondance ne se
ralentisse pas et devienne plus active, pour (|ue nous puis-
sions faire quebiue cliose à votre avantage. Je ifai pas
encore écrit à Cliarles sur nos impoi'tantes et urgentes
affaires domestiques; j'attends d'abord votre réponse à une
de mes dernières lettres.
Pour rinstant, on ne parle d'aucun avancement. On ne
m'écrit, non plus, rien de Piome au sujet de la proposition
faite par Mgr Orlamlini. Ainsi, il faut attendre. Mon désir
LA liKLI-r.ATION DK Bi^M^iVENT.
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cependant serait d'obtenir un poste à Uonie, quel (ju'il soit.
Ma santé se maintierit bonne, malgré les froids de Sibérie
que nous subissons depuis quebjues jours. Nous voilà, de
partout, couverts de neige. Je vous embrasse, et de tout mon
cœur je me dis votre, etc.
lit'iiévcnl, i>G rôvriei- 18 iO.
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Au œnUc Antoine Pccci, à liomr. — ... A BénévenI
aussi, nous avons eu un brillant carnaval. L'année passée,
D;iM> les iTi(nit;igii('s de ("arpiiich».
nous avicuis reçu une troupe de musiciens; cette année,
c*est une troupe dramaticpie qui a (îguré sur notre lliéàtre.
Elle s'y lait bmmeur, parliculii'iement dans la Masrltrni
Parlhcuopon , autrement dit « le Policbinelle », qui a eu
lieu le jeudi et le dimancbe. La célèbre impi'ovisatrice Ilosa
f\
272
LA PRÉLATURE DE LÉON XIH.
Taddei a donné trois séances d'extra, également au théâtre.
Il y a eu mascarades et banquets. Ces messieurs ont, de plus,
ouvert une souscription qui a produit qualre cents écus.
Avec cette somme, ils ont donné trois bals magnifiques au
palais du marquis Terragnoli, avec rafraîchissements somp-
tueux et danses prolongées jusqu'au jour. Pour ces ban-
quets, on a fait venir exprès de Naples une société musicale
qui a coûté environ cent cinquante écus. Ainsi vous voyez
que, même dans notre ville, les divertissements n'ont pas
manqué.
Ce même prince Léopold, comte de Syracuse et frère du
roi de Naples, qui s'est amusé à Rome à jeter des confetti,
vint à Bénévent au mois de décembre de Tannée dernière,
et je l'accompagnai pour lui faire admirer les principales
curiosités de notre ville. Il reçut l'hospitalité dans la maison
Pacca.
Ma santé s'est trouvée quelque peu endommagée, ces
jours derniers, par les froids excessifs dont nous avons
souffert.
Bénévent, 4 mars 1840j
LUI
Au frère Jean-Baptiste, à Maenza. — ... Ma santé se
maintient bonne. J'ai fait dernièrement un petit voya^^e à
Salerne, et j'ai vu le délicieux littoral d'Amalfi et le fameux
monastère de la Cava.
Si cette année on fait des promotions, j'ai quelque
espoir d'avancement ; mais il n'y a, quant à présent, rien
de positif.
Bénévent, 29 mai 18 iO.
LA DÉLÉGATION DE BÉNÉVENT. ' 273
LIV
Au frère Charles, à Carpineto, — Je vous remercie de
l'empressement que vous m'exprimez dans votre dernière
lettre pour que je cherche, par tous les moyens, à échapper
à ce climat défavorable au bon état de ma santé. Pour tant
que cela a pu dépendre de moi, j'ai fait toutes les démar-
ches possibles ; mais il faut attendre qu'une circonstance
propice se présente et que des ouvertures convenables me
soient faites. Les promotions, qui deviennent rares aujour-
d'hui, constituent un obstacle de plus à une permutation et
à un arrangement. Le poste qu'on pouvait espérer pour
la Saint-Pierre ne sera, dit-on, occupé qu'en septembre.
En attendant, pour ce qui concerne ma santé, j'use de
toutes les attentions et de toutes les précautions possibles.
Je vous remercie enfin de la proposition que vous me
faites de participer aux dépenses qu'au moment de quitter
ce poste nécessitera le long voyage du retour.
Béncvcnl, 22juin iSiO.
LV
Au comte Antoine Pecci, à Carpineto. — Je suppose
que vous vous trouvez déjà dans Carpineto, et que vous
avez quitté Rome en cette saison d'été. J'adresse donc là
cette lettre, en pensant bien qu'elle vous y rejoindra en toute
sûreté.
N'ayant plus pour l'instant aucun espoir de promotion,
j'aurais idée de demander un congé de quelques mois pour
raison de santé, et il ne me serait pas difficile de l'obtenir.
Au lieu d'aller passer ce temps à Naples, je pourrais
18
'.«I
274
LA PRKLATUHE DE LÉON MIL
retourner à Rome, ce qui profilerait à toute bonne conclu-
sion que j'espère. En ce cas, les choses pourraient se com-
biner (le telle sorte que je vienne aussi a Carpineto pour un
peu de temps. Je le désirerais, pour revoir tout le monde,
pour favoriser ma santé et pour régler nos affaires de famille.
Bénévont, 19 juillet 1840.
LVI
Au comte Antoine Pecci, à Carpineto, — Je ne peux pas
vous dire encore quand je pourrai m'éloigner de ma rési-
dence. I/Km. cardinal Lamhruschini m'a accordé mon
congé, depuisdix jours déjà; mais je n'ai pas encore ret^'udu
cardinal Gamberini la même permission, qui m'est aussi
nécessaire. Dés qu'elle me sera parvenue, je vous en don-
nerai communicalion pour que vous fassiez en sorte que je
trouve, à Rome, quelques personnes de la maison.
Etc.. .
Bônévcnt, 9 août I8i0.
LVll
Aîi comte Antoine Pecci, à Carpineto. — J'ai obtenu le
congé. Comme je vous en ai écrit, je l'avais aussi demandé
à la Secrétaireriedes Affaires Étrangères. Je me luUe de vous
en aviser, pour que vous donniez à Rome vos ordres, en vue
de mon arrivée. Je n'ai pas encore fixé le jour de mon
départ, ni si je séjournerai d'abord quelque temps à Naples,
ou si je me rendrai directement à Rome. Mais il n'en sera
pas moins expédient que, après la date du 25 courant, quel-
qu'un des nôtres soit à Rome pour me recevoir. Si Charles
LA DÉLÉGATION DE DÉNÉVENT.
275
y vient après les fêtes de la Saint-Augustin, il m'y trouvera
sûrement.
Bénévenl, 10 août 1840.
LVIII
Au comte Antoine Pecci, à Carpineto, — J'attends en
toute hâte les clefs de l'appartement, car me voilà à Rome
De Rome à Carpineto.
depuis trois jours. J'y suis heureusement arrivé en compa-
gnie du marquis de Simone. Une occasion s'étant pré-
sentée à l'improviste, je n'ai pu vous notifier plus tôt le jour
de mon départ. Mais arrivé a Villetri, je priai Mgr Lolli de
dépêcher à Carpineto un messager qui avertirait Ja famille
de ma venue, selon ce que je vous avais précédemment
écrit. J'espérais recevoir ces jours derniers les clefs, par
l'intermédiaire d'une personne envoyée exprès; mais, ne
s^t;.
ytpT^'-
27C LA PRÉL-VTURE DE LÉON XMI.
voyant rien arriver encore, je vous renouvelle avec ces
lignes mes instances, afin que je ne continue pas à donner
à des étrangers Tennui de m^héberger.
J'espère être à Carpineto après les fêtes de la Madone de
Septembre, et avoir alors profitablement dépêché cer-
taines affaires concernant la province de Bcnévenl.
Rome, 26 août 1840.
LIX
Au comte Antoine Pecci, à Carpineto. — Hier soir,
Charles est arrivé ici. Il a fait bon voyage et se porte bien.
Demain j'irai à Castel-Gandolfo pour le baisemcnt de
pied du Saint-Père. Pour Pinstant, je ne puis vous faire
savoir le jour où je viendrai à Carpineto ; mais je m'en
rapporte à ce que je vous ai écrit dans ma dernière lettre.
... Je désirerais savoir où sont les billets originaux de la
Secrétairerie d'État portant mes nominations à la mantel-
letta, au Buon Governo et à la Délégation de Bénévent. Il
faut que je les présente. Je vous prie donc de m'écrire où
je peux les retrouver, car je les laissai à la maison quand
je partis pour Bénévent. Etc....*
Rome, 1" septembre 1840.
LX
Au frère Charles, à Carpineto. — Je suis heureusement
arrivé à Ferentino, après la vingt-deuxième heure*. Dans la
1. Après avoir séjourné plus d'un mois à Carpineto, du 15 sopleinbrc au
24 octobre 1840, Mgr Joachim Pecci partit pour Ferentino, où il revit sa sœur
Catherine, mariée avec le chevalier Lolli. De là, il continua son chemin par
Ceprano jusqu'à Bénévent.
2, Deux heures avant la nuit.
LA DÉLÉGATION DE BÉiNÉVENT.
277
plaine de Yillamagna j'ai fait halte, près d'une heure, pour
goûter et me reposer.
Je vous renvoie par un garçon les deux bêtes de somme.
Je retiens une mule et le garçon Raymond, pour le transport
des bagages à Ceprano, lundi prochain ; car j'ai résolu de
rester à Ferentino toute la journée de demain.
Ferentino, 24 octobre 1840.
11}
. Le comte Stanislas Sterbini à Mgr Joachim Pecci, à
Maples. — C'est un devoir pour moi de vous adresser cette
lettre, alin de vous apprendre que mon voyage jusqu'à Béné-
vent a été très bon et que, par un effet de votre bonté, je me
trouve on ne peut mieux installé dans votre résidence apos-
tolique. Je tiens aussi à vous renouveler par ces présentes
l'expression de ma plus entière gratitude pour les si gra-
cieuses et si nombreuses attentions dont vous vous êtes plu
à m'honorer.
L'ennui, que m'avait procuré Pabsence de ma famille et le
brusque éloignement de mes affaires, a pris fin avec l'assu-
rance de votre amitié et la certitude qui m'est faite d'être
désormais en rapport avec une personne recommandable de
tout point. Je ferai, croyez-le, lous mes efforts pour con-
server votre amitié. Soyez assez bienveillant pour conserver
aussi la mienne. Je garderai un perpétuel et reconnaissant
souvenir de vous, heureux si j'ai jamais la bonne fortune
de vous exprimer, par quelque manière que ce soit, ma
gratitude.
A peine arrivé dans Bénévent, j'ai pris connaissance des
affaires. Ma principale occupation a été de relever aussitôt
les comptes de la Principauté, avec le marquis Mossi que j'ai
SS3^
m
u
il
.1
t.
"21%
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII.
trouvé très affairé pour le mariage d'une de ses filles,
célébré hier. A première vue, les affaires de la délégation
me semblent aller vraiment très mal. Quand vous serez de
retour, nous pourrons commencer à nous occuper de ce qui
fait l'objet des préoccupations du Gouvernement. Veuillez
agréer, je vous prie, avec mes plus distingués hommages
ceux de M. Fora, etc....
Bénévcnt, 5 novembre 1840.
LXII
J/f/r Joachim Pecci au frère Jean-Baptisle, à Maenza. —
Je nx'empresse à vous donner des nouvelles de mon heu-
reux retour dans Bénévent, jeudi dernier, en bon état de
santé. Après un séjour de quatre pleines journées dans
Ceprano, où la courtoisie parfaite du marquis Ferrari
m'obligea à m'arrêter, je me suis rendu à Naples avec la
diligence. Là, je passai dix jours a jouir, pour la seconde
fois, des beautés de ce délicieux pays. Etc
Bénévent, 14 novembre 18 iO.
LXIII
Au frère Charles, à Carpineto. — A la hâte, je vous
envoie des nouvelles de mon heureuse arrivée dans Bénévent
le 12 courant. Ma santé est bonne. Après avoir passé deux
jours à Ferentino et avoir dîné le lendemain chez Mgr le
délégat de Frosinone, je me suis arrêté quatre jours à
Ceprano, où j'ai été comblé d'égards par le marquis Fer-
rari. Là, j'ai pris la diligence de Naples. Je suis arrivé
-lans cette ville vers les premiers jours de ce mois, et j'en
LA DÉLÉGATION DE BÉNÉVENT.
279
ai passé dix à y terminer heureusement ma longue villé-
giature.
Ces messieurs de Bénévent se sont plu à me faire une
entrée d'honneur. Ils ont envoyé à mon devant, sur la route
qui mène à Montesarchio, à neuf milles de ma résidence,
Le jubé do la cathédrale, à Bénévent.
douze voitures à la suite desquelles, au jour indiqué plus
haut, je suis rentré dans ma Délégation.
Saluez de ma part don Philippe et tous nos bons paysans.
Et avec une fraternelle affection, croyez-moi votre, etc.
Bénévent, 14 novembre 1840.
r
1 1
i>78
LA l'UKLAÏLKE DK LÉON \III.
trouvé très alTairé |)our le maiiage (ruiie de ses filles,
céléhré hier. A première vue, les affaiies de la délé^aliou
me semblent aller vraimeul très mal. Ouand vous serez de
retour, nous pourrons eommencer à nons oecuper de ce qui
fait l'objet des préoccupations du (jouvernement. Veuillez
agréer, je vous prie, avec mes plus distingués hommages
ceux de M. Fora, etc....
Jjéncvcnl, 5 novembre iSiO.
LXII
M(ir Joachim Pcici an frère .kan-lUijdhle, à Maenza, —
Je nrem|)resse à vous donner d(*s nouvelles de mou heu-
i'eux retour dans J]énévent, jeudi dei'uier, en hou état de
sanlé. Api'ès un séjour de (juatre pleines journées dans
Ceprano, où la courtoisie pailaite du maripiis Feri'ari
m'(d)ligea à m'airéler, je me suis rendu à Naples avec la
diligence. Là, je passai dix jours à jouir, pour la seconde
lois, des heaulés de ce délicieux pays. Elc
lîéiH'vcnJ, ii novembre ISIO.
LXIII
Au frère Charles, à Carpinelo. — A la hâte, je vous
envoie des nouvelles de mon heureuse arrivée dans Rénévenl
le 12 courant. Ma sanlé est bonne. Après avoir passé deux
jours à Ferentino et avoir dîné le lendemain chez î[gr le
délégat de Frosinone, je me suis arrêté quatre jours à
Cepi'ano, où j'ai été cond>lé d'égards par le marcpiis Fer-
rari. Là, j'ai pris la diligence de Naples. Je suis arrivé
dans celte ville vers les premiers jours de ce mois, et j'en
LA I»KLK(;AT10N 1)K liKNKVKMT.
2711
ai passé dix à y terminer heureusement ma longue villé-
giature.
Ces messieurs de Hénévent se sont {)lu à me faire une
entrée (riionneui-. Ils ont envové à mon devant, sur la route
qui mène a Monlesarchio, à neuf milles de ma résidence,
Le jubé (le la eatliédiale, à Béiiévent.
douze voitures à la suite desquelles, au jour indiqué plus
haut, je suis rentré dans ma Déléuation.
Saluez de ma part don Philippe et tous nos hons paysans.
Et avec une fraternelle airection, croyez-moi votre, etc.
Bénévcnl, 14 novembre 18i0.
'^
280
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
LA DÉLÉGATION DE BÉNÉVENT.
281
I
U>
Ih'
n
.1
LXIV
Au comte Antoine Pecci, â Rome. — J'ai reçu votre chère
lettre du ll2 courant, après avoir passé quatre jours à
Ceprano et dix à Naples. Mais, après le deuxième jour de
mon arrivée, j*ai payé à Bénévent le tribut accoutumé, qui
consiste pour moi en une constipation légère. Elle a pour-
tant vite cessé, et ma santé est présentement bonne. Etc....
Bénévent, 19 novembre 1840.
LXV
Au comte Antoine Pecci, à Rome, — A rapproche dos
letes de Noël, je vous envoie, selon l'habitude, des boîtes de
torroni et de mostaccini (pâtisseries aux amandes) qui font
la renommée de Bénévent. Trois de ces boîtes portent les
adresses d'Antoine, de Jean-Baptiste et de Charles, et don
Philippe Salina; elles sont inscrites sous les numéros 103,
104 et 105. Je vous prie de les faire retirer, selon l'usage,
à la douane de la Piazza di Pietra. Vous enverrez par la
première occasion deux de ces boîtes à Carpineto et à Maenza,
et vous agréerez de ma part le numéro 105, du poids de
vingt livres. Je vous prie d'offrir de ces gâteaux à la famille
Muti, à qui je n'adresse pas d'envoi particulier, pour ne pas
multiplier les boîtes sans nécessité.
Acceptez en celte circonstance les bons souhaits de pros-
périté que je fais pour vous, et que Mme la marquise me
permettra d'étendre jusqu'à elle et jusqu'à sa famille. Etc....
Bénévent, 16 décembre 1840.
li
LXVI
An frère Charlea, à Carpineto. — ... Les nouvelles de
ma santé sont bonnes, malgré quelque indisposition souf-
ferte durant la saison rigoureuse qlienous venons de p'asser.
I.a fa.ade de la calhêdrale, à Bénévent.
Avec ce mois de mars commence la quatrième année de ma
délégation à Bénévent. Sera-ce la dernière? Espérons-le!
fi i c • • « .
Réiicvcnt, 5 mars 18 il
LXYII
Le comte Stanidas Sterbini à Mgr Joachim Pecci. —
... Ayant ainsi terminé la première partie de mon message,
je me flatte de l'espoir que votre Excellence, après avoir
'^
iK^'é ji-jtjfi— i-ï-
ti80
LA l'HKLATLHE HK LKON Mil
LA l>KLKr.ATI(IN 1)F IJÉNÉVENT.
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LXIY
.4?/ comte Antoine Pecci.à Home, — .rai roru voliv vhhva
lollrc du H couiaiil, ajuvs avoir passé (jiialie jours à
(A'praiio et dix à Naples. Mais, aprt'S le deuxiiMiie jour de
mon arrivée, j*ai payé à Bénévenl le Iriluit accoutumé, (|ui
consiste pour moi en une consli|)alion légère. Elle a |»our-
lant vite cessé, et ma santé est présentement bonne. Klc
Belle vent, 19 novembre 1840.
I* '
LXV
An comte Antoine Vccci, à Home, — A Tapproclic des
leles de Noël, je vous envoie, selon l'Iiahilude, des hoîles d(;
to)'ro)ii vi de "inostaccini {\m[hscr\Q'> anx amandes) qui foni
la renommée de lîénévenl. Trois de ces ])oîles portent les
adresses d'Antoine, de Jean-lîaptiste et de Cliailes, cl don
Philippe Salina; elles sont inscrites sous les numéros 103,
104 et 105. Je vous prie de les faire retirer, selon Tusage,
à la douane de la Viazza di Pietra. Vous enverrez par la
première occasion deux de ces boîtes à Tarpinetoet à Maenza,
et vous agréerez de ma part le numéro 105, du poids de
vingt livres. Je vous prie d'offrir de ces gâteaux à la famille
Muli, à qui je n'adresse pas d'envoi particulier, pour ne pas
multiplier les boîtes sans nécessité.
Acceptez en cette circonstance les bons souhaits de pros-
périté que je fais pour vous, et que Mme la marcpiise me
permettra d'étendre jusqu'à elle et jusqu'à sa famille. Etc....
Bénévenl, 10 décembre 18i0.
LXYI
An l'rrre Charles, à Cni'inneto. — ... Les nouvelles de
ma santé sont bonnes, malgré (juelque indisposition souf-
ferle duraiil la saison ligoureuse qlienous venons de passer.
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la fa. aile de la (allu'drale, à Bénévenl.
Avec ce mois de mars commence la quatrième année de ma
délégation à jjénévent. Sera-ce la dernière? Espérons-le!
Etc....
Ilénévenl, 5 mars 18 U
LXVll
Le comte Stanislas Sterbini à Mgr Joachim Pecci, —
... Ayant ainsi termine la première partie de mon message,
je me ilatte de l'espoir que votre Excellence, après avoir
i.)
^282
LA PRÉLATURE DE LÉON \[|I.
examiné mon rapport, le trouvera digne de son approba-
tion, non moinsquedecelle de rÉminentissime Pro-Trésorier
général à qui vous voudiez peut-être soumettre ces comptes.
Afin que vous puissiez vous faire quelque idée des dil'licultés
rencontrées à Bénévent et de ce qu'on y entend par douane,
il faut que je vous dise qu'un seul nom suffit pour y désigner
une foule de personnes ou de choses. Un vieil instituteur,
un chef et un sous-chef de finances et un garçon de bureau,
tel est le personnel de Tadminislration. Dix douaniers à
peine stipendiés veillent aux portes et sur les environs de la
ville, pour réprimer la contrebande. La perception n'est pas,
à proprement parler, douanière; c'est seulement une taxe
payable par tout étranger à la porte de la ville. Cette taxe
est proportionnelle aux divers modes de moyens de trans-
port; et il en ressort une nomenclature et un iml)roglio
dont on ne peut imaginer les pareils. Pour les impots, on
met en usage certains cahiers que l'on a[>pellerait des bulle-
tins, dit-on, mais qui n'y ressemblent que par un numéro
d'ordre*. Sur ces bulletins on indique seulement en chiffres
l'encaissement, sans y marquer nom de personne ni autre
J. Le bulletin de trnnsit ('bit libellé, à Bénévent, de la manière suivante
<iue nous reproduisons d'après une fiebe ori«nnale ;
^
i
^
^
^
DOGANA CAMERALE DI BENEVENÏO
.^. A di ,84
Ha pagato
per
transitât
// Rcgolatore
,*;^mm,rp^gmm^mkm
•—'»
<
LA DÉLÉGATION DE RÉNÉVENT.
285
litre. Chacun d'eux porte quatre numéros à talon et souche.
On détache le talon qu'on appelle nizzo et qui sert de
transit au contribuable quand il passe devant les postes
de surveillance. Toute la garantie de pareils bulletins réside
dans le timbre de la douane. Mais cette douane^ tout le
monde, à mon su, en fait partie.
liCS receveurs sont de quatre ordres, selon l'importance
des encaissements qu'ils font. J'en ai découvert même un
cinquième; et c'est tout sim|)lement un prêtre que commis-
sionnc le percepteur et qui se rend, la nuit, à domicile pour
mettre plus à l'aise le contribuable. Les tarifs sont aussi
ridicules que surannés; j'ajoute qu'ils sont inapplicables,
parce qu'ils varient selon les circonstances, de la plus arbi-
traire fa(^*on. La commune, par l'intermédiaire de la douane,
encaisse un carlin, par passage de voiture; cette monnaie du
royaume de Naples correspond à huit baiocs. Les gardes
ont toute faculté de recevoir l'argent des passagers; cet
encaissement n'a de sanction que sur les feuilles de répar-
tition, et la monnaie est reçue dans un tronc placé en cha-
cun de ces postes de finances que les gens du pays appellent
des baraques. Pour conclure, je dirai que j'ai vu régner
partout le désordre, et qu'il n'y a encore aucun moyen de
contrôle possible, tant la contrebande est facile et sauve de
toute immunité*.
Je termine celte lettre en vous apprenant que je vaque
présentement, non seulement à la rédaction de l'inventaire
des divers objets concernant mon administration, mais, etc.
liénôvont, février 18 il.
1. Au secrétaire du substitut de l'État Pontifical, le comte Sterbini dit dans
une autre lettre : Concludero che il sistema è regolato darhocchissimameme.
Et c'est un mot charmant, pour celui de baïoc qu'il rappelle dans un État où
celte monnaie de pourboire faisait miracles d'indulgence, entre contrebandiers
et carabiniers.
wxz^trw/r':
281 LA PRÉLATURE DE LÉON XIIL
LXVIII
Mgr Joachim Pecci au frère Jean-Baptiste, à Rome, — Je
vous laisse à penser dans quels nombreux embarras je me
trouve, à la suite de cet inespéré événement de ma nomi-
nation à la Délégation de SpollHe. Dans le nombre des
lettres reçues par la poste de dimanche, j*en ai trouvé une
de vous, qui m*est très chère et oîi vous m'avisez de votre
séjour dans la capitale. Je désire vous retrouver là-bas
quand je passerai par Rome; mais je ne peux rien encore
vous préciser sur ce prochain voyage. Il faudra que j'attende
ici mon successeur, à moins que je ne reçoive de Rome l'in-
vitation particulière d'avoir à me rendre d'urgence à mon
poste nouveau.
Bénévcnt, 15 juin 184L
LXIX
*
Au frère Charles, à Rome. — Voici la confirmation que
je vous annonçais au cours d'un de ces derniers mois, c'est-
à-dire mon changement. J'espère que vous vous en réjouirez,
pour ma fortune personnelle et pour le désir que vous
m'avez toujours manifesté de me voir passer en un pays oîi
l'air serait plus favorable à mon tempérament. J'entends
dire qu'à Spolète on respire un air pur de montagne, et
que le séjour de Terni est des plus cléments pendant les
mois d'hiver.... C'est avec plaisir que j'apprends votre
passage à Rome. Je ne peux pas vous dire encore à quelle
date j'y passerai aussi; cela dépend de l'arrivée de mon
successeur à Bénévent.
Bénévent, 16 juin 18 il.
LA DÉLÉGATION DE BÉNÉVENT.
285
LXX
Au frère Jean-Baptiste, à Rome. — Je réponds à votre
lettre, qui m'est arrivée par le courrier d'hier soir. Mgr Mella
m'a écrit qu'il partira de Rome, vers la première semaine
de juillet ; je pense donc qu'il sera à Bénévent, vers le 20 de
ce mois. Si cette prévision se vérifiait, je quitterais cette
ville, vers le 15. Je prendrais par la route de San-Germano.
Je m'arrêterais un jour à Frosinone, pour répondre à la
gracieuse invitation que m'adresse en cette circonstance
Mj^r Orlandini, et mieux encore pour me faciliter une entre-
vue avec le président du tribunal de cette ville, M. Piergen-
lili, originaire de Spolète.
Je ferai ce voyage dans ma propre voiture et avec des
chevaux de louage. Mes chevaux à moi, — que je n'ai pas
réussi à vendre à Mgr Arborio, — feront, comme ils étaient
venus, ce voyage de retour par petites journées. Les gens de
service qui m'accompagneront seront au nombre de trois,
c'est-à-dire le camérier et deux serviteurs. Les bagages
auront pour escorte l'ordonnance et un soldat de cavalerie,
qui ont toute ma confiance.
11 serait bon qu'à Frosinone vous préveniez quelqu'un de
votre connaissance et qui soit votre ami, pour qu'il y reçoive
les deux serviteurs et qu'il en épargne cet embarras à
Mgr Orlandini.
C'est tout.
Bénévent, 25 juin 1841.
LXXI
Au frère Jean-Baptiste, à Rome. — En réponse à votre
lettre du oO juin, je peux vous apprendre que Mgr Mella
286
LA PRÊLATURE DE LÉON XIII.
sera h Bénévcnt vers le 10 courant, selon Tavis qu'il m'en
a donné par lettre. En ce cas, je compte être à Home vers le
20, en partant d*ici vers le 15.
J'ai reçu de la Trésorerie fçénérale les dispositions que j'en
attendais, et pour lesquelles je vous avais déjà prié d'aller
presser M. Sterbini. Celui-ci m'exprime le regret de n'être
pas mon hôte en sa propre maison, pendant mon séjour à
Rome ; mais j'ai du l'en remercier, ayant là-bas maison
ouverte chez mon oncle et mes frères.
Je ne puis croire l)ien fondé le bruit qui court, dites-vous,
de ma destination pour Pérouse et non pour Spolete. Ce
transfèrement ne me semble pas régulier, et je n'estime pas
qu'il soit proportionné à mes forces. Néanmoins, avertissez-
moi si ce bruit prend consistance et fondement de véiité.
Etc....
Bonôvcnt, 0 juillet Î8il.
LXXII
Au frère Jean-Baptiste, à Rome. — Si, comme il le
semble, Mgr Mella arrive à Bénévent dans le courant de cette
semaine, (et lui-même, après les dernières lettres que je lui
ai écrites, a résolu aussitôt de hâter son voyage), je me met-
trai en route aux premiers jours de la semaine prochaine,
c'est-à-dire au plus tard après les deux ou trois jours f[ue je
lui aurai donnés, pour compagnie. Cependant il m'écrit
qu'il fera, lui aussi, son voyage par petites journées. De la
sorte, je ne serai peut-être à Home que vers le 25 courant.
Je regrette de n'avoir pu me trouver là bas, pour la pro-
motion au cardinalat de Mgr lielli; mais je ne doute pas que
le porporatQ et les bons provinciaux qui auront pu remar-
quer mon absence n'en aient connu par vous les motifs
LA DÉLÉGATION DE RÉNÉVE.NT. iiS?
raisonnables pour lesquels, malgré moi, j'étais tenu loin
de Home. J'ai écrit au cardinal, comme le devoir me
le commandait.
S'il y a des auberges à Frosinone, j'y logerai mes serviteurs.
Je connaissais déjà l'exiguïté de la résidence du délégat;
je crois cependant que Mgr Oïlandini me recevra à la Rocca
Le tloilre de Saiiil-Juvrnal, à Bénévcnt.
OÙ j'apprends tju'il s'est rendu; et ce sera précisément le
jour de Saint-Silvère.
Bénévcnt, 14 juillet 18 il.
I I
LXXIII
Ah frire Jean-Baptiste, à Borne, — Mgr Mella est arrivé
ici vendredi dernier, à une heure de nuit. J'avais résolu de
quitter Bénévent demain, 19 ; mais je ne partirai que le 20,
c'est-à-dire mardi, parce que nous attendons pour demain
le cardinal-archevêque à qui je dois raisonnablement pré-
senter mes hommages, comme je vous l'ai écrit. Je voyagerai
1
t
\
'/;
28(î
LA l'fiKLATUUK DK LKON Mil.
sera h Rénéveiil vers le 10 eomnnt, selon l'nvis (m'il lîi'eii
a donné par lelliv. Kn ce cas, je compte èlre à Konie vers le
!2(1, en parlant d'ici vers le 15.
J'ai lecu de la Tiésoieiie <»énéinle les dispositions «pie j'en
attendais, et ponr lesrpielles je vous avais déjà i)rié d'jiller
presser M. Steihini. Celui-ci m'exprime le re^iet de n'être
pas mon hôte en sa propre maison, |>end.'mt mon séjour a
liome ; mais i'iii du Ten remercier, avant là-has maison
ouverte chez mon oncle et mes IVères.
.le ne [mis croire hien Ibndé le hruit (pii court, dites-vous,
de ma destination pour Pérouse et non pour Spolete. Ce
Iransièrement ne me semide pas régulier, et j(» n'estiiiie pas
qu'il soit pi'oportionné à mes loi'ces. iNéanmoins, avertissez-
moi si ce l)ruit prend consistance et fondement de vérité.
E(c —
{{(•ncvciit, (> juillol ISil.
LWII
Au frère Jcan-Baptiislc, à Rome. — Si, comme il le
semhle,iMgr Mella arrive à Hénévent dans le courant de cette
semaine, (et lui-même, après les dernières lettres que j(; lui
ai écrites, a résolu aussitôt de hâter son voyage), je me met-
trai en route aux j)remiers jours de la semaine prochaine,
c/est-à-dire au plus lard après les deux ou trois jouis que je
lui aurai donnés, pour compagnie. Cependant il m'éciil
qu'il fera, lui aussi, son voyage par petites jouinées. De la
sorte, je ne serai peut-être à Home que vers le io courant.
Je regrette de n'avcdr |)U me trouver la bas, pour la pi'o-
molion au cardinalat de Mgr iîelli; mais je ne doute pas que
le porporfffo et les bons provinciaux qui auronl pu remar-
quer mon absence n'en aient connu par vous les motifs
LA iM':M'(iA'noN i)i: UK>Kvi^.\'r.
'JS7
raisonnables pour lesquels, malgré moi, j'étais tenu loin
de liome. J'ai écrit au cardinal, comme le devoir me
le ccnnmandait.
S'il y a des auberges à Frosinone,j'y logerai mes serviteuis.
Je connaissais déjà l'exiguïté d(,' la résidence du délégat;
je crois cependant (pje My:\' Orlandini me recevra à la Piocca
Le cluili-,' (le Sjiiiil-Juvriial, à liriirvciil.
(u'i j'apprends (ju'il s'est rendu; et ce sera précisément le
jour de Saint-Silvi'ie.
Bcncveiil. It juillet I8il.
LXXIII
An frvre Jean-Baplisic, à Borne. — Mgr Mella est arrivé
ici vendredi dcM-nier. à une heure de nuit. J'avais résolu de
quitter Hénévent demain, 19 ; mais je ne partirai que le '20,
c'est-à-dire mardi, parce (pie nous attendons pour demain
le cardinal-arclievé(jue à (pii je dois raisonnablement pré-
senter mes hommages, comme je vous l'ai écrit. Je voyagerai
,(
'1,
288
LA PRÉLATIJRE DE LÉON XIIL
par petites étapes et avec toutes les commodités possibles,
car nous voici sous les ardeurs de la canicule... Aujour-
d'hui encore le bruit de ma destination à Pérouse est géné-
ral. De nombreuses personnes m'en ont écrit avec des
paroles de certitude. Je suis étonné et confus de cette nou-
velle preuve de souveraine bienveillance. Au reste, je n'en
ai jusqu'à cette heure aucune notification officielle.
Bénévent, 18 juillet 1841.
Il
LA DÉLÉGATION DE PÉROUSE
i).
LXXIV
Au frère Jean-Baptiste, à Rome. — Je vous écris de Fro-
sinone, où je suis heureusement arrivé ce matin. Demain,
samedi, je serai à Rome vers la troisième ou la quatrième
heure de nuit; car j'ai décidé que je partirai de Valmontone
demain, après la vingt et unième heure. Je vous embrasse
;i la haie.
Frosinonc, 23 juillet 1841.
SoMMAinE. — Chez rami Milella (LWV-IAXVII). — Premières impressions de
i'érouse et réception de (Irégoire XVI (LXXVIll). — Le portrait de Mgr Pecci
commandé (LXXIX). — L'envoi des pi(/noccate et la villégiature deMagliano
di Sabina (LXXX-LXXXIII). — In pèlerinage à Assise (LXXIV-LXXXVI). —
Connnent Mgr Pecci travaille à Pérouse (LXXXVll). — Rappel à Rome et
bruits de nonciature (LXXXVIll-XCl). — Nonce et archevêque (XCIl-XCVI).
— Il y a promesse de mariage (XCVII-C). — Trois sièges, trois victoires (Cl).
— Les félicitations (GlI-CVll). — Pérouse dit, non pas adieu, mais au revoir
(CVIII-CXIH).
LXXV
Au frère Jean-Baptiste., à Borne. — Je suis arrivé à llieti,
vers une heure de nuit. A Corese, je m'étais arrêté cinq
heures, soit de la treizième à la dix-huitième. La roule de
Corese à llieti est horrible à ce point que, pendant un trajet
de vingt-huit milles, on ne traverse que gorges eflVayamment
escarpées, avec moulées et descentes vertigineuses. Je suis
arrivé jusque-là, le corps bien un peu ballotté, mais la santé
pourtant bonne. Demain, à la première heure, je serai au
bas de la côte des Marmore, et de là vite à Terni.
Mgr Milella salue affectueusement toute notre maison.
Ce soir, il y aura chez lui grande réception et rafraîchisse-
ments, pour fêter ma venue. Que d'embarras je cause ! Eté —
Ricti, 15 août 1841.
19
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LA PRÉLATURE DE LfiON XlII.
LXXVI
Au frère Jean-Baptiste, à Rome. — Deux lignes en cou-
rant, pour vous apprendre mon arrivée dans cette résidence,
hier soir, à VAce Maria. A part quelque fatigue, je n'ai
souffert de rien pendant ce voyage. Mgr Milella nous a
traités magnifiquement, au rwfresco qu'il nous a offeil, le
15 courant, avec le concours de toute la noblesse de Uieti.
Nous avons quitté cette ville, le matin du 16, et nous avons
admiré ensemble les fameuses chutes des Marmore près
Terni, où nous étions arrivés avant midi. Là encore, nous
étions les holes de Tévêque. Quand le soir est venu, Mgr Mi-
lella a pris la direction de Rieti, et moi celle de Spolèle.
Arrivé à Spolète, vers 1 heure 1/2 de nuit, j'en reparlais
vers la 12*" heure du lendemain matin. J'ai fait halte à Foli-
gno et au sanctuaire des Anges, sous Assise, où j'ai déjeuné;
et, le soir même, j'étais heureusement dans Pérouse,
J'y trouve beau climat, belles vues, belles routes et habi-
tants courtois. Je vous en dirai plus long quand, dans une
autre lettre, je pourrai vous écrire plus tranquillement.
Les premiers moments sont toujours des moments de confu-
sion.
l'ôrousc, 18 août 1841.
LXXVll
Au frère Charles, à Carpineto, — La semaine passée,
m'est parvenue une de vos lettres où vous m'exprimez la
satisfaction éprouvée par notre famille sur le très grand
honneur que j'ai eu à recevoir le Saint-Père dans ce palais
de la Délégation de Pérouse, et à accompagner Sa Sainteté,
LA DÉLKGATIO.N DE PÉROUSE.
291
un long bout de chemin, sur le territoire de cette province.
Dieu merci ! tout s'est bien passé, etc'est la récompense la
'^î
Les chutes des Marmore.
\
meilleuœ des nombreuses fatigues et combinaisons qu'il a
fallu dépenser en cette circonstance.... La santé se maintient
bonne. Je profite beaucoup du repos que, de temps en
(aKUMB^aasBOi
!
J
j
Il '
2l»0
LA PKKLATLRE DE LÉON Mil,
LXXM
Au frh'e Jean-Baptiste, à Home. — Dlmix lijiiies en cou-
nuil, pour vous apprendre mou arrivée clans celle résidence,
hier soir, à Y Ace Maria. A pari quelque rali|jiue, je n'ai
soufTert de rien pendant ce voya<ie. )[«ir Milella nou> a
traités ina<,^niliquenient, au ritffresco (ju'il nous a ollerl, le
io courani, avec le concours de lonle la noblesse de liieti.
Nous avons quille cette ville, le malin du 10, et nous avons
admiré ensemMe les fameuses chutes des Marmore près
Terni, où nous étions arrivés avanl midi, i^à encore, nous
étions les holes de Tévéque. Quand le soir est venu, MjJir Mi-
lella a pris la direction de Rieli, et moi celle de Spolète.
Arrivé à Spolète, vers 1 heure 1 '2 de nuil, j'en reparlais
vers la 12'^ heure du lendemain malin. Tai l'ail halte h F(di-
gno et au sanctuaire des Anges, sous Assise, où j'ai déjeuné;
cl, le soir même, j'étais heureusemenl dans IVrouse,
J'y trouve l)eau climat, ])elles vues, helles loules et halu-
lanls courtois. Je vous en dirai plus loni» quand, dans une
aulre lettre, je pouriai vous écrire plus Irancpiillemeiil.
I.es premiers monu'uts sont toujours des momenls de conl'ii-
sion.
PiM-oiiso, IS août ISil.
LXXVll
Au frère Charlea, à Carpineto. — La semaine passée,
m'est parvenue une de vos lettres où vous m'exprimez la
satisfaction éprouvée par noire famille sur le très grand
honneur que j'ai eu à recevoir le Saint-Père dans ce palais
de la Délégation de Pérouse, et à accompagner Sa Sainteté,
"^i-'ïrs^aj'** jk .yijÇi Pi
^^^m^^m
LA DKLKr.ATlUN DK PÉIIOISE.
291
un long bout de chemin, sur le territoire de celle province.
Dieu merci ! tout s'est bien passé, et c'est la récompense la
I ' !
Los chutes «les Mnrmore.
meilleure des nombreuses fatigues et combinaisons qu'il a
fallu dépenser en cette circonstance.... La santé se maintient
bonne. Je profite beaucoup du repos que, de temps en
292
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII.
temps, je vais prendre dans ces villas de Pérouse où l'on
jouit d'une vue magnifique, sur la vallée de TOmbrie. J'ai
séjourné à Monte Mcllino et à Monte Sperello qui est un
apanage de la maison de ce nom. Ces deux châteaux sont
situés au voisinage du ïrasimène.
Pérouse, 28 octobre 1811.
LXXVIII
Au frère Jean-Baptiste, à Maenza, — Depuis mon arri-
vée dans Pérouse, je ne vous ai plus écrit, tant ont été
extraordinaires les affaires qni m'y ont occupé. Vous aurez
eu cependant de mes nouvelles, de Carpinclo même où j'ai
écrit à la famille, vers les premiers jouis du mois courant.
Celles queje vous envoie aujourd'hui sont également bonnes,
eu égard aux tracas sans nombre que j'ai eu à supporter. Le
beau mois d'octobre, dont nous avons joui, a contribué pour
sa bonne part à mon bien-être. Je l'ai passé à visiter diveis
lieux de délices appartenant à des notables de Pérouse, et
j'ai séjourné plusieurs jours dans quelques-unes de leurs
villégiatures exquises.
A présent, il faut penser à l'hiver qui, sous le ciel pérou-
sien, a coutume d'être rigoureux et inclément. Les occupa-
tions de ma charge ont aussi besoin d'ordre et de méthode;
car elles sont excessives, proportionnellement à l'étendue
de la province.
Pérouse, 28 octobre 1841.
LXXIX
. . il,..
Au frère Charles, à Car pi neto, — Je ne sais si la Gazette
du Trasimène vous arrive ré^i^ulièreraent et si vous. aurez
LA DÉLÉGATlOiN DE PÉROUSE.
295
plaisir que l'envoi vous en soit continué. Faites-moi signe,
sur ce point.
Le climat de Pérouse est très sain, mais, comme il est
aussi très rigoureux, il faut y employer beaucoup de pré-
cautions pour conserver bonne sa santé. Celle-ci, malgré une
constipation légère dont j'ai souffert dernièrement, continue
à être satisfaisante. Dieu merci ! Quant à ma province, je
m'en déclare content.
Envoyez-moi les mesures de hauteur et de largeur du
tableau de Mgr Joseph Pecci. Elles me serviront pour un
autre tableau semblable, que je voudrais faire exécuter par
un valeureux artiste de Pérouse. Ce sera mon portrait, et je
l'enverrai à la famille.
Pérouse, 23 novembre 1841.
LXXX
Au frère Charles, à Carpineto. — ... Je vous retourne
les souhaits de prospérité tant spirituelle que temporelle,
que vous m'envoyez pour les prochaines fêtes de Noël. Par
la première occasion qui se présentera, j'expédierai à votre
adresse une boîte de pignoccate et d'ossa di morto. Ces
pâtisseries font la renommée de Pérouse. Les nouvelles de
ma santé sont bonnes. Je salue tout le monde et je me
redis, avec l'affection la plus cordiale et la plus fraternelle,
votre, etc.
Pérouse, 18 décembre 1841.
LXXXl
Au frère Charles, à Carpineto, — ... J'ai plaisir à
apprendre que les feuilles de notre Trasimène vous par-
■V ii. * *•■ ■
iOl
LA PRÉLATt l!E DE LÉOM XJII.
viennenl régulièrement. Vous avez ainsi l'occasion de con-
naître, de temps à autre, les nouvelles et les fêles de cette
province. Le numéro que je vous envoie aujourd'hui vous
apprendra l'état déplorable des choses religieuses en Espagne
et les prières qu'à cette intention le Souverain Pontife vient
de prescrire à l'Eglise universelle. En vous donnant sur ma
santé de bonnes nouvelles et en embrassant toute la famille,
je vous renouvelle en toute affection, etc.
Pérousc, 0 raais IXi'i.
LXXXII
Au frère Charles, à Carpineto. - iVi passé presque
tout le mois de mai dernier hors de ma résidence de
Pérouse, soit pour la visite que j'ai faite d'une partie 'de
celte province, soit pour les quelques jours que j'ai passés
aMagliano di Sabina où se trouvait lecardinal Lamhruschini
Secrétaire d'État. Pour ces divers motifs, il ne m'a pas été
facile de vous écrire et de continuer à vous envoyer, comme
précédemment, les numéros du Trasimène, Mais aujour-
d^hui je reprends mes expéditions, et je vous envoie en
môme temps cette lettre pour vous demander de vos nou-
velles et de celles de la famille. Les miennes, grâce à
Dieu ! sont bonnes, malgré les nombreuses aHliires qui
m'assaillent et que je vous laisse à imaginer.
Je vous envoie deux exemplaires du programme des fêtes
dont on m'a honoré à Todi, à l'occasion de ma dernière
visite en celte ville.
Pérouse, 3 juin I8i2.
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t.A MIKI.ATI IlE HE LfioN XIII.
vicnncnl iTguIi,".,vmcnl. Vous avez ainsi i-occasioii .le con-
"ailie, de temps à aiilre, les nouvelles et les fêles .le celle
province. Le numéro que je vous envoie aujour.n.ui vous
appi-enilia rélal.Iéi.loral.le.lesehoses ivligieusesen Espajrne
cl les pri.-.res .lu'à celle intenli.,n le Souverain l'..ulile vient
.le prescrire à l'Eglise universelle. En vous donnanl sur ma
santé (le lu.nnes nouvelles cl en eml.rassanl toute la lauiille,
je vous renouvelle eu toute allection, etc.
Pérouso, 0 mars KSl'J.
I.WXII
A>, frhr Charles, à Carpinrlo. - .Pai passé presque
lout I,. mois de mai ,l,.rnier hors .1.. ma ivsid.m.r de
l'énnise, soit p.mr la visite .p„. j'ai fait,, d'une partie de
celle province, s.,it pour I.- quel-pn-s jouis .p,e j'ai passés
aMagliano.liSahina,.ùseln.uvaill,.,-ar.linalLainiuuselii,ii
Secrétaire d'Elat. Pour ces divers nuMils, il ne m'a pas été
la.ile de vous écrire et de continuer à vous envover, comme
|'récé.lemmenl, les numén.s du Traùmme. Mais aiijour-
<rhui je reprends m.'s exp.'.,lilioiis, .^t je vous envoie en
uième temps cette lettre pour vous demander de vos nou-
velles el de celles de la famille. Les miennes, orâce à
l>icu ! sont liouiies, malgré les n..inl.reuscs alfaiivs ipii
m'assaillenl et que je vous laisse à imagin.T.
Je vous .■nvoie deux ex.Muplaires du programme des fêles
(ioul on m'a honoré à Todi, à l'occasion de ma .lernière
visite en cette ville.
IViouse, 5 juin 1812.
P
■3
■n
3
M
296
LA PRÉLATURE DE LÉON XllI.
LXXXllI
Au comte Antoine Pecci, à Rome. — Les imprimés que
vous recevrez en même temps que celle lettre, je pensais
vous les envoyer par une occasion particulière. Mais celle-ci
m'ayant fait défaut, je remets ces plis à la poste afin de n'en
pas trop retarder le départ. Ces papiers ont été imprimés à
Todi où des fêtes publiques ont eu lieu, en mon honneur,
h Toccasion des quelques jours que j'ai passés, dans celle
ville comprise dans la juridiction de ma province. Je m'y
suis rendu par Narni, après mon retour de Magliano où
j'étais allé complimenter l'Eminentissime Lamhruschini.
Ma santé est bonne, malgré les occupations de ma charge
qui ne me laisse presque aucun repos. Si j'en ai la per-
mission, au mois d'août, j'irai faire une cure aux bains de
Nocera parce que, par une heureuse combinaison, les
affaires de ma Délégation ne me presseront plus autant.
Donnez-moi de vos nouvelles et de celles de la fi\mille,
cl présentez mes respects à toute la maison Muli. En toute
affection je me redis votre, etc..
Pérou se, 4 juin 1842.
LXXXIV
Au frère Charles, à Carpineto, — Je reprends Texpédi-
lion des journaux que j'avais suspendue, pendant mon
absence de Pérouse. J'ai passé presque tout un mois, soit
aux bains de Nocera, soit aux fêtes du pardon d'Assise, soit
en divers autres lieux. Des eaux de Nocera, j'ai retiré pour
ma santé quelque avantage, et des fêles d'Assise un sujet
d'édification due au grand concours des pèlerins et aux
.•luéi
m)
LA PHKLATIKE DE LÉON XIII.
LXXXIII
Au comte Antoine Pecci, à Uome. — Les imjuiniés (|iie
vous receviez en même temps que celle lellre, je pensais
vous les envoyer pai' une occasi(ui particulière. Mais c(»lle-ci
m'ayant fait défaul, je remets ces plis à la |)oste afin <le n'en
[)as ti'oj) relaider le tiépail. Ces papiers ont été imprimés à
Todi où (les l'êtes publiques ont eu lieu, en mon InMiniUir,
à Toccasion des (juel(|ues jours cpie j'ai passés, dans celle
ville com|)rise dans la juridiclion de ma province. Je m'y
suis rendu par Narni, après mon retoui- de Magliano (»ù
j'étais allé complimenter rKminenlissime Lambruschini.
Ma santé est lumne, mal^-ié les occupations de ma char«ie
qui ne me laisse presque aucun repos. Si j'en ai la [per-
mission, au mois d'août, j'irai l'aircî une cure aux hains de
Noceia [)arce que, par une heureuse coml)inaison, les
affaires de ma Délégalion ne me |)resseront plus aulaiil.
Donnez-moi de vos nouvelles et de celles de la famille,
et présentez mes respects à toute la maison Muli. Kn loule
afTection je me redis votre, etc..
Pérolisc, 4 juin 1842.
LWXIV
An frère Charles, à Carpineto. — Je reprends l'expédi-
tion des journaux que j'avais susj>endue, pendant mon
absence de Pérouse. J'ai passé presque tout un mois, soit
aux hains de Nocera, soit aux fêtes du pardon dWssise, soit
en divers autres lieux. Des eaux de Nocera, j'ai retiré pour
ma santé quelque avantage, et des fêtes d'Assise un sujet
d'édificalion due au grand concours des pèlerins et aux
(i
i!
4.
LA DÉLÉGATION DE l'ÉKUUSE.
U7
r
manifestations sympathiques que m*a faites cette séraphique
cité.
Donnez-moi des nouvelles de Garpineto ; elles ne peuvent
pas ne point m*intéresser. Ici, en Ombrie, les récoltes de
blé et d'huile ont été très abondantes, et l'exportation de ces
produits s'est faite du côté de Livourne et d'Ancône. Avez-
vous aussi réalisé là-bas pareille abondance? Je suis sans
nouvelles de Jean-Baplisle, depuis plusieurs mois; et j'en
désire, en espérant qu'elles sont bonnes.
A la haie, je vous renouvelle mes sentiments de constante
alTeetion fraternelle avec laquelle je suis, etc..
Porousc, 11 juillet 18W,
f ,'■.
\.-^
LXXXV
A M. Bertiy à Pérome. — La fête de ce jour s'est passée
dans un ordre et un calme parfaits, nonobstant l'affluence
énorme des pèlerins; et, de l'avis de ceux qui ont pu com-
parer celle-ci aux précédentes, elle a même été supérieure
aux fêles des années passées. Suivant l'habitude, les tapa-
geurs paysans du pays s'y sont fait remarquer avec leurs
mains jointes et levées au ciel. Ils s'avançaient, se frappaient
la poitrine, passaient et repassaient par bandes devant la
sainte chapelle. C'est un spectacle qui a son côté burlesque
et grossier, mais (jui pourtant émeut quiconque réfléchit
à la foi vive et sincère qui amène ces foules des points
extrêmes de l'Ombrie, et qui leur fait prendre ces poses et
pousser ces clameurs au bout desquelles est, pour eux,
l'indulgence gagnée et le pardon obtenu»
Sainte-Marie des Anges, 1" août 1842.
vil
■ii^:* -^ S.
-^^•-•teu.aimXiati.t
298
LA PHKLATURE I)K LKQN Mil.
LXXXVI
*
Au frère Jean-Boplhle, à Macnza. - Voilà plusieurs
mois que je n'ai, ni lellres, ni nouvelles. Je pense qu'il n'y
Sailli Fraiiiois, sur la Place de la (jillic.lrale, à Assij.'.
(D'après Giuvaiiiii Duprc.)
a de raison à ce manque que vos occupations, bien que
celles-ci ne soient ni si nombreuses, ni si continuelles
LA DÉLklGAlION DE l'ÉROlSE. 2fl9
qu'elles vous excusent de me priver si longtemps de vous
lire. Je n'en dirai pas de même de moi, malgré ma bonne
volonté....
Pendant les mois derniers j'ai visité une grande partie de
celle vaste province. Des gorges du Fossalo, par la route de
Fabbrianese, je suis allé jusqu'au lac Trasimène et aux
Façade (Je Saiiilc-Maiie-iles-Aiiô^cs.
(•onlins de la Toscane. Ensuite, au mois de juin, j'ai du
faire une cure d'eau à Nocera, au grand avantage de ma
santé. Le 1" août courant, j'ai présidé les solennités du
pardon d'Assise, au sanctuaire de Sainte-Marie-des-Anges,
En général, je suis très content de cette province où je me
trouve depuis déjà un an.
Je désire recevoir bientôt une de vos chères lettres et je
vous renouvelle, avec mon affection constante, etc.
Térouse, 12 août 1842.
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LA PHKLATL'UK I)i: LKO.N \ill.
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ÂH frire Jean-Ba/nlste, à Maniza. — Voilà plusicniis
mois que je n'ai, ni Jellres, ni nouvelles. Je pense (|u'il n^y
SainI IVaiirois. sur l.-i VUur «le hi CallMMlnilr. à A^^i..■.
l>'.'i|>ri's Gioviiiiiii Duprè.;
(le niison à co manque (|i.c vos (Kciipaliciis, bien que
Jlles-ci ne soient ni si noniliieus..s. ni si conlinuelles
a (1
ce
LA llÉI,KGATIO.\ liK l'KROLSE.
2!lit
qu'elles vous excusent de me i.iiver si longtemps de vous
lire. Je n'en dirai j.as de même de moi, malgré ma bonne
volonté
Pendant les mois derniers j'ai visité une grande partie de
cette vaste province. Des gorges du Fossalo, par la route de
l'aidiriancse, je suis allé jusqu'au lac Trasimène et aux
Façade de SaiMl('-Mai-ic-ilL's-Aii.;t's.
eonlins de la Toscane. Ensuite, nu mois de juin, j^d du
faire une cure d'eau à .Noceia, au grand avanlage de ma
sanlé. Le J" août courant, j'ai présidé les solennités du
pardon (KAssise, au sanctuaire de Sainle-Marie-des-Anges.
En général, je suis 1res coulent de celte province où je me
trouve depuis déjà un an.
Je désire recevoir I)ientot une de vos clières lettres et je
vous renouvelle, avec mon affection constante, etc.
rérouso, 12 août 184'2.
^^Qnr^
500
LA PRÉLATLIU: DE LÉON XIIL
LXXXVII
A la sœur Catherine Lolli, à Ferentino, — Depuis long-
temps, je désirais vous écrire ; mîus, dans celle vie deconli-
nuelles affaires que je suis obligé de mener, il ne m'arrive
presque jamais de pouvoir réaliser mes résolulions les meil-
leures. Ici, je ne reçois pas moins de trois courriers par
jour, et les paquets en sont ordinairement si volumineux
que vous pouvez bien compter, dans Tespace d'une semaine,
un millier environ de lettres reçues ou envoyées. Je ne vous
parle pas de toutes les autres occupations que m'impose ma
charge; elles sont si nombreuses, qu'elles absorbent les
meilleures heures du jour. Quand le travail cesse, la fatigue
se fait sentir; et plutôt que de vaquer à des occupations
nouvelles, je ne sens plus que le besoin de la tranquillité el
du repos.
Péroi:sc, 10 srulcmltrt' I8i2.
LXXXVllI
An frère Charles, à Carpineto, — Je vous écris de Rome
où je suis arrivé, lundi dernier, appelé là par le Cardinal
Secrétaire d'Etat. Cette convocation a pour objet de pressentir
mes intentions sur la Nonciature apostolique de Belgique,
la volonté de notre très bienfaisant Souverain m'ayant déjà
destiné à ce poste. Quelle impression a produite sur moi
celte nouvelle! Comme elle continue à m'émouvoir, je suis
incapable de vous la traduire.
Je me hâte de vous en donner la notification officielle,
pensant faire ainsi chose qui vous sera agréable, et croyani
que toute la famille participera à la même allégresse, à l'an-
■-«fî^i
-■*=■► ■"■«FTçrK-
LA DÉLÉGATION DE PÉROLSE.
301
nonce d'une telle nouvelle. Oh! si seulement nos bons
parents vivaient encore ! Je ne peux y penser sans sentir
Intérieur de Sainle-Marie-dvis-Aiiges.
intérieurement se déchirer mon cœur. Je vous attends à
Romepour la consécration épiscopale qui aura lieu, en février
prochain. Elle sera faite par l'Éminentissime Lambrus-
chini. Le titre qui me sera conféré sera celui d'Archevêque
3
^
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LA l'HKLATniK \)K LKON \HI,
LWXVII
LA DKLKGATION DE l'KUOLSK.
501
A la sœur Catherine Lolli, à Verentino, — Dopiiis lon^r-
lemps, je désirais vous écrire; mais, dans celle vie ileconli-
iiuelles aiïaires que je suis ol)li«'é tie meuer, il ne m'anivc
presque jamais de pouvoir réaliser mes résolutions les meil-
leures. Ici, je ne rei;ois pas moins de Irois courriers pai-
j(Mir, et les pa(|uets en sont ordinairement si volumineux
que vous pouvez bien compter, dans l'espace d'une semaine,
un millier environ de lettres reçues ou envoyées. Je ne vous
parle pas de toutes les autres occupations que m'impose ma
charge; elles sont si nombreuses, qu'elles abscubenl les
meilleures heures du joui*. Ouand le travail cesse, la fatiffue
se fait sentir; et plutôt (pie de va(juer à des occupations
nouvelles, je ne sens plus que le besoin de la trainpiillité et
du l'epos.
LXXXMII
Aa frèrr Charles, à Carpinelo, — Je vous écris de Home
où je suis arrivé, lundi dernier, a|)pelé là par le Cardinal
Secrétaire d'Etal. Cette convocation a pour (dqel de pressentii
mes intentions sur la Nonciature apost(di(|ue de Helgi(|ue,
la volonté de notre très bienlaisant Souveiain m'ayant déjà
destiné à ce poste. Ouelle impression a pioduite sur ukm
celte nouvelle! Comme elle continue à m'émouvoii', je suis
incapable de vous la traduire.
Je me hâte de vous en donner la n(>tilicalion olUcielle,
pensant l'aire ainsi chose qui vous seia agréable, el croyant
que toute la famille participera à la même allégresse, à l'an-
nonce d'une telle nouvelle. Oh! si seulement nos bons
paients vivaient encore! Je ne peux y penser sans sentir
r
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Inlc'ricur dr S.iiiilo-M.ir'n'-d.'j-Aiipps.
intérieurement se déchirer mon cœur. Je vous attends à
Uome|)Our la consécration épiscopale qui aura lieu, en février
prochain. Elle sera faite par l'Eminentissime Lambrus-
chini. Le litre qui me sera conféré sera celui d'Archevêque
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mmm
502
LA PRÉLATURE DE LÉO.N XIII.
de Damielle. A u mois de mars, je partirai pour la Belgi(|ue.
Faites à mon égard tout ce que vous dicteront vo'lre cœur
et la solennité de la circonstance.
Avec le désir de vous embrasser bientôt, je me redis en
toute affection votre, etc.
Rome, 12 janvier I8i5.
LA DÉLÉGATION UE PÉROLSE.
305
LXXXIX
 Sou Eminence le cardinal Btmi, archevêque de Béné-
venl. — L'affection vraiment paternelle, dont Votre Emi-
nence révérendissime a daigné toujours m'honorei-, exige
que je vous fasse part de tous les événements importants de
ma vie. A cette heure, il s'en présente un de très solennel
pour moi, et je me hâte de vous en donner communication.
Ainsi que Voire Eminence l'aura remarqué en suscription
de celte lettre, j'ai l'honneur de vous écrire de Rome. Appelé
ici en toute urgence par la volonté de notre Souverain, je
m'y transportai avant-hier avec la plus grande célérité. Ma
promotion nouvelle à la Nonciature de Belgique en était la
cause et j'en devais prendre notification de notre bien-aimé
Pontife. Ce poste, très estimé par les uns et très redouté par
les autres, me donne à réfféchir ; car je connais ma faiblesse,
en face de tant de devoirs auxquels cette charge m'appelle.'
Aussi celte mission ne sera pas un effet de présomption de
ma part, mais seulement une preuve d'obéissance au sou-
verain Pasteur et de soumission aux décrets mystérieux du
Ciel.
^ Mon séjour à Rome devant se prolonger quelques mois,
j'aurai toute facilité pour adresser à Votre Eminence d'autres
lettres dans lesquelles je me ferai un devoir de vous commu-
niquer d'autres r.ojvclles qui pourront avoir Irjil à la Non-
cialurj annoncée.
n
Abside de Saiiile-Marie-tles-Aiigcs.
En attendant, incliné pour le baisement de la sainte
pourpre, avec le plus profond respect je me confirme, etc.
Home, 12 janvic 18 J3.
-^;J.J
502
LA PHKLATURK DE LJ{0.\ XMI.
de Uamielte. Au mois de mars, je partirai pour la De|oi(jue....
Faites à mon égard tout ce que vous dicteront voUe cœur
et la solennité de la circonstance.
Avec le désir de vous embrasser bientôt, je me redis en
toute affection votre, etc.
ItoiDO, 12 janvier 18}.".
LXXXIX
 Son Eminence le canlinal Biissi, archerêqne dn Dnir-
reiit. — L'alfeclioii viaiment palenielle, donl Votre Emi-
nence révércndissimo a dai-né lo.ij(.iiis ni'lioi„„er, cxi-e
(|ue je vous fasse pari de U.us les évéïienienls imporlarKs "u-,
ma vie. A celle heure, il s'en présente un de très solennel
pour moi, et je me hâte de vous en donner communication.
Ainsi que Votre Eminence l'aura remarqué en suscripliou
de celle lettre, j'ai l'honneur de vous écrire de Rome. Appelé
ici en toute urgence par la v.donté de notre Souveraiu,jc
m'y transportai avant-hier avec la plus grande célérité. Ma
promotion nouvelle à la Nonciature de Bel-icjue en était la
cause et j'en devais prendre nolilicalion de notre hien-aimé
Ponlile. Ce poste, liés estimé par les uns et très redouté par
les autres, me donne à réiléchir; car je connais ma faihlcsse,
en hcc de tant de devoirs auxquels celle charge m'a|)pelle.
Aussi celle mission ne sera pas un ellet de présomption de
ma part, mais seulement une preuve d'obéissance au sou-
verain Pasteur et de soumission aux décrets mystérieux du
Ciel.
^ Mon séjour à Home devant se prolonger quelques mois,
j'aurai toute facilité pour adressera Votre Émînence d'autres
lettres dans lesquelles je me ferai un devoir de vous commu-
LA IIÉMvCAÏlON I)K l'KIlOLSK.
50j
iiiijuir d'autres i.o.ivellei qui pourront avoir Irait à la No:i-
cialiir.' annoncée.
(
Al)si<h' iW' Saiiilc-MîJrio-iies-Aiigos.
En attendant, incliné pour le baisement de la sainte
pourpre, avec le plus profond respect je me confirme, etc.
Ilonio, 12 janvio" 1813.
•mmmmmmmÊÊÊBSm
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i^-^ÊSUUSM
mm
504
LA PRÉLATURE DE LÉON XllI.
xc
A la Magistrature de Pérome. — Sa Béatitude, ayant
égard bien plus à la générosité de son ame paternelle qu'à
mon insignifiance, a daigné, dans sa bonté, me choisir
comme Nonce apostolique en Belgique. Pendant que je me
prépare à obéir aux ordres de mon Souverain vénéré, je
m'empresse d'en faire part à votre excellente Magistraluie
qui, m'ayant donné des preuves éclatantes de particulière
sympathie, ne sera pas, puis-je croire, indiiïérenle à cette
communication obligée.
Et en l'assurant que, malgré la distance, ma mémoire
conservera toujours le souvenir reconnaissant des membres
méritants qui la composent et qui, j'en ai l'espoir, garde-
ront ce même souvenir dans leurs âmes l)ien nées, je me
redis en particulière et alVectueuse estime, etc.
Rome, 12 janvier 184^.
XCI
Au frère Jean-Bapthte, à Maenza. — Comme vous vous
en apercevrez par la date de cette lettre, c'est de Rome que
je vous écris. Les appels supérieurs dont je vous parlais dans
ma dernière lettre se sont renouvelés, et j'ai été obligé de
quitter Pérouse en toute hâte. Arrivé à Rome, on m'a fait
part de la volonté de mon Souverain qui me destine à la
nonciature de Belgique.
Qu'en dites-vous?
Moi, je vous confesse que cette nouvelle, encore que très
agréable et très désirée par d'autres, a mis mon âme dans
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LA PRKLATURK DE LKON XIII.
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À la Mmiislvalnre de Pérouse, — Sa Dôaliluile, ayaiil
é«»ai'il bien plus à la générosilé de son aine paternelle qu'à
mon insigniliance, a (lai«j;né, dans sa honlé, me choisir
comme Nonce apostolique en l)el<»ique. IVndanl (juc je me
prépare à obéir aux oidres de mon Souverain vénéré, jr
m'empresse d'en faire |)arl à voire excellente Majjiislraluit'
qni, m'ayanl donné des |>reuves éclalanles de |)ai'liculière
svmpalhie, ne sera pas, |)uis-je croire, indilléienle à celle
communication obligée.
Et en l'assnranl «pie, malgré la dislauce, ma mémoire
conservera toujours le souvenir reconnaissant des mend^res
méritants (pii la composent et (|ui, j'en ai l'espoir, garde-
ront ce même sonvenir dans leurs âmes bien nées, je me
redis en particulière et allectueuse estime, etc.
Uomo, l'i janvier 18 i'.
XCl
Ail frère Jean-Bififtiste, à Maenza. — Comme vous vous
en apercevrez par la date de cette lellre, c'est de Rome <|ue
je vous écris. Les appels supérieurs dont je vous parlais dans
ma dernière lettre se sont renouvelés, et j'ai élé «ddigé de
quitter Pérouse en tonte hâte. Arrivé à Rome, on m'a lait
part de la volonté de mon Souverain cpii me destine à la
nonciature de Belgi([ue.
Qu'en dites-vous?
Moi, je vous confesse que cette nouvelle, encore que très
agréal)le et très désirée par d'autres, a mis mon àme dans
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LA PHÉLAtlUE DE LÉON XIII.
un grand embarras et je ne saurais vous exprimer avec des
paroles l'impression qu'elle a produite en moi.
Je serai préconisé au Consisloire du 27 courant, et TÉmi-
nentissime Lambruschini me consacrera arcbevéque de
Damielte, en février. Mon départ pour la Belgique aura lieu
dans le courant du mois de mars. Je vous attends à Uome,
et vile.
Piomo, I." janvier iSi'.
XCII
Le frère Charles à Mgr Joacliim PeccI, à lioiue. —
... Loin de nous les funèbres souvenirs, et réllécbissez
(jue toutes les grandes joies ressemblent aux grandes dou-
leurs. Si nos parents vivaient encore, eux qui avaient Tàmc
si sensible, ils en auraient éprouvé sans doute une commo-
tion violente qui eût été nuisible à leur santé.
Pendant que vous resterez à Rome, lacbez de vous divertir,
trétre tranquille et gai.
Carpincio, le 15 janvier ISi'.
XCIII
Le frère Jean-Baplisle à M(jr Jocuhnn Pecci, à Rome, —
Nonce et archevêque, voilà deux choses qui, pour les
digérer, requièrent un bon estomac. Les affaires de TEglise,
en Belgique, vont bien, je crois. Pourtant vous avez à
traiter avec un roi qui ne croit guère à ces choses'. J'aime-
l. Les Belges av;iient eu à choisir pour roi entre un jtrotesl:inf, le prinen
Léopoltl (le Siixe-Cobourg-(iolha, et un catholique le duc de Nemours, [ils de
Louis-Philippo. A une voix de majorité, celui-ci fui élu; mais le roi de France,
n'ayant pas obtenu poui' son fus Tunanimité des sudrages, crut devoir refuser
pour le duc de Nemours le trône de Belgique qui échut ainsi au prince Léopold.
LA DÉLÉGATION DE PÊUOUSE.
►07
rais assister à votre consécration. Si elle avait lieu dans
Téglise des Stigmates, je crois que les ossements de notre
mère et ceux de Mgr notre oncle tressailliraient de joie,
dans leur glaciale immobilité. .
Macnza, le 10 janvier 184!>.
XCIV
Le cardinal Rasai, archevêqae de Rénécent, à Mgr Joa-
chim Pecci, — I/affection que je porte à Votre Seigneurie
' I^ Via délia Conca, à Pérouse.
Illustrissime et Bévérendissime me faisait désirer de vos
nouvelles, et je regrettais de n*en pas avoir depuis long-
temps. Imaginez-vous avec quelle satisfaction j'ai reçu votre
lettre du 12 courant, par laquelle vous me faites part de la
nouvelle preuve dont vous honore la Clémence Souveraine,
en vous destinant à la Nonciature Apostolique du royaume
belge.
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LA ri{KLVTli;K l)K LKON XIII.
un grniul embnrras ol jr ne saurais vous exprim»'!- avec «les
paroles rinijnession (|u'elle a pi'otluile eu moi.
Je serai préconisé au Cousisloire du il couraul, cl l'Huii-
uenlissime Lanihruscliini me eonsacreia ai'clH'\é<|uo do
Damielle, en février. Mon dépait pour la lîoliiique aura lieu
dans le couranl du mois de mars. Je vous allends à Home,
et vite.
lîonio. 1." janvier ISi"».
XCII
Le frètr (Jlittrlrs à M(jr Joachha Peccl, à llmîc. —
... Loin de nous les lunMu'es souvenirs, ot réiléchissez
([ue toutes les giandes joies ressemldent aux i»randes dou-
leurs. Si nos parents vivaient eneoi'e, eux qui avaient l'àmc
si sensible, ils en auraiont é|)rouvé sans doulo une eommi»-
lion violente (|ui eut été iiuisilde à leur santé.
Pendant que vous resterez à Home, tachez de vou^ divertir,
d'être tranquille (H uai.
C:ujiiiic|m, |(; là jainicr ISi.".
XCill
Lr fri'ir Jran-lhiithslr â }f(jr Juarlfini Prni, à Vvnnr. —
INonce et archevêque, vcnlà deux choses (jui, pour les
di<^érer, lecjuii'rent un hini olomac. Les allaires di' rKiilise,
en r)el,ni(iue, vont hien, je crois. Pourtant vou*< avez à
Irailei' avec un Vi)\ qui ne cioit ^ui'ie à ces choses'. J'aime-
I. L»'s l»cl^f('s ;iv;ii('iil en ;*( clioi^ir pu:ii' roi ciilic liii |Hol('vl;iiil, je pi iiiri'
Lùopold (le S;i\('-C(tliour^-(lolJi;i, cl un cMllioliiiin' !«' duc yW Nt'nnuii'<, fils (!«'
L(Miis-IMiili|i|to. .V mir v«»ix de ni;ij(tiil(''. (('Iiii-ci fut ('lu; mais le loi «le Kraiirt'.
n'ayaul pas (>l»t«'?m jmuii- snii lils i'mianimilt' des snlïia^»'-;, criil devoir leriiser
|»owr le due de .Neniouis le Uôiie de llel^i([ue (|iii écliiil iiiii^i an («i itiee Léopold.
LA I>KLK(;ATI0N de VKllOLSK.
►07
rais assister à votre consécration. Si elle avait lieu dans
réalise des S'ijiuiates, je crois (|ue les ossements de notre
mère et ceux de M^ii* notre oncle tressailliraient de joie,
dans leur glaciale immobilité.
Mncn/a, \o I(i janvier 18i".
XCIY
Le rardliKfl llnssi, arclœrème de hènévenl, à Myr Joa-
ch'nn l^ecxi . — L'aiïivtion que je poite à A'otre Seigneurie
l,a Via délia Conta, à l'éronse.
usirissime et Piévércndissime me faisait désirer de vos
nouvelles, et je regrettais de n'en j)as avoir depuis long-
temps. Imaginez-vous avec (|uelle satisfaction j'ai reçu votre
lettre du h2 courant, j)ar lacjuelle vous me faites part de la
nouvidle preuve dont vous honore la Clémence Souveraine,
c;n vous destinant à la Nonciature Apostolique du loyaume
Ix'lge.
'/m»mm
508
LA l'RÉLATURE I)K LÉO> Mil.
La prévoyance du Gouvernement Pontifical répond ainsi a
la satisfaction {:é:iérale de tous cenx qui ont pu connaître
vos excellentes qualités, votre talent, votre prudence, dans
le maniement des affaires. Je m'en félicile de plus en plus,
et je vous sonliaite des hasards meilleurs encore et de pins
hautes ascensions, pour le hicn de rÉglise.
Vous trouverez à Bruxelles, si on y a conservé les anciens
papiers de la Nonciature, les mémoires du cardinal J. Balt.
Bussi, mon ancélFC qui, au commencement du dernier siècle,
fut envoyé Nonce apostolique ad tracium Uheni, selon l'ex-
pression usitée en ce temps-là par le Saint-Siège. Je ne sais
aujourd'hui quels sont les termes en vi^îneur. Mais je ne
doute pas que votre zèle mettra tout en œuvre, pour la plus
grande gloire de la religion catholique et pour le lustre du
Saint-Siège en celle contrée.
Je vous prie de ne pas ouhlier dans vos prières ce véri-
table serviteur et cet ami affectionné que vous avez en moi
et que vous pourrez honorer encore de vos commissions,
malgré d'aussi lointaines distances.
Je me confirme, de Votre Seigneurie Illustrissime et Révé-
rendissime, etc.
Bt'iu'vcnf, 18 janvier 1843.
xcv
M(jr Joachim Pecci à son Exe. Mgr Fornari, nonce à
Bruxelle.^. — Vous savez déjà, mon cher Seigneur, que
Sa Béatitude, par une excessive bonté, a daigné m'appeler à
votre succession dans cette Nonciature apostolique. Si, de
mon côté, je suis heureux de ce choix qui m'honore, je le
suis forcément davantage en pensant que le dignitaire que
LA DÉLÉGATION DE PÉROLSE.
509
j(î vais remplacer dans sa noble charge m'est, depuis long-
temps, uni par les liens de l'amitié. Je ne peux pas douter
de cette amitié, surtout à l'heure où elle me permet de
compter sur vos utiles conseils et vos lumières nécessaires
(jui me serviront de guide dans la difficile carrière où je
m'achemine. J'es-
père bien , mon
cher Seigneur, que
non seulement
vous aurez prévu
la prière que je
viens vous faire
par cette lettre et
par les autres que
je vous adresserai
dans la suite, mais
encore que vous
serez tout disposé
à y répondre....
Ce sera un plai-
sir bien doux et
bien cher pour
moi de vous em-
La porte de Cambio.
brasser encore et de renouer ensemble les choses pré-
sentes aux souvenirs passés. Mes désirs précipitent le
jour où j'aurai la fortune de vous revoir à Bruxelles,
bien que je sache que j'y jouirai peu de temps de votre
compagnie. Vous êtes, de votre côté, sollicité vers Paris; et
je vous ai complimenté de la nonciature qui vous attend
dans cette ville, par une lettre précédente que je vous
écrivis quand j'ignorais encore mon propre sort. J'espère
qu'avec vos lettres vous allez me rendre ce retard moins
r
„^i*
..^f^i^iéM-fc^S^
r>u8
LA PKÉLATIHE DK LKO.N Mil.
La prévoyance du (jouvernoiiieiit Puiitifical rq^md ain^l à
la salisl'aclion «.é.irrale iK' loiis ceux qui nul pu counaîln'
vos cxLMîllciiles qualités, voire lalcnU voliv prudoiuc, dans
le nianicnicnt dos alTaiios. Je m'iMi félicile de plus en plus,
et je vous souliaile des hasards meilleurs encore el de plus
hautes ascensions, poui' le hien de TKjilise.
A'mis trouverez à lîruxeHes, si on v a conservé les anciens
papieis de la Nonciatuie, les mémoires du cardinal J. I^nlt.
lîussi, mon ancêtre qui, au commencement du dernier siècle,
fut envoyé Nonce aposl(di(|ue (/^/ //7/c//n// Ulirnl, selon 1 ex-
piession usitée en ce temps-là pai' le Sainl-Sièi^e. Je ne sais
aujourd'hui quels sont les teinies en vigueur. Mais je ne
doute pas (jue votre zîde mettra tout en uMivie, \nnii la plus
friande lihdre de la lelij^ion catlndique et pour le lustre du
Sainl-Sièue en cette contrée.
Je vous ])rie de ne pas ouldier dans vos prières ce véri-
tahle sei'viteur et (ct ami alTectionné que vous avez en moi
et que vous pourrez honorer encore de vos commissi«»ns,
malgré d'aussi lointaines distances.
Je nn' c(uilii"me, de Votre Seigneurie Illustrissime et Révé-
rendissime, etc.
Hi'urvcnl, 18 jnrivioi- iSiî.
xcv
M(/r Joachlm Pecci à son Exe. Mijr Fonutri, nonce à
Bruxelles. — Vous savez déjà, mon cher Seigneui', (jue
Sa Béatitude, par une excessive lunité, a daigné m'a|)peler à
votre succession <lans cette Nonciature a])ostoli(|ue. Si, de
mon coté, je suis heureux de ce choix qui m'honoie, je le
suis forcément davantage en pensant que le dignitaire que
LA hKLKGATiON DE l»KH(MSE.
:m
j<; vais remplacer ilans sa n(d)le charge m'est, de[)uis long-
temps, uni par les liens de l'amitié. Je ne peux pas douter
de celle amitié, surtout à riieure où elle me permet de
com|)ler sur vos utiles conseils et vos lumières nécessaires
qui me serviront de guide dans la diflicile carrière où je
m'achemine. J'es-
père hien, iikhi
cher Seigneuj-, que
non seulement
vous aurez prévu
la prière que je
viens vous faire
par cette lettre et
par les autres (pie
je vous adresserai
dans la suile, mais
enc(ue (pie vous
serez tout disposé
à y rép(uidre....
Ce sera un plai-
sir hien doux et
hien cher pour
moi (le vous em-
hrasscr encore et de renouer ensemhle les choses pré-
sentes aux souvenirs pass(''s. Mes désirs précipitent le
jour où j'aurai la fortune de vous revoir à Bruxelles,
hien (jue je sache (pie j'y jouirai j)eu de lemps de votre
compagnie. Vous êtes, de votre cùié, sollicité vers Paris; et
je vous ai complimenté de la nonciature qui vous attend
dans cette ville, par une hUtre piécédenle que je vous
écrivis quand j'igiKu-ais encore mon propre sort. J'espère
(pi'avec vos lettres vous allez me rendre ce retard moins
La |>(M'l<' (ic Cainliio.
mm I l'i I »'ji«»._..jBu jn.w.m
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510
LA PRÉLATURK DE LKON XIII.
pénible. En attendant de les lire, je nie redis, en toute
estime et amitié, etc.
Rome, 14 janvier 1843.
XCVI
Mgr Fornari à son Exe. M(jr PeccI, à Rome. — Je ne
sais comment vous exprimer la joie vive et la vraie allé-
gresse que j*ai éprouvées, ce matin, en recevant votre
aimable lettre de Rome, en date du 14 courant. Je ne vous
dirai rien du récit que vous me faites, sur vos affaires el
votre position; car, ce matin même, j*ai reçu une dépécbe
de S. E. le Secrétaire d'Élat, me disant que le Saint-Père
s'est définitivement résolu à vous nommer Nonce aposto-
lique auprès de S. M. le Uoi des Belges; nouvelle (jui, ainsi
que j'ai répondu à Son Eminence, m'a rempli Tàme d'une
suave jocontlilé. Mon cher Seigneur, il ne pouvait èlre fait
lin meilleur choix que celui qu'a fait le Saint-Père en votre
personne; et, aujourd'hui même, je me charge de porter
celte heureuse nouvelle a la connaissance de M. le Ministre
des Affaires Etrangères qui, j'en suis sur, exultera de joie
quand il saura par ma bouche les qualités supéiieures qui
vous distinguent. Ecviral mon cher Seigneur. C'est Dieu
qui vous choisit pour que vous fassiez du bien dans ce
pays. Et vous en ferez beaucoup, et vous suppléerez à celui
que je n'ai pu y opérer, et vous remédierez aussi au mal
que ]\ aurai pu commettre. Vous en avez tous les moyens
et, le plus nécessaire de tous, la vertu qui malheureuse-
ment me fait défaut. Croyez bien que ce que je vous ai
dit, je le pense sincèrement et qu'en apprenant le choix
dont vous êtes le sujet, je n'ai pu m'enqiècher de m'é-
crier :
A
XA DÉLÉGATION DE PEROLSE.
511
— Béni soit Dieu, qui protège les Belges!
Pour aujourd'hui, je ne vous ennuierai pas davantage; et
je termine en me recommandant à vos prières et en me
confirmant, de tout mon cœur, etc.
RruxcUe?, 25 janvier 184".
XCVII
Mgr Joacltim Peccl à son frère Jean-Baptiste, à Maenza.
— ... Comme il me serait agréable de célébrer moi-
même votre mariage ! Ayant à m'éloigner de la famille, qui
sait pour combien d'années, je partirais plus content.
Assurément, il ne vous déplairait pas, non plus, de profiler
de cette occasion. Faites donc pour moi le plus que vous
pourrez, et je vous en serai reconnaissant*.
Les dépenses pour ma nomination à l'Archiépiscopat et à
la Nonciature ne seront certainement pas petites — Per-
mellez-moi de vous allendre pour les premiers jours de
février. La consécration n'aura pas lieu, puis-je croire,
avant le 10 du mois prochain. Pour ne pas me manquer à
moi-même dans le nouveau poste diplomatique et dans la
nouvelle mission qui me sont confiés, j'ai grand besoin de
l'aide du Seigneur à qui il faut d'abord promptement obéir.
Je me confie uniquement en son assistance.
Je vous embrasse et je reste, en toute cordialité, votre
frère bien affectueux, etc.
Rome, 17 janvier 1843.
1 . Mgr IVcci désirait marier son frère avec une charmante jeune pei'sonnc
d'Anagni, nièce du cardinal Delli.
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LA PRKLATinK DE LKON \IP,
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Au frère Charles, à Carpineto, — Je vous remercie de la
|)rom[)liliuIe avec laquelle vous m'avez remis les deux
extrails de bapleme et de confirmation. Il avait été impos-
sible de les retrouver aux archives du vicariat de Rome,
bien qu'ils y aient été présentés déjà deux fois pour les
Ordres Mineurs et pour la Préirise.
Au sujet du secrétaire que vous me proposez, je n'ai
aucune exceplion à faire et je retiens pour ferme que cette
personne devra être des mieux choisies. Vous conviendrez
cependant avec moi que, pour un choix pareil, il faut aller
jnano; d'autant mieux qu'en exigeant de ce sujet une
connaissance approfondie des disciplines ecclésiastiques,
il faudra lui demander beaucoup d'autres qualités même
extérieures, et autant que possible l'usage de la langue
française. Je ne vous cacherai pas que j'ai en vue une autre
personne, qui me semble réunir toutes ces qualités. C'est
un prêtre auquel, depuis quinze ans, je porte une grande
affection. Au reste, il est bon d'en avoir plusieurs en vue,
afin de choisir le meilleur. Aux noms déjà proposés nous
joindrons celui de l'abbé Roberti, votre protégé.
Saluez de ma part ma sœur Anne-Marie et tous les
nôtres. Je vous embrasse de tout cœur et je vous prie de
me croire en toute affection \otre, etc.
Rome, 22 janvier 1843.
XCIX •
La Rév. Mère Thérèse Cherubina de Jésm, abbesse de
Cori, à Mgr Joachim Pecci. à Rome. — Je me réjouis avec
en
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l\ VWÎAAÏWW: DK LKON \ ! | '.
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.J/< fràr Charles, à Cnr/iineto. — J^ vous romiMcic de In
(M'oin|>li(ii(le avoc IjHjiiclh' vous in'nvez roinis les deux
cxIrjMls (Ir Implèino el de couliinialiiui. Il avnil élé im|M>s-
silde de les reliouvei* aux arehives du vicariat de llouie,
hieu qu'ils y aioul «''lé jU(''S('ul(''s déjà «loux lois imur le-*
(h'dies Mineuis el pour la Prèlrise.
Au sujet du seerélaire que vous ino pnq)(»sez, je u'ai
aucuue exeepliou à l'aiie el je relieus \h)uv l'ei me que cette
persouue devra èlie des uiieux choisies. Vous couvieudre/.
cepeiulaut avec moi (|ue, pour iiu choix pareil, il i'aul aller
jiHinax d aulaut mieux «ju'eu exijicant de ce sujet uue
couuaissauce appridoiidie des disciplines ecclésiasli(|ues,
il faudra lui demaudei' heaucou|> d'aulres qualilés mémo
exlérieurc-^, et aulaut que |iossihle l'usage de la lan«:ue
française. Je ne vous cacheiai pas rpie j'ai en vue une aulre
personne, qui me semhie réunir loules ces qualilés. C'e>l
un prêtre auquel, depuis (piinze ans, je porle une «grande
alfectijui. Au resle, il esl Ikui d'en avoii' plusieurs en \\\i\
afin de choisir le meilleur. Aux noms déjà proposés nous
joindrons celui de Tahhé lîoherli, votre prolé^é.
Saluez de ma part ma sieur Anne-Maiie et tous les
maires, .le vous emhrasse de loul co-ui' el je vous prie de
me croire iMi lonlc affection votre, elc.
Home. 2*2 janvier 18 5".
XCiX •
La I\h\ Mère Thèrhe CherKhinn de Jésus^ abbesac de
Cori, à Mgr Joachhn Pecti. à liomr. — .le me réjouis avec
il
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r>i4
LA PRÉLATURK DE LÉON XIII.
VOUS de votre élévation a la dignité d'archevêque de
Ijamielle et de nonce en Belgique. Celte nouvelle m'a causé
une vraie consolation. Combien de grâces fait pleuvoir le
Seigneur sur votre personne! Que de bienfaits! Plus les
bienfaits de Dieu sont grands, plus grande aussi doit être
votre reconnaissance envers lui. Rapportez donc tous ces
honneurs à lui, car à lui seul est due toute gloire. Sans son
secours, nous ne pouvons rien. Et que sommes-nous en sa
présence? Ne tirez pas vanité des honneurs de ce monde;
ils s'évanouissent comme de la fumée, et vous en êtes
bien persuadé. Agissez en toute chose avec une intention
droite et pour la gloire de Dieu. Aimez-le, servez-le de
grand cœur, parce qu'il le mérite et aussi parce que c'est
votre intérêt personnel, et qu'ainsi vous vous amasserez un
beau capital pour la vie éternelle. Excusez ces quelques
mots que je vous écris, tels que me les dicte le sentiment
du bien que je vous veux. Aussi longtemps que le Sei-
gneur me conservera dans ce monde, je ne manquerai pas
un seul jour de vous recommander à lui. Faites de même, à
mon égard; et quebjuefois écrivez-moi. J'ai plaisir à vous
lire.
Je vous salue bien chèrement et, avec atTection je me
redis voire bien afTectueuse et bien dévouée tante
M. Thérèse Chéri bina de Jksus Sac, abbesse.
Cori, 2r» janvier 184'.
LA DÉLÉGATION DE PÉROl'SE.
515
aussi, je suis mandé ailleurs; et vous le savez déjà, puisque
voilà rendue publi(|ue ma nomination à la Nonciature Apos-
J\}
Mijr Joachim Pecci à Mgr Jérôme (T Andréa, Nonce Apos-
ioUqne à Lucerne, — Désormais, de vos montagnes, vous
ne m'envierez plus l'azur de notre ciel riant. Voilà que, moi
luU-ritMir du Duomo de Pûrousc.
lolique du Royaume Belge. Ainsi bientol, en soupirant,
(lirai-je adieu à Rome et au ciel italien, pour me rendre où
m'envoie la généreuse bénignité de notre commun Père et
•i'vr
'6
'14
LA PRÉLATlRt: l)K LÉON Mil.
vous ele votre élcvalion h la tlignilr <rairliev(M|m' (1<^
Jjamii'tle el de nonce en Uel^^iijue. Celle nnnvclle m'a eaiisi'
unr vraie consolaîion. Combien de jj^races fait plenvoir le
Seij^nenr sur voire personne! Que de hienCails! Plus les
hienfails de Dieu sont grands, plus grande aussi doit ètie
votre reconnaissance envers lui. lîapportez donc tous ces
honneurs à lui, car à lui seul est due t(Mile l'hure. Sans son
st'Cour>, nous ne pouvons rien. Kt (|ue >onunes-nous en sa
pré>ence? Xe tirez j)as vanilc des honneurs de ce monde;
il> s'rvanouissent comme de la fumée, el vous en êtes
hleii |K'rsuadé. Ajiissez en loule chose avec une inlenlion
droile et pour la «gloire de Dieu. Aimez-le, servez-le ch'
|:rand canir, parce ([u'il le méiite et aussi paice (jue c\>l
votre intérêt personnel, et «[u'ainsi vous vous amasserez un
beau capital pour la vie éternelle. Excusez ces (jueh[ucs
mois (pie je vous écris, tels (|ue me les dicte le senlimcnl
du hien (pu^ je vous veux. Aussi lonjitemps ([ue le Sei-
i:!icui' me conservera dans ce monde, je ne man(|uerai pa^
un M'ul jour de vous recommander à lui. Tailes de même, à
uKMi éiiard: el (piehpiefois écrivez-moi. J*ai plaisir à vous
lire.
Je NOUS salue hien chèremenl e(, avec afTeclimi je me
ivdi> voire hien alVecUuMise el hien dév(Uiée lanle
M. TuKUÈsE CiiKiu niNA i)K Jksis Sac, ahhcssc.
(lori, 2." jauvior IS4'.
M^jr Joachim Pecri à M<jr Jcrônie d' Andréa, I\onn* Àpos-
tidhpii* à Lucernr. — Désormais, de vos monlaune>, vous
ne m'envierez plus l'azur de notre ciel riant. Voilà <pie, moi
LA IH-LKCATKLN DE I^LIIOISK.
7) I r»
au»i, je suis mandé ailh'urs; et vous le savez déjà, puisque
Voilà l'enduc puhli(pie ma nominati(m à la Nonciature x\pos-
Inlrrit'iii' du Duoîho «le l'ri'<»usi'
. Il
loli(pie du Iioyaume Del^^e. Ainsi hienlô!, en smipiranl,
dirai-je adicMi à Dôme et au ciel italien, pour me rendre oii
m'envoie la «généreuse hénignilé de noln^ commun Dère et
' I,
fffmmmm''wm*fi
ïpîïfii^fi*^n9
NP»fr
■a«,iji
51U
LA PRÉLATLRE DE LÉON XIH.
Souverain. Devanl cet ordre bienfaisant, inattendu, ines-
péré, j'ai dii m'incliner avec d'autant plus de reconnais-
sance que je connaissais davantage mon indignité à remplir
un tel ministère. Me voilà donc votre confrère, dans Tarènc
glorieuse de notre religion. Mais quelles sont mes espé-
rances, et quelles sont les forces qui me permettront de les
réaliser? Mieux vaut ne pas penser à cette chose qui me
trouble, et croire que Celui qui a commencé l'œuvre
daignera l'accomplir. Je n'ai à espérer qu'en Lui.
Même en épiscopat, je me trouve au voisinage de l'excel-
lent Sinibaldi; car il est patriarche de Constanlinople, et je
suis évêque de Damiette. Mais, malgré ce voisinage de nos
deux diocèses, il ne viendra pas vers moi, et je n'irai pas
vers lui.
Je saluerai pour vous, à Bruxelles, mon prédécesseur et
notre commun maître, Mgr Fornari, que je reverrai avec le
plus sensible plaisir et non sans grande utilité |)our moi ;
car je me promets bien de demander à sa sagesse et à son
expérience de profitables avis.
J'espère que vous ne me laisserez pas longtemps privé de
vos lettres, quand je serai en possession de mon poste. Loiji
des miens, de mes amis, je serais bien à plaindre si je
n'avais plus de leurs nouvelles. Les lettres les plus cordiales
qu'en cette circonstance j'ai reçues des bons et, comme
vous dites, cultivés Pérousiens, m'ont grandement consolé
du regret de me séparer d'eux.
Conservez-moi encore votre précieuse amitié et croyez aux
sentiments vraiment distingués de votre tout dévoué et
affectionné, etc.
Rome, 20 janvier 18Î5.
-^.
.L.\ DÉLÉGATION DE I^ÉROISE.
317
CI
Le comte Charles Pecci à Mgr Joachim Pecci, à Rome.
— Nous avons bien reçu votre diplôme de nomination à
l'église métropolitaine de Damiette. Il sera classé dans nos
archives, avec les autres papiers et documents qui vous
honorent. Qui aurait cru, il y a trois ans, que vous occu-
periez un jour le siège épiscopal de Mgr Sinibaldi dont nous
parlions ici chaque jour? En apprenant cette nouvelle, je
me suis d'abord imaginé que Mgr Sinibaldi était passé de
vie à trépas et que le gazetier avait oublié de l'annoncer
dans ses Ephémérides. Mais aujourd'hui je suis heureux
d'apprendre que Mgr Sinibaldi est non seulement bien
vivant, mais encore qu'il est devenu patriarche de Constan-
tinople.
Souffrez aussi que je hasarde une réflexion sur tous ces
lieux où vous avez été et oii vous allez être encore appelé à
siéger. Les plus célèbres faits d'armes s'y rattachent hislo-
ri(iuement. Bénévent est fameux pour la grande déroule
que les Romains essuyèrent aux Fourches Caudines;
Pérouse, pour la défaite des mêmes Romains au lac
Trasimène; Bruxelles, pour la terrible bataille de Waterloo
où se décidèrent les destinées de l'Europe; Damiette enfin,
l'ancienne Héliopolis, pour le siège qu'en firent les Croisés
et qui remplit d'une immense joie la chrétienté tout
entière, là même où se trouva saint François d'Assise qui
eut le courage de prêcher la foi devant Saladin. Siège pour
sièges, attendu toutes ces circonstances, vous n'aviez pas
peu à vous réjouir et à vous faire courage.
Je finis en vous saluant, en même temps que l'oncle
Antoine et toute la maison Muti, et en vous priant de me
.--I
7,18
LA PRÉLATLIIE DE LÉON Mil.
LA DÉLÉGATION DE PÉROUSE.
519
croire toujours en sincère amilié, volrc frère Lien affec-
tueux,
Carjtinclo, 28 janvier 1843.
Cil
Mgr Jérôme d' Andréa, à M(jr Joachim Pecci, à Rome.
— Ainsi, pour vous faire prendre la plume, il n'a fallu
lien moins que voire nomination à la Nonciature de
Belgique, dont, naguère, les journaux français nous oui
entretenus. Ainsi, sans un pareil événement, le ciel riant
de ritalie et les charmes de Pérouse ne vous auraient plus
permis de reportei' votre pensée vers celui (|ui a pour
compagnie la solitude et les neiges? Mais qu'il en soit
comme vous voudrez, et que vous ayez tort ou raison, je
dois vous dire que j'ai bien agréé votre lettre du 20 du
mois dernier, par laquelle vous me conlirmez votre éléva-
tion à la haute et importante dignité de représentant du
Siège Apostolique dans le Royaume des Belges.
Donc, mihi (jaudeo, libi f/raitilor. Et tibi gratulor
d'autant mieux, que le pays où vous êtes appelé à maiulenir
les droits du Primat et de l'Eglise, est franchement catho-
lique et gouverné par un Souverain sage, qui respecte avec
fidélité les droits de la confession chrétienne. Et tihi fjra-
tdlor, pour l'honneur (jui vous échoit de succéder h
l'illustre, au distingué, au valeureux Mgr Fornari qui a
pour vous le titre d'ami et de maiire. Ce prélat vous sera
nn guide sûr, soit pour les conseils qu'il pourra vous
donner, soit pour l'expérience dont il vous fera part dans
les ad'aires qui vont vous être confiées. De la sorte, oulie
vos forces personnelles et votre bonne volonté qui est la
force principale de l'homme, vous n'aurez pas peu d'avan-
tages pour vous distinguer dans l'arène glorieuse oii vous
allez lutter pour le Saint-Siège et pour le religion.
Agréez de nouveau mes félicitations et croyez-moi, etc.
Lucerne, 4 février 18i5.
cm
Mijr Joiirhim Pecci à Mgr Prospéra Caterini, Auditeur
Séréiimimc cl Sécréta ire de la S. C. des Études, à Itome. -
Bruxelles. — Place «le riIolel-ile-ViUc.
J'ai entretenu TEminentissime Camerlingue sur la fameuse
aiïaire de l'Université de Pérouse, et j'ai beaucoup apprécié
..^.A
3«»»''«p»*!B'<aBr>.»»«B»i«»«»t-
''fvn. j^g« g ilf»'^^
••Vi-'ryr-fj
HM. J.'»M5M!fc«a!t
320
LA PRÉLATLKE DE LÉOiV XUI.
les oKscrvalions de la S. Congiégalion des Éludes sur la
question de compétence. Il m'avait même chargé d'en
causer avec son Em. Lainhruschini à qui, d'ailleurs,
il se réservait d'en parler lui-même. Mais je ne me suis pa^
encore acquitté de celte commission, parce que je n'ai pas
encore pris toutes mes informations sur l'audileur de non-
ciature que je choisirai; et, à la même audience, je voudrais
en donner pleine décharge à l'Éminence. Sur mon can-
didat, les uns me disent un monde de merveilles, les autres
appréhendent une médiocrité. J'espère pourtant, aujour-
d'hui mém.e, savoir la vérité et me décider à accepter ou
à refuser ce sujet. Mgr Brunelli en fait heaucoup d'éloges.
En sait-il autre chose? Etc..
Rome, 5 ftjvricr 1845.
CIV
Le Père M. Passionniste à M(jr Joachim PeccI, à Pérome,
— Mon très vénéré Seigneur, vous aurez du courage, et un
grand courage; et vous en acquerrez toujours davantage, en
rétablissant sur la confiance en Dieu et la défiance de vous-
même. Courage donc! Dieu vous a destiné à de grandes
choses. Courage, confiance et crainte : crainte de vous-
même, confiance en Dieu.
Todi. le 7 lévrier 1843.
cv
Mgr Joachim Pecci au Père 3/., à Todi, — Votre
affectueuse lettre m'est parvenue d'une fiiçon vraiment
opportune, La très honorable nomination qui vient de
21
c
O
en
1
1 !
I ol
^ m^ymimi^mmif^
520 LA MiKLATLIIK DK LÉON \lli.
Itvs ohscrvalions de la S. Conuiv^nlion des Kliidos sur la
question de compéleiiee. Il uravait nieuie cliap-é «l'en
causer avec son Ein. Lainluuscliini à (|ui, d'ailleurs,
il se réservait d'en parler lui-même. Mais je ne me suis pas
encore acquitté de celle commission, paice que je n'ai pas
encore pris tontes mes inlormali«ms sur l'audilcur de non-
ciature que je choisirai; et, à la même audience, je voudrai>
en donner pleine décharge à l'Éminence. Sur imm can-
didat, les uns me disent un inonde de merv^'illes, les auhes
appréhendent une médiocrité. J'espère pt»urtant, aujour-
d'hui même, savoir la \érité et me décider à accepter ou
à refuser ce sujet. M^r lUnnelli en l'ait heaucoup d'éloges.
Kn sait-il autre chose? Etc..
Ilonn'. r> février iSi'»,
CIV
Le Père M. Passiouniste à M(fi Jonrhim /Va/, à Pêrousc.
— Mon très vénéré Seigneur, vous aurez du couiage, et un
grand courage; et vous en acquerrez toujours davantage, en
réta])lissant sur la confiance en Dieu et la défiance de vous-
même. Courage donc! Dieu vous a destiné à de grandes
choses. Courage, conliance et crainte : crainte de vous-
même, confjancc en Dieu.
Totli. I«' 7 lévi-ii-r ISi".
cv
%/• .lodchhn Pecci au Père J/., à Todi. — Votre
affectueuse lettre m'est iKirvenue d'une lacon vraimeni
opportune. La très honorahle nomination (jui vient de
Te
. 'I
21
^-MiiilHi^ÉiÉiiaiÉiÉfiA
|t-»ir-
5:^2
LA PRÉLATURK DE LÉON Xlll.
m'èU-e conférée par la Clémence souveraine est de telle
nature, que je ne puis m'empêcher de reconnaître mes
faibles forces, tout à fait inférieures aux devoirs qui m'in-
combent. En conséquence, je me prépare à ma mission
avec une grande crainte. Aussi les lettres d'encouraîrement,
qui tendent h m'inspirer conliancc, me sont extrêmement
chères, parce que j'en sens davantage le besoin. De ce
genre est la vôtre, et c'est pourquoi je vous en remercie
de tout cœur.
Je vous supplie de me recommander au Seigneur dans vos
prières afin que, égard pour mon indignité et en seule
considération du bien de TÉglise, il daigne m'assisler, par
sa divine grâce, dans la difficile carrière que je vais entre-
prendre.
Pérouse, le 15 fcvner 1843,
4
CYI
M(jr Fornari, nonce à Paris, à M. Barccl, conseillera la
Cour d'appel de Bruxelles. — )[gr Pecci est un prélat d'une
haute piété, de grand talent et de beaucoup de connais-
sances. 11 est peut-être un peu timide de caractère, ou
plutôt son excessive modestie ressemble à de la timidité;
mais cela est compensé par son esprit grandement réfléchi
et par sa prudence, grâce auxquels il ne fera jamais un
faux pas. Je ne savais pas qu'il ne parlât pas du tout le
français'. Il est certain que cela pourra retarder son action,
en diminuant ses rapports avec les personnes auxquelles
1. Mgr Pecci, en s'embarqiiant sur le Scamaudre, in'it une -ijuninaile
fninçaise. Durant la travei^ée, il se donna à lui-même sa premièie leçon en
cette langue qu'il devait, plus tard, parler si courannncnt et si diplomatique-
ment.
..'^ jÈ.^-*. :^%. ...4ii.
LA DKLKUATION DE PÉROLSE.
èti.»
il aura affaire. Mais, petit à petit, il se familiarisera avec
cette langue, et il arrivera à pouvoir parler avec tout le
monde.
Paris, février 1843.
CVll
M. Noyer, charr/é d'Affaires de Uehjique à Borne, au
cardinal Wiseman. — Mgr Pecci est un homme d'un
. f't
'Y\
Saiiilo-Giulnlc (anule).
caractère excellent, d'un esprit calme et posé, et d'une
piété exemplaire. Avec son grand désir de bien faiie, je ne
t»l
.•v*ié!*.« ■
52f LA PRÉLATLRK DE LÉO.N \UI.
doule pas que Mgr Pecci ne satisfasse à toutes les exigences
de sa position. . '
Rome, le 14 février 1845.
CVIII
Mgr Joachim Pecci à Mgr Giacomo Baglioni, auditeur ae
la S. Rote. — M. le comte Marc-Antoine, voire très digne
frère, a voulu me faire une très gracieuse surprise. en fai-
sant imprimer à Pérouse deux belles gravures qu'il m'a
adressées à Rome, à l'occasion de ma consécration épisco-
pale. Tai infiniment été sensible à cette nouvelle preuve de
cordialité et d'affection, de sa part. Dans la lettre qui
accompagnait cet envoi, votre frère m'a chargé de vous
faire parvenir vingt exemplaires de ces gravures. Vous les
recevrez en môme temps que ces lignes. Pour que je
prenne une résolution, au sujet de la personne que vous
me recommandez, il faudrait que celle-ci se présentât
chez moi, demain, entre 9 et 10 heures du matin. Ainsi
pourrais-je choisir le meilleur sujet, dans le nombre de
ceux qui se sont offerts. Je profile avec plaisir de cette ren-
contre favorable pour vous renouveler mes sentiments de
respectueuse estime et d'amitié. Etc.
Palais Muli, 25 février 1845
CIX
Au comte Baglioni-Otldi, à Pérouse. — C'est une bien
a^M'éable surprise que vous avez voulu me faire, Monsieur et
très vénéiv Comte, en m'envoyant, le jour de ma consé-
cration, plusieurs exemplaires d'inscriptions variées qui
LA DKLÉr.ATION DE PÉROUSE.
525
sont vraiment très belles et très précieuses. Au lieu d'y
faire lire le nom de Mgr Joachim Pecci, mieux eût valu que
ces textes portassent celui de toute autre personne qui
aurait su s'en rendre digne. Vous y avez employé tant de
courtoisie, que je ne sais comment vous en exprimer digne-
ment ma reconnaissance. Qu'il me suffise de vous dire que
je conserverai toujouis la mémoire de ce trait de votre
bonne amitié. Je vous en remercie de tout mon cœur, et
j'en remercie tous ceux qui ont partagé votre pensée et qui
l'ont rendue publiquement manifeste par de telles démons-
trations de bienveillance que, certainement, je n'ai pas
méritées.
Agréez, Monsieur le Comte, l'expression encore que faible
de mon ame reconnaissanle, accordez-moi l'occasion de
vous en donner par quelque fait une meilleure preuve, et
veuillez croire toujours aux sentiments distingués avec
lesquels je me dis, etc.
Joachim Pecci.
Rome, 25 lévrier 1845.
ex
Au cardinal Bussi, archevêque de Bénévent. — Pour la
même raison qui m'avait poussé à faire connaître à V. E.
Uévérendissime le titre que S. S. venait de m'accorder, je
crois de mon devoir de vous donner aujourd'hui la nouvelle
de ma consécration. Celle-ci a eu lieu, dimanche, 19 cou-
rant, dans l'église de S. Laurent in Panisperna. L'évêque
consécrateur était S. E. Monsieur le cardinal Lambruschini
qui avait pour évéques assistants : Mgr Asquini, secrétaire de
la S. C. des Êvc(|ues Réguliers, et Mgr Castellani évêque de
Porphyre et sacriste de S. S. Dans l'assistance on remar-
or
■'i-i
^-^b»^.^ t^pt^ '* -iL~ Li-^J&imtfiiS
^V'jjtf*^-^»^ rr -1*^":^~ '^-
f^^
52(1
LA PKKLATLRE DE LÉOiN XIII.
qiiait Son Excellence M. le comte crOullremont, ministre du
Uoi (les Belges près le Saint-Siège, les membjes composant
la légation royale et beaucoup craulres personnages dis-
tingués, parmi lesquels plusieurs prélats. Le poids des
nombreux et lourds devoirs que cette cérémonie sacrée m*a
imposés, se fait sentir sur mon Ame. Priez Dieu qu'il daigne
me donner la force suffisante pour soutenir cette charge. Je
pi'ie Votre Eminence Révérendissime de me conserver tou-
jours en sa bonne grâce. Je m'incline au baisement de votre
sainte pouipre et, avec le pins profond respect, je me fais
riionneur de me ledire, votre tout dévoué serviteur, etc.
liomc, 2."» IV'vrior 18i3.
I-.
CXI
Le cardinal Bum à Mgr Pecci, à Rome. — J'ai eu une
1res grande consolation à recevoir la nouvelle que V. S.
Illustrissime et Révérendissime s'est plue li me commu-
niipier, au sujet de votre consécration a rarchevéché do
Damiette, accomplie par l'Éminenlissime Lambruscliini.
\ous avez eu aussi l'amabilité de m'envoyer, avec une
touchante sollicitude, les diverses compositions qu'on a
imprimées et publiées en celte occasion; et, ainsi, vous
m'avez offert un nouveau gage de votre constante bienveil-
lance à mon égard.
Sans doute, le fardeau qu'on vous impose avec l'onction
sacrée est lourd; mais vous savez aussi que la giace divine
ne manque pas d'assister ceux qu'elle appelle à des devoirs
de particulière importance. Entrez donc en toute confiance
dans la carrière où vous êtes visiblement appelé. Pour ma
part, malgré ma faiblesse, je m'emploierai à contribuer par
mes prières au bon succès de la mission que vous entre-
LA DÉLÉGATION DK PÉROISE.
0127
prenez, pour la gloire de Dieu et aussi pour mon pro|)rc
honneur.
Je vous assure que je conserverai immuables ces senti-
ments de respectueuse estime et d'amitié vraie avec lesquels
Sainte-Gudulc (|K)rtail latéral).
je me dis, en vous embrassant les mains de tout cœur, de
V. S. Illustrissime et Révérendissime, le serviteur et l'ami.
Ijcncvcnt, 5 mars 18 i3.
CXII
Mme Catherine Lolli, née Pecci, à Mgr Joachim Pecci,
à Rome. — Ce matin, Titta est parti pour Anagni. Demain
.1
3:28
LA PRÉLATLRE DE LÉON XIIJ.
.1
pcut-èlrc, il sera à Rome pour assister h votre départ.
Je ne peux vous exprimer assez le regret que j'éprouve de
u'avoir pu vous revoir avant que vous alliez, si loin, installer
votre maison. En cette circonstance, j'ai cru pouvoir dire à
mon frère Tilta de payer, à mon compte, la croix d'or que
i^^.
Anvers. — Quartier de la calhéiliale.
vous avez achetée. Ainsi, emporterez-vous de moi un petit
souvenir. Puisse-t-il vous rappeler de prier pour votre sœur
et pour sa famille, afin que le Seigneur la secoure et donne
au chef plus de vigilance et d'activité dans les affaires
domestiques. Je me confie en vos prières.
N'oubliez pas de me faire savoir comment vous serez
arrivé. Je ne suis pas tranquille. Je vous salue bien chcre-
14
Pérousc. — La sacristie du Duomo.
.iâ^'iS^i ,..^.
,v:8
LA PnKLATIME DK IKON XIII.
poîil-èlre, il sora à Rome pour assister à votre départ,
.le ne peux vous expriiiiei' assez le regret que j'éprouve de
n'avoii' pu vous revoir avant que vous alliez, si loin, installer
votre maison. Kn celte circonstance, j'ai cru pouvoir dire à
mon frère Tilta de [)ayor, à mon compte, la croix d'or que
Anv»'!':
Oiiarlicr <l»' la c;illit'<lial<'.
vous avez achetée. Ainsi, onqMMlerez-vous de moi un pelil
souvenir. Puisse-t-il vckis lajqK'Ier de prier pour ventre sœur
et pour sa famille, atin que le Seigneur la senmre et donne
au cher plus de vigilance cl d'adivilé dans les afl'aires
domestiques. Je me conlie en vos prières.
N'oubliez pas de me faire sav(Mr comment vous serez
arrivé. Je ne suis pas tranquille. Je vous salue hien chère-
I
Pcrouse. — La sacrislie «lu Duomo.
528
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII.
1
pcut-élrc, il sera à Rome pour assister a votre dépari .
Je ne peux vous exprimer assez le regret que j'éprouve de
n'avoir pu vous revoir avant que vous alliez, si loin, installer
votre maison. En celte circonstance, j'ai cru pouvoir dire à
mon frère Titta de payer, à mon compte, la croix d'or que
Anvers. — Qnaiiier Je la catliétiiale.
vous avez achetée. Ainsi, emporterez-vous de moi un petit
souvenir. Puisse-t-il vous rappeler de prier pour votre sœur
et pour sa famille, afin que le Seigneur la secoure et donne
au chef plus de vigilance et d'activité dans les alïîiires
domestiques. Je me confie en vos prières.
N'oubliez pas de me faire savoir comment vous serez
arrivé. Je ne suis pas tranquille. Je vous salue bien chèrc-
t\
Pérouse. — La sacristie du Duomo.
lA.'-?:'^- £ - t-a..»» .-rlt-a-. ^■.— ,.-K ■'^•rjn-i
,v:8
LA rnÉLATlHE DK LKO.N XIIJ.
|:('îit-elre, il sera à Home pour assister à voire déparl.
Je lie peux vous expiiuier assez le rej^ret que j'éprouve de
u'avoir pu vous revoir avaul (pie vous alliez, si loin, installer
votre maison. Kn celte circonstance, j'ai cru jiouvoir dire à
mon frère Titta de payer, à mon compte, la croix d'or que
Anvors. — Oiiarlit-r do la calli.'.lral.-.
vous avez achetée. Ainsi, ('mporterez-vous de moi un petit
souvenir. Puisse-t-il vous rappeler de prier pour votre sœur
et pour sa famille, afm que le Seigneur la secoure et donne
au chef plus de vi^'ilance et d'activité dans les affaires
domestiques. Je me confie en vos prières.
N'oubliez pas de me faiie savoii- comment vous serez
arrivé. Je ne suis pas tianquille. Je vous salue bien chère-
Péi'oiiso. — La sacrislic du Dnomo.
1
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^«s;
n'
550
LA l»aÉLATLKE DE LÉON MIL
ment avec tous mes frèics. En vous embrassant, je me dis
en toule afTeclion, votre sœur bien dévouée.
Feront i no, 12 mars I8i3.
CXIII
Ah cardinal BussI, à BénécenL — J'ai bien re^u voire
lettre du 5 courant. Apres en avoir remercié sans fin V. E.
Uévérendissime, j'ai le plus grand déplaisir à lui apprendre
avec ces lignes que je prends congé d'elle.
Je quitterai les Etats Pontificaux avec le bateau frani^'ais
r Amsterdam qui larguera de Civita-Veccbia, le 15 ou le 20.
Ce vapeur me portera à Marseille et, de cette ville je continue-
rai mon voyage par voie de terre, en traversant la France
jusqu'à Bruxelles. De là, j'enverrai à Y. E. de mes nouvelles
qui, je l'espère, provoqueront l'écliange avec celles de V. E.
et je soubaile que celles-ci soient telles que je les désirerai
toujours. Si, dans mon nouveau poste, V. E. me croit apte à
lui rendre quelque service, je la prie de me commander en
ce que j'aurai le plus grand bonneur do faire pour elle.
En baisant afiectueusement et religieusement votre pour-
pre sacrée, je me fais honneur à me dire, avec le plus [iro-
fond respect, etc.
Home, 15 mars 1843.
y y^Tfn^..^- >
•■i^..-î:
III
LA NONCIATURE DE BRUXELLES
Sommaire. — \hi Rome à Marseille (C\IV-C\V). — De Lyon à Hruxellcs (CXVII-
CXIX). — Premières impressions de lielgique et premiers règlements do
comptes ((lX\-(iX\ll). — l'olitiqut de nonce et d'universilaire (CXXIII-
CXXIV). — Compliments à Gioberli (CXXV). — Un portrait de la reine Vic-
toria d'Angleterre (CXXVI-CXXVII). — Les comptes d'nn nonce (CXXVII). —
Un mariage manqné (CXXVIII-CXXX). — A la recherche de Mazzini (CXXXI-
CiXXXII). — De (ïarpineto à AVaterloo (CXXXIII). — Les jurys d'examen
devant la CJiamhre des députés (CXXXIV-CXLIV). — Un vol à Carpineto el
le nonveau portrait du nonce (CXLV-CXLVl). — Bruits de retour à Pérouse
(CXLMI.CXLMII). —Disgrâce ou avancement (CXLIX-CLVI). — De Bruxelles
à Bome (CLVII). — Pie IX au roi des Belges (CLVIll). — En rouie pour
Pérouse (CLIX-CLXI).
CXIV
Mgr Joadùm Pecci à M, Stanislas Stcrhini, à Rome, —
Nous voici, depuis quelques heures seulement et très favora-
bb^ment, arrivés à Marseille. La traversée a duré 48 heures,
dont 9 passées dans Livourne. La mer était on ne peut plus
calme. Malgré le temps de Téquinoxe, nousn*avons éprouvé
aucun malaise. Ce prétendu mal de mern'a fait son efletque
sur le cuisinier, le valet de chambre et Tabbé démenti. Ni
moi, ni mon secrétaire, ni le domestique suisse, nous n'en
avons souder t.
mtf I r ui.i j- 'I •jmm, 1,1^, i. ■,! I,
> ■ ■* »T»ii iiiT "mi»tt[nfki0^
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332
LA PRÉLATLRE DE LÉON XIII.
J'en remercie Dieu qui sait, au besoin, donner force et
courage aux plus faibles.
Et vous, comment vous portez-vous ? Oh ! combien j'ai
souffert, au moment de la séparation cruelle, à bord du
Scamandrel Comme la vue de votre bateau tournant autour
de notre navire me fut dure, à nous permettre de nous ré-
péter encore nos adieux ! Et comme, ensuite, j'eus plus de
peine à tout voir disparaître en quelques instants, autour de
moi!
Je vous écrirai de Lyon où, si Dieu le veut, je serai samedi
soir. Saluez, de ma part, ma chère famille, la votreetGarri-
gos ; et permettez-moi de vous recommander le pli ci-inclus.
Marseille, i mars 1845.
cxv
s. s, le PapeGré(joire XVI àS,M. Léopolill'% roi desBebjes.
- Avec ces lettres, se présentera ii vous Notre vénérabh^
■~\ *»f
«A
Jf»,«^^'*« ■•-f>^/v. -*
Le palais du rui.
frère Joachim, archevêque de Damiette, Notre nonce et celui
du Saint-Siège. Nous vous le recommandons avec instances, à
vous, très cher Fils et à Nos vénérables Frères. Dans toutes les
LA NONCIATURE DE BRUXELLES.
333
affaires qu'il traitera avec vous en Notre Nom, vous lui prê-
terez la même foi que vous Nous prêteriez h Nous-même, si
Nous parlions en votre présence ; et, avec le dévouement et
le respect que vous portez au Siège Apostolique, vous l'as-
sisterez partout oii il aura besoin de vos conseils et de votre
aide, pour accomplir avec succès le très grave ministère dont
il est chargé. Vous trouverez en lui un homme remarquable
par sa piété, son intégrité, sa prudence et les qualités de
son esprit; aussi Nous ne doutons pas qu'il ne se concilie
votre particulière bienveillance. Nous nous souviendrons
de tous vos bons offices à son égard, et Nous vous en serons
reconnaissant, comme s'ils Nous avaient été rendus à Nous-
même.
riRÉGoniE P. P.
Donné à Rome, mars 1843.
CXVI
Mgr Jonchim Pecci à iL Stanislas Sterbini, à la Direction
générale du Domaine, à Rome. — Parti de Marseille, le 23
courant, je croyais pouvoir arriver à Lyon, le samedi 25.
Mais je dus m'arrêler et séjourner deux jours, entre Aix et
Avignon, par suite d'une indisposition qui me surprit en
roule. Je n'ai pu, en conséquence, arriver qu'avant-hier à
Lyon. 11 me reste donc a faire encore 500 bons milles et h
soupirer dix autres jours encore, comme les Hébreux après
la Terre Promise ; la mienne étant celte Belgique qui m'ap-
paraît encore de si loin. Le temps nous a été très favorable
et, jusqu'à cette heure, le ciel de France ne se montre
guère différent du ciel d'Italie.
Hier, j'ai écrit au cardinal pro-lrésorier en datant ma
lettre du 50 courant, afin qu'il passe en cours de payement
\ 1
-^v
•x^mtsf^^m-xv' .-'SK*-7"»*^-^iHMUi»iin '^■m^^-m^ffWfi-- v-tw^.w*- •'«^***^
' '"J{tWîri'"Vi''i-i^
534
LA PRÉLATLRE DE LÉO> Mil.
los mandais échus pour moi à celte échéance, cl |)our (ju'il
en soit de même des échéances mensuelles suivantes. Si,
de la sorte, je réussis à obtenir ma mensualité de mars, je
serai ainsi remboursé des dépenses de ce voyage qui ne
s'élèveront pas à moins de 1000 écus. Si ce règlement souIVre
difficulté, n'insistez pas ; nous attendrons le règlement
d'avril. Donnez, je vous prie, de mes nouvelles à mes frères
et à mon oncle. Saluez, de ma part tous les vôtres et, en
loute affection, croyez-moi votre, etc..
I.
I.yon, 27 mars 1843.
|.v
CXYII
fi
Ah même, à Home, — Je vous écris de Xanuii', ville des
Belges, à vingt lieues seulement de Bruxelles. Me voici donc
presque à la fin de ce long voyage, fait ;i petites journées. Si
cette façon d'aller a augmenté les frais de roule, elle m'a,
par contre, procuré deux avantages. Le premier est de
n'avoir pas beaucoup dérangé ma santé, après le malaise
éprouvé entre Aix et Avignon. Le second est d'avoir ainsi pu
visiter les villes de France (pie je rencontrais sur ma route.
Valence, Vienne, Lyon, les deux Chàlons sur Saône et sur
Marne, Dijon, Troyes, Reims et Mézières. J'ai vu leurs
industries et le grand mouvement que produit leur com-
merce. Demain, en quelques heures, j'espère. Dieu aidant,
atteindre enfin Bruxelles et ma résidence. De là, je vous
écrirai, après avoir pris quelques jours de repos et avoir
rempli les premiers devoirs importants de ma charge. Sa-
luez, de ma part, tous les vôtres, Garrigos, Cappello, etc..
Namiir, 0 avril ISiô.
, *. 4.-.it«4**;î
LA NONCIATURE DE BULXELLES.
555
CXVIII
M(jv Fornari à M(jr Joachim, à Bruxelles, — JVspère que
les fréquents entreliens que vous aurez avec Sa Majesté vous
feront connaître toujours davantage sa propension décidée
vers la bonne cause. Avec le temps, vous verrez que cette
propension ne sera pas stérile, bien qu'il y ait des gens qui
Le palais <it's iialiuiis.
n'en soient |)as persuadés. Quant à la reine, il n'est pas
douteux qu'elle ne soit d'une vertu éminenle, et qu'on ne
puisse l'appeler une véritable sainte.
Paris, 19 mai 1845.
CXIX
Ml/r Joachim Pecci à M. Stanislas Sterbini, à Rome. —
Je vous adresse, pour plus de sûreté, celte lettre dans un pli
556
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII.
P
\n
l 4
|t;^
que j'envoie à la Secrétaircrie d'État. Je n'ai rien reçu de
vous, depuis ma dernière lettre où je vous parlais long:iie-
ment de mon installation à la Nonciature, de raccident de
Vilvorde et des autres petites aventures qui me sont arrivées
ici. Je vous accusais aussi réception de votre premier man-
dat d'avril. Et depuis, plus de Jetlre de vous. Que veut dire
ce silence d'un mois entier? Sans doute, les lourdes charges
de votre ministère, et peut-être aussi le mariage de votre
Mariuccia, vous auront outre mesure occupé et distrait. Sa-
chez pourtant que j'attache un grand prix à vos lettres, que
je désire en recevoir souvent et que je vous prie de m'en
faire mainte fois l'heureuse surprise.
Je vous répète ce que je vous ai déjà dit, concernant les
f^rosses dépenses que j'ai dû faire pour m'installer convena-
blement. A ces dépenses énumérées précédemment, il faut
ajouter aujourd'hui celles de deux voitures, — dont une de
o-ala, et l'achat des chevaux qu'heureusement je n'ai pas
payés plus de 3t20 écus. La perspective des dépenses que j'ai
aussi à faire quotidiennement et toujours, n'est guère con-
solante. Ici, tout coûte deux fois plus cher qu'à Rome. Le
loyer de la maison reste fixé à 8000 francs par an. Les gages
aux domestiques exigent 3000 francs, ou bien près. 11 faut
aussi compter 3000 francs pour l'éclairage et le chauffage,
et 1300 francs pour l'entretien des chevaux. En abordant
dans cette proportion les autres dépenses, je vois que je
m'en tirerai a grand'peine avec 2000 francs par mois. Pour
le moment, il faut laisser les choses dans l'état ou elles sont.
J'ai une provision avec les 4000 francs qui restent, des
15000 retirés par cet excelkînl Delfosse, banquier. Avec ces
fonds de réserve je ferai, au besoin,face à quelques excessives
dépenses.
La santé, Dieu merci, se maintient bonne, malgré la
LI-.N
-^sèSr^î-Éî-'^.
ROME. — Le popolino faisant des feux de joie, le Samedi-Saint, et devant le palazzo de chaque cardinal
défunt dont il héritait les menus restes. (Dessin de Thomas, 1830.)
1/
5r>(>
LA l'HKLVTlUK DK LKON Mil.
(î
if
que j'envoie îi la Sec ré la ire rie trKtal. Je n*ai rien reçu d
vous, depuis ma dernière lettre où je vous parlais longue-
ment de mon installation à la Nonciature, de l'accident de
Vilvorde et des autres petites aventures «pii me sont arrivées
ici. Je vous accusais aussi léception de votre premier man-
dat d'avril. Et depuis, plus de letlre de vous. Que veut dire
ce silence d'un mois entier? Sans doute, les lourdes charges
de votre ministère, et peut-être aussi le mariage de votre
Mariuccia, vous auront outre mesure occupé et distiail. Sa-
chez pourtant (jue j'attache un grand prix à vos lettres, (|ue
je désire en recevoir souvent et (|ue je vous |)rie d(.' m'en
faire mainte fois l'heureuse surprise.
Je vous répète ce ([ue je vous ai déjà dit, concernant les
o rosses dépenses (|ue j'ai du l'aire pour m'installer convena-
blement. A ces dé|)enses énumérées précédemment, il faut
ajouter aujourd'hui celles de deux voilures, — dont une de
oala et l'achat des chevaux (lu'heureusemenl je n'ai pas
payés plus de TdO écus. La perspective des dépenses ((ue j'ai
aussi à faire <|uotidiennement et l(Uijours, n'est guère con-
solante. Ici, tout coûte deux fois plus cher qu'à Home. Le
loyer de la maison reste fixé à 8000 frap.cs par an. Les gages
aux domestiques exigent oOOO francs, ou bien près. 11 faut
aussi compter 5000 francs |)our l'éclairage et lechaulfage,
et 1500 francs pour rentretien des chevaux. En abordant
dans celte proportion les autres dépenses, je vois que je
m'en tirerai à grand'peine avec '2000 francs par mois. Poui
|e moment, il faut hiisser les choses dans l'état où elles sont.
J'ai une provision avec les iOOO francs qui restent, des
15 000 retirés par cet excellent Dellosse, bancpiier. Avec ces
fonds de réserve je ferai, au besoin, face à (juelques excessives
dépenses.
La santé. Dieu merci, se uiaintienl bonne, malgré la
H
ROME. — Le popolino faisant des feux de joie, le Samedi-Saint, et devant le palazzo de chaque cardinal
défunt dont il héritait les menus restes. (Dessin de Thomas, 1830.)
:h
'fwgi^nf^f
LA NONCIATURE DE BUIXELLES.
.)0/
rigueur du climal (jui nous fail expérimenter, en plein juin,
rinlensité d'un froid comparable à celui de janvier. Je sui>
encore habillé dédouble laine. Qu*adviendra-t-il de moi,
en hiver? Que Dieu nous aide et nous fortifie.
Je salue bien cordialement toute votre famille, el je me
plais à me rappeler à tous les vôtres, depuis Mme Benedetla
jus(iu'à Fauslino, Annibal, Louise, Mariuccia, Barberuccia,
Nanna, Lvdia, Cecchina, et je finis par votre cher petit Jules
(|ui, j'espi're, n'aura pas encore oublié mon nom; je lui
donne bien parliculièrementet de tout cœur ma bénédiction.
Veuillez présenler mes respects à M. le comte Frossi et à
(larriiros. Salutations amicales à Fora, et à vous etc..
nrnxolN's, 8 juin ISlô.
CXX
,
k
Le comte Slnvislu^ Slerhitii à M(j)\ Joiuhini Pecci, à
Bruxelles, — J'avais liàle de recevoir de vos nouvelles. Je
crai'niais, malgré le temps très favorable, que vous ayez eu
à souffrir sur mer. Je ne sais vous dire avec quel plaisir j'ai
reçu votre lellre de Marseille, par laquelle j'ai appris com-
menl, après quarante heures de traversée, vous êtes arrivé
en France sans aucune indisposition. Ainsi j'ai vu se réaliser
les souhaits de bon voyage que je vous avais ftiils, devant le
fort de Civila-Vecchia. Les nouvelles suivantes que j'attends
anxieusement encore, j'espère qu'elles me parviendront
telles que je les désire.
Je me suis empressé de remettre chez vous la lettre que
vous adressiez aux vôtres. Je vous donne à penser le plaisir
qu'ont éprouvé voire famille et la mienne, en recevant de
vos bonnes nouvelles. Garrigos, Cappello et Fora s'en sont
22
-i^
A î.»i
^T^ÇS»
». . «;. .
iSi^:,
558
LA iMlÉLATLRE DK LÉO.N Mil.
également réjouis. Souvent nous parlons de vous, eux et
moi; et votre voyage fait encore le sujet principal de notre
conversation, entre votre oncle, vos frères et moi, depuis que
nous vous avons quitté à Civita-Vecchia pour rentrer, le
lendemain, à Rome. Je vous assure, cher Monseigneur,
(ju'ici vous avez des personnes qui vous aiment beaucoup,
et je vous prie de croire que je ne suis
pas le dernier, à ce titre, parmi elles.
Si vous avez souffert à bord du .S^v;-
maudre, au moment de la séparation,
je ne saurais vous exprimer Tanxiélé
que j'éprouvai aussi. Vous pensez bien
(|u*après les preuves d'affection si nom-
Jj bieuses que vous m'aviez manifestées,
de liome à Civita-Vecchia et pendant le
court séjour que nous avions fait en-
semble en cette ville, voire départ ne
pouvait (lue me faire éprouver la plus
grande tristesse. Pendant votre absence,
je trouverai consolation et confort dans
vos lettres et dans vos commissions
qui me permettront de m'occuper de
vous. Vous savez comme mes vaines pai-oIes répondent mal
à Tamitié que je vous garde. Soyez vous-même rinlerprèle
de mes sentiments. Je n'en dis pas davantage.
Je vais vous dire en quelques mots les affaires que j'ai
traitées et qui vous intéressent.
A Civita-Vecchia, l'hôtel a été payé; et la dépense nen a
atteint que les prix les plus doux. Le suisse a voulu nous
traiter en ami. Le cocher et le valet l'ont imité; en somme
tout en est résulté, grâce à eux, avantageusement |X)ur nous.
Les frais encourus ne le sont qu'à titre de compensation.
TKo^'Ve^JyJrs
Maliiios.
Maison du Saumon.
.
LA NONCIATURE DE BRUXELLES.
55'.)
L'un des deux domestiques pouvait, aux termes de la lettre
du marquis de Sorbella, réintégrer Pérouse; mais il a pré-
féré Rome. J'ai réglé avec Eugène les frais de bagages et de
voiture. Le voiturier Rianconi est payé. Les passementeries
seront bientôt prêtes. Les deux tableaux et le secrétaire expé-
diés de Pérouse sont rentrés, et la voilure de transport esl
Maliiics. — L'ancien palais du Grand Conseil.
acquillée. Le lout est déposé chez vous. Voire frère Jean-
Raptiste vous avisera de l'expédition d'un des deux tableaux,
et de l'impossibilité de vous envoyer le secrétaire dont il
nous faudrait la clef, pour en vérifier l'intérieur. Il s'agit
d'un meuble dont la forme se rapproche de celle du secré-
taire que j'ai dans ma chambre à coucher, entre les deux
fenêtres, — je ne sais si vous l'avez présent à la mémoire.
Les dimensions en sont telles qu'il faudra qu'un des vôtres
le garde, ou qu'il soit vendu pour votre compte. Sur ce
point, vous donnerez vos instructions à votre frère, ou à moi .
'ét^lK"^-^^^
idife&<&~
310
LA PRÉLATURE DE LÉON Xlïf.
La vente des chevaux, que vous aviez confiée à mes soins,
est plus importante. Il a fallu la (HlFérer de (juehjues jours.
Elle a été enfin conclue au prix de 150 écus, payables par
moitié. Il faut aussi se défaire des foins et de Tatlelage ; mais
nous ne ferons pas mal d'attendre une bonne occa>ion, pour
toutes ces rentrées (jui ne tarderont pas à s'effectuer. Jti
vous enverrai facture des divers payements que j*ai faits,
conformément aux comptes que je vous ai signalés plus
haut.
Là-dessus, tenez-vous tranquille et fa Iles compte, commr
si vous étiez ici vous-même. Ne pensez qu'à vous bien porter
et à vaquer à vos affaires de nonciature.
La nièce de Tabbé D... m'a déjà présenté votreccunmande.
Elle envoie ses respects à vous et ses saints à son lils dont je
lui ai transmis les bonnes et consolantes nouvelles. — A
peine le Trésor aura reçu voire lettre, que je m'occuperai
de faire passer à voire crédit votre traitement d'avril. Je
vous ferai aussi parvenir les fonds, de la manière dont nous
avons convenu. En somme, votre voyage s'est accompli, sous
tous les rapports, on ne peut plus heureusement. La lettre
de change vous a-t-elle été ponctuellement payée? Le climat
répond-il à votre état physique? Que décidez-vous pour votre
logement et votre domeslicité? Vous étes-vous présenté à la
Cour?
Combien d'autres demandes je voudiais vous faire, el
comme je souffre de n'être pas auprès de vous! Je voudrai^
vous épargner tant et tant de préoccupations. Agréez-en le
désir, du moins. A Rome, ne m'épargnez pas, je vous prie.
Pour vous, je laisse famille, affaires, toul.
Acceptez les respects de tous les miens, depuis le plus
grand jusqu'au petit Jules, et permettez-moi d'y joindre les
vœux les plus sincères que je forme pour votre bonheur.
/-*^
LA NONCIATURE !Œ RRUXELLES.
541
C(uiservez-moi votre bienveillante amitié et croyez-moi, en
toute estime et affection, votre dévoué, etc.
Rome, 27 juin 184'».
CXXI
M(jrJ(iachim Pecci à M. Stanislas Sterbini, à Borne. —
J'ai bien reçu votre lettre du 27 juin et la lettre de change
(ju'elle renfermait. Mais
j'ai constaté avec un grand
ennui (|ue ma lettre, pré-
cédant la vôtre, ne vous
est pas parvenue. Je vous
y parlais longuement de
mes affaires et des pre-
mières visites de céré-
monie qui suivirent mon
arrivée à Bruxelles. Quel
ennui ! Le ton confidentiel
que je tenais dans cette
lettre me laisse à réflé-
chir, si elle est tombée en d'autres mains que les vô,tres.
A présent, je comprends pourquoi je ne recevais de vous
aucune réponse sur ce que je vous communiquais Quant
à vos lettres des C et 25 avril et la dernière du 28 mai,
à laquelle une lettre de change était jointe, elles me
sont régulièrement parvenues. C'est avec plaisir que je me
remettrai à vous raconter, un peu plus tard, ma mésaven-
ture de Vilvorde et quelques autres faits divers qui me
touchent. Pour aujourd'hui, la hâte que je mets à vous écrire
ne me le permet pas.
Avec les comptes courants, j'ai transmis à la Secrétairerie
Malincs. — Musée,
342
LA PRKLATIRE DE LfiON XIII.
(rEiat, la noie de mes dépenses de poste pour ce dernier
Irimeslre. .Fen ai demandé le remboursemenl, selon Tliabi-
tude qui le consent aux nonces. J'y ai compris aussi le prix
de quelques rayons de bibliothèque, dont Mgr Fornari a fait
emplette. La noie ne dépasse pas 400 francs. Elle' vous sera
passée par la Secrétaireiie dTlat, pour vous être remboursée
par le Trésor. Celle somme de 409 francs, ajoutée à
90 francs et formant le total de 505 francs, vous aurez la
bonté de la remettre à M. Clément Buratti, minutant de la
Propagande, à qui j'écrirai pour Tinviter à se présenter chez
vous pour toucher cette somme. I/équivalent m'a été versé
à Bruxelles, poiir être remisa M. Buratti, qui dira autant
de messes à 1 franc Tune, selon le désir qu'il en avait mani-
festé lui-même. C est pour venir en aide à ses missionnaires
besogneux. Si vous avez des nouvelles qui puissent, de près
ou de loin, m'intéresser, communiquez-les moi, je vous (mi
prie. Je ne sais si, jusqu'à celte heure, il est lien arrivé qui
ne soit au gré des autorités supérieures. J'espère que non.
Mais mon désir constant de maintenir avantageusement la
bonne opinion dont je peux bénéficier, augmente mon
anxiété d'en obtenir l'assurance par quelque confidenlielle
communication. Et me voici, sur ce point encore, tout beso-
gneux du concours des amis qui peuvent opportunément
m'avertir et me prévenir. Or, qui est mon plus grand ami,
si ce n'est vous?
La santé. Dieu merci, s'est maintenue bonne jusqu'à
présent. Le temps, du moins en cette saison, ne peut s'ap-
peler mauvais; mais il est étrangement variable. Mes colla-
borateurs à la nonciature, MM. Clemenli et Pilaja, se por-
tent bien aussi. Peut-être pourraient-ils mieux faire; mais,
en général, je n'ai pas à m'en plaindre.
Bruxelles, 16 janvier 1843.
LA NONCIATURt: DE BRUXELLES.
545
CXXII
An même, à Ihme. — J'ai bien reçu votre excellente lettre
du 29 juillet dernier, en même temps que la lettre de change
de 204:2 francs, pour mon règlement du mois écoulé.
Aujourd'hui, je vais tenir la promesse que je vous avais
faite, devons répéter les choses que je vou^ avais écrites dans
Malines. — La GranH'Placc de Sainl-Rombaiit.
la lettre (jui s'est malheureusement perdue. Je me rappelle
que je vous parlais, en premier lieu, de mon arrivée à
Bruxelles et de la visite que j'avais faile, quelques heures
durant, sur le champ de bataille de Waterloo. On le trouve
sur la route de Namur, à la distance de trois ou quatre lieues
de cette ville. Le temps était des plus mauvais et la neige
tombait si abondante, que tous les champs aux alentours en
étaient recouverts. La curiosité fut plus forte que la mau-
-•^j
<3tiïi
«■MC»**?'^^?*^
.'i^
/
i44
LA PRÉLATIRE DE LÉON XIII.
LA >0>CIATUHK DE BRUXELLES.
vaise saison et, à l'aide d'un excellent cicérone, je voulus
visiter tous les points où se livra la mémorable bataille.
Des positions occupées par les Anglais et les Prussiens, je
passai à celles des Français. J'ai vu le lion néerlandais qu'on
a éri|^é sur la cime d'une de ces collines, en mémoire de
cette j-rande journée; et je conserve quelques balles rouil-
lées, trouvées par des paysans (|ui
labourent ces terres.
Je vous parlais aussi de ma
réception à la Cour, et de la céré-
monie qui eut lieu quand je pré-
sentai aux Souverains de Belgique
mes lettres de créance. Le roi est
plein de bienveillance, et la reine
est vraiment une sainte. Je vous
entretenais également de l'accueil
que m'avait lait le corps diploma-
tique. Mais, après quatre mois,
toutes ces clioses ont perdu de
leur importance. Au lieu de les
raconter au long, il sut'lit mainte-
nant de les indiquer.
Le 24 avril, je me suis rendu à
Malines avec Tauditeur et le secrétaire de la nonciature,
pour recevoir le cardinal-archevêque et lui remettre le
Bref de Sa Sainteté. Le soir, en rentrant, nous passions
par un pays qui se nomme Vilvorde et qui se trouve sur
la grand'route. Là, le cocher voulut relayer les chevaux.
Il venait de descendre de son siège pour dételer les bétes,
quand une charrette passa. Cette vision imprévue elTrava
les chevaux à ce point que, retournant la voiture du coté
de Malines, ils s'élancèrent, bride abattue, en une course
-.jC. ,
Anvers. — Une fontaine,
vertigineuse. En vain s'eflorcèrent à courir après eux, pour
essayer de les airéler, le cocher, les domestiques et tout
le monde. Les chevaux avaient déjà franchi un long espace,
et déjà était proche le canal de Vilvorde aux eaux très
profondes. Selon la diiection que suivaient les chevaux, la
Anvers. — La sortie de l'Escaut.
voiture allait se précipiter dans l'eau ou se biiser sur les
|)arapets qui bordent le pont.
Dans l'un ou l'autre cas, nous étions menacés d'un
grand péril ou d'une mort certaine. Mais la Providence a
voulu nous sauver. Pour notre bonheur, un brave ecclé-
siastique, curé de Borg, bras nerveux et esprit froid, se
trouvait à passer par là. Après d'inutiles efforts qui lui valu-
rent maintes contusions, ne pouvant refréner les chevaux
((u'il avait saisis par le mors, il parvint, avec le bâton qu'il
portait, à asséner à la tête la plus effrénée des deux bêtes
.'itî
546
LA PRÉLATIKE DE LÉON MIL
LA NONCIATURE DE BRUXELLES.
ù47
qu'il obattit. Cependanl quelques ouvriers, avec des échelles,
avaient barré la route et le pont du canaf à la fois. Alors
nous, profilant de la chute du cheval et de Tarrêt de la
voiture, nous mîmes, sains et saufs, pied à terre. Grande
avait été la peur, car grand avait été le danger. Le bon curé
voulut aussi nous offrir, dans son presbytère, hospitalilé
et confort en nous prodiguant ses soins et ses services.
Nous lui devons une reconnaissance éternelle. Je lis à pied
le reste de la roule jusquVi Bruxelles, soit 6 bons milles; et
je m'en trouvai bien, car je ne ressentis plus lien de Témo-
tion passée.
Je remets les autres nouvelles à une prochaine leltre.
Hier seulement j'ai pu retirer a la douane la passemen-
terie demandée pour mes livrées. Pour frais de Iransporl,
j^'ai dû payer 28 francs 45 centimes. — On m'a remis
585 francs pour faire dire à Rome autant de messes, à
I franc 1 une. Je reliens celte somme, que vous pourrez
prélever sur mon traitement du mois courant et la sous-
traire de la somme que vous aurez à m'envoyer en lettre de
change. Vous donnerez ces honoraires à M. Vaccari, cha-
noine de Saint-Jean-de-Latran ; ils proviennent, en partie,
de iMgr Beck, évrque de Bruxelles.
Je vous remercie des bonnes nouvelles que vous me
donnez de la famille. Je lui retourne mes plus cordiales
salutations. A notre cher petit Jules vous direz (|ue je l'at-
tends à Bruxelles et que, s'il est bon comme je l'espère, je
le ferai s'amuser beaucoup en le promenant sur les chemins
de fer. En attendant, etc.
Bruxelles, le li aoùl 1845.
CXXIII
Mgr Fontari, nonce à Paris, à Mgr Joachim Pecci, à
Bruxelles, — Je suis persuadé que votre nonciature réussira
très bien, parce que le Seigneur exalte ceux qui s'humilient.
Pardonnez-moi donc. Monseigneur, et remerciez Dieu qui
vous a donné tant
de vertus. Je vou-
drais qu'il me per-
mît de ne pas me
borner à la seule
admiration, et qu'il
me donnât encore
la force de vous
imiter.
Je sais bien que
vous ne pouviez
pas vous dispenser
«l'aller à l'Univer-
sité, comme moi
non plus je n'ai
pu m'en dispenser,
puisque j'étais allé chez les jésuites. Mais j'ai eu plus de
chance que vous. Je n'ai pas eu la présence du cardinal,
et personne n'est venu me haranguer. Vous conviendrez
avec moi que la conduite de M. le recteur n'a pas été
très polie; elle a constitué une véritable surprise, et un
galant homme ne doit jamais agir par surprise. Tel est le
caractère de cet homme : il ne fait jamais rien sans mille et
mille calculs préalables..
Quoi qu'il en soit, l'affaire est finie, et, croyez-moi, n'y
Liège. — Coui du Palais de Juslice.
:-r*&^
«!|.^X!6-'-
r)'>8
LA PRKLATIRE DE LÉON XIII.
pensez |)Iiis. Soyez sûr que le recleur de Home publiera
voire discours. Mais vous pourrez répondre : « 0»nnd j*ai
fait ee discours, je ne savais pas » ; ou bien : « Ce que je
trouve actuellement de rcpréhensible n'existait pas encore
pour moi ». Ne craignez rien de Home. Une autre fois, vous
préviendrez le recteur que vous ne voulez pas être harangué.
Vous avez très bien fait d'écrire à Home; car, là-bas, ils
conviendront que ce que vous avez dit en public était exigé
par la prudence, et que votre véritable opinion sur l'Univer-
sité est seulement exprimée par vos dépécbes.
Si un nonce trouve de l'opposition dans un évcque-
cardinal qui se plaint et ne veut pas céder, alors la Secrétai-
rerie d'État crie contre le nonce qu'elle accuse d'avoir fait
naître un conflit. Si le nonce cède tout bonnement, alors
(»n le blâme parce qu'il n'a pas tenu haut le caractère et la
dignité de la représentation apostolique. Cela fait (|ue les
nonces cherclieront à éviter toute espèce de rencontre avec
les évéques-cardinaux, surtout dans les églises. A Paiis, un
nonce ne pourrait se défendre contre un archevêque, même
non cardinal; parce que celui-ci, suivant les libertés galli-
canes, prétend ne devoir cédera personne autre que le pape.
Cela fait que les nonces éviteront toujours les rencontres.
Ainsi faisait le cardinal Macclii, lorsqu'il était nonce à Paris
et que le cardinal Talleyrand-Périgord y était archevêque.
Vous avez formé votre jugement sur tous les évêques, et
il me paraît que vous les avez tous bien jugés, excepté l'évê-
que de Bruges qui n'est, peut-être, ni si borné ni si vieux.
Observez l'administration de son diocèse, et vous verrez
qu'elle est bonne. Donc révêcjue a du talent.
J'ai reçu le grand cordon de Léopold dans les premiers
jours de mars, etc.
Paris, II aoùl ISTi.
• ^,t • ■*
«
LA .NONCIATLUE DE BRUXELLES.
oii»
CXXIV
Mgr Joachim Pecci, au comte Antoine Pecci et aux frères
Charles et Jean-Baptiste , à Carpineto. — Depuis longtemps
je désirais vous donner de mes nouvelles et vous intéresser
au pays que j'habite; mais encore fallail-il que j'attende
Anvers. — Le Steeii.
reîTel produit sur moi par ce climat, et que je voie quelque
chose en Belgique pour vous en parler au moins sommaire-
ment, n fallait laisser passer les premiers mois d'un désar-
roi bien naturel pour qui vient en pays étranger, non plus
à litre privé, mais avec charge diplomatique, — ce qui
occasionne toujours d'infinis embarras. Maintenant que tous
ces premiers tracas sont heureusement Unis ou qu'ils dimi-
nuent tout au moins, j'espère que rien ne m'empêchera
encore de vous écrire avec plus d'empressement et de régu-
larité, et de communiquer, chaque mois, de mes nouvelles
à la famille.
../TV... - ,--<*»-V»F«r^.Xi,.^j^^
*^3^>^fr^**-'* ■■•'■
50
LA PUÉLATLKK DE LÉON Mil.
LA NONCIATUUE DE DULXELLES.
551
II
M
h
Coinmeni^toiis donc par la santé. Elle se mainliont bonne,
Dieu merci! encore qu'affaiblie quelquefois. L'amélioration
que j'avais gagnée, à mon séjour dans Pérouse, semble
vouloir se conserver malgré les contre-coups éprouvés en
des climats différents. xMainlenant, je ferai tout ce qui
dépendra de moi pour que cette santé se consolide en se
fortifiant. La température rigoureuse et variable de la Bel-
gique demande bien des précautions. Pendaîit les mois de
juillet et d'août, nous avons eu à Bruxelles des journées si
mauvaises, qu'elles ne semblaient pas différer de celles donl
on peut souffiir à Home pendant le plus fort de novembre.
La ville, bien qu'en édifices publics elle n'offre pas nos
magnificences italiennes, est toutefois vaste et élégante.
Presque toutes les églises y sont d'une bardie arcbitecture
gothique.Lesplusremarquablessont:Sainle-Gudule, qui sert
de cathédrale, Notre-Dame-de-Sablon et Nolre-Dame-de-la-
Chapelle. Cependant l'intérieur de ces églises ne correspond
pas du tout à leur extérieur imposant, comme dans les
églises gothiques de France, et spécialement à Reims et à
Dijon. L'H(jtel-de-Yille est un bel édifice, dominé par une
belle tour gothique à laquelle on fait présentement des
réparations. Les rues sont larges, régulières et, les princi-
pales, bordées d'élégants magasins et de candélabres en fer
forgé supportant des lampes pour l'éclairage de nuit, au
gaz. Saint-Jacques-de-Caudembeig, le Palais de Justice et le
Théâtre de la Monnaie, avec leurs portiques et leurs colon-
nades, imitent les anciens édifices grecs et romains et pré-
sentent un aspect imposant. Nombreuses sont les prome-
nades publiques. Vastes et belles les campagnes, autour dj
la cité, encore qu'un peu monotones aussi en raison du ter-
rain uniformément plainier qui n'est pas moins j)ittoresque
que fécond.
L'industrie et le commerce sont on ne peut plus prospères
en Belgique. Bruxelles, placée entre Londres et Paris, donne
avec son mouvement d'affaires, une idée assez satisfaisante
de ces deux grandes capitales du monde. Ce développement
y est produit principalement par les multiples et grandioses
Costumes belges.
voies de communication, surtout par les chemins de fer qui
sillonnent en tous sens le royaume et qui transportent,
avec une rapidité extraordinaire, des masses imposantes
d'hommes et de marchandises. Six voies ferrées, — chose
extraordinaire! — ouvrent la Belgique à la grande facilité
des parcours, tant y est abondant le fer que produisent
ses mines, tant les Belges sont industrieux et persévérants
dans les travaux les plus ardus. Le 15 de juillet dernier,
fut inauguré le chemin de fer qui relie Liège à Verviers;
M^^^mw^.
352
LA PKÉLATinE DE LKON Mij.
r
(
î
î'I'.
le ÔOdii même mois, celui qui va à Xamur; el, le 15 odc.l.ie
prochain, on ouvrira celui de Liège à Aix-la-Cliaj.elle,
l'ancienne Aquisgrana ; de telle sorle que, bientôt, sur là
même voie ferrée, on ira de Paris à Ciuxelles el de Bruxelles
à Aix-la-Cliapelle el Cologne en quel(|ues heures! A l'oc-
casion de l'inauguration du chemin de Ter de Namur,
(laquelle, comme je vous l'ai dit, a eu lieu le 50 juillet),'
j'ai voulu assister à la cérémonie et accompagner I.L. .MM.
le Roi et la Heine, car il est d'usage qu'en celle circonslant c
on lasse des fêles auxcjuelles sont invités la famille rovale
et le corps diplomatique. Rien de plus merveilleux que ces
courses où, en une heure, on lait plus de 20 milles; d(.
telle sorle qu'en trois heures et demie, nous sommes reve-
nus de Namur à lîruxelles, après avoir parcouru une dis-
lance d'environ (îi milles. A droite et à gauche fuvaieni,
eommc des illusions d'optique, les plus riantes perspective!
des villas, des casinos, des villages. Vous trouverez, jointe
à ma lettre, une description rapide de ces fêles.
Le caractère dulJelge est généralement bon et hospitalier.
Dans ses fêtes les plus bruyantes, vous remarquez en lui un
je ne sais quoi de llegmali.iue qui caractérise bien la nature
llamande.
De toute cette narration, vous concluerez facilement que
la vie ne m'est point ici du loul désagréable, encore que
bien des choses y manquent, — et dans leur nombre je
compte principalement le charme de notre ciel italien, le
brio el la vivacité de nos compatriotes. J'our aujouid'hui,
qu'il vous suffise de ces lignes, pour avoir une idée générale
de ce pays. i:nc autre lettre vous parlera en détail des
auties choses que j'aurai vues jusqu'alors, et je vous v con-
terai les particularités de ma vie privée. Je termine celle-ci
en vous disant, à vous, oncle Antoine, de vous diveitir fort
^r^4^û..
LA NONCIATURE DE BRUXELLES.
o.)3
dans vos promenades fréquentes à cheval jusqu'au Casino,
el de faire volie possible pour prolonger la vie jusqu'aprèl
cent ans. A vous, Charles, je dirai que vous devez vous
conserver en bonne humeur el chasser loin toute pensée
mélancolique. Lorsque j'ai visité le fameux champ de
bataille de Waterloo, je me suis ressouvenu de vous, et
j'eusse désiré alors votre compagnie. J'ai ramassé sur o'elte
Le lion de Walorhx».
plaine quelques balles rouillées que vous recevrez en souve-
nir de celle bataille, et que je vous enverrai par la première
occasion qui se présentera.
Dnixellcs, 13 août I8i",
CXXY
Mf/r Fornari, notice à Paris, à Mgr Joachim PeccI, à
Bruxelles. — ... Si vous avez occasion de voir M, Gioberti,
remerciez-le infiniment, de ma part, pour les volumes qu'il
vous a remis à mon intention.
Paris, 0 août 1844.
25
n
H
554
LA PHÉf.ATURE DE LÉON \ll[.
6
I *
!•:
,'
C\XY[
Mgr Joachim Pecci au comte Antoine Pecci et a ht frères-
Charles et Jean- Baptiste, à Carpineto. — Dans ma dernière
lettre (raoût derniei-, je vous ai promis de vous écrire une
fois par mois et, ainsi, de vous donner de mes nouvelles plus
régulièrement que par le passé. Je ne veux pas laisser finir
le mois de septembre sans remplir ma promesse.
Durant tout le mois dernier, nous avons eu un temps
splendide; j'ai à peine souvenir d'avoir vu en Italie journées
plus magniliques et sereines. Ça été une vraie surprise
dont s'est émerveillé tout le monde, tant était grand le
contraste des mois de juin et juillet, pendant lesquels la
pluie fut quotidienne. Au reste, le cas est rare où le ciel de
Belgique ne soit couvert de nuages; il semble être la devise
ou le drapeau du pays.
Ma santé. Dieu merci! se maintient bonne et, bien
qu'elle soit loin d'être parfaite, je me contenterais qu'elle
ne devienne pire sous un pareil climat. L'hiver qui arrive
va être la pierre de touche; car, comme vous le savez,
rhiver est ici rigoureux et humide à l'excès. Mais la Belgique
offre cet avantage que les maisons y sont bien closes et bien
munies contre le froid. En vérité, les portes et les fenêtres
y sont construites avec tant de soin, que le moindre courant
d'air ne peut y pénétrer. Les parquets, comme les escaliers,
sont en bois. De plus, dans chaque chambre, on trouve un
poêle, c'est-a-dire une petite cheminée dont un tuyau
conduit la fumée dehors ; il est totalement construit en fer,
de sorte qu'avec très peu de bois on entretient une grande
chaleur dans l'intérieur de la pièce. De plus, dans l'inté-
rieur même des épaisses murailles, circulent des tuvaux, dits
r- "■. »~ ».
"^Jc^
LA NONCIATURE DE BRUXELLES. 555
calorifères, lesquels se rejoignent à la cuisine; et le feu qui
est allumé dans l'office suffit à maintenir dans toute la mai-
son une température suffisamment chaude.
Les loyers des maisons sont proportionnels a celui que je
paye pour la mienne, c'est-à-dire exorbitants. Celle que
jliabile' el <|ui fut habitée avant moi par Mgr Fornari, coûte
Louvaiii. — Égliso Saiiil-Picrro.
la
annuellement
8000 francs de
location, soit en-
viron 1700 écus
romains. Cette
dépense est vrai-
nient doulou-
rense, mais iJ
est impossible d'avoir à meilleur prix une maison conve-
nable et propre au rang que je dois tenir; aussi faut-il s'y
résigner. Et même, pour les autres choses d'usage, les
prix sont ici au double de ceux d'Italie, quand ils n'arrivent
pas au triple ou au quadruple. Une bouteille de vin ne coûte
pas moins de 55 hajoechi, c'est-à-dire I fr. 50 ; car la Bel-
1. L'hôlcl de la Nonciature, hal)itc par Mgr Pecci, était dans le voisina-e de
bainte-Giidule, cVst-à-dire dans un des plus beaux quartiers de Bruxell^'es »
ecUe époque. ^^ '
"TTS^
b
r)5r.
LA PRÉLATIRK DE LÉON XIII.
iqiie, vous le savez, ne produit pas de vin; celui qu'on y
boit, vient de France et les domestiques se conlenlent de
hière. Un autre article bien coûteux, c'est le bois et le
charbon de terre qui s'emploie exclusivement a la cuisine,
l/approvisionnement de ces deux articles pour un an exige
la dépense de ^2000 francs, soit à peu près 400 écus. I.e
fourrage pour les chevaux coûte ici le même prix qu'en
Italie; mais les cochers s'y font donner des gages de beau-
coup supérieurs, sans ([u'ils aient la souplesse et l'habileté
des nôtres; il est vrai, aussi, qu'ils sont préférables à nos
gens pour l'exactitude et la patience. J'aià l'écurie troisvoi-
lures : une de grand gala, qui m'a coûté 3200 francs; une
autre, qui est couverte et qui peut se découvrir a volonté,
comme landau, dont l'acquisition fut faite par Mgr Fornari
au prix de 2000 francs; une troisième enlin, petite voiture
pour l'usage quotidien, élégante pourtant, celle-là même
que j'ai changée contre le carrozzino parti de Rome en
même temps que moi et qui avait un peu souffert du voyage.
Durant les mois de juillet et d'août, j'ai eu Toccasion de
de voir maints châteaux, qui sont des maisons de campagne
habitées par les principales familles de Bruxelles, pendant
l'été et l'automne. Le style de ces châteaux est ordinairement
gothique. Ils sont tenus avec une propreté incomparable,
note caractéristique de la race flamande. Les campagnes, les
petits bois et les collines qui les environnent, ofl'rent des
points de vue variés, pittoresques. J'ai vu deux fois la ville
de Louvain, célèbre pour son Université catholique, et celle
de Malines qui est la résidence du cardinal. J'aurais eu sou-
vent l'occasion de me rendre à Anvers, à Gand, à Liège,
etc., et je ne l'ai pas fait pour ne pas m'absenter de la capi-
tale, sans un motif sérieux.
Les journaux vous auront, sans doute, appris le voyage que
^A.-^. .j:
•»!
LA NONCIATURE DE RRtXELLES.
i «1
i -il
Vient de faire, ce mois-ci, la reine d'Angleterre en France
et en Belgique. Le 18 septembre, elle a fait son entrée à
Bruxelles. J'ai pensé qu'un récit détaillé de ce qui est arrivé
en cette circonstance vous intéresserait ; aussi je vous en en-
voie la narration, que vous trouverez incluse dans cette lettre.
Voilà donc, sur la Belgique, toutes les nouvelles que vou5
pouviez en attendre. C'est maintenant au tour de ma pensée,
de revenir au pays natal et de se fixer, tout au moins un
instant, sur Carpineto. Je désirerais, d'abord, connaître
l'état de votre santé et savoir comme vous la traitez dans nos
montagnes. J'imagine que vous ne changez rien à la bonne
monotonie des antiques coutumes; que l'oncle Antoine
continue à monter sa jument favorite; que le sédentaire
Charles reste à la maison et se livre souvent aux sollicitudes
domestiques; que Jean-Baptiste, en résidence à Maenza, fait
à Carpineto ses courtes apparitions d'un jour à l'autre.
J'espère bien que la santé de tous est bonne; mais je serais
heureux d'en avoir l'assurance par quelque lettre que, de
temps en temps, j'aimerais bien recevoir.
Bruxelles, 25 septembre 1843.
CXXVII
t
Mgr Joachim Pecci à M. Stanislas Slerbhii, à Rome,
J'apprends avec plaisir, par votre dernière lettre du 28 sep-
tembre dernier, que vous avez reçu régulièrement mes pré-
cédents messages et qu'aucun autre accident de poste ne
leur est arrivé. Je me plais à espérer que la régularité du
service se maintiendra, à l'avenir, pour notre correspon-
dance. La contestation provoquée par Taflaire du chanoine
Buratti et les démarches imprudentes que ce prêtre s'est
2â:i
y
558
LA PRKLATlFiK f)E LKON Mil.
i
►j
permis de faire, m'ont causé la plus grande surprise et le
plus vit' déplaisir. Certes, en outre des ennuis continus que
je vous ai procurés, je ne m'allendais pas à vous en causer
d'autres, encore qu'innocemment et bien involontairemenl.
Comment supposer qu'on eût osé vous offenser dans votre
honneur, par des démarches aussi inconsidérées ({u'impru-
dentes? Dans la lettre de reproches que j'ai écrite à ce cha-
noine, j'ai exj)rimé tout mon mécontentement el j'ai sommé
le coupable d'avoir à réparer son méfait. Il a promis de le
faire par une lettre pleine d'excuses, qu'il adresse à vous el
aux autres personnes par lui offensées. Il y a, par le monde,
des gens de toute sorte; mais je ne sais s'il en est de plus
dangereux que ceux qui, à la légèreléde la réflexion, ajoutent
l'imprudence des actes. Quoi qu'il en soit, je suis heureux
d'apprendre par votre lettre (lue cette affaire est terminée,
oubliée même.
Dans votre pli, j*ai trouvé le relevé des dépenses a i)()iter à
mon débit. D'ici même, j'ai reconnu ce compte très régulier.
Vous avez bien fait d'y ajouter les frais de poste des lettres
que vous avez reyues, et vous voudrez en faire de même
j)our les suivantes. Après ce que vous m'aviez écrit, je ne
ni'atlendais pas à voir approuvée la dépense des rayons de
bibliothèque, faite par Mgr Fornari. C'est très heureux que
la Secrétairerie d'État ait eniin changé d'avis, en admettant
ce compte.
A l'approche de l'hiver, je vois avec déplaisir s'augmenter
les dépenses. Je suis contraint pai- la nécessité de grever,
au moins pour un trimestre et pour la somme de 50 écus,
Tavance des 100 écus que je prends à la Banque Romaine
sur les 3000 francs auxquels j'ai droit. Cette mesure est
motivée entre autres par l'approvisionnement de charbons et
de bois nécessaires, en celte saison et sous un lel climat,
LA iNONCIATURE DE BRUXELLES. 559
pour se défendre des grands froids. D'autre part, les
dépenses quotidiennes absorbent la somme que vous me
faites remettre, chaque mois. Ces dépenses, les voici :
Loyer 007 francs.
Nourri tu re /|,5()
Gages des domestiques 371
Ecurie Jt)()
ï>ivers 450 —
Soit, par mois. . . . 2058 francs.
Avec les 50 écus (jue vous ajouterez à mes lettres de
change courantes, j'aurai une augmentation et une réserve
de !270 francs. Tout le mal vient de ce loyer dispendieux de
UO écus par mois. Sans cet embarras, les choses pourraient
marcher. Mais que faire? Se résigner.
Jusqu'à la petite réserve (jue j'avais épargnée el qui, de
mois en mois, s'en est allée. Hécemment encore, j'ai subi
une rude secousse du coté des chevaux qui n'ont pas tenu ce
qu'ils avaient promis. En outre, il a fallu faire l'acquisition
d'une voilure ; celle que j'avais amenée de Rome ne pouvant
plus me servir, selon les convenances.
Je vous remercie des nouvelles que vous voulez bien me
donner sur ma sœur mariée à Ferentino, et je vous envoie
une lettre que vous aurez la bonté de lui faire parvenir.
J'apprends avec plaisir qu'elle se porte bien. J'ignorais que
Jean-Baptistefûtàllome; je luiécrivis, l'autre jour, quelques
lignes adressées à Carpineto, et j'en attends la réponse. S'il
est venu à Rome pour arranger les afiaires de famille, j'en
ai grand plaisir. S'il y est encore, exprimez-lui, en le saluant
affectueusement de ma part, mon désir et ma volonté puis-
que c'est de lui que dépend l'avenir de notre famille. En
perpétuant son indécision, il compromet sa personne et son
i
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"r ■ ■»!
■*,*|s»>>.-
■-Ï.* ; -JL
. f'jiMC-Ji^isùiMiiliN^l^^^ àil.
I (
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{■
I
i
500
LA PUÉLATURE DE LÉON XIJI.
héritage. Il va contre la volonté de notre père qui, en insti-
tuant en faveur de Titta un droit de primogéniture, agissait
contre les intérêts de ses autres enfants, intérêts en quelque
Louvain. — l/llôtel de Ville.
sorte annulés et compromis par cet acte. Ceci dit entre nous
seulement.
Il est juste qu'en terminant cette lettre je réponde à votre
demande de nouvelles, sur moi et sur ce pays. En commen-
çant par ce dernier, je vous dirai que Tévénement le plus
important de septembre écoulé fut, sans conteste, larrivée
de la reine d'Angleterre. Plus heureuse que la France, la
Belgique a possédé cette Souveraine, une semaine entière, la
¥.
LA NONCIATLRE DE BRUXELLES.
0(1 1
promenant dans les principales villes du royaume, à Ostende,
àBruges, — l'antique capitale des Flandres, — à Gand, à An-
vers, à Bruxelles. Partout, ce ne furent que manifestations et
kermesses sans nombre et du plus splendide effet. Vous en
aurez lu le récit dans les gazettes. La reine, arrivée l\
Bruxelles le l(S, en repartit le jour suivant. I/entrée fut ma-
l/Adoration de rAgncau de rA|)ocaIypse. (D'après Van Eyck.)
gnilîque, par la rue Boyale qui est la plus belle et la |)lns
spacieuse, et par le Parc qui la suit et qui était décoré à
grand gala. Le soir, les illuminations furent superbes. Au
banquet des Souverains, on avait aussi invité le corps di|)ln-
matique. La reine Victoria tenait le milieu de la table,
entre le roi et la reine des Belges. Comme j'étais placé h
côté d'eux, j'eus la fiiculté d'observer les hôtes rovaux
et de placer quelques paroles. La reine d'Angleterre est de
petite taille, son expression est vive et sa personne, sans être
mal, n'a rien de trop....
ii\
ââjfe
li
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i .
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LA l'IlKLATlUK DE LKOX Mil.
iH'rilnov. Il va coiilro la voloiilé de iiotiv prie (|iii, rii iiisli-
(uaiit en faveur de Tilla nn drcMl de prinio-éniluiv, a-issail
coiilre les iiilérels de ses aulres eiiranls, ijilérèls en (jneli|ne
■' ft- ffi tt^)Vif 5f ^^ â 4î 'il i' 1 ^h1' î .f ita f ^
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Louv.iiii. — l,'ll«'tt<'l «le Villr.
sorle anmdés et compromis par cet acie. Ceci tlil nUre 7io}fs
seulement.
Il est jnsle (pfen lejininant cette lettre je réponde à vofie
demande de nouvelles, sur moi et sur ce pays. Kn connnen-
eant par ce dernier, je vous dirai (|ue l'événement le plus
important de septembre écoulé lut, sans conleste, Tarrivée
de lu reiiie d'Angleterre. Plus heureuse (pn^ la France, la
Beloi(|ue a possédé cette Souveraine, une semaine enliérj, la
il
LA NONCJATlIli: hK illHXKLLKS.
;i;i
promena n( dans les piincipales villes du royaume, à Ostende,
àBruges, — ranli(|ue capilale des Flandres, — à r.and, à An-
vers, à nru\(dles. Parloul, vv ne fuivul (pie manileslalions el
kermesses sans nombre et du plus splendide eiïel. Vous en
aurez lu le récit dans les oazelles. Fa reine, arrivée à
Bruxelles le IS, en repailil le jour suivanl. L'enirée fui ma-
l/A<loiali(iii «!.• l'Agnoau de rA|KHjtlv|'so. (D'jipivs Van Eyck.)
guiri(jue, parla rue Royale rpii est la plus belle et la jdus
spacieuse, et par le Parc qui la suit et cpii était décoré à
^rand oala. Le soir, les illuminations furent superbes. An
bancpiel des Souverains, on avait aussi invité le corps dijd(;-
mali(pn\ La reine Victoria tenait le milieu de la table,
entre le roi et la reine des I]el<ivs. Comme jY'lais placé à
coté d'eux, j'eus la faculté d'observer les botes rovaux
t.
et de placer quebpies paroles. Fa leine (FAngleterre est de
* * 1 1
petite taille, son expression est vive ct sa personne, sans être
mal, n'a rien de lro|)
HVPOM
I -
•'"^ l'A PRÉLATinE DE LÉON XIII.
La semaine passée, j-ai A.i, une échappée jusqu'à Gand.
Cest, comme vous le savez, la seconde ville du .ovaume,
a oO milles de Bruxelles environ. l'ar le chemin de Ver, en
deux heures, j'y étais roni]u ifrrw. n - . , .
» jj t,idiï5 itnuu. Mgr I eveque, (jui m avait
invité, inc lit une telle ré-
ception que je n'en peidrai
jamais plus la mémoire.
En un mol, il avait voulu,
par les démonstrations les
|)lus pompeuses, honorer
en ma jieisonne la lepré-
-SI
Biuges. — Le canal du Rosaire au Béeuiiiace
senlalion de la Nonciature aposlolique. Gand, ou. lut
.ladis le berceau de Charles-Quint, est une ville riche en
monuments qui méritent d'être vus et admirés. J'ai été
surtout charmé par la cathédrale, dédiée à saint Bavon
«^ est une des plus belles églises des Flandres, pour l'élé-
f^ance et la légèreté de son style gothique. Je me suis arrêté
une heure à y admirer un tableau merveilleux du peintre
flamand \an Eyck, inventeur de la peinture à l'huile. Cette
I.A XO.NCIATUItE DE BRUXELLES. 5C5
toile, conservée dans la cathédrale, représente l'adoratioi.
de l'Agneau de l'Apocalypse. J'ai visité de nombreux établis-
sements, admirablement bien tenus, pour l'éducation des
garçons et des filles. J'ai vu aussi la maison de force, bâtie
au siècle passé i)ar Marie-Thérèse d'Autriche, d'après un
dessin nouveau et original. Klle forme un octogone et pos-
'^'^&e. — Le palais provincial.
sède une cour, au milieu de laquelle une seule sentinelle
suffi! à veiller. Chacun des huit angles vient souder là sa
tête, et chaque aile comprend les divers métiers que les
condamnés peuvent connaître : tisserands, charrons, menui-
siers, tailleurs, etc. C'est un établissement vraiment magni-
fique. °
Que vous dirai-je du petit et du grand Béguinage? Imagi-
nez-vous, dans la ville de Gand, deux autres petites villes ou
deux aut.es petits pays, avec mu.-ailles et portes de clôture.
'I >i'«
^Vd?*-
if- -«r^ -*'•» r^
364
LA PRÉLATURK DE LÉOiN XIII.
Les hahitanls exclusifs en sont des femmes qui se letirenl
du monde et qui, pourtant, appartiennent encore au monde,
n'étant pas des religieuses qui font des vœux. F.ihres d'elies-
mèmes, ou l)ien elles habitent seules une maison dans le
béguinage, ou bien elles vivent en communauté et forment,
dans ce même béguinage, des couvents sans aucune disci-
pline sévère et sans dépendre d'aucun homme. Eh bien!
chose incroyable, elles vivent dans la paix et la concorde les
plus parfaites, et, depuis six siècles que les béguines
existent, elles n'ont jamais provoqué le moindie incideni
fiicheux. Cela suftil, sans doule, à vous donner une idée
du caraclère flamand, plein de mansuétude et de sagesse.
Le petit béguinage compte environ iOO femmes; Ih le
grand, 700.
J étais de retour à Druxelles, le soir du G courant.
La santé se maintient assez bonne. Saluez pour moi tous
les nôtres et aussi Garrigos, CappelJo, Fora, etc.
Biiisollcs, 12 ocloWe 1843.
P. S. Le papier me faisant défaut, j'ajoute sur ce verso
mes remerciemenis pour les nouvelles que vous m'avez
données sur les événements des Homagnes. Espérons qu'ils
touchent à leur terme. La caisse de l»érouse, que vous avez
reçue après mon départ de Home, contenait un secrétaire et
deux portiails de moi. Dites-moi, je vous prie, ce que tout
cela est devenu.
^"SK
•»»*■
LA NONCIATLHE DE BRUXELLES.
;65
Relevé des sommes reçues et payées par Stanislas Sterbini pour le
compte et sur l'ordre de Mgr Joachim Pecci, nonce apostolique à
Bru relies.
1843
Doit :
!«' janvier. — Ilcsto de l'achat de 4 flambeaux
expédiés à Pérouse 1 écu 40 baïoques.
20 mars. — Payé à Civita Veechia pour Mgr. . 50 — » _
20 mars. — Pour les dépenses à son compte. . 2 •— 85
25 mars. — A llapluiël de Vivo, voiturier, pour
le compte dudit j ^q
15 avril. — A Horace Albino, cuisinier, pour le
compte dudil | c)q
20 avril. — A Félix Eugène, deux bons de demi-
impériale, en guise de voiture, pour le compte
^»^»t 5-50 —
20 avriL — Pour trois lettres, de Marseille, de
Nemours et de Bruxelles 5 73
20 avril. — Remisage des chevaux 7 ^25 _
27 avril. — Remboursé SI écus 1 1 baïotpies au
frère de Mgr ^1 11
Total . 1 57 écus 54 baïoques.
1843
Avoir :
27 avriL — Reçu sur la vente des chevaux dans
laquelle ne sont pas compris les fourrages
laissés à la famille de Miîr.
27 avril. — Payé par Félix Eugène 0 écus et
2i baïoques pour une couverture de vova»e
donnée par Mgr
27 avril. — Au même, par Stanishts Sterbini.
150 écus )) baïoques.
o — 21
4 — 35 —
Total . 157 écus 54 baïoques.
, ^ ,'■ e^ ^t if -- et ^ '.^.ir'^L
i**. wlkJ
f-^
^^^ ^A PRÉLATLîRE DE LfiOX Xlfl.
Paienienl fait à Mgr ,)ar son frère Jenn-Raptisto. ;,0 nus » I,aïo.,ues
tom fourni par Bocchi pendant le séjour de
Mgr à Rome ^ -..
Dépenses |)oiir les chevaux 1—89 II
Frais de voilure pour deux colis expédiés de
Pérouse ^ -7
Aux facchini pour le transport desdiles caisses. 0 — 80 —
A Dianconi, pour les voilures louées [)ar M'T. . 7 7
Prorata à la charge de Mgr, [)our les dépenses
laites à Civita-Vecchia 4 __ 39
Prorata pour le pourhoire à l'auherge. ... * » -_ 5 __
Moitié de la taxe payée, à la vente des d.ux
chevaux .... ^ ..,
TnT.vr.. 81 écus 1 1 haïoipics.
LA NnNcïATliîK Dl- lUiliXELLKS.
iC7
CXXVIII
HJgr Joachim Pecci à M, Stanislas Sterbhii, à Home. —
Je vous remercie inlinimeiit de rinlérèl que vous prêtez à
nos affaires de famille, et de vos instances auj>rès de mon
frère Jean-Baptisle pour le décider, dans sa perpétuelie irré-
solution, à prendre la direction de la maison paternelle et à
prendre aussi nn parti. S'il pouvait s'y décider enfin et
vite, — car les années s'avancent, — j'en éprouverais un
plaisir inexprimable. Et c'est, en raison contraire, un pro-
fond et continuel ennui que je ressens à penser que, si nous
n'y pourvoyons bientôt, la famille ira peu à peu s'éteignant
après tant de sueurs (sic) des ancêtres et les dispositions si
sages de notre père.
Je regrette que vous ayez eu à me demander une s... avec
mon R»o... Par là, vous me découvrez et vous déjouez mes
projets. Ayez la complaisance d'attendre encore un peu...
Bruxelles, le 15 novembre 18 i3.
CXXIX
%/• Formri, nonce à Paris, à Mgr Joachim Pecci, à'
Bruxelles. — ... Ici, nous sommes parfaitement d'accord,'—
nous, c'esl-à-dire tous les ambassadeurs intéressés au bon
ordre des cboses en
Italie, — pour clier-
cber tous les movens
de rompre les rangs
des conspirateurs.
Le soi-disant révé-
lateur qui s'est pré-
senté à vous, en se
qualifiant d'Anglais,
et que vous avez pris
pour un Italien, doit
être un Polonais qui
a fait la mémecliose
avec l'ambassadeur
de Naples et avec
moi et qui nous a
trouvés tous les deux
de braves gens, et
nous a mangé de
l'argent. A nous, il
a déclaré s'appeler John Maurice et nous a fait les mêmes
historiettes qu'à vous. Il paraît que vous avez été plus malin
que nous et que vous ne vous êtes pas fait manger d'argent.
Bravo! j'en suis fort aise.
î»aris, le 27 novembre 184'.
Gand. -- Caliiédi'ale de Saint-Bavon.
'-^^^fmmm^t.
^^•mm^^tmmmm.
*:«!»'
■<■
5i!8
l-A l-fiKLAÏlRE l)K LÉO.N Xlll.
<;xxx
Le comte Stanklas SterhinI à Mgr Joachim Pccci, à
Bruxelles. — A Fcienli.io, j'ai eu un long enl.clien avec
ï-a comU'sso Joan-Raplislo Pt'cci (néo Saliiia).
inaJame voire sœiir^ et votre frère Jean-Baptisle. Celui-ci
m'a parlé en toute sincérité. Les pourparlers de mariage,
1. Catherine Pecci était mariée avoc un Lolli,(le la petite ville de Ferentino
<roù la famille des Sterbini était originaire. Mgr Pecci conseillait à Jean Bap-
tiste d'y épouser une nirce du cardinal Pelli, mais ce parti ne convint pas à
Titta, comme 'cette lettre le prouve. Plus tard, il épousa Angèle Salina qui est
morle seulement en 189ÎK
LA NONCIATUnK DE BRUXELLES. 50i>
engagés précédemment avec Madame Belli, ne lui convien-
draient plus pour divers motifs. Le principal tiendrait à
des négociations quVn dehors des noires, la jeune fille et
sa Aunille essayeraient de faire réussir ailleurs. Votre frère-
m'a assuré qu'il était disposé à tout, pour répondre à vos-
désirs et à la volonté de feu votre père. Nous avons abordé
Ciuscppo Mazzini.
I)ien des petits détails que, pour aller plus vite, je tais, me
contentant d'indiquer celui qui vous intéresse le plus. W
m'a donc invité à m'occuper activement de lui rechercher
un parti sortable qui répondrait aux désirs divers de la
famille.
Borne, le 28 novembre 1845.
CXXXI .
Mgr Fornari, nonce à Paris, à Mgr Joachim Pecci, è
Bruxelles. _ ... On sait avec précision que l'avocat Mazzini,.
24
^K-
['■'lXa^J.V4'.J. ■ m.. L lia I. ■ ■«
ôfiX
I.A l'Ill-LATI tiE II)-: I.KON Mil.
i:\\\
Le vomie SlanislaH Slerhinl à M,,,- .hachim IWci, à
Hmxelln. — A Fercnlino, j'.i eu un loim c-nl.elieii avec
J?%
la comlrss.' Ji'jiri-ll.iplislf Prcri un- Saliim).
inadaine voliv sœnr' e( V(j(iv ùviv Joan-nnptisle. Celui-ci
m'a parlé en loule sincéiilé. Les pourparlers (!e maria^'c,
1. Callieiino rVcci ('l;iit innri.'o ;iv.',- un Lclli.dc h poiiU' villr ,1,. IViviilino
«Koù la famille des SicrI.ini ('«lait oi i-i,.;.!..,.. m^,- p^cci conseillait à Jean {{aj.-
li>^le d'y épouser une ni.Ve du cardinal Pelli, niais ce paili ne convint pas à
Tilhi, connue 'cette lettie U- prouve. JMus tard, il épousa An-èle Satina .jui est
morle seulement en 1891».
■**!!!l*
LA NONCIATirii: [)K HKliXiaLKS. ^^^^
en-ao(s pivcédemmenl avec ^Fadamc Belli, ne lui convieu-
(haieiil |dus pcuu' divers motifs. Le principal liendrail à
des neiiocialioFis nu an dehors des noires, la jeune iille cl
sa lamille essayeraient de faire réussir ailleurs. Voire frère-
lUii assuré (|u'il élail disposé à louU j^our répondre à vos-
désirs el à la vidonlé de feu voire père. Nous avons ahordé-
me
Lieji des pelils détails (|ue, pour aller plus vite, je tais,
cimtenlant d'indiiiuer celui qui vous intéresse le plus. Il
ifa donc invilé à m'oecuper aclivement de lui rechercher
in
un parli sorlalde qui répmidrait aux désirs divers de la
famille.
l'ionie, le 28 noveuibre ISi".
ex XXI .
Mgr Formri, nonce <} Paris, à Mgr Joach'm Pecci, à
Bruxelles. — ... Ou siiil avec prccisio» que l'avocat Mazzini,
n
.. w ;ï" ...'at't..
570 l'A PRÉLATURE DE LÉON XIH.
Génois, chef révolutionnaire, fondateur de la secte la Jeune
Italie (dont Giobcrti était adhérent), auteur de l'Apostolat
populaire, est à présent à Bruxelles, venant de Londres, et
qu'il s'occupe à rédiger un programme à l'adresse de tous
les révolutionnaires italiens, pour régler les opérations
qu'ils devront faire maintenant ou au printemps. Leur Lut
est de révolutionner l'Italie, et spécialement les États l'ou-
lifîcaux et le loyaume de Naples. Outre lui, il doit y avoir à
Bruxelles un certain nombre d'Italiens venus avec des passe-
ports anglais, sous des faux noms, et qui ne sont que des
conspirateurs sous les ordres de Mazzini.
Failes-en part au chevalier Ilody, administiateur de la
Sûreté publique (à Bruxelles).
Pari?, le 27 dccembie ISiS.
CXXXII
3Jgr Fornari à Mgr Joachim Pecci, à Bruxelles. — Je
vous remercie de tout cœur de ce que vous me dites, à pio-
pos de Mazzini. Maintenant, je suis persuadé que la nou-
velle de son arrivée à Bruxelles est fausse, quoiqu'elle ait
été communiquée non seulement à moi, mais aussi à
MM. les ambassadeurs d'Autriche, de Sardaigne et de Naples,
par M. Guizot, ministre des Affaires Etrangères. Le canal,'
par lequel nous avions reçu cette nouvelle, nous a alarmés
et a été la cause de l'ennui que nous avons causé à l'excel-
lent chevalier Hody.
Paris, décembre 1843,
LA NONCIATURE DE BRUXELLES. 571
CXXXIII
Au frère Charles, à Carpineto. - J'ai revu votre letl.e
avyc un bien vf plaisir. Pourquoi avez-vous tant tardé à
m ecnre? Dans une de mes dernières missives à l'oncle
Antome, j'en exprimais à juste titre mon élonnemenl.
Viiicciizo Giobcrli.
Quand, en septembre et octobre derniers, j'adressai deux
lettres-. Carpineto, j'y joignis un papier distinct et spécial
pour vous et Jean-Baptiste, afin de ne pas multiplier inu-
tilement les courriels. Il était donc bien naturel que j'at-
tendisse de vous quelijue réponse.
Vous me dites dans votre lettre que « vous n'aurez de
satisfaction que le jour où vous apprendrez mon retour au
pays natal ». J'accepte de bon cœur l'augure de revenir un
jour, à Carpineto et d'y revoir le foyer paternel ; mais vous
^«.•6.;«,«a,ji„
572
LA PKÉLATURE DE LÉON XIH.
voyez bien qu avant que ces prévisions s'accomplissent, de
longs Jours s'écouleront, dix ans peut-être, peut-être davan-
tage. Or, qui peut se promettre de vivre, pendant dix ans?
Les choses se présentant aussi lointaines et aussi incertaines,
— bien que Taugure, je le répète, m'en soit cher, — peut-
être vaut-il mieux s'en remettre tout a fait à la Providence
qui règle à son gré les événements de
la vie et les subordonne sagement à
ses lins.
Au reste, que ferait ma présence au
foyer, surtout (juand je n'y relrouve-
rais pas de famille, puis-je dire, ni
belle-sœur, ni neveu*? Les affections
de famille, dont nos pères nous ont
fait héritiers, sont en moi toujours
vives et ne pourront jamais s'affaiblir;
mais enlin faut-il aussi que cette fa-
mille se leconstilue, se recompose.
Dans l'espoir qu'arrivera bientôt ce
moment heureux pour moi, et tandis que je vous laisse, à
Titta et à vous, le soin de le hâter ou de le favoriser tout
au moins, laissez, mon bien cher frère, que je m'occupe
de la Belgique où la volonté du Seigneur m'a appelé pour
y remplir une grande mission. Les devoirs et les occu-
pations de ma charge sont délicats et difficiles, au point
que vous l'entendez bien sans que je vous en parle davan-
tage. Que votre prière matinale s'élance des flancs du
Capreo*, et qu'elle implore le ciel pour moi et pour le
peuple belge!
1. Le fi'ère Charles, au grand déplaisir de Mgr I»occi, ne voulait pas se
minier. De fait, il est mort célibataire obslioc.
2. Le Capreo, montagne de Carpin«ito.
Clocher de Saiiil-Sauvour.
• tW- J»^^t.!L-»-.
LA NONCIATURE DE BUUXELLES.
575
Ce 'sera la première fois, je crois, que Carpineto et la
Belgique se rencontreront au cieb
Jusqu'avec jour, j'ai oublié de vous envoyer les balles que
j'ai ramassées sur le champ de balaille de Waterloo. C'est
aussi la faute des rares occasions qui se présentent pour un
voyage en Italie. Ainsi, ces champs ne gardent aujourd'hui
Chevet de Saint-Sauveur.
I
que la mémoire de la fameuse bataille oii la fortune de
Napoléon a péri, mémoire encore mieux confirmée par la
présence du lion néerlandais qui, de son piédestal, domine
celte plaine. Ces campagnes, au resle, sont toutes employées
a la culture et, encore qu'abreuvées de sang, rendent au
laboureur joyeux du blé en abondance.
J'ai vu jusqu'à cette heure les villes de Namur, de Malines,
d'Anvers et de Gand, patrie de Charles-Quint; j'ai visité
leurs monuments. J'espère voir, l'année prochaine, Tour-
nay, Bruges, antique capitale des Flandres ; et Liège, cité
fameuse, elle aussi, comme vous savez. Ainsi, j'aurai vu et
parcouru toute la Belgique, etc.
Bruxelles, 14 février 184i.
-'mmm,,
■hi * m
i ^'f''~T
-,^-w W-— ;.
374
M
LA PRÉLATLRE DE LÉON XIII.
CXXXIV
Mrjr Fon,nn à M,r Joachun Pecci, à Bruxelles. - Le
projet de lo. sur les j„rjs d'exnmon roncon.rc de ..ave!
liruges. - Place ,h, Marché.
difficullés, et j-incline à croire cju',1 ne passera pas- „,.is ic
no VO.S pas eom.ent cette opp„si,io„ çL to.lfeHerini
-e, puisque, dans tous les journaux, je lis que IN '
l'omb ne posera pas la question de cabinet.... ^ '"
Taris, le 28 février 1844».
^ D'après Mgr T'SercIaës (I,. Pape Léon Xïil . i
porterait la date du 24 juin 1844. ' ' P*'^' ^^^)'
celte lettre
t
-♦«*'"
NONCIATUKE DE BRUXELLES.
57;
cxxxv
Du même, à Mgr Joachhn Pecci, à Bruxelles, — Je ne
veux pas me mêler des affaires de Belgique, et encore
Brugc's. — La Grand 'Place.
moins vous traiter comme un écolier, ni vous donner des
leçons; car vous avez de la sagesse à en revendi^e. Je trouve
justes les réflexions que vous avez faites, sur mes obser-
vations
Vous me dites : « Je cherche à seconder les vues toujours
sages de S. M., et d'en assurer le succès ».
Quelles sont, sur ce sujet, les vues du roi? Soutient-il
II
■::»«, i'ai***J
têm, mrm,
Z^^>'^ .
sSirvat- ^.icim^-^-.
■Sr*r»S
.^ff»^.fw-
x^L, i
Z16
LA PRÉLATURE DE LÉO.\ XHI.
1
INolhomb, ou est-il de l'avis des évèques? Par charil,".
prenez garde de vous mettre dans la balance, contre
lopm.on des évèques. Maniez toujours le roi et faites-lui
voir comluen cette affaire est différente de celle de la
personnalité civile de l'Université de Louvain. I/autre ne
*-egarda>t que Tintérèt matériel de l'Université, et la majo-
nte des catholiques même y était opposée. Mais cette affaire
peut atteindre l'existence même de l'Université.
Paris, le i mars 18».
ex XX Vf
Du même, à M,jr Joachim Pecci, à linueUes. - Je
vois, comme vous, qu'il faudrait une combinaison. Mais si
<^^omme vous me le dites, il est impossible que les évèque^
<^eaent et que les catholiques se rendent, alors il n'y a pas
<^ arrangement possible. Jl y aura seulement écroulement
<i une partie du ministère, chose qui l'affaiblira aux veux du
publie el qui relardera sa démission de peu de jours".
Tout vaudrait mieux pourtant que la démission du
niinislere.
l'aris, le 11 hi.iés 18 ii.
CXXXVII
Ou même, à M.jr Joachim Pecci, à Bruxelles. - I -,
poste de France n'a aucun .niérèt à connaître la correspon-
dance entre le nonce de Paris et celui de Hruxelles. S'il
s agissait de ma correspondance avec le Gouvernement pon-
tiiical, elle aurait voulu sans doute savoir ce qu'il y avait
dedans. Mais, entre vous et moi, cela n'excite pas sa
I
LA NONCIATURE DE BRUXELLES. 077
curiosité.^Et puis, quand on ouvre les lettres, si vous saviez
avec quelle adresse on le fait! Certainement, on ne rompt
plus les cachets; car on possède tous les cachets des
personnes dont on veut lire les lettres. C'est ainsi qu'à la
poste de France, au Cabinet Noir, on a mes cachets et ceux
de la Secrétairerie d'État. ...
Paris, le If avril |8ii.
ex XXVIII
Dh viême, à Mfjr Joachim Pecci, à Bruxelles. — Qui
dira que le nonce de Bruxelles n'est pas le plus heureux des
nonces? La nonciature de Pruxelles est la lleur des non-
ciatures, et la Belgique le paradis terrestre des nonces.
Si
'•S^'ÏW^KW?
Afc^
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ii«:d^-'*'*.»'
^Ê-k:4'ig-.
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-<^f^^r-
578
LA PRÉLATURE bK LKON Xllf.
• M
Prépaiez-vous au moment où vous devrez passer à une
autre nonciature. Quelle qu'elle soit, vous verrez que ce qui
vous paraît ici épine, vous semblera rose ailleurs. C'est
beau (le commencer par la Iteljfique, comme par un novi-
ciat. Peut-être ne serez-vous pas d'accord avec moi; mais
c'est ainsi. L'expérience fuluie vous prouvera la vérité de
ce que je vous dis.
l'aris, le 17 mai 18Si.
CXXXIX
Du même, à Mfjr Joachim Pecci, à Bruxelles. — Si le
Gouvernement tient à garder secrète la succession du comte
d'Oultremont minisire démissionnaire, il n'y a pas lieu -i
négociations. Et il parait clair qu'on ne veut pas entrer en
négociations. En général, les négociations n'ont pas de
raison d'être, parce que le Gouvernement a le droit de
nommer son ministre sans en prévenir le Saint-Siè-re
comme celui-ci a le droit d'envoyer un nonce sans "en
prévenir le Gouvernement. Ainsi, quand il s'est a.^i de
votre nomination , le Secrétaire d'État a tenu la chose
tout à fait secrète pour le comte d'Oultremont, sans jamais
lui en rien faire savoir; ce dernier se plaignait continuelle-
ment dans ses lettres au ministre. A présent, on lait encore
assurément la même chose avec vous.
Si j'avais à choisir, je préférerais le comte de Lannoy.
Mais vous devez faire en sorte que le Gouvernement ne
sache pas que la proposition vient de vous, autrement il ne
le nommerait pas, sachant bien que le Gouvernement ponti-
fical excluait tous les prélats que le comte d'Oultremont
proposait pour me succéder.
Paris, juin I8U.
I.A NONCIATIRK DE URUXELI^ES. 579
CXL
I)>i mê„K', à Mgr Joachim Pecci, à Bruxelles. — Obser-
vez, je vous prie, qu'en Belgique le pape est dans le droit
commun, et l'évèque qui demande un coadjuteur doit le
•ecevoir du pape, et il apparli,.nt au nonce seul de le
— — ••rf*»/-»«'T^"*'''*<^j
^.:iZ
Gnad. — Le Quai aux llcrU's.
proposer. Il est vrai que l'évèque qui le demande peut
l'-oposer un sujet ; mais le métropolitain et les autres évê-
ques provinciaux n'ont aucun droit de s'en mêler Je
vous dis cela très secrètement parce que, quand il s'est
agi de nommer l'évèque de Gand, l'archevêque de Malines
ma dit que le pape devait demander l'avis des autres
eveques; et moi, bien que simple chargé d'affaires, je m'y
SUIS opposé disant que le pape était tout à fait maître de
choisir qui il voulait sans demander l'avis de personne
parce qu il n'admettait pas que l'usage s'en introduisît el
que, <le la multitude des cas, on arguât de précédents qui.
g" yt'i"
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!fF»-:-f> ir»p»*>"'(»«^.%«,.
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■^«"
580
LA PRÉLATLRE DE LÉON XHL
1;
i'- (
^(;
ensuite, lieraient les mains du pape. Je vous prie de tenir
tout cela dans le plus grand secret, etc.
Paris, le 4 novembre 1844.
CXLI
Du même, à Mgr Joachim Pecci, à Bruxelles, — Comment
avez-vous pu comprendre que je supposasse que vous puis-
siez croire qu'il fallait consulter Tarcheveque de Malines et
les autres évoques de la province, pour proposer au Saint-
Siège un sujet pour un siège vacant. Je n'ai jamais pu sup-
poser cela, comme je n'ai jamais pu supposer que vous ne
sachiez parfaitement que le Saint-Siège est tout à fait libre
d'agir comme il veut, et de choisir qui lui plaît, et qu'il
n'a aucune intention de consulter à ce sujet Tarchevcque
de Malines. Je vous ai dit que c'est cet archevêque qui pré-
tendait que le Saint-Siège devait le consulter, lui et les
évoques de la province ; et il le prétendait depuis le jour
où il s'est agi de nommer l'évéque de Gand, époque à
laquelle il n'était pas cardinal. Alors je n'ai pas voulu
admettre son principe. Seulement, — et cela a peut-être
été une imprudence de ma part, — j'ai voulu vous dire
de vous mettre en garde contre sa prétention.
Paris, le 10 novembre 18ii.
CXLII
Mgr Joachim Pecci au frère Jean-Baptiste, à Maenza. —
S'il faut maintenant vous parler de moi, j'ai le plaisir de
vous assurer que ma santé a été jusqu'à cette heure satisfai-
sante, malgré l'humidité de ce climat du nord et la rigueur
LA NONCIATURE DE BRUXELLES. 581
de l'hiver passé. Je ne dois faire une exception que pour la
moitié du mois de mars dernier où j'ai été pris à l'impro-
viste d'une certaine fièvre, une espèce de roséole; c'est-à-
dire une éruption cutanée qui couvre tout le corps, maladie
ici assez fréciuente et quelquefois dangereuse. Heureuse-
ment aujourd'hui tout est fini, et pour longtemps, j'espère.
Dans les affaires, je n'ai jusqu'à présent qu'à me déclarer
satisfait de la bonté et de la religion solide du peuple
belge. Le sentiment chrétien et catholique domine, Dieu
merci! dans la nation et aux Chambres. Le ministère n'y est
pas hostile et le roi, bien que protestant, favorise cet esprit
général. Grâce à ces bons éléments et selon les nécessités du
temps qui court, on combat sans cesse; mais ordinairement
on gagne la victoire.
Bruxelles, 10 avril 18 4i.
t,
CXLIII
Au frère Charles, à Carpineto. — Que vos lettres se font
rares! Je ne peux pas croire que votre affection pour moi en
soit moins vive ni moins constante; mais je vous assure que,
pour n'en pas douter, au moins trois ou quatre fois l'an je
recevrais avec plaisir de vos nouvelles et de vos lettres.
Ma santé, grâce à Dieu! continue à être bonne. Aux
premiers jours de ce mois, j'ai fait une courte échappée
jusqu'à Rruges, la vieille résidence des comtes de Flandre,
et je m'y suis plu extrêmement. C'est un pays qui intéresse
beaucoup par ses monuments et par ses souvenirs, mais il
console encore davantage par le constant attachement de sa
population à la religion catholique.
Je suis allé aussi sur la plage d'Ostende et, pour la
■i.
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582
LA PRÉLATURE DE LÉON \\\l.
1.
Il
première fois, j'y ai vu les vagues de l'Océan. En face vous
le savez, s'élèvent les côtes de rAngletene.
Et vous, comment vous portez-vous? Comment ave/-vous
passe, la-bas, ce rigoureux hiver? Je vous fais un devoir
urgent de vous conserver gai, de chasser la mélancolie de
mener une vie laborieuse et active, à présent que la belle
saison vous invite au plein air et aux occupations toujours
joyeuses et robustes des champs. Ce sera iout bénéfice'pour
votre santé, et votre esprit y acquerra plus de souplesse et
de vigueur.
Combie.1 différente est ma condition! Mais unmquhme
permaneul m vocatione ma, et qu'il s'y tienne content.
Bruxelles, 51 mai 1844.
r\>
CXLIV
Mgr Formri nonce aposloli.jne de Paris, à Mgr Joachim
Peca, a Bruxelles. - S'il faut vous dire mon avis sous
oute reserve (sur la question du jury d'examen des
Universités de «elgique, dont le cabinet Nothomb revendi-
quait la nomination d'un tiers des membres par le Gouver-
nement et non par la Chambre), je pense que les évéques et
le parti catholique se trompent parce qu'il se croient beau-
coup plus forts qu'ils ne le sont, et qu'ils comptent pouvoir
conserver toujours la majorité de la Chambre, - chose
dont je doute beaucoup. S'il arrive un jour que la majo-
rité devienne libérale, - ce qui, à mon sens, ne tardera
guère - alors ils verront peut-être quelle loi fera une
Chambre libérale : ce sera une loi expressément diri.^ée
contre e parti catholique. Monseigneur, il ne faut pas cL
les catholiques se fassent illusion. Ils sont plus (bris en
•«\
'ikrjA,è>.-:âNMMb
'~;riË^lt)«u
LA JiO.NCIATUftE DE BItliXELLES. 335
nombre, mais beaucoup plus faibles en activité et en
énergie. A chaque élection, ils perdent du terrain Ou'ils
s en persuadent bien, et ils reconnaîtront que ce sera un
moindre mal de laisser le choix des membres du jury au
(.ouvernement. plutôt qu'à la Chambre. Le premier aura
toujours des égards
pour la partie la plus
nombreuse de TÉtat;
la seconde ne se lais-
sera guider que par
son esprit de parti el
par sa haine contre le
parti opposé. Si les
choses étaient exami-
nées sans idées pré-
conçues, on les ver-
rait beaucoup plus
clairement. Au reste,
je me figurais que
M. Nothomb vous en
aurait parlé avant de
publier son projet el
que, de votre côté,
connaissant la ma-
nière dont les évêques
considéraient la chose, vous auriez pu le prévenir de la
forte opposition qu'il aurait trouvée dans l'épiscopat el
par conséquent dans tout le parti catholique. Je me le
figurais d'autant plus que ce fut, je me le rappelle, le sujet
de la conversation qu'il eut avec vous en ma présence le
premier jour qu'il vous vil. Il ajouta que vous en auriez
conféré ensemble, et qu'il vous aurait prié de faire connaître
Saim-Mcolas, sur le Marcht-aux-Graiiis.
384
LA PRÉLATIHE DE LÉON Xlll.
n
IL
'^'j
I
-l'-
an clergé cl aux catholiques la justesse (ce sont ses paroles)
et rulililé de son plan. Cela me porlait a croire que vous
auriez eu la possibilité de Tavertir que le clergé se serait
opposé à la loi, de toutes ses forces. Je inVtonne que
M. Nothomb, certain que les libéraux auraient soutenu son
projet de loi, n*ait pas cherché, avant de le présenter, a se
rallier quelques voix dans le parti catholique pour s'assurer
ainsi de Tissue des débats*.
1. Mgr De rSorclaës à qui nous empiuntous ce document, dit, dans son
Pape Léon XIU, que : « les instrucfions des évèques belges à leui-s curés, datées
«!u i>(> janvier 1845, prescrivaient au clergé de se faire le soutien de l'école et
du njaître ».... En s'opposant à ces instructions, M. Notliomb, ministre libéral-
unioniste, inclinait manifestement vers la neutralité scolaire. Le règlement du
15 août 1846, accepté plus tard par le cabinet de Theux, exprimait ainsi les
vœux des évèques et leur donnait une vigueur légale :
Art. I. — Les leçons de religion et de morale se donnent le matin pendant
la première demi-beure, et l'après-midi pendant la dernière deii;i-beure de la
classe.
Art. II. — Les classes commencent et finissent jtar une prière faite en
commun.
Art. III. — L'éducation morale et religieuse sera entièrement prise à cœur :
rin>tiluteur en fera l'objet de ses soins assidus; il saisira avec zèle les occa-
sions (jui se présentent sans cesse, j>our développer les principes de religion et
de morale.
Art. IV. — Pour ces trois articles, l'instituteur calbolique suivra la direction
émanée des évêques, en vertu de l'article 0 de la loi.
Survint l'affaire des Jésuites du collège de la Paix à Nanmr, où ces derniei-s,
après le vole de la loi de 1844, voulurent faire concorder le cours de philo-
sophie avec les programmes du (iouvernem.nt jwur l'obtention des grades
académiques. L'Université de Louvain se jugeant oflensée par celte rivalisé des
Jésuites de Namur, la question fut priée à Rome; et Mgr Pecci la fit décider
«lans le sens d'un cours préparatoire dont le Collège de Namur garderait le
caractère, mais non d'une Faculté complète, telle que Louvain. Mais les esprits
étaient animés. Il fallut que Mgr Pecci terminal celle aflaire par son rappel à
r.omc
Paris, 2 i juin 18 4i.
LA. NONCIATURE DE BRUXELLES. 385
CXLV
Au frère Charles, à Rome. —J'ai reçu presque en même
temps deux de vos lettres, lune du 28 février passé et
Tautre du 8 mai courant. Vous voyez à quelle distance
■
Le Cortège de la Passion.
sont ces dates. Le P. franciscain Hendrick, porteur de la
première qu accompagnaient celles de Jean-Baptiste et de
Toncle Antoine, retarda, je crois, son voyage en Belgique
ou bien omit certainement de me faire parvenir ces papiers
à Bruxelles.
J'ai appris avec un vrai déplaisir le vol "commis dans
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586
LA l'RÉLATLRE DE LÉON XIII.
notre maison, la veille de Noël. La peur aura été grande,
mais que serait-il arrivé si Toncle Anloine s'élait alors
.trouvé seul? Dites-moi si Ton a arrêté les voleurs. Dites-
moi aussi si ,dans le vol, ont été comprises les quatre mé-
dailles d*or qui m*appartiennent et qui valent à peu près
120 écus. Elle me furent données par le Cardinal Trésorier
Tosti et je les laissai à la maison, dans un des secré-
taires.
C'est un plaisir pour moi d'apprendre que mon portrait
est heureusement arrivé là-bas. Bien que je Teusse confié
en bonnes mains,— aux bons soins du prince Aldobrandini,
— néanmoins, par suite d'un tel retard, je commençais à
craindre que ce tableau se fût égaré ; et j'en aurais éprouvé
un grand déplaisir, car cette toile m'a coûté 50 écus. Rappe-
lez à l'oncle Antoine qu'il doit aller remercier Mgr San-
lucci. Vous avez maintenant à votre charge de faire faire
un cadre convenable. Arrangez-vous pour le placer à Car-
pineto, entre les portraits de papa et de maman. C'est une
douce ambition, bien permise aux lîls, qu'ils figurent
auprès de leurs parents.
Vous ne vous êtes pas trompé, en attribuant mon silence
de plusieurs mois h quelque mauvais état de santé. Ici,
l'hiver dure neuf mois ; et, sans exagération, je peux dire
qu'en ces neuf mois il n'y a pas eu un seul jour de beau
temps. De plus, pendant trois mois, nous avons été ense-
velis sous la glace et la neige, et le froid a été tellement vif
<[ue les Belges eux-mêmes l'ont trouvé extraordinaire. A
présent, nous voici fin mai; et, de printemps, il ne s'en
parle pas encore. A ma faiblesse ordinaire d'estomac se
sont ajoutés des accès nerveux bien désagréables.
Je vous avouerai maintenant en toute sincérité que, pré-
cisément en raison de ma santé, je désirerais un chan^^ement
LA NONCIATURE DE BRUXELLES. - 587
de poste, car ce climat a, pour moi, trop de rigueur et
d'àpreté.
A vous, mon cher Titta, je vous recommande les inlénts
et les arrangements de famille. Avec la fin de ce mo;s.
d'août expire l'induit qui me fut accordé en 1858 ad qwn-
quennmm, m'accordantà
moi seul la faveur de
célébrer les messes à bé-
néfice de Maenza. Je vous
prie très instamment de
faire célébrer ces messes,
comme par le passé, à
dater de septembre pro-
chain, par un prêtre de
Maenza même; et, pour
la tranquillité de ma con-
science, vous voudrez
bien me confirmer cela
par un mot. Vous me
direz aussi ce qu'il est
advenu de mon portrait,
parti avec moi de Pé-
rouse, à destination de
Carpineto. Que devient le « secrétaire de grande valeur »^
Ce dernier, vous pouvez le retenir là-bas, en souvenir de
votre frère. Je salue Anne-Marie, Ninelta, Salina, tout le
monde, et je me redis en toute cordialité, etc.
P. S. Quand vous m'écrirez, adressez vos lettres à Ster-
bini, à Rome. Il me les enverra par la malle de la Secrétai-
rerie d'État.
Gand. — Maison do la Liôve.
'R'ill
t\
Bruxelles, 2i mai 1845.
n
^
586
LA PRÉLATIHE HK LKON XIII.
noire maison, la veille de Noël. La peur aura élé frrande,
mais que serait-il arrivé si Toncle Anhùne s'élait alors
trouvé seul? Dites-moi si Ton a arrêté les voleurs. Dites-
moi aussi si ,dans le vol, ont été comprises les (jualie mé-
dailles d'or qui m'appartiennent et qui valent à peu près
l'iO écus. Elle me furent données par le Cardinal Trésorier
Tosti et je les laissai à la maison, dans un des secré-
taires.
C'est un plaisir pour moi d'a[)prendre que mon portrait
est heureusement arrivé là-bas. Bien (|ue je l'eusse conlié
en bonnes mains,— aux bonssoins du prince Aldobrandini,
— néanmoins, par suite d'un tel relard, je commen(;ais à
craindre (jue ce tableau se fût égaré ; et j'en auiais éprouvé
un grand déplaisir, car celle toile m'a coulé 50 écus. Uappe-
lez à l'oncle Antoine qu'il doit aller remercier M<»r San-
tucci. Vous avez maintenant à votre charge de faire faiie
un cadre convenable. Arrangez-vous pour le placer à Car-
pinelo, entre les portraits de papa et de maman. C'est une
douce ambition, bien permise aux lils, (|u'ils figurent
auprès de leurs parents.
Vous ne vous êtes pas trompé, en allribuant mon silence
de plusieurs mois à quelque mauvais état de santé. Ici,
l'hiver dure neuf mois; et, sans exagération, je peux dire
qu'en ces neuf mois il n'y a pas eu un seul jour de beau
tcMnps. De plus, pendant trois mois, nous avons été ense-
velis sous la glace et la neige, et le IVoid a été tellement vif
«jue les Belges eux-mêmes l'ont trouvé exlraordinaiie. A
présent, nous voici fin mai; et, de printemps, il ne s'en
parle pas encore. A ma faiblesse ordinaire d'estomac se
sont ajoutés des accès nerveux bien désagréables.
Je vous avouerai maintenant en toute sincérité cpie, pré-
cisément en raison de ma santé, je désirerais un chann^cment
LA NONCIATURK DK BKIXKLLES. • 5S7
de poste, car ce climat a, pour moi, trop de rigueur et
d'àpreté.
A vous, mon cherTilla, je vous recommande les inlér(*js
et les arrangements de famille. Avec la lin de ce mois
d'août expire l'induit qui me fut accordé en 18,18 ad fjtiii:-
fjucnn'nim, nraccordant à
moi seul la faveur de
célébrer les messes à bé-
néfice de Maenza. Je vous
plie dès inslamment de
faire célébrer ces messes,
comme par le passé, à
dater de septembre pro-
chain, par un j)rélre de
Maenza même; et, pour
la tranquilliléde ma con-
science, vous voudrez
bien me confirmer cela
pîu- un mot. Vous me
direz aussi ce qu'il est
advenu de mon porlrail,
pai'ti avec moi de Pé-
rouse, à destination de
Carpineto. Que devient le « secrétaire de grande valeur »?
Ce dernier, vous pouvez le retenir là-bas, en souvenir de
votre frère. Je salue Anne-Marie, Ninelta, Salina, tout le
monde, et je me redis en toute cordialité, etc.
P. S, Quand vous m'écrirez, adressez vos lettres à Stei--
bini, à Rome. Il me les enverra par la malle de la Secrélai-
rerie d'Étal.
Garni. — Maifî<m df la Liôvo.
nruicllcs, 2i mai 1815,
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588
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII.
CXLVI
ÂH comte Antoine Pecci, à Rome, — Le P. Ilendrick,
Provincial des Franciscains, m'a fait parvenir voire der-
nière lettre du mois de février; et récemment j'ai eu
encore de vos nouvelles, par Charles. Je suis bien ennuyé
d'apprendre que vous avez souffert d'une gastrite, mais je
me fais aujourd'hui à la pensée que vous ùles complètement
rétabli.
J'ai plaisir que le tableau, après trois mois de retard,
vous soit arrivé en bon état. J'espère que vous aurez pris
toutes les précautions (jue je vous indiquai dans ma der-
nière lettre, et qu'ainsi ni le coloris ni la couleur non plus
n'auront souffert. Dites-moi comment vous l'avez trouvé, et
si vous l'avez déjà expédié a Carpineto.
Je vous confirme mon bulletin de santé, le mémo que
j'ai communiqué à Charles dans ma dernière lettre. Les
précédentes saisons ont été extrêmement point variables, et
l'hiver s'est fait sentir avec une si extraordinaire rigueur
qu'il m'a quelque peu enlevé les forces. A présent, je vais
mieux ; le temps aussi se fait meilleur. Pour me fortifier
les nerfs, peut-être me verrai-je contraint à aller prendre
les bains de mer à Ostende, quand l'été sera plus avancé.
Vers cette époque-là, vous aussi, vous jouirez déjà de l'air
et des délices de Carpineto.
Bruxelles, 4 juillet 1845.
CXLVII
Au frère Charles, à Carpineto, — En séjournant à
Rome, vous n'y aurez certainement pas ignoré le bruit
>
LA NONCIATURE DE BRUXELLES.
ùS^
qu'on y fait courir de mon passage au siège épiscopal do
Pérouse,par suite des instances des Pérousiens eux-mêmes,.
rv
Lellre nut(»gi'j|>lii> de Mgr l'occi.
— changement, d'ailleurs, peu préjudiciable à ma carricrey
et peut-être même avantageux.
Je dois vous dire, en toute vérité, que cette nouvelle n'a
jamais eu de fondement solide, et que le Pouvoir supérieur
-•-.—
388
LA PHKLATURE DE f.KON MIL
CXLYI
An comtr Antoine IWci, à liomr. — Le P. llcndrick,
rroviiiciîil (les Frimciscaiiis, m'a fait parvcnii' volrc dci-
mhiv lellrc du mois de février; el iveemmenl j'ai eu
oucore de vos uouvelles, par Chailes. Je suis hieu euuuyé
^l'apprendre rpie vous avez soudert d'une naslrile, mais je
me fais aujourd'hui à la pensée (|ue vous éles complèlemenl
réialdi.
J'ai plaisir (pie le tableau, apivs ti'ois mois de relai'd,
vous soit arrivé en bon état. J'esp(M'e que vous aurez pris
l(mles les précautions (pie je vous indi^piai dans ma der-
ni('re lettie, et qu'ainsi ni le coloiis ni la couleur non plus
n'auront souffert. Dites-moi comment vous l'avez liouvé, el
f>i vous l'avez (l(''jà expédié à (laipinelo.
Je vous confirme mon bulletin de santé, le même que
j'ai communiipié à Charles dans ma derni('re lettre. Les
précédentes saisons ont été extrêmement [)oint variables, et
l'hiver s'est fait sentir avec une si extraordinaire rigueur
qu'il m'a quchjuc peu enlevé les forces. A présent, je vais
mieux; le temps aussi se fail meiUeur. Pour me fortifier
les nerfs, peut-être me veriai-je contraint à aller jjrendre
les bains de mer à Ostende, quand Télé sera plus avancé.
Vers celte époipuvlà, vous aussi, vous jouirez déjà de l'air
el des délices de Carpineto.
Bruxollc?, 4 juillet 1845.
CXLVIl
Au frère Charles, à Carpineto, — En séjournant à
Home, vous n'y aurez certainement pas ignoré le l)ruiL
LA NONCIATURE DE BiaXELLES.
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quV)n y fait courir de mon passage au siJ'ge épiscopal de
Pérouse, |)ar suite des instances des Pérousiens eux-mêmes,.
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— changement, d'aiHeurs, peu pr('judiciable à ma carrière,,
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Je dois vous dire, en toute vérité, que cette nouveHe n'a
jamais eu de fondement solide, et (pie le P(uivoir supérieur
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LA PRÉLATLRE DE Lf:ON XIII.
ne semble y avoir jamais pensé sérieusement. Les arde-
liones sont si nombreux ! Ceux de la Ville Sainte ont bien
un peu accrédité ce bruit, mais il ne faut pas s'en étonner;
car telle est Tan tique façon de faire, de ces gens-là. Au reste,
une mutation bonorable serait loin de me déplaire, et
volontiers j'accepterais un poste qui, outre un climat plus
favorable à ma sanlé, me procurerait un calme et un repos
plus grands. J'en commence à sentir désormais le besoin,
après la vie agitée que je mène depuis deux ans de pénibles
travaux et de continuelles oiïaires. Le dernier et rigoureux
hiver, qui a duré ici neuf mois, m'a un peu adaibli et
énervé. Pour réparer mes forces et obéir aux prescriptions
des médecins, j'ai passé deux mois du dernier été à
Ostende, plage très renommée pour ses bains. J'en éprouve
une amélioration sensible. Espérons que cela durera.
Bruxcllc?, 18 scpicmbre 1845.
ï»
CXLVIII
Au comte A idoine Pecci, à Carpinelo, — ... Les bruits
de ma promotion ou de mon changement, que vous n'êtes
certainement pas sans connaître, continuent à courir et
n'ont pourtant rien de positif. Au mois de novembre pro-
chain, il y aura un Consistoire. Alors, on saura quelque
chose de précis.
En attendant, la santé se maintient bonne, f^race aux
cinquante bains que j'ai pris courageusement sur la plage
d'Ostende.
Bruxelles, 9 oclol ré 1845.
LA NONCIATURE DE BRUXELLES. 591
CXLIX
Mgr Fornari à Mgr Joachim Peccu à Bruxelles, — J'ai
reçu, hier, vôtre bonne lettre du 5, par laquelle vous me faites
part de votre promotion à l'évêché de Pérouse. L'assurance
qui vous est donnée, que celte translation sera considérée
comme le passage à une nonciature de l*"® classe, permet
de l'appeler réellement une promotion. Et elle est, certes,
très honorable pour vous; parce qu'elle est due aux
instances d'une population respectable, au désir de laquelle
le Saint-Père n'a pas voulu se refuser, tout en ne voulant
pas non plus que la chose nuisît à votre carrière.
Paris, le 7 novembre 1845.
-
CL
Mgr Pecci au card. Sterckx, arcb, de Matines, — J'ai
riionneur d'informer Votre Excellence Révérendissime que
le Saint-Père vient de me nommer à l'Evêché de Pérouse. Mon
successeur est déjà désigné ; c'est Monseigneur Alexandre
de San Marzano, prélat aussi distingué par sa science que
par sa piété.
Pendant mon séjour en Belgique, j'ai fait tout ce qui
dépendait de moi pour rendre quelque service à l'église de
Belgique et répondre aux désirs du Saint-Père, lorsqu'il
m'a confié cette importante mission. Je n'ai que des remer
ciments à adresser à Votre Eminence, pour le concours bien-
veillant que, en toutes circonstances. Elle a bien voulu
prêter à mes efforts.
Je prie Votre Eminence Révérendissime d'agréer l'hom-
mage de mon respect et de ma profonde vénération, avec
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'•It-, I III 1. II. III p,i
il
392 LA PflÉLATlRE DE LÉOX XIII.
lesquels j'ai Thonneur d'être votre très humble et très obéis-
sant serviteur, etc.
Bruxelles, 8 novembre 18i5.
L'original de cette lettre est rédigé en français.
CLI
Mgr Joachim Pecci, au frère Jean-Baptiste, à Maenza.
— Je me trouverai à Pérouse, pour les conséquences hono-
rifiques de ma carrière, comme si j'avais été à Vienne ou
à Paris. J'en aurai avantage, pour la santé et pour la bourse.
Celte carrière des nonciatures est belle, bonne et brillante;
mais, pour s'y maintenir avec éclat, il faudrait que notre
Gouvernement donnât des appointements meilleurs ou,
pour mieux dire, sut les mieux proportionner aux besoins
de chaque pays....
Bruxelles, 9 novembre 1815.
CLII
Mgr Fornart\[à Mgr Joachim Pecci, à Bruxelles. — Il n'y
aura jamais de reproche plus juste à vous faire que celui
d'être passé deux fois par la France, d'avoir vécu trois ans
sur sa frontière, sans avoir vu Paris; et j'oserais dire que
ce serait un péché irrémissible. Je crois donc que vous
devrez venir nécessairement. Vous trouverez une bien
mauvaise auberge, rue de Grenelle-Saint-Germain, 71,
(l'hôtel de la Nonciature); mais au moins un aubergiste qui
se glorifiera de vous avoir pour hôte....
Paris, le 14 novembre 1845.
i
LA .NOiXClATLRE DE BRUXELLES. 595
CLIII
Le cardinal Sterck à Mgr Joachim Pecci, — Je
m'empresse de vous remercier pour l'intéressante lettre
que vous avez eu la bonté de m'écrire, le 8 de ce mois.
C'est de tout mon cœur que je félicite Voire Excellence, de
Bruges. — l.o porcljo tic Nolrc-Dame.
sa promotion à l'évéché de Pérouse. J'en félicite bien plus
encore les habitants de cet heureux diocèse qui acquerront
en votre personne un évoque aussi distingué par sa science
que par sa piété, un modèle de toutes les vertus.
Vous avez raison de dire. Monseigneur, que pendant
votre séjour dans ce pays vous avez fait tout ce qui dépen-
dait de vous pour rendre quelques services à l'Église de Bel-
gique. Personne n'a été, plus que moi, témoin des efforts
que vous n'avez cessé de faire dans ce but; aussi vous
en garderai-je une éternelle reconnaissance. Je regrette
^^.
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I
394
LA PRÉLATIHE DE LÉON XJII.
d'aillant plus vivemeril (|uc vous soyez forcé de nous quitter
si vite. Vos excellenles intentions, vos vues pleines de
sagesse, votre zèle pour la prospérité de la religion, auraient
pu nous être encore si utiles.
J'espère, Monseigneur, que vous conserverez toujours
poumons les sentiments de bienveillance dont vous nous
avez donné tant de preuves. De notre coté, nous ne cesse-
rons d'adresser nos prières au ciel pour votre constant
bonheur.
Je vous prie, Monseigneur, d'agréer les sentiments d'une
haute estime et d'un sincère attachement, avec lesquels
j'ai rhonneur d'être, de Votre Excellence, le très dévoué
serviteur,
ExcELBERT, card. arch. de Malines.
Malincs, le 10 novembre 1845.
CLIV
%/• Veiid à M(jr Spinello Antinori, anditmr de Rote, à
/?o,„e._ Une indisposition dont j'ai souffert, le mois passé,
m'a empêché de répondre aussitôt que je l'aurais désiré à
votre très honorée du mois de novembre passé. J'ai relevé
dans cette lettre et dans la feuille qui y était jointe les
désirs exprimés par la Magistrature de Pérouse, et les
démarches que celle-ci a faites pour que je sois nommé au
siège épiscopal vacant de votre patrie. En même temps, je
recevais la gracieuse expression de votre joie, a voir le
succès désiré répondre à vos démarches. Lié par de r-i
aimables et affectueux services, je ne peux retarder plus
longtemps l'expression de ma reconnaissance bien vive et
bien sentie.
Je vous remercie de tout mon cœur, des compliments
LA NONCIATURE DE BRUXELLES. 595
que vous voulez bien m'adresser. Pourtant, à dire vrai,
très vénéré Seigneur, aurez-vous, en favorisant ma candi-
dature, rendu à votre patrie un si important service que
vous ayez raison de tant vous en réjouir et vous en compli-
menter? Et même vos espérances auront-elles le succès assuré
que vous croyez? Je dois en toute sincérité vous déclarer que.
.-e^*^>.p*^..~ •■ ' .:«^^'^^«:v-r
''*"*l^^«^<B«PiPI^Rrf»*r«-|j6»ç«a» >-
Uiiigcs. — La t;lia|>elle du Sainl-Saiig.
réfléchissant à ce que je puis être, je ne Irouve que motifs
de confusion et de crainte. Tout ce que vous me dites n'est
qu'un efl'elde votre bonté et de votre amitié pour moi. Pour
si vive et si ardente que soit ma volonté de faire du bien à
Pérouse, ah! combien je crains qu'elle ne reste stérile et
infructueuse par la faiblesse de mes ressources. Toute ma
confiance est en Dieu, et cette religieuse pensée me récon-
forte et m'encourage à implorer de là-haut ces dons, ces
qualités dont je me vois tout à fait dépourvu et à l'aide
■ .II. H..M.
■^>î>f
kM,»âùLSàL-l
^s*j^iJ^ *.■■:■ -^'.J^J-
■«.:a»ii>M.-<HWi«iifin- iTiiinar.-«j>riw
. ,..X.\. •^-"IP'H*. lHi..L^L.iP.^|;,ip]£^^
-^-j-as.'
596
LA PRÉLATIUE DE LÉON XIII.
desquels rinstrument le plus foible et le plus vil peut
encore opérer d'utiles choses.
I/établissement d'un pensionnat sera certainement Tobjel
de mes premiers soins. Secondé par la Magistrature, j'ai le
ferme espoir de conduire à bonne fin une œuvre si long-
temps souhaitée, qui fera tant d'honneur à la patrie pérou-
sienne et tant de profit à la religion. On m'écrit de Pérouse
qu'on y attend mon arrivée avec impatience. Moi aussi,
je désire ne pas trop retarder mon départ, mais la conve-
nance m'impose, en raison de la saison d'hiver et de la
nécessité oii je me trouve, d'attendre en Belgique mon
successeur. Si vous avez occasion de voir Mgr de San
Marzano, poussez-le à presser son départ.
Je vous prie enfin d'être mon interprète auprès de la
Magistrature de Pérouse. Exprimez-lui les sentiments de
respect et d'affeclion constante que je garde pour elle. Et,
en échange des souhaits de toute sorte de prospérité que je
forme pour vous h l'occasion de la nouvelle année et de
beaucoup d'autres à la suite, j'ai le plaisir de vous renou-
veler ma plus sincère estime et de me dire, de votre
Seigneurie illustrissime, le très obéissant serviteur et ami,
*f J. archev. de Damielte, év. de Pérouse.
Bruxelles, 16 janvier 1845,
CLV
Au comte Antoine Pecci, à Rome. — Voilà un siècle que
je n'ai plus de vos nouvelles. Depuis la communication faite
à la famille de mon transfèrement à l'évèché de Pérouse, je
n'ai reçu aucune lettre de la mai^^on. Je n'ai jamais pu
LA NONCIATURE DE BRUXELLES.
507
m'expliquer la raison d'un pareil silence. Quoi qu'il en soit,
par la présente, je viens vous avertir de ma prochaine
arrivée à Rome. Si Dieu le permet, je quitterai Bruxelles
avant Pâques et, après avoir passé une dizaine de jours à
Paris, je prendrai la route d'Italie en m'embarquant à
Marseille. Attendez-moi donc là-bas, dans le courant d'avril
prochain. Ainsi en aurai-je fini, de la Nonciature, carrière
lumineuse, brillante, et pas peu hasardeuse....
Bruxelles, 14 mars 1846.
CLVI
Le roi des Belfies, Léopold /, à S. S, le pape Gré-
goire AT/. — Je dois recommander à la bienveillante
protection de Votre Sainteté l'archevêque Pecci; il la
mérite à tous les points de vue, car j'ai rarement vu un
dévouement plus sincère a ses devoirs, des intentions plus
pures et des agissements plus droits. Son séjour dans ce
pays lui aura été très utile, en lui permettant de rendre de
bons services à Votre Sainteté. Je la supplie de lui
demander un compte exact des impressions qu'il emporte
sur les affaires de l'église de Belgique. 11 juge toutes ces
choses très sainement, et Votre Sainteté peut lui accorder
toute confiance. Je suis, etc.
Léopold.
Bruxelles, le 14 mars 1840.
CLVII
Mgr Joachim Pecci au frère Charles, à Carpineto. —
. De Bruxelles à Civitavecchia, mon voyage a été très heu-
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398
LA PRKLATURK DE LfiO.N XIII.
reux; mais aux portes de Rome, puis-jc dire, j'ai souffert
d'une légère^ indisposition. Je Tattrihuc au changement
d'air et aux journées chaudes et suffocantes qui m'atten-
daient ici, A présent, je suis sain et sauf, et j'espère bien
désormais raffermir ma santé dans le climat de ma chère
Pérouse qui, particulièrement en été, est délicieux. Je pen-
sais séjourner dans Rome un bon mois et, ce durant,
faire une course à Carpineto. Maintenant, j'ai changé
de projet, par suite de la mort inattendue du Souverain
Pontife. Quand le nouveau Pape sera élu, je reviendrai de
Pérouse à Rome. Je partirai pour mon évéché, vers le
20 du mois courant. xV mon retour, — et ce sera vers le
mois d'août ou celui de septembre, — il me sera plus aisé
et plus commode de venir à Carpineto, passer quelques
semaines.
Rome, 7 juin I84C.
CL VIII
S, S. le pape Pie IX, à S. M, Léopold /, roi des Beh/es.
— Mgr Pecci, ancien Nonce auprès de Votre Majesté,
a remis entre Nos mains la lettre qu'Elle adressait, le
14 mars dernier, à notre prédécesseur de toujours chère
et regrettée mémoire ^ Le beau témoignage que Votre
Majesté daigne rendre à Mgr Pecci, évéque de Pérouse,
fait le plus grand honneur à ce prélat qui expérimentera en
temps opportun, et comme s'il avait continué le cours
1. Mgr Pecci rentré à Rome, le 22 mai 1846, n'y précéda que de quelques
jours la mort de Grégoire XVI et dut remettre au nouveau Souvei-ain Pontife
la lettre du roi des Belges à laquelle Pie IX se chargea de réi»ondre, le mois
suivant.
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LA rKKLATLHK DE LKO.N MIL
roux; mais aux portes de Uoine, puis-je dire, j*ai souiïert
d'uue légereJiidis|)osilion. Je l'allrihue au eliaugeinenl
d'air et aux jouiuées chaudes et sulïocanles qui m'atten-
daient ici. A présent, je suis sain et sauf, et j'espeie l)ien
désormais rallermii' ma santé dans le climat de ma clièit;
Pérouse qui, particulièrement en été, est délicieux. Je pen-
sais séjounier dans Jlome un lum mois el, ce durant,
faire une course à Caipineto. MainlenanI, j'ai changé
de projet, par suite de la moit inattendue du Souverain
Pontile. Ouand le nouveau Pape sera élu, je reviemlrai de
Pérouse à Piome. Je partirai pour mon évéclié, vers le
2U du mois courant. A mon ie(oui\ — et ce sera vers le
mois d'août ou celui de seplemhiv, — il me sera plus aisé
et plus commode de venii- à (;arpinet(», passer quelques
semaines.
Home, 7 juin 1840.
CLVIll
S. S. le pape Pie /A', à S. M. Léopold /, roi des Brh/rs.
— Mgr Pecci, ancien Nonce auprès de Volie Majesié,
a remis entre Nos mains la letlre ipi'Klle adressait, le
14 mars dernier, à noire prédécesseur de toujours ehèiv
et regrettée mémoire\ Le beau témoignage que Votre
Majesié daigne rendre à Mgr Pecci, évnpie de Péivuise,
fait le plus grand honneur à ce prélat (jui expérimentera en
temps opportun, et comme s'il avait conlinué le cours
1. Mgr Pecci rentré à Rome, le 2:i mai 1841». n'v précéch que de i^mAmw^
joui-s la mort de Gri-oire \VI et .i.il !ein,.||.v .m nouveau Souveraiu Pontile
la lettre du roi des Belges à hu|uelle Pie 1\ ^o chargea de répondre, le mois
suivant.
o
I 1
i ^
400
LA PRÉLATCRE DE LÉON XIII.
régulier des nonciatures, reflet de vos bons offices royaux.
Donné à Rome, etc.
PlK IX. P. P.
CLIX
Mgr Joachim Pecci au comte Antoine Pecci, à Frascati.
— J'ai beaucoup regretté de n'avoir pu vous revoir, avant
mon départ pour Pérouse. J'espérais que vous reviendriez
à Rome et que votre villégiature à Frascati ne dépasserait
pas une quinzaine de jours. Mes nombreuses occupations
et la retraite que j'ai faite à Saint-André du Quirinal m'ont
absolument empecbé d'aller vous rendre visite. Remet-
tons maintenant à l'automne le plaisir de nous revoir
dans Carpineto. Je le désire vivement, bien que je redoute
les nombreuses affaires qui m'attendent à Pérouse et qui
mettront peut-être encore quelques obstacles à mes pro-
jets. Je ferai tout ce que je pourrai pour les surmonter.
En attendant, continuez à jouir du bon air de Frascati et
à vous conserver en bonne santé. Donnez-vous bon temps
et bons divertissements.
Depuis deux jours, l'amnistie, — promulguée par
Pie IX, — met Rome dans l'enthousiasme. A Montecavallo,
grande foule, grandes clameurs, grands vivats. Ce matin, la
même manifestation a eu lieu, pendant que le Saint-Père se
rendait à Montecitorio pour la fête de Saint-Vincent-de-
Paul. Espérons que l'avenir sera bon, etc. r
Borne, 19 juillet 1840.
m
LA NONCIATURE DE BRUXELLES
401
CLX
Au frère Jean-Baptiste à Rome. ~ Deux lignes, pour
vous apprendre notre heureuse arrivée à Narni, après une
Une salilOy ii Pérouse.
halte de plusieurs heures à Civita-Castellana. Nous par-
tirons, ce soir, pour Foligno où nous comptons arriver,
S6
l
400
LA PRKL.VTLT.E DK LKON XIII.
ré^ifulier des nonciatures, TelTet do vos bons offices rovaux.
Donné à Rome, etc.
PimIX. p. p.
CLIX
Mgr Joachini Pecci nu comte Antoine Peccl, à Frascati.
— J*ai beaucoup regrellé de n'avoir pu vous revoir, avant
mon dépai't pour Pérouse. J'espérais que vous reviendriez
à Rome et que votre villégiature à Frascali ne dépasserait
pas une quinzaine de jours. Mes nombreuses occupations
et la retraite que f ai faite à Sainl-André du Quirinal m'tuit
absolument empécbé d'aller vous rendre visite. Remet-
tons maintenant à l'automne le plaisir de nous revoir
dans Carpineto. Je le désire vivement, bien (jue je redoute
les nombreuses all'aires qui m'attendent à Pérouse et qui
mettront peut-étie encore (juebiues obstacles à mes pro-
jets. Je ferai tout ce (jue je pourrai pour les surmonter.
En attendant, continuez à jouir du bon air de Frascali et
à vous conserver en bonne santé. Donnez-vous I)on temps
et bons divertissements.
Depuis deux jours, l'amnistie, — promulguée par
Pie IX, — met Rome dans l'enlbousiasme. A Monlecavallo,
grande foule, grandes clameurs, grands vivats. Ce matin, la
même manifestation a eu lieu, pendant que le Saint-Père se
rendait à Montecitorio pour la fête de Saint-Yincent-dc-
Paul. Espérons que l'avenir sera bon, etc. ^
Rome, 10 juillet 184G.
LA NONCIATURE DE BRUXELLES 401
CLX
Au frère Jean-Baptiste à Rome. -- Deux lignes, pour
vous apprendre notre beureuse arrivée à Narni, après une
Une salila^ à Pérouse.
halte de plusieurs heures à Civita-Castellana. Nous par-
tirons, ce soir, pour Foligno où nous comptons arriver,
m
i«Bi«i
i
402 LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
demain matin ; à temps pour être rendus le soir à Pérouse,
si c'est possible.
J'ai oublié, sauf erreur, l'étui contenant mes déco-
rations. Vous le trouverez probablement dans un des
tiroirs de mon secrétaire. M. Annibal Sterbini écrit à son
frère Stanislas, pour lui réclamer la même chose et pour
que des recherches soient tout de suite faites et que cet
étui me soit adressé par la poste de jeudi. Ainsi, vendredi
soir, je pourrai Tavoir à Pérouse. J'aimerais bien porter ces
décorations, dimanche soir, pendant la réception que je
donnerai. Si, par hasard, M. Sterbini ne vous a pas pré-
venu, je vous prie d'agir de concert avec lui.
Saluez de ma part Toncle Antoine et, en toute affection,
croyez-moi votre, etc.
Narni, 21 juillet 1846.
CLXI
Au frère Jean-Baptiste, à Maenza. — J'avais nourri le
bien vif désir de me rendre à Carpineto pour me trouver,
ce mois courant, au partage des biens de famille. Mais
l'homme propose, et Dieu dispose. Jusqu'à ces derniers
jours, j'ai pensé même y réussir; mais, au moment des
fêtes que nous célébrons ici avec pompes romaines, en
rhonneur de Pie IX, et étant donné Tétat actuel des
esprits, quitter Pérouse serait fort imprudent et m'expo-
serait à de justes critiques. La nécessité m'obligeant donc
à la résignation, j'ai cru devoir me suppléer en envoyant
à Carpineto mon secrétaire, l'abbé De Sanctis, qui a mis-
sion de me représenter dans ce partage. A ce sujet, il est
muni de la procuration qu il faut. De Geccano, son pays
natal, il ira probablement vous faire une visite a Maenza.
LA NONCIATURE DE BRUXELLES
403
De là, si vous estimez que la chose puisse ainsi se faire,
vous pourriez vous rendre ensemble à Carpineto.
Le§ choses vont bien à Pérouse, jusqu'à cette heure. La
ville et la population se montrent affectueuses. Espérons
que cela continuera et finira heureusement. Mon secrétaire
pourra entrer dans les détails. C'est aussi jusqu'à ma santé
qui se maintient, malgré de continuelles fatigues. Cepen-
dant, par mesure de précaution et sans rien faire pour la
rechercher, je ne m'opposerais pas à la chose dont fit sujet
de correspondance avec mon secrétaire un de vos amis,
M. Francesco Sindici. Enfin les circonstances ne me sem-
blent pas défavorables. Ici, je passe pour un homme
doux... (1).
Pérouse, 6 octobre 1846,
(i) La suite de l'ÉpistoIaire de Mgr Joachim Pecci est renvoyée au volume
Un Cardinal Italien d'après sa correspondance (Léon XIII, 1846-1878).
La Place du Palais épiscopal, à Pérouse.
( j
'M
402 LA PRÉLATURE DE LÉON XllI
demain malin ; a temps pour être rendus le soir à Pérouse,
si c'est possible.
J'ai oublié, sauf erreur, l'étui contenant mes déco-
rations. Vous le trouverez probablement dans un des
tiroirs de mon secrétaire. M. Annibal Sterbini écrit à son
frère Stanislas, pour lui réclamer la même chose et pour
que des recherches soient tout de suite faites et que cet
étui me soit adressé par la poste de jeudi. Ainsi, vendredi
soir, je pourrai l'avoir à Pérouse. J'aimerais bien porter ces
décorations, dimanche soir, pendant la réception que je
donnerai. Si, par hasard, M. Sterbini ne vous a pas |)ré-
venu, je vous prie d'agir de concert avec lui.
Saluez de ma part l'oncle Antoine et, en toute affection,
croyez-moi votre, etc.
Narni, 21 juillet 1846.
CLXI
Au frère Jean- Baptiste, à Maenza. — J'avais nourri le
bien vif désir de me rendre à Carpineto pour me trouver,
ce mois courant, au partage des biens de famille. Mais
rhomme propose, et Dieu dispose. Jusqu'à ces derniers
jours, j'ai pensé même y réussir; mais, au moment des
fêtes que nous célébrons ici avec pompes romaines, en
l'honneur de Pie IX, et étant donné l'état actuel des
esprits, quitter Pérouse serait fort imprudent et m'expo-
serait à de justes critiques. La nécessité m'obligeant donc
à la résignation, j'ai cru devoir me suppléer en envoyant
à Carpineto mon secrétaire, l'abbé De Sanctis, qui a mis-
sion de me représenter dans ce partage. A ce sujet, il est
muni de la |)rocuration qu'il faut. De Ceccano, son [>ays
natal, il ira probablement vous faire une visite à iMaenza.
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LA NONCIATURE DE BRUXELLES
403
De là, si vous estimez que la chose puisse ainsi se faire,
vous pourriez vous rendre ensemble à Carpineto.
Les choses vont bien à Pérouse, jusqu'à cette heure. La
ville et la population se montrent affectueuses. Espérons
que cela continuera et finira heureusement. Mon secrétaire
pourra entrer dans les détails. C'est aussi jusqu'à ma santé
qui se maintient, malgré de continuelles fatigues. Cepen-
dant, par mesure de précaution et sans rien faire pour la
rechercher, je ne m'opposerais pas à la chose dont fit sujet
de correspondance avec mon secrétaire un de vos amis,
M. Francesco Sindici. Enfin les circonstances ne me sem-
blent pas défavorables. Ici, je passe pour un homme
doux... (1).
Pérouse, 6 octobre 1846,
(1) La suite de l'Épistolaire de M'^f- Joachim Pecci est renvoyée au volume
in Cardinal Italien d'après sa correspondance (Léon XIII, 1846-1878).
La Place du Palais épiscopal, à Pérouse.
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TROISIEME PARTIE
L'ÉTAT POSTIFICAL SOUS MONSIGNOR JOACHIM PECCI
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L'ÉTAT PONTIFICAL SODS MONSIGNOR JOACHIM PECCI
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Place S*aint-Ange. — (iOndamnés promenant leur cartel de sentence.
(D'après un dessin de l'époque. — Thomas, 1830).
LES PRISOINS DE l'ÉT.\T PONTIFICAL ET LE FORT SAINT-ANGE
Un boulevard du Fort Saint-Ange.
Au petit ^joiir du 9 mars
1838, la lourde berline des
écuries [pontificales qui voi-
turait \ers Bénévent le jeune
délégat nouvellement nommé
au gouvernement de cette
ville, \enail désengager dans
la cité, par le pont tragique où
l'infortuné Manfred trouva,
acco del ponte comme dit
Dante, sa légendaire sépulture.
Quel avenir, obscur encore,
al tendait ce prélat aux distin-
guées manières, dont l'œil petit
et vif interrogeait, chemin
faisant, par la portière du
carrosse, cet horizon bénéven-
tin aussi fermé que la carrière de ce diplomate débutant paraissait
ouverte? Tout à coup entouré par les Apennins aux hauts massifs
de granit rose, M»"" Joachim Pecci voyait bien comment il venait d'en-
trer dans ce système de montagnes profondes et assez semblables aux
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Place Saiiit-Aiiire. — (londainncs promenant leur cartel de sentence.
(D'après un dessin de l'ipoque. — Thomas, 1S30).
LIS PUISONS DE LKTAT PONTIFICAL ET LE FORT SAINT-ANGE
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■ Au petit ^joiir du 9 mars
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turait vers BénéNcnl le jeune
délégat nouvellenienl nommé
au gouvernement de cette
ville, venait de s'engager dans
la cité, par le pont tragique où
l'infortuné Manfred trouva,
acro del pante comme dit
Dante, sa légendaire sépulture.
Quel avenir, obscur encore,
^L m attendait ce prélat aux distin-
^K -. " M guéesmanières, dont l'œil petit
et vif interrogeait, chemin
Vn boulevard du Fort Saint-Ango. faisant, par la portière du
carrosse, cet horizon bcnéven-
tin aussi feruic que la carrière de ce diplomate débutant paraissait
ouverte? Tout à coup entouré par les Apennins aux hauts massifs
de granit rose, Mf'''' Joachim Pecci voyait bien comment il venait d'en-
trer dans ce système de montagnes profondes et assez semblables aux
408
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
doublures d'une poche où le brigandage et la contrebande, enti*e
États limitrophes de Rome et de Naples, devaient faire prouesse; et
il se demandait déjà, non sans appréhension, comment il en
pourrait sortir. Tout à la première inipression de celte entrée en
caverne de bandits patentés dont le pape confiait la régie difficile
à un préfet de vingt-sept ans à peine, celui-ci regardait par la por-
tière les vieilles rues de Bénévent, la tortueuse où la berline offi-
cielle s'engagea par timides sursauts, comme effrayée des bandits
qui l'attendaient peut-être en quelque coin. Le sanglier de Calydon
n*était-il pas passé dans les armes de la ville chère à Diomède qui y
avait laissé, en significatif symbole d'âpreté à la rapine, les dents de
l'animal vaincu par Méléagre? Concordes in unum S. P. Q. R.
disait la devise de ces armes pour en compléter l'éloquence, dans
l'assemblée des contrebandiers des Étals limiirophes du Pape et de
Naples qui s'y donnaient rendez-vous.
« La délégation de Bénévent, — venait d'écrire, vers cette époque,
kMs^ Pecci lui-même, le plus entendu des contrôleurs des finances
pontificales que ce jeune préfet allait apprendre à connaître et aimer
aussitôt en la personne du comte Stanislas Sterbini, — la délégation
de Bénévent compte 25,000 habitants, dont 17,000 dans le chef-lieu.
La superficie du territoire est de 44 milles carrés napolitains, et le
périmètre en est de 52. Cette province est enclavée dans les États de
S. M. sicilienne, à la distance de 40 milles romains de Naples. Le sol
très fertile est arrosé par les fleuves Sabato et Calore et par quelques-
uns de leurs affluents. Formant une vaste plaine, la principauté de
Bénévent est sillonnée, sur quelques points, de petites collines. Les
environs de la ville, construite sur une de ces collines, sont couverts
de jardins. Les moissons occupent la plus grande partie du territoire;
les vignobles et les plantations de tabac, ce qui en reste. La récolte
des grains en dépasse la consommation. On ne peut en dire autant
du vin qu'on importe, en majeure partie, du Royaume. La culture
du tabac est en diminution, bien que le terrain soit tout à fait propre
à ce genre de culture. Comme il n'y a pas de forêts, le bois et le
charbon font défaut.
« La position de la province de Bénévent devrait en faire une des
plus riches de l'État, tant par son commerce que par son industrie. _
Elle est, en effet, située entre le golfe de Naples et celui de Manfre-
donia, et à proximité des plus florissantes provinces du Royaume,
du Conitat de Malizo, d^s Pouilles, de la principauté Ultra et delà
terre de Labour. Elle est actuellement, au contraire, pauvi^ à cause
LES PRISONS DE L'ÉTAT PONTIFICAL
409
du mauvais état des terrains cultivés, d'ailleurs, avec peu de soin et
k cause de son commerce toujours décroissant et de son industrie
peu développée. L'étranger s'aperçoit facilement de cet état de
!
Bénévent. — La Place de la Cathédrale.
langueur, à voir le grand nombre des mendiants qui lui courent après,
sur tous les points de la ville, et à constater tant de paresse chez un
si grand nombre d'habitants. Pour qu'elle puisse redevenir florissanle.
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408
LA PRÉLATURE DE LÉON Xlll
doublures d'une poche où le brigandage et la contrebande, entre
États limitrophes de Rome et de Naples, devaient faire prouesse; et
il se demandait déjà, non sans appréhension, comment il en
pourrait sortir. Tout à la première impression de celle entrée en
caverne de bandits patentés dont le pape confiait la régie difficile
à un préfet de vingt-sept ans à peine, celui-ci regardait par la por-
tière les vieilles rues de Bénévent, la tortueuse où la berline offi-
cielle s'engagea par timides sursauts, comme effrayée des bandits
qui l'attendaient peut-être en quelque coin. Le sanglier de Calydon
n'était-il pas passé dans les armes de la ville chère à Diomède qui y
avait laissé, en significalif symbole d'âpreté à la rapine, les dents de
l'animal vaincu par Méléagre? Concordes in nmim S. P. Q. H.
disait la devise de ces armes pour en compléter l'éloquence, dans
l'assemblée des contrebandiers des Étals limitrophes du Pape et de
Naples qui s'y donnaient rendez-vous.
« La délégation de Bénévent, — venait d'écrire, vers cette époque,
ùMs"" Pecci lui-même, le plus entendu des contrôleurs des finances
pontificales que ce jeune préfet allait apprendre à connaître et aimer
aussitôt en la personne du comte Stanislas Sterbini, — la délégation
de Bénévent compte 25,000 habitants, dont 17,000 dans lechel-lieu.
La superficie du territoire est de 44 milles carrés napolitains, et le
périmètre en est de Tiâ. Cette province est enclavée dans les États de
S. M. sicilienne, à la distance de 40 milles romains de Naples. Le sol
très fertile est an-osé par les iïeuves Sabatoci Calore et par quelques-
uns de leurs alduents. Formant une vaste plaine, la principauté de
Bénévent est sillonnée, sur quelques points, de petites collines. Les
environs <le la ville, construite sur une de ces collines, sont couverts
de jardins. Les moissons occupent la plus grande partie du territoire;
les vignobles et les plantations de tabac, ce qui en reste. La récolle
des grains en dépasse la consommation. On ne peut en dire autant
du vin qu'on importe, en majeure partie, du Royaume. La ('ullnre
du tabac est en diminution, bien que le terrain soit tout à fait propre
a ce genre de culture. Comme il n'y a pas de forêts, le bois et le
charbon font défaut.
« La position de la province de Bénévent devrait en faire une des
plus riches de l'Ltat, tant par son commerce que par son industrie.^
Elle est, en effet, située entre le golfe de Naples et celui de Manfre-
donia, et à proximité des plus florissantes provinces du Royaume,
du Comtal de Malizo, d^s Pouilles, de la principauté Titra et delà
terre de Labour. Elle est actuellement, au contraire, pauvre à cause
LES PRISONS DE L'ÉTAT PONTIFICAL
409
du mauvais état des terrains cultivés, d'ailleurs, avec peu de soin et
à cause de son commerce toujours décroissant et de son industrie
peu développée. L'étranger s'aperçoit facilement de cet état de
fi
Bénévent. — La Place de la Cathédrale.
langueur, à voir le grand nombre des mendiants qui lui courent après,
sur tous les points de la ville, et à constater tant de paresse chez un
si grand nombre d'habitants. Pour qu'elle puisse redevenir florissante.
410
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
Il faudrait morceler en petits lots le sol, aujourd'hui propriété exclu-
sive de quelques nobles et de la main-morte; tout le reste de la po-
pulation étant asservi et tributaire, dans des conditions extrêmement
onéreuses. De cette manière, les classes inférieures du peuple auraient
des moyens de subsistance, et l'agriculture prendrait de l'extension
et s améliorerait autant que possible. Il faudrait aussi ouvrir et rendre
praticables les routes, de manière à faciliter l'accès dans cette province
aux habitants des provinces du Royaume limitrophe, qui actuellement
sont dans l'impossibilité d'entretenir des communications avec Béné-
vent ou n'y arrivent qu'en surmontant de graves difficultés, en pas-
sant par des chemins à peine praticables aux bêtes de somme, surtout
en hiver, et souvent coupés et dévastés par les inondations des fleuves
11 faudrait y attirer les étrangers en abolissant les nombreuses taxes
douanières qu'ils sont obligés de payer, non seulement à rentrée et
a la sortie, mais aussi pour le transit des marchandises. Il fau-
drait faire disparaître les abus que l'on constate dans les douanes de
la part des négociants, agents de poids et mesures, mandataires
commissionnaires et porteurs. Il faudrait détruire les effets de la
Convention stipulée entre le Gouvernement pontifical et celui de Na-
ples, en 1819, en vertu de laquelle on li.nitela culture du tabac dans
cette province; au point que, de 100.000 ducats environ qu'on y reti-
'^LVrl T^^ ^'''' ^'''^"'^' ''"' '^"^"^^ ^^^ descendue aujourd'hui
a ^U.OOO. Il faudrait faire disparaître les conséquences actuelles qni
dérivent de l'autre Convention sur les postes, toujours en vigueur
depuis l'époque de l'Occupation napoléonienne, quand le gouverneur
de Benevent fut le prince de Talleyrand-Périgord. Il faudrait enfin
modérer la taxe de mouture qu'on a encore démesurément accrue
depuis peu, en confrontation du passé; car Bénévent, il faut le recon-
naître, possède, avec ses trente-sept moulins, une des principales
sources de sa richesse... »
En se remémorant ces premières indications sur la ville et le
peuplequ'il venait administrer, M^-Joachim Pecci continuait à re-arder
a travers les glaces de la beriine qui venait de s'engager sur une Place
La, s élevait une espèce de monument, moitié forteresse et moitié
château, qui menaçait la ciléavec l'imposante masse de ses créneaux
de ronde et de ses deux tours angulaires. Devant cette prison ou ce
manoir, s'arrêta enfin le carrosse du nouveau préfet de Bénévent • et les
valets annoncèrent à Monsignor le Delegaf o qu^il était arrivé au seuil
de sa résidence nouvelle. Introduit par Mgr Orfei, le précédent préfet
dont II allait reprendre la succession, Mgr Pecci visita ces hautes salles
LES PRISONS DE L'ÉTAT PONTIFICAL 411
impressionnantes depalazzo ou de carcere et ne mit, depuis ce jour,
pas plus de deux semaines pour y contracter une de ces maladies
que les médecins appelèrent fièvre typhoïde et qui menaça le reclus
de ce palais ou de cette prison d'y mourir, de tristesse ou de peur.
Heureusement, Grégoire XVI avait dépêché à Bénévent, presque en
même temps que Mg-* Pecci, l'homme le mieux entendu dans la direc-
tion des douanes, en la personne du comte Stanislas Sterbini dont
l'amitié devait si longtemps rester fidèle à son jeune et distingué
collègue. Et aussitôt, en ce Bénévent si peureusement enclos dans le
cercle de ses montagnes et dans les conciliabules de ses contrebandiers,
ces deux intelligences d'élite cherchèrent leur unique distraction
dans un travail commun dont le but idéal serait l'émancipation de
cette terre par sa culture et par la chasse au brigandage invétéré dans
les mœurs du pays. S'ils n'y réussirent pas en quelques courtes
années de séjour dans celte province, ils y laissèrent du moins un
règlement qui pouvait passer pour un chef-d'œuvre de Concordat (1 j
aux yeux de la Cour romaine qui en récompenserait les auteurs en
élevant le comte Sterbini à la direction générale des douanes de l'État,
et Mg»- Pecci à la préfecture plus importante de Pérouse, quand Gré-
goire XVI s'apprêterait à la visiter. Qu'auraient-ils fait plus longtemps
dans ce Bénévent interlope où certains hobereaux se prévalaient de la
naissance du cardinal Pacca, pour prétendre aussi à la protection du
puissant cardinal sur leur fief de maltôtiers indemnes oii la contre-
bandeet le brigandage mêmepouvaientcontinuer à fleurir, à l'abri d'une
législation qui ne semblait pas devoir être promulguée pour eux :
— Si vous m'incriminez, disait l'un d'eux pris en flagrant délit de
larcin non loin du Noyer des Sorcières, j'irai me plaindre au Vatican.
— Allez! avait répondu le jeune et ferme préfet, et n'oubliez pas
que, pour^ s'y rendre, il faut passer par le fort Saint- Ange!...
Le fort Saint-Ange?... Qu'était ce donc que ce Sésame redoutable,
même pour la conscience d'un Calabrais?
Qu'il s'appelle Moles Adriana, du nom de l'empereur romain qui
l'érigea pour son mausolée, Rocca ou bien Castello dl SanfAngelo,
dont les papes du Moyen-Age firent tour à tour leur citadelle im-
prenable ou leur farouche manoir; quel que soit son titre à travers
les dîx-huit siècles d'histoire qui ont respecté sa masse inébranlable,
(1) Voir à y Appendice de ce volume, les projets de ce règlement dans la
correspondance inédite du comte Stanislas Sterbini, directeur général des
Douanes de l'État pontifical.
i *;- ^- -
412
LA PRÉLATURE DE LÉON XIU
ce fort ou ce château Saint-Ange fut et reste un tombeau où il semble
que la mort seule ait jamais eu le droit de paraître. Il fut bâti par le
bis adoptif de Trajan qui en commanda l'érection à son archi-
tecte favori Appollodore, sur un coin désert des Horti Domitiani
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que peuplerait ce géant avec un monde de statues agrémentant son
périple à triple assise, le quadrige d'or du César couronnant le faîte,
ou, — suppose-t-on encore, — l'énorme pomme de pin transportée
depuis au Vatican, dans le Cortile délia Pigna qui en garde aussi
LES PRISONS DE L'ÉTAT PONTIFICAL 413
le nom. A peine le Pont Elien, dont les papes feraient, plus tard,
le Pont Saint-Ange, eut-t-il rattaché, de ses arches de marbre blanc et
de son toit de bronze doré, ce môle solitaire qui attendait ses morts à
la bruyante Rome qui les lui préparait, que l'artiste génial de ce
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l'habiter le premier.
— Et toi, demandait-t-on à Favorinus, le grammairien d'Adrien,
ne voudras-tu pas aussi critiquer César, comme Apollodore qui
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LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
ce lort ou ce château Saint-Ange fut et reste un tombeau où il semble
que la mort seule ait jamais eu le droit de paraître. Il fut bâti par le
bis adoptif de Trajan qui en commanda l'érection à son archi-
tecte favori Appollodore, sur un coin désert des Horti Domitiani
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périple à triple assise, le quadrige d'or du César couronnant le faîte,
ou, — suppose-t-on encore, — l'énorme pomme de pin transportée
depuis au Vatican, dans le CortUe délia Pigna (lui en garde aussi
LES PRISONS DE L'ÉTAT PONTIFICAL 413
le nom. A peine le Pont Elien, dont les papes feraient, plus tard,
le Pont Saint- Ange, eut-t-il rattaché, de ses arches de marbre blanc et
de son toit de bronze doré, ce môle solitaire qui attendait ses morts à
la bruyante Kome qui les lui préparait, (jue l'artiste génial de ce
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colosse lui fut dépéché par la sanguinaire folie de son maître pour
l'habiter le premier.
— Et toi, demandait-t-on à Favorinus, le grammairien d'Adrien,
ne voudras-tu pas aussi critiquer César, comme Apollodore qui
*'* LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
ne craignit pas de lui en apprendre, en fait d'architecture»
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fera.e„tu„edemeureàpiusieurssièclesdegénLtions u ^eu^^
de drames cet as.ie de mort. Sous cette nui, de crimes ."op .mm
breux pour que .histoire en ai. retenu seulement les noms oTa Te
au X Siècle et au bon consulat de Crescen.ius qui veut fair^d !
l-écédent Carcer de Théodoric, une première Maiso„-de Vi ^ où Rom.
aurait trouveyranchise et paix pour les administrésde ce «^^^
aescenaance, sous les vagues pontificats de plusieurs mnpc i..
amants ou fils de ThéodnrA l'n^-. r ^"'^'«"^s Papes Jean,
Parce, paler palrum, papissœ prodere parlum.
Que faut-il retenir de ces légendes d'accouchements survenus au
nécessaire autocratie des papes qui, pour se défendre des Colonna et
des Ors.n, survenant l'arme au poing et terrorisa.., le voisl,.aoe 2....
<le Sa.nt-Ange, en fortifièrent lesabo.ds à l'exemple de B S Tl
plus.eurs autres séjournèrent derrière ce„e ronde murrilel î -i:
Hadrtano suffirai,, avec le fort Saint-Auge, à protéger t citlu^
n.ne cont.e toute entreprise armée. Et aln.si if Itfit à Eu" „e y
d ordonner qu'on levât, au passage du fameux patriarche d'Alexan
dne, G.ovanni Vita.leschi, la sarrasine de ce„e 'por,e^ dépend" a
14^^
LES PRISONS DE L'ETAT PONTIFICAL 415
chaîne qui barrait le pont pour enclaver, comme dans une souricière
I homme vendu à la cause du duc de Milan et l'enfermer dans celte
forteresse d'où le poison, ajoute l'Ammirato, l'envova vite dans
I autre monde.
Mais c'est au pape Alexandre VI et à César Borgia que le château
^alnt-Ange doit les plus beaux ouvrages de boulevards et de fortifica-
tions, qui le rendirent imprenable. Là, dans les salles somptueuses
que 1 élégant pinceau du Pinturicchio couvrit de fresques compara-
bles à celles du même artiste à VAppartemmto Borgia du Vatican et
a la Ltbreria de la cathédrale de Sienne, le roi de France Charles VÏII
vint, en 1495, rendre hommage, malgré lui, au pape Alexandre VI et
prêter au peintre des Borgia, avec son élégante Cour de France le
sujet de SIX fresques grandioses, dit-on, dont on ne saurait trop
regretter la perte pour Thistoire de ce temps (1). Là aussi, dans la^
partie réservée aux mystérieuses prisons des Borgia, les cardinaux
tout-puissants connurent, comme de simples manants, la main de fer
que gantait le velours et la soie du pape ou de son lieutenant pour en
dissimuler plus habilement les meurtrières étreintes. Entr'autres le
cardinal Jean Orsini dont les deux neveux Paul et François venaient
d être éli-anglés par César,ausorlirduguet.apensdeSinigaglia. Le car-
dinal lui-même, vieux et fatigué par une captivité trop sévère, mourut
dans sa cellule du fort Saint-Ange, le 2-2 février 1503. A celte date
Burchardt, maître de cérémonies d'Alexandre VI, écrit dans son
Journal, qu'il ne réservait pas au public et où il n'ose cependant dire
tout ce qu'il sait: « Ce même jour de mercredi 22 février, le B. car-
dinal Don Orsini est mort dans le château Saint-Ange, cvjus anima
requiescat m pace. Amen. » Pour diminuer les soupçons d'empoi-
sonnement, Alexandre VI exigea que le corps du cardinal défunt fût
porle a visage découvert, le jour des funérailles, et qu'y assistassent
tous les membres de cette puissante famille qui avaient pu échapper
aux poursuites du pape et de César.
La paix resta au fort Saint- Ange jusqu 'à ce que, sous Clément VII
le 20 septembre 1526, l'empereur Charles-Quint se chargeât de lé
prendre, avec le pape en personne dedans. Ce premier siège du Cas-
tello que Moncada et Colonna menèrent, au nom de l'empereur, et
qu'ils levèrent après avoir obtenu les cardinaux Cibo et Bidolfi pour
olages, ne fut que le prélude de celui que devait commander le Con-
(1) Voir, dans notre Pinturicchio et le Monde pontifical XV' siècle, les six
epigrammes de ces six fresques, recueillies par Lorenz Behaim scriptor latinus
anno Dni 1493. (Cod. 716, fol. 163, bibl. Munich.)
^fàih£^4
416
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
nétable de Bourbon en personne, dès le 6 mai 1527. Il faut lire, dans
les mirifiques Mémoires du vantard et peut-être véridiqueBenvenulo
Gellini, comment ce merveilleux artiste, s'improvisant arquebusier
pontifical, se chargea de bombarder, du haut de VAngiolOy les
auberges environnantes et d'y abattre, comme de simples bouchons,
les « soleils » de la devanture et les buveurs qui s'y rencontraient. Une
Anciens boulets retrouvés au Fort Saint-Ange.
Ibis, d'un seul coup d'arquebuse, ne fendit-il pas en deux un colonel
espagnol qui se promenait dans les Prati ? Et comme Clément VII avait
assisté, de la terrasse du fort Saint-Ange, à cette exécution, et
qu'il avait aussitôt fait appeler Gellini : « Je m'agenouillai, écrit-il, et je
priai Sa Sainteté de m'absoudre de cet homicide et de tous ceux
que j'avais commis dans le Château, pour le service de l'Eglise. Le
pape leva aussitôt la main, traça sur moi le signe de la croix et me
?^^^^*^'^
LKS P.USONS DE I/ÉTAT PONTIFICAL 4,7
l'Eglise apostolique: ««""•""fa-s encore, pour la défense de
s>nfer,„a avec C va fein^^^^^ »- aulre fois, et
avaiienno et mo,, pour mettre eu sûreté les tiares
Lo quarlier des prises au Fort Saint-Ange.
et les nombreux et précieux iovanï h» i» n u
Cavalierino avait étendis pZ::^^^ ^^::^'^J^
Français de très vile exti-aptinn tvta /^""'PPe ^trozzi. Il était
ravori du pape. <.ui Pa^iri ï^^rLu;^,?/^-'''^ ''
soi-mé.ne. Lorsque nous fûmes tous tr enf ." "^ S '^T!
le Cavalierino placèrent devant moi les tiares etome; iL
..e la Chambre apostolique. Le pape mV^rd'ir d'^^^^ct
27
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416
LA PRÉLATURK DE LÉON XIII
nétable de Bourbon en personne, ûvs le 0 mai 15^27. Il faut lire, dans
les mirifiques Mémoires du vantard et peut-être véridique Benvenulo
Cellini, comment ce merveilleux artiste, s'impro\isant arquebusier
pontifical, se chargea de bombarder, du haut de VAmjwlo, les
auberges environnantes et d'y abattre, comme de simples bouchons,
les « soleils » de la devanture et les buveurs qui s'y rencontraient. Une
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Anciens boulets retrouvés au Fort Saint-Anj:e.
fois, d'un seul coup d'arquebuse, ne fendit-il pas en deux un colonel
espagnol qui se promenait dans les Pmti?VA comme Clément Vil avait
assisté, de la terrasse du fort Saint-Ange, à cette exécution, et
qu'il avait aussitôt fait appeler Cellini : « Je m'agenouillai, écrit-il, et je
priai Sa Sainteté de m'absoudre de cet homicide et de tous ceux
que j'avais commis dans le Château, pour le service de rKglise. Le
pape leva aussitôt la main, traça sur moi le signe de la croi'x et me
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LKS nuSONS ,.E ,/ÉTAT PO.NT.FiCAL 4,7
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Le quartier des prisons au Fort Saiut-Ange.
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..e -a Cambre apostolique. Le pape ^VZ^dT^^tZ™
27
418
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
que je fis. J'enveloppai ensuite chaque pierre dans un petit morceau
de papier, puis nous les cousîmes sous la doublure des vêtements
du pape et du Cavalierino. Tout Tor, qui pesait environ 200 livres,
me fut laissé, avec ordre de le fondre le plus vivement possible
« Je montai à mon poste de VAngiolo, où se trouvait ma chambre
que je pouvais fermer, de façon à éviter d'être dérangé par personne.
J'y construisis, en briques, un petit fourneau à vent, au fond duquel
j'établis un assez grrand cendrier en forme de plat où tombait, peu à
peu, ior que je jetais sur les charbons. Pendant que ce fourneau
fonctionnait, je n'étais pas une minute sans chercher les moyens de
nuire à nos ennemis. Comme leurs tranchées étaient à une petite
portée de trait, je leur faisais beaucoup de domma-e avec de la
mitraille que j'avais trouvée parmi les ancieiinnes munitions du châ-
teau. J'avais un sacre et un fauconneau dont l'embouchure était un
peu gâtée : je les bourrais jusqu'à la gueule avec cette mitraille, qui
ravageait les tranchées d'une manière incroyable. Tout en fondant
mon or, je tenais constamment les deux pièces prêles à tirer.
t Un jour, un peu avant l'heure des vêpres, je vis passer sur le
bord de la tranchée un mulet monté par un personnage qui parlait
aux pionniers. J'eus soin de tirer, avant qu'il fut arrivé en face de
moi. J'avais si bien visé, qu'un morceau de mitraille le frappa pré-
cisément au visage. Le mulet reçut le reste de la décharge et tomba
mort. J'entendis partir de la tranchée un bruit extraordinaire ; alors
je mis le feu à mon autre pièce qui ne laissa pas de caiiser de
grands dégâts. Le personnage que j'avais blessé était le prince
d'Orange. On le transporta à l'abri de la tranchée, dans nne hôtel-
lerie voisine où bientôt accourut toute la noblesse de l'armée. Le
pape Clément, ayant appris ce que j'avais fait, me manda à l'instant
Je lui donnai tous les détails qu'il réclamait, et je lui dis que le
blessé devait être un officier de très haute importance; attendu que.
autant que l'on pouvait en juger, tous les chefs de l'armée étaient
rassemblés dans l'hôtellerie où on l'avait déposé. Le pape, en homme
sagace, appela le commandant de l'artillerie, messer Antonio Santa
Croce, et lui dit d'enjoindre à tous les cannonniers de braquer
contre l'hôtellerie leurs pièces, qui étaient très nombreuses, et de
faire feu, dès qu'ils entendraient un coup d'arquebuse. Nous dispo-
sâmes donc nos pièces, suivant l'ordre de Santa Croce. Nous atten-
dions le signal, lorsque le cardinal Orsini, instruit de ce qui se pas-
sait, engagea une violente dispute avec le pape, déclara que, pour
rien au monde, on ne devait agir ainsi, parce qu'on était sur le point
LES PRISONS DE L'ÉTAT PONTIFICAL 419
(Titrer en accommodement; que, si l'on tuait les chefs, l'armée
n étant retenue par aucun frein, forcerait le château et compléterait
no re ru.ne yi termina en disant que les cardinaux s^pp' sS
absolument a ce que Ton tirât. Le pauvre pape, désespéré e si
voyant entouré d'ennemis au dedans comme au de^o s oT^^^^^^^^ ^
aisser tout à leur discrétion. On nous transmit donc ontïe orl
Lorsque j appns que l'on venait nous défendre de tirer, je ne I;
me contenir et je mis le feu à un demi-canon que j'av i sous il
manK Le projectile alla frapper un pilastre de la ïour'deThôte^^^^^^^^^
pr s duque je voyais un groupe de plusieurs personnes. Ce 0 p fil
tant de mal aux ennemis, qu'ils furent su. le point de déserteMa
maison. Le cardinal Orsini voulait me faire pendre ou n 21^
mais le pape prit mon parti. Je sais quelles paroles ils écrangeren •
mais, comme je ne fais pas profession d'écrire l'histoire, ^
passe sous silence pour ne parler que de ce qui me regarde '
« Dès que j'eus fondu l'or, je le portai au pape qui me ;emercia
beaucoup et chargea le Cavalierino de me remettre vingt-cinqTu
en s excusant de ne pouvoir me donner davantage. Peu de Zrs
après, on signa l'accommodement. » ^ ^
Cepeudant, nonobstant les exploits de l'orfèvre bombardier et la
mort , Connétable qu'il faut peut-être attribuer au fa.l nlea;
Cellmi, le s.ege durait et menaçait de mal finir pour le papeToîès la
jonction du luthérien Philibert d'Orange et de\ouis Too; J
qui venait de lorcer l'entrée de Rome par le Ponte Sisto, à la tête ï
1 -ufanterie italienne. Le chapeau violet dont Paul Jove couvra Clé
n.ent V I passant du Vatican à Saint-Ange, par le cor^Z aX en t
oOO mètres qu avait construit Alexandre VI, ne servait plus à prôte!
ger ce pontife autrefois soldat et, aujourd'hui, tremblant comm u„
son fidèle Cavalierino, en travestis de paysans et portant dans les
doublures de leurs manteaux les rivières de diamants que Benvëuu 0
> avait cousues, passèrent le Tibre sous les feux protecteurs dTfm
^amt-Ange. Ils gagnèrent Orvieto, d'où le pape ne devait revel
q.1 au 6 octobre de l'année suivante, le siège de Some étant 1!::^
On dit que la vertu n'a pas sa récompense dans ce monde. Benve-
rPaufirT"" ' "" '^" '"'^^"^' -- '« P-^tificat suivant
suri. ' •. T '''k'"''" ''"'"'' ''''^''' ^"^ fraîchement cueil
^ur le seu.l de sa boutique et conduit au fort Saint-Ange port
répondre des bijoux de Clément VII n.ip in c ^ ^
j uc v^iemeni VII, que le successeur trouvait en
420
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
défaut dans la cassette pontificale. Le récit de cette détention et de
Tévasion qui la termina nous mènerait trop loin ; il ne vaudrait
pas, d'ailleurs, celui qu'en a laissé dans ses Mémoires son héros, qui
ne craint pas de rival en l'art de dire le plus drôlement les plus sé-
rieuses choses. On y suit pas à pas le prisonnier du pape, dans ce
château Saint-Ange qu'il nous fait mieux connaître, en détenu qu'en
artistp. Est-ce parce qu'il n> avait rien de plus curieux à voir que
ce gardien chef du château, à qui la folie avait pris de croire qu'il
était une chauve-souris et qu'il pouvait voler, comme elle :
— Et comme moi aussi ! insinua Gellini, pour prendre aussi sa
part de la même monomanie qui finirait par faire ouvrir les portes
de la prison à un homme si fort qu'il pourrait s'en envoler, à son
jour et à sa guise. Mais les lecteurs de Benvenuto s'étonnent de ne
trouver, dans cette détention du maître au fort Saint-Ange où il circu-
lait librement, trace aucune des peintures que son ami Jules Romain
et ses élèves, y avait déjà faites pour le compte de Clément VII, et de
celles qu'y préparait Pierin del Vaga dans V Appartement dit de
Paul m. Est-ce parce que ce pape Farnèse,— si avare, dit-on, qu'il
n'avait même pas payé l'admirable portrait qu'avait fait de lui' alors
cardinal, le grand Titien, - attendait précisément que Gellini rendît
gorge et lui permît de commander son Appartaîiiento aux élèves
tant soit peu décadents de Raphaël, avec l'or prétendu volé par l'or-
fèvre de Clément VII? On sait, en outre, que le flamand Adrien VI
succédant à Léon X, avait été si antipathique aux beaux-arts que les
les peintres de Rome avaient semblé mourir tous de faim au cours de
ce pontificat. La Providence des artistes le fit, heureusement, de la
pluscourtedurée.Cequieslcertain,c'estque, durantles deux épisodes
de sa vie que Benvenuto Cellini fut pensionnaire du château Saint-Ange
pas une seule fois il ne cite aucune de ces curieuses peintures que
ses contemporains et camarades y élaborèrent et dont nous n'étudie-
rons pas ici les sujets, un peu trop décadents peut-être. Ne furent-ils
pas les œuvres de cette malheureuse école de Raphaël, qui n'en pro-
duisait déjà plus? Et ces œuvres nesont-elles pas assez significative-
ment exprimées par les reproductions dont il nous plaît d'illustrer ce
chapitre sur le château Saint-Ange, pour rendre ainsi à Pieriii del
Vaga qui exécuta les principales de ces peintures et à Paul III qui
les commanda toutes, le seul tribut d'hommage qui leur sied^
Ninna la nanna,
E passa via Borbone !
*■%-:-. ~ .*y»-i
LES PRISONS DE L'ÉTAT PONTIFICAL m
Celte berceuse, que les nourrices aux opulentes mamelles de l'ar-
chaïque TraMevere chantent encore pour faire peur à leurs poupins
depuis les temps de Charles de Bourbon, - ce terrible marchand d^
sable roupe, - nous retiendrait trop longtemps au fameux siège de
Rome s. no..s voulions y relever tous les hauts faits du meurtrier
Connétable et de son providentiel tombeur Benvenuto Cellini. A moins
que 1 exécuteur du reître ne fût Jean d'Udine, selon la version qu'en
a donnée Vasar,. Mais le château Saint-Ange n'en était pasTu."
siège près, et d'autres histoires nous y attendent.
11 semble que le pape qui, sans ajouter un créneau de plus à la
formidable couronne de l'imprenable fort pontifical, s'en soit le plus
terriblement servi pour apprendre à ses sujets les leçons de ïa
sagesse ou celles de la mort, ce fut le pape Peretti. Il ne fallut pas
plus de cinq ans de règne à ce Sixte-Quint de redoutée mémoire
pour donner aux potentats de Rome qui abusaient du crédit de leurs
noms historiques, les plus redouiables représailles. Sans mettre à
son compte de justicier impitoyable l'étranglement du cardinal Char-
e Pa'inV M '" "'''!"'''''^^ '^ J-" -" f-e. - tous deux neveux
Lr r r T" '" ^"'■' Saint-Ange par Pie IV successeur du
pape Urafa, - Sixte-Quint eut assez d'en imposer à ses sujets, de
Lir'v "TZ ^'" ^""'" ""'"' ^'"""^^°"'« '''«" Colonna, d'un
pari tout Vn' 1 '"" ''''""''''' •'*•"=' "•'"' "°"^ --«"« à
pa le. tout à I heure, le pape aux légendaires béquilles se promenait
toull Tvine : '"'■ " "'"" '"''"""" '" ^''"'■'^"°'- ^' '»' '''*""»^"»
s arrêtant tout à coup, ou les frontons des palais de vos Seigneuries
sont ornes, ce matin, d'étranges objets. Allez donc voir ce que c'est
et faites-le moi savoir, je vous prie!
C'étaient, pendus à même les créneaux de leurs palazzi, les cada-
vres des comtes el des barons bandits qui. par ordre du pape, avaient
e exécutes dans Route; eu même temps que Marco ScL'ra et le
duc d Amalh venaient de l'être dans leurs repaires campagnards,
prétendus inaccess blés. La Rocca-Peirpll» f„. .,„ >^
inf-.mnc ix u,- , nocca i-eireiia lut un de ces manoirs
rtZ, : " •**' exemplaires leçons du pape Sixte, à trois
règnes de celui-c. et a quelques années à peine d'intervalle, ce même
francesco Cenci crut pouvoir s'enfermer, pour y commettre sur les
personnes de sa deuxième femme Lucrezia et de Béatrice, sa tille
d un premier In, des monstruosités que son assassinat, commis par
ses victimes, ne devait pas laver. Ce crime, encore mal expliqué par
h
■• I
422
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
l'histoire, mena la plus belle et peut-être la plus pardonnable des
parricides, avec sa complice, sur cette même Place du Fort Saint-
Ange où elles furent exécutées, le 11 septembre 1599, avec un céré-
monial bien étrange :
« A 3 heures du matin, dit une chronique du temps, la signora
Beatrix et sa belle-mère Lucrezia Petroni se confessèrent. Mais
avant d'aller à la messe, la signora Beatrix considéra qu'il n'était pas
convenable de paraître sur l'échafaud, aux yeux de tout le peuple
avec les riches habillements qu'elles portaient. Elle ordonna deux
robes, l'une pour elle, l'autre pour sa mère. Ces deux robes furent
faites, comme celles des religieuses, sans ornements à la poitrine et
aux épaules; et seulement plissées, avec des manches larges La
robe de la belle-mère fut en toile de coton, noire ; celle de la jeune
fille, en taffetas bleu, avec une grosse corde qui ceignait la taille On
avait dressé sur la Place Sainte-Anne, un grand échafaud. Vers les
3 heures du matin, la Compagnie de la Miséricorde apporta son
grand crucifix, à la porte de la prison. Les chants des psaumes
commencèrent et la procession s'achemina lentement, par la Place
Navone. vers la prison Savella. Arrivée à la porte de la prison, la
bannière s'arrêta. Les deux femmes en sortirent, firent leur adoration
au pied du saint crucifix et ensuite s'acheminèrent à pied, l'une à la
suite de l'autre. KUes étaient vêtues ainsi qu'il a été dit, la tête cou-
verte d'un grand voile de taffetas bleu qui arrivait presque jusqu'à
la ceinture. Beatrix avait, de plus, un grand voile de drap d'argent
sur les épaules, une jupe de drap violet et des mules de velours blanc
lacées avec élégance et retenues par des cordes cramoisies. Elle avait
une grâce singulière, en marchant dans ce costume; et les larmes
venaient dans tous les yeux, à mesure qu'on l'apercevait s'avançant
lentement dans les rangs de la procession. Les pauvres femmes
avaient toutes les deux les mains libres, mais les bras liés au corps,
de façon que chacune d'elles pouvait porter un crucifix. La jeune
Beatrix montrait un grand courage et, tournant les yeux vers
chacune des églises devant lesquelles la procession passait, elle se
mettait à genoux pour un instant et disait, d'une voix ferme : Adora^
mus te, Christel La procession put à peine traverser le bas de la
Place du Pont Saint-Ange, tant était grand le nombre des carrosses
et la foule du peuple. On conduisit sur-le-champ les femmes dans la
chapelle qui avait été préparée. On exécuta, d'abord, la belle-mère
Lucrezia Petroni, puis Giacomo Cenci. Quand Béairix vit la bannière
revenir à la chapelle, elle dit avec vivacité : « Madame ma mère est-
^Sc*
.Xt*»*AV
.t^ÀT;,'^ .-
«H
--»■*. .t^K -.»[<»* ir afctj-A^ ^^t^-'Mt
^ 1
LES PRISONS DE L'ÉTAT PONTIFICAL i23
elle bien morte? . On lui répondit que oui. Elle se jeta à genoux
devant le crucifix, et pria avec ferveur pour son âme. Q^and le
bourreau Alexandre parut devant elle, avec une corde, elle lui dit
. Lie ce corps qui doit ê.re châtié! ,, Puis, s'adressant au crucifix •
nene i'rïnrT' '" '"' "T"" "' ''"""'"''^'"^ ^' ' ""«^ gloire éter:
la ambê Z I 7 'f "'"'T '" ''' '' '''^<=^*f''"'l. P^^-^ 'estement
la jambe sur la planche et s'arrangea parfaitement bien elle-mén.e
pour éviter d'être touchée par le bourreau. Par la rapidité Te 2
u ote le public aperçut ses épaules et sa poitrine. Le coup fut long
a être donné Pendant ce temps, la suppliciée invoquait à Lte vo£
e nom de Jesus€hrist et de la sainte Vierge. Au moment fatal,
corps fit un grand mouvement... » '
Cette exécution capitale, dont Rome parle encore devant le portrait^
de Béatrice marchant au supplice, _ d'après un tableau delaGaler'e
Barbenn, peint par Guido Reni qui en a fait un chef-d'œu^^rde
p.tié -fut une des plus impitoyables, sans être la dernière qu'eurent
à ordonner les papes exécuteurs de la justice humaine, sur leu
t mtcre pontifical. Clément VIII occupai, alors le siège pontifiS
e .In est pas présumable que cet Aldobrandini intransige nTi
capable, envers ses victimes justiciables, d'une plus dévotieuse retenue
que n en usèrent celles-ci envers leur odieux père et mari qu'elle
ne voulurent pas faire égorger, le jour de Noël 1598. mais le lende-
main seulement, par égard pour la .>/«,/«„„« santissima, euTl.
femme du duc à assassiner avait une dévotion particulière.
Ce fut a ce même Clément VIII. _ à qui le Vatican devait l'achè-
vement du palais pontifical érigé par ,e Bernin. et l'app r tement
actuel des papes, précédé de la vaste salle dite Clémentine - "
château Sain -Ange dut l'introduction dans ses murs des p us nol es
EnTïïfr ,"' r T'r "'"""^ P"^^«'" '- -'«- '- garde
bn 1.,92. I archiviste Bartolomco Cesi reçut de son Souverain Ldve
de renfermer, dans une salle secrète de la vieille forteresse, les docu'
ments qui y cons.iiuèrent le fameux Archivio Segveto di Castel
Sant Angelo, jusqu'en 1799 où le bibliothécaire' Antonio VUaTe
leur fit faii-e retour au Vatican qui les conserve depuis, dans ses
armoires. Dans une antre pièce secrète du même Saint-Ange Six e-
Quiut n'avait-il pas déjà renfermé, en une triple armoire d'fe'rq 'on
y voit encore aujourd'hui, les trois millions d'écus d'or qu'en trois
dépôt, successifs il put accumuler là pour les réserves des papes sis
successeurs? En 1797, il appartiendrait à Pie VI de vider à fond me
f* ,•
424
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
armoire entre les mains de Bonaparte, rédacteur implacable du
t.-ailé de Tolenlino. Pie IV y avait déposé le dossier cardinalice des
Urafa étranglés par ses ordres, dans leur cachot; de même que la
riche tiare de Paul 11 et le fameux fermail ou pecioral que Clément
VU en avait commandé, avec le plus gros diamanfde ce trirègne
merveilleux, à Cellini qui en avait exécuté le vandale chef-d'œuvre
avec cette parole de son Souverain pour l'en remercier :
— Si j'étais un riche empereur, j'accorderais à mou Benvenuto
autant de terres que son œil en pourrait découvrir. Mais aujourd'hui
que nous ne sommes plus que de pauvres empereurs dépossédés,
nous lui donnerons, tout au moins, autant de pain qu'il en faudra à
ses besoins modestes.
Avec le pape BarberinI,- qui fit ce que les Barbares n'avaient osé,
s II faut en croire le proverbe romain, - le château Saint-Ange s'en-
richit de joyaux d'un lout autre genre et calibre. Avec les massives
embrasses de bronze antique qui harponnaient et reliaient les travées
colossales de marbre du Panihéon depuis l'inutile assaut des siècles
et celui des Barbares, ce Barberini dévastateur ordonna la fonte de
quatre-vingts canons, qui ne servirent guère à défendre le règne paci-
fique d Urbain VIII. Par contre, dans la suite des âges, ces mêmes
canons ne seraient pas inutiles à l'attaque et à la ruine même de
I ttat pontifical, en fournissant des armes aux ennemis du Stato qui
surent les retourner contre leurs propres maîtres. D'ailleurs, le règne
du vieux (on Saint-Ange était virtuellement fini, avec les perfec-
tionnements nouveaux de l'artillerie moderne. La symbolique statue
du saint Michel de Raphaël de Montelupo, érigée au faîte du tonione
par Clément \ II, pouvait descendre sans regret dans les fossés du
château et faire place à celle que Benoît XIV commanda, plus tard
au fameux Venchelfeld et qui y figure, aujourd'hui encore, dans
1 attitude qui sied mieux à l'archange désarmé, - son inutile épéc
rentrant au fourreau et ses ailes s'ouvrant toutes grandes, pour
reprendre leur vol vers les espaces célestes où il n'y a plus, ui otages
de gucire, ni prisonniers d'Etat. Le dernier siège qu'eut à subir lan-
tique Mole d'Adrien, tour à tour château des papes rois et cachot de
leurs sujets révoltés, remonte à l'occupation de Kome par les armées de
la première République de France, en 1798. Depuis que les cocar-
diers de Championnet et de Berthier y ont laissé à peine quelques
cellules ouvertes pour les derniers rebelles des papes encore rois le
vieux refuge des quatre-vingts canons de Barberini n'en a plus con-
serve qu'un seul, au sommet de son inébranlable masse de péperins
jtitf'ftM ^' >*^iifc»>. Ét^mik^tmmm€ÊA^.'^*m:m^i^tê.^m^.
'*«.^A«.^.M . CEJitf*.-,
LES PRISONS DE L'ÉTAT PONTIFICAL 425
vin-t fois séculaires. C'est le San Pietro qui annonce, cha(,ue jour
sur le coup de midi, l'heure du bon repas aux Romains indifférents
et, aux touristes curieux, celle de la visite du monstre toujours san-
glant où un cicérone bonhomme leur racontera des histoires de l'autre
h
ta
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3
a
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u
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S
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«
Ta
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a
a
il
Oi
Oh
a
monde, à faire ; reculer: d'épouvante les gens encore crédules de
celui-ci.
Parmi les légendes gratuites de barbarie, dont se défend sans
peine l'histoire des papes souverains d'un Etat où la justice humaine
*♦ '""TTI^ii
TU ■> '■ n.' . iLjjfr ■■'! wu m^-m
?.-3L '".-•^-**«, JgjfrW'*^-'- ""
424
LA PnÉLATLRK DE LÉON XUI
I
armoire, entre les innins de Bonaparte, rédaeteur implacable du
traité de Tolentino. Pie IV y avait déposé le dossier cardinaliee des
Larala étranglés par ses ordres, dans leur cai-hol ; de même que la
riche tiare de Paul II et le fameux fermail ou peeioral que Clément
Ml en avait commandé, avec le plus frios diamant de ce trirègne
merveilleux, h Cellini qui en avait exécuté le vandale clief-dœuvre
avec cette parole de son Souverain pour l'en renieieier :
— Si j'étais un riche empereur, j'accorderais à mon Benvcnulo
autant de terres que son œil en pourrait découvrir. Mais mijourdhui
que nous ne sommes plus que de pauvres empereurs dépossédés
nous lui donnerons, tout an moins, autant de pain qu'il en faudra à
ses besoins modestes.
Avec le |,ape lîarlurini,- qui lit ce que les Barbares n'avaient osé.
s 11 tant en croire le proverbe romain, — le château Saint-An^e s'en-
richit de joyaux d'un tout autre genre et calibre. Avec les massives
embrasses de bronze antique qui harponnaient et reliaient les travées
colossales de marbre du Panihéon depuis l'inutile assaut des siècles
et celui des Barbares, ce Barberini dévasiateur ordonna la fonte de
quatre-vingts canons, qui ne servirent guère à défendre le règne paci-
fique d Urbain VIII. Par contre, dans la suite des âges, ces mêmes
canons ne seraient pas inutiles à l'attaque et à la ruine même de
I Ltat pontifical, en fournissant des armes aux ennemis du Slalu qui
surent les retourner contre leurs propres maiircs. D'ailleurs le rè^ne
du vieux lort Saint-Ange était virtuellement liiii, avec les perfec-
lionnements nouveaux de l'artillerie moderne. La symbolique statue
du saint Michel de Hapbacl ,1e Montelupo, érigée au laite du loninne
par Clément Ml, pouvait descendre sans regret dans les fossés du
château et faire place à celle que Itenoît XIV coinmanda, plus tar.l,
au fameux Venchelfeld et qui y ligure, aujourd'hui encore, dans
I atl.tude qui sied mieux à l'archange désaiiné, - son inutile épéc
reiilrani au fourreau et ses ailes s'ouvraiit toutes grandes, pour
reprendre leur vol vers les espaces célestes où il n'v a |.liis, ni ota-es
de guerre, ni prisonniers d'Etal. U dernier siège (pi'eul à subir laii-
lique Mole d'Adrien, tour â tour château des papes rois et cachot de
leurs sujets révoltés, remonte àrocciipaiion .le IJome par les armées de
la première Républi-,ue de France, en 1708. Depuis que les cocar-
«iiers de Championnet et de Berthier y ont laissé à peine quelques
cellules ouverles j.our les derniers rebelles des papes encore rois le
vieux refuge des quatre-vingts canons de Barberini n'en a plus con-
serve qu'un seul, au sommet de son inébranlable masse de péperins
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1
LES PRISONS DE I/ÉTAT PONTIFICAL
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vingt fois sénilaires. C'est le San Pietro qui annonce, <'lia(iue jour
sur le coup de midi, l'heure du bon repas aux Romains indiiférenls
et, aux touristes curieux, celle de la visite du monstre toujours san-
glant où un cicérone bonhomme le;n« racontera des histoires de l'autre
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monde, à faire reculer d'épouvante les gens encore crédules de
celui-ci.
Parmi les légendes gratuites de barbarie, dont se défend sans
peine l'histoire des papes souverains d'un Etat où la justice humaine
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426
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
n eut pas à gouverner que des an-es, il faut comprendre celle des
« Emmurés . de Sixte-Quint qui pendait haut et court, au contraire,
avons^nous vu, seigneurs et manants indistincts aux créneaux de leurs
tours et bien h la face de ses sujets intimidés par une si égal i taire jus-
tice. Avec un fort accent de Piémonlais envahisseur, le guide conti-
nuera à vous faire partager son horreur bouzzourres que en vous indi-
quant, ici même, le cachot où fut enfermée cette pauvre belle Béatrice
Cenci qui, du Château Saint- Ange, ne connut que la Place extérieure
où elle fut exécutée. Sur le large chemin de ronde, ouvert dans
l'épaisseur des dix mètres de la muraille et fortuitement retrouvé par
un major de Léon Xïl, - Luigi Bavari qui, un jour de ronde,
s étant laissé choir dans un trou, n'en parut pas plus fier et se releva,
couvert de gloire, d'une chute qui allait révéler aux siècles futurs ce
chemin merveilleux qu'avaient oublié de fréquenter les siècles précé-
dents depuis les âges d'Adrien le Magnifique, — votre guide actuel
continue à bafouiller. Il médit des quatre lucernaires ouverts dans les
métopes de la voûte, aux quatre extrémités de cet escalier circulaire
sans marches par où vous arrivez insensiblement au sommet de la
tour où l'urne funèbre de l'Empereur dut originairement reposer.
Ces ouvertures rares, d'où un jour mystérieux tombait du ciel dans
cette nécropole et sur ces mosaïques aux restes dignes des Césars, ces
Piémontais, en relard sur l'histoire, les prennent aujourd'hui pour
des oubliettes papales où les bourreaux superposaient leurs victimes
en des tombeaux vivants, s'étageant l'un sur l'autre...
Mais, sur le granit noir de ces murailles éternelles, vous regardez
se profiler avec plus d'intérêt, à la clarté du carcel conducteur, les
hautes et toujours vivantes figures de ces papes qui surent, du moins,
conserver son tomt)eau a César et d'originales visions à celte tour
moins légendaire qu'historique. Là. Alexandre VI le fastueux dressa,
entr'autres, les écliafauds splendides du prestigieux Pinturicchio.
Là, le préciosissisme Clément VH alluma pour tous bûchei-s, ceux où
Gellini le magnifique coula dans les creusets l'or le plus fin et enchâs-
sa, dans les métaux les plus précieux, les joyaux les plus rares. Là,
l'audacieux renaissant que fut Paul 111 demanda que furent payens Zuc-
chari et Pierin del Vaga de ressusciter, dans ce tombeau de la force
antique, l'éternelle beauté qui n'y meurt plus, avec l'histoire toujours
aimable de la toujours giacieuse Psyché.
Pour donner à ce terrible fort Saint-Ange, tantôt château prestigieux
et tantôt effrayante prison, l'histoire qui lui convient dans les âges mo-
LES PRISONS DE L'ÉTAT PONTIFICAL
4«T
dernes, après celle des papes fastueux qui surent faire peindre des
chefs-d'œuvre sur des murs de cachot et tourner en bracelets et fer-
moirs d'or les chaînes et les serrures d'une prison d'État, nous consul-
terons avec profit les mémoires de David Silvagni qui, tout serviteur
dévot et même officiel qu'il fût de la jeune Italie, ne put cependant
oublier dans Rouje sa première naissance et ses premières amours.
<f J'avais neuf ans, écrit-il, quand, en compagnie de mon grand-
père, le mercredi du 20 juillet 1840, je traversai la Place Pasquino.
La foule qui s'y précipitait, pour lire un avis écrit sur une ardoise
suspendue au mur, vers la maison sise à l'angle de la rue Leutari,
excita ma curiosité d'enfant. J'en demandai le pourquoi à mon grand-
père. Il me répondit : a On a affiché les tavolozze. — Qu'est-ce les
tavolozze? ajoutai-je. — C'est, dit-il, un avis pourexhoiter les fidèles
à gagner l'indulgence plénière, en visitant l'église des Agonisants qui
est là, en face, et où le Saint-Sacrement est exposé. — Allons le lire,^
nous aussi ! dis-je au grand-père, en l'entraînant de ce côté. — Attends
un instant, qu'il y ait moins de monde et nous lirons à notre tour, »
répondit-il, aussi curieux que moi. La foule, en effet, s'écoula et je
vis, sur le mur, un tableau noir portant l'inscription dont nous avons
donné le fac-similé au lecteur (1). Au-dessous de cette lugubre invi-
tation, sur un petit carton blanc écrit à la main, on lisait ces mots:
« Louis Scapigno, '^l ans, né à , coupable de vol sacrilège. »
Bien que l'enfantait une idée imparfaite de lavie et qu'il ne comprenne
rien de la mort, je n'éprouvai pas moins un frissonnement. M'adres-
sant à mon grand-père, je lui dis : « Qu'a-t-il volé, cet homme? — Il
a volé le ciboire. — - Et pour cela, il est condamné à mort? — Oui,
puisqu'il a volé aussi les hosties consacrées. — Et qu'est-ce donc
qu'on va lui faire? — Il sera décapité, demain, sur la Place du Pont
Saint-Ange. » Je me tus, j'eus peur. La nuit d'après, je vis, dans
un cauchemar, un homme sans tête; du tronc jaillissait une fontaine
de sang, et, jamais je n'oublierai cet horrible tableau.
Cependant les Bans généraux étaient supprimés, à celte époque.
Bien différentes étaient les peines portées par les Bans du temps de
l'abbé Benedetti, qui mourut avant 1840 (2). Nous en citerons quel-
ques dispositifs que rédigea le cardinal Silvio Valenti, évêque de
Sabine et secrétaire d'État de Benoît XIV. Nous les extrayons des
Bans généraux poniifi,caux, réédités en 1815, avec les articles de
(1) Voir la Jeunesse de Léon XIIÏ, chap. les Berceaux et les Tombes, p. 12T.
2) Voir Un Diario de l'abbé BeaeJelli pour les coutumes de l'État pontifi-
cal ; Appendice 11 de la Jeunesse de Léon XIII, p. 649 et suiv.
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428
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
la Const.lut.on Posl diulurnas sur la procédure criminelle, et des
Bans de la Secrétairerie d'État contre les coupables de blessu.-es
de port d'armes, etc., précieux .'ecueil des pénalités en vigueur
dans les Etats pontificaux jusqu'en 1833, année où C-égoire^XV!
publia le Code pénal.
Voici quelques articles de ces Ba.is gë.iéraux :
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i
i'.
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Blasphème.
« Le Blasphème enve.-s Dieu, la sai.ite Vie.-ge ou les saints, est si
malséant et si répugnant chez l'homme qu'il ne devrait pas êt.-e
necessaii'e de promulguer une loi spéciale pour l'i.iierdire. Cepen-
°*"' 80" Eminenee, désireuse de mettre un fiein à la perversité
<les l.lasphén)ateH.s. édicté et prescrit que tout blasphè.ne, malédic-
tio.i ou usurpation vaine du saint nom de Dieu ou de son Fils uni-
que, ..ot.-e Rédempteur, ou de sa sainte Mè.-e toujours vierge ou de
n impo.te quel saint ou sainte, etc.. se.'ont puuis : pour la première
fo.s, d une triple flagellation publique faite avec des cordes: pour la
secon de fois, de la flagellation publique avec des verges et, pour la
fo.sieme fois, de cinq ans de galè.-e. Pour l'application de ces pei-
nes, ,1 surfi,-a d'un seul témoignage jugé digne de foi par l'accusa-
teur et, comme tel, considéi-é par le juge.
Violation des Couvents de Religieuses.
« Tous Lieux Sac.és et particulièreme.it tout Monastère do Reli-
gieuses étant dignes de respect, Son Eminenee édicté et p.-escrit que
qu.conque pénétrera, la nuit, sans autorisation, dans u., cloîfe de
Re!.g.euses, sera puni de mort, quand bien même il n'y au.ait
co.n,„,s aucun délit. Cette même peine sera applicable aux entre-
metteurs, aux aides et à toute perso.mc ayant prêté son cot.cours,
n .mporte de quelle manière. Encourront la peine de mort ceux qui
y entreraient, de jour, dans lesdits couvents et s'y arrêteraient
n importe sous quel prétexte, pendant la nuit. »
Baiser donné en public à une femme honnête.
« Quiconque au.-a usé de violence pour embrasser ou essayer
d embrasser eu public une femme honnête, - quand bien même le
Daiser n aurait pas eu efifectivement lieu et si l'acte a failli s'accom-
^5-w*« ^y^-xr^.-'^.
^^a.-.'jJF-a... \ ■
LES PRISONS DE L'ÉTAT PONTIFICAL 42»
plir, — sera puni des galères à vie, et môme de la peine de mort, au
gré de Son I^xcellence, et les biens du coupable seront confisqués.»-
Peines contre les boulangers vendant de mauvais pain
ou fraudant sur le poids.
« Les boulangers ou autres vendeurs de pain qui ne mettraient pas.
tous leurs soins à le faire avec de bonne pâte bien cuite, et ceux
fraudant sur le poids, sont passibles de la peine d'une triple flagel-
lation faite avec des cordes et d'une amende de dix écus à verser,
par parties égales, à des œuvres pies et au dénonciateur ou exécuteur!
Le juge pourra, en outre, leur infliger d'autres peines. »
Publications diffamatoires et injurieuses.
« Personne n'ignore les graves conséquences qu'entraînent les
publications diffamatoires et injurieuses. Son Excellence, dans le but
d'y remédier, a jugé opportun d'édicter et de prescrire que personne
ne se basarde à composer, écrire, afficher ou faire afficher, distribuer
ou faire distribuer des publications diffamatoires ou pasquinades d'au-
cune sorte ; quand bien même, dans ces publications ou pasquinades, la
vérité ne serait pas altérée. Il est également interdit de les reproduire
et de conserver de telles pasquinades ou publications; sous peine,
pour chacun des cas sus-énoncés, de mort, de confiscation desbiensi
de flétrissure, selon la qualité des personnes, ou tout au moins de
galère, au gré de Son Excellence. »
SouUlures ou injures sur les murs ou les portes des maisons.
« Son Excellence défend également à toute personne d'afficher ou^
faire afficher, placer au naturel ou dessiner cornes, peintures ou
autres choses déshonorantes ou vilaines, sur les portes, les murs ou.
la voie, en face de la maison de qui que ce soit, quand bien même il
s'agirait d'une femme de mœurs légères. Elle défend aussi de souiller
d'encre ou d'autres saletés, ou de détériorer portes et murs, sous
peine de galère à vie, et même de mort, au gvé de Son Excellence,
surtout si le préjudice tombe sur une femme honnête. »
Détention d'armes.
« Son Excellence édicté et prescrit encore que personne ne porte-
J'i
. -Mr ttJk.-.
-i:^«^
i30
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
ii
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ou fasse porter, sans permis, toute espèce d'armes offensives et défen-
sives, sous peine de la conflscalion, d'une triple flagellation à la
corde, d une amende de vingt-cinq écus. pendant le jour, et du
double, pendant la nuit. Sous le nom d'armes offensives sont com-
prises : cannes plombées, gourdins, sachets plein de sable et, la nuit
Jes balons et les cailloux. Son Excellence rappelle aussi la défense de
porter ou de garder chez soi ou ailleurs, de vendre ou d'acheter de
fabriquer ou de réparer pistolets de petit calibre, arquebuses mesu-
rant plus de deux palmes de la canne marchande romaine- et cela
Otage des brigaads dans la campagne romaino (Dessin de Thomas).
sous peine de mort, confiscation des biens, et autres peines conte-
nues dans les Bulles de Pic IV et de saint Pie V... Si .a Cour, dans
ses recherches trouve des armes prohibées de n'importe quelle sorte
jetées a terre, a une distance de moins de six pieds de quelqu'un i
y aura présomption qu'elles appartiennent à celui auprès de nui elles
auront ete trouvées, à la distance susdite, et cette présomptL. sera
une preuve suffisante pour soumettre l'accusé à la torture .
Excitations à la discorde.
* Son Excellence édicté et prescrit encore que. si une personne de
il importe quel état, grade ou condition, rompt ou fait rompre la paix.
LES PRISONS DE L'ÉTAT PONTIFICAL 431
les trêves, la parole engagée ou une réconciliation, elle sera passible
de la penie de mort naturelle, ruine et démolition de sa maison et
confiscation de tous ses biens. Si elle a pu se soustraire à la justice,
elle sera pendue en effigie, revétuedeses habits ordinaires, la têteen
bas avec ses nom, prénoms, patrie et nature du délit inscrits
au-dessous. »
Ces dispositifs furei.t en vigueur jusqu'à Tépoque de l'Invasion
française. A la Restauration de 1814, ils furent rétablis et eurent
Une pugnalala à Home (Dessin de Thomas).
force de loi jusqu'en 1833. A cette date, Grégoire XVI publia le
Règlement judiciaire, code pénal informe, mais toutefois moins impi-
toyable et moins cruel que les Bans Généraux. La volonté des Pon-
tifes fut si constante à faire exécuter ces dispositifs, qu'à la fin du
xviir siècle, le cardinal Archetti, archevêque de Bologne, fui sévère-
ment blâmé pour avoir substitué, dans l'application des châtiments
ecclésiastiques, la verge anglaise aux fouets de corde.
l*our qui croirait exagérées les peines énnmérées contre les blas-
phémateurs, nous citerons ici un passage d'une note que le cardinal
Giusiiniaui, évèque d'Imola, publia le 3 juin 1828, établissant que
« les peines contre les blasphémateurs sont : pour la première fois,
■ A
1
430
LA PRÉLATURE DE LÉON XMI
ou fasse porter, sans permis, touleespècc d'armes offensives et défen-
sives, sous peine de la confiscation, d'une triple (lagellation à la
co.de, dune amende de vingt-cinq écus, pendant le jour et du
double, pendant la nuit. Sous le nom d'annes offensives sont com-
prises : cannes plombées, gourdins, sacl.ets plein de sable et, la nuit
les balnns et les cailloux. So.i Excellence rappelle aussi la .lëlense dé
porter ou de garder cbcz soi ou ailleurs, de vendre ou d'acheter de
fabriquer ou do réparer pistolets de petit calibre, arquebuses mésu-
■•aut plus de deux palmes de la canne marcbande romaine- et cela
Olage des l,„ï„:id. dans la ca,„p„g„o rcnuinc (Dessin de TImn.as;
ous peine de mo,-/, confiscation des biens, et autres peines conte-
nues dans les Itulles de Pie IV et de saint l>ie V... Si la Conr, dans
ses recherches trouve des armes prohibées de n'importe quelle sorte
jetées a terre, a une distance de moins d.. six pieds de quelqu'un il
y aura présomption qu'elles apparliennent à celui auprès de qui elles
auront ,.té trouvées, à la distance susdite, et cette présomption sera
une preuve sujlisanle j,our soumettre l'accusé à la torture. .
Excitations à la discorde.
« Son Excellence édicté et prescrit encore que, si une personne de
n importe quel état, grade ou condition, rompt ou fait rompre la paix.
L-v ^-._,?.^-.î.'ï*jr .
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LliS PUISONS DE L'ÉTAT PONTIFICAL 431
les trêves, la parole enga-ée ou une réconciliation, elle sera passible
de la peine de mort naturelle, ruine et déniolilion de sa maison et
cont.scatioM de tous ses biens. Si elle a pu se soustraire à la justice
elle sera pendue en eftiole, revêtue de ses habits ordinaires, la tête en
bas, a\ec ses nom, prénoms, patrie et nature du délit inscrits
au-dessous. »
Ces dispositifs furent en vigueur jusqu'à l'époque de l'Invasion
française. A la Uestauration de 1814, ils furent rétablis et eurent
Une pugnulala à Konie (Dessin de Thomas).
force de loi jusqu'en 183.3. A celte date, Grégoire XVI publia le
Bi'dlemeut judiciaire, code pénal informe, mais toutefois moins impi-
toyable et n.oins cruel que les Bans Généraux. La volonté des Pon-
tifes fut si constante à faire exécuter ces dispositifs, qu'à la fin du
\viii° siècle, le cardinal Archetti, archevêque de Bologne, fui sévère-
ment blâmé pour avoir substitué, dans l'application des' châtiments
ecclésiastiques, la verge anglaise aux fouets de corde.
INmii- qui croirait exagérées les peines énnmérées contre les blas-
phémateurs, nous citerons ici un passage d'une note que le cardinal
Giusiiniani, évêque d'imola, publia le 3 juin 18^28, établissant que
« les peines contre les blasphémateurs sont : pour la première fois,
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LA PRÉLATCRE DE LÉON XIII
de vingt-cinq écus d'or; pour la seconde, de cinquante- pour la foi
s;eme, ecentet, qu'en plus.le l.laspi,é„,ateu.. so!, déci;^ fil Si
rri "p:rdrr''r' '•";'^"-"-- ■« p-i*-efois,,ou,eu: it
née, a la portede I egl.se; la seconde, on le ba.lra de vergeset la Iroi
s.eme,onlu,perce.-alalangueeto„l'e„ve.TaauxgalcTes Lesllim'u ia
teurs gaguerontdixans d'indulgencee.recevronMe lie.s de • e :
Dans les extraus anJournat deG. Gillo que publia Aden.ol lo nous
voyons rapportées quelques anecdotes tirées des ^/m./,.^7de 7e
eenvau. qu. eut à cœur lélude de l'Histoire de l'Etat pontiLl
les mari r.V ^T r""''' P'''™i«""<'^ PO- 'aire disparaître
acaZw .le pf r" "'^''''' P'"-^ '^'^"""^ -- '« -n' "«
S n-eu Irr- ^ ^"''"'^ """ •1"''»^'"" '- P— en
a,ns ' .'U.r'" '^,'"^'-''"'- V"^"--"' et de ducl.esse de Ceri
ainsi qu a beaucoup d autres.
leSruiUet'ïfi-Q "'^'"PT"'."^""^'" "" P'-'^Pagèrent dans le peuple et.
deau fhsuilee, contenant poison d'arsenic et sublimé • eau aue
les P isorS n ' ■''""''r '^ ''' '''''' f"''«"' murées dans
les p usons de I Inquisition. Le Campo di Fiori fut le lieu choisi
Sterne';:' r ': •^"'"r ^°'"^'" ^'^ p^^-"'« ^' noi':^: «:
lemmes étaient . Gisolama Spana, qui préparait l'eau et qui avoua
Silia BoliT'T,' '"'"' ' '"''''''' ^'"^'' '^^^'^ <5^rispoldi et
Ce»e 1 r r '"' *•"' """''* ^*«"« ^ «-"Poisonner son mari
C le dernière fut pendue séparément, quelques jours après le sun
îr re delà rlf ^^f^P^-''^^ "« «arberini, prinee de Palestrina.
freie de la Confraternité de San Giovanni Decollato qui avait le triste
d'enlSi exîr '."' f '"7 """'^''^ """"''"'^' '^ condamnés à m n 2
ni VroTti r " H ""''' ''""'''''■ ^' P""'=«- ^ '••" •« co""ani-
nte fit piiie, recommanda au bourreau d'aller vite. Celui-ci répondit
ave insolence au prince qu'il se chargea, lui-même d., la Sg"
in S' t^fh '"• '' '■"' ' "" '"' ""« ^"' -"«- cette exé« -'
eine.?rT K ""' '"''""' "'•'■^'^' " f"'' P^"" »'•*''•« du Gou-
ndal? """*',' '*"' '^^ '"'' '' "» ^»'«' f"^«Sé et ensuite
condamne aux galères.
r^ f
LES PRISONS DE L'ÉTAT PONTIFICAL 433
l'aimi les manuscrits qu'a laissés l'abbé Benedetti .a f.„ .
quelques fascicules Jaunis par le temps, mais enlr ' biel H bTe^
Ecrits longtemps avant la jeunesse de l'abbé, il est à erlret ' u
ont appartenu à ses aïeux qui lui laissèrent ces 'souvenirs de;é!éné!
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La prière pour le condamné (Dessin de Thomas;.
a/ u«« a /{«m.. Ils ont trait aux crimes les plus notoires et aux plus
tt cooT r " "'"'""'"' P" "'"' ''' <^-«' <*-« - a -e
TiLLTJ^' TT'' •"*'' '"*"•"'"«• " vaut :ia peine de lire
n!' ""■' "' '""' *'^'''^ ^' "^ P'"^ ««'•ccc* «c-'tences, que le
mirateur raconte avec le même calme et la même simplicité qu'au-
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432
LA PRÉL.VTL-nr.: I)|.; i,ÉON XIII
de vi„, .cuK, ..os d'or; pour la so.-o,„lo. de ein,,„aMte- pour la ln,i
s;e, ,0, eoenlel, qu'en plu.sjo ..laspl,..„,a,e,n- so , ,1 Jl r f'i Si
c es, .... ho...n,e pauv.v. o,. r.-.ua.,,,.,. : la p,.,,,!..,... fo s , jou'
.ce, a la pclede le.lise; la seoo.ule, o,. le ban.-a de ve , e -o
.e„,e,o,,l,.,pe,ve,alaIan,.,eeto,.|-e..ve.Taaux,al,Ves Le.^^ ;, , a
.on.-s ,a...,.....,.idix a..,s .-•ind„„e,.cee..-eeevro.,Ue ,le,s ^ ':
>oyo...s .apposées ,p.elq„os a..ee,l,„es li.ve.s des Me>nour" ,"Z
eo,-.v«„. „.„ 0... à e«.,... 1 en.de ,.e r„is,..i,.e de VEu, po.. i -a
.li ril'' r'/'"'''^ P.urieie....es. po..,- faùv dispa,.ai„.e
ma V r- '^' •""'""'"■ "'"" ■'"'•■'J-" '•- ■"•""VOS e..
al .• " ''^,"""''"'- ^■'••^•"esehi et de ducl.esse de Ce,-|
ttinsi qu a beaucoup d autres. ^ v^^n,
le î^iuill r lî'-o •^''^^'"P""*»'""'"'^"' «e P.'o,.agè.-e..t da.is le peuple e.
ÏvJz Î • ' '" '"'"" '='"" '^"""«^ P""'- "^ «"■ ve-d,. .li carat
deaudisUlee, ,.o„.e„a..t poiso,. darsenic et sul,li,..é • ea, ..Î^
les p ..0..S de 1 l,../u,s.iio... Le Campo di Fio.-i fut le lieu choisi
pou., e suppliée, et le peuple ..c.ai., s'y p..ése„,a si o . 1 .". o
assiste., a ce spectaele, ,„e les maisons de Ro,..e .•es,è,.e..t des Te
em,..es eta.e„, : Gisolama Spa..a. qui p.-cVa.ait l'eau iv;:
Oh au ;:;' ' """■ T '' '"'""""^ ■' ^^^ g-""- «^ Sp .ola g .
eue d^- ..:;""', ""' .""'"'* " «"" ' <""P«-o,.ner so.. ...a,-i.
P e des .t es n .'p 'T'"'"''' ""^'q"es jou.s ap.-ès le sup-
c rieurF 'f ■' '"^'""'"' '^' '*""'-''• ^« P''»""'-' "" fait
•e le'la ï^„: :; ^'^.'^.^''f «f "« K--"-'-. prince de Palesfiua,
•ue fit p.i.e,..eeom.,.a..da au bou..reau d'aller vite Cel. i-ci ...■.■,n..dl.
avec ...sole,.ee au pri.,eo ..u'il se cl.a..,eAt lui-.Le ' .a ^ '
n Z t"""^ '•""• '"^ '■"' " "" ="••'« ^- f"' -"- cette eX'
.Z..?. .-■"'" ''"' "^^ '■"•^^ '' '" ^"'«' f"«"sé et ensuite
coiidaniiie aux f,'alères.
LES PRISONS DE L'ÉTAT PONTIFICAL
433
l'arn.i les ma..>.scrits qu'a laisses l'abbé Bei.edeiii sp ...„ .
<,..e.j,ues fascicules jau..is parle temps, mais^lt ,i ^ :,r
Le., s longtemps ava.,t la jeunesse de l'abbé, il est à c'^i ' ^ u
ont appa..,e..u a ses aieux qui l,.i laissé..e..t ces'souvc.i; d" éS !
La pnOre pour le coiidaniué (Dessin de Ihomasi.
mets ,1e le,.,, ten.ps. Ces fascicules portent le ,i„-e de Fails ancieus
ébb.es p-oces. e„ comme.içan, par celui des Cenci dont on a une
aufe copie plus ancienne, mais idctique. Il va,., la pei.'e de e
.=et,e fidèle histoire de faits afoces et de plus atroces se .ten^^ le
i.ar..a,eur .-accte avec le même caln.e et la même simplid^qu".!
28
f
.«a.. & _^-
434
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
rait, aujourd'hui, le chroniqueur d'un journal à écrire une revue théâ-
trale. Nous y trouvons entr'autres, la « Relation de la décapitation et de
la mort de G. Gontini, neveu de S. E. le Rêver, seigneur cardinal
d'Ascoli, qui fit faire la statue d'Urbain VIII en cire afin qu'à sa
mort son oncle fût élu pape au prochain conclave, l'abjuration et la
mort de ses compagnons brûlés vifs au Gampo di Fiori. » Il raconte
que, le dimanche 22 avril 1636, dans l'église de Saint-Pierre, en
présence d'un grand concours de peuple, de vingt mille personnes
environ, eut lieu cette abjuration. On fit monter les prisonniers
sur une estrade élevée de dix palmes au-dessus du sol, au milieu de
l'église. Une basse chantante, élevée dans une chaire voisine, lut,
d'une voix haute et cadencée, le résumé du procès. On commença par
celui de Gontini, puis, par celui du frère Gherubino d'Ancona et du
frère Bernardino l'Ermite. Ge dernier, en entendant cette lecture du
résumé de son procès, commença par nier en secouant la tète, et par
faire des signes pour dire que c'était faux, puis il nia à haute voix.
« Averti de ne pas scandaliser le peuple, il eut la hardiesse et la té-
mérité de mépriser les menaces, de passer outre à la défense et con-
tinua, malgré tout, ces actes scandaleux et mensongers au point
que, pour lui fermer la bouche, on dut le bâillonner. » Les autres
coupables étaient le frère Dominique Zamponi, auguslinien con-
damné aux galères, Flaminio Gonlbrti, agent du cardinal d'Ascoli .
qui eut dix ans de galères, et trois autres frères également con-
damnés aux galères. Gontini fut ensuite conduit aux prisons de Corte
Savella, où vinrent le rejoindre le frère Gherubino et l'Ermite, après
avoir subi le supplice de la dégradation à la Transpontina, en pré-
sence d'une foule nombreuse. La chronique ajoute qu'on dressa la
potence et le bûcher sur la populeuse Place du Gampo di Fiori; ei
Ton planta, tout près, les pals qu'on entoura de bois, paille, fagots
et graisse de génisse. Dès le point du jour, une foule énorme de
spectateurs envahit la Place. Vers la lo* heure, la Justice partit de
Gorte Savella, fit un long détour et arriva sur la Place de Gampo di
Fiori. On alluma le bûcher, et bientôt les flammes et les étincelles
s'élevèrent dans les airs. Un frisson d'horreur envahit les spectateurs.
Les deux frères furent si terrifiés que l'un d'eux, anéanti, tomba
évanoui. » On décapita d'abord Gontini, puis on empala les deux
frères, « et pas si ia[)idement que, jetés de suite dans les flammes, ils
n'y mourussent avec des marques de repentir, spécialement le frère-
Gherubino qui laissa de lui, au delà de toute attente, un bon espoir
de sur son salut. »
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LES PRISONS DE L'ÉTAT PONTIFICAL 43S
Nous avons déjà fait remarquer au lecteur que ce précieux lecoeil
de souvenirs judiciaires contient seulement de froides descriptions;
soigneusement faites, sans aucune appréciation sur les faits. La-
r serve que s est imposée le narrateur est telle, qu'on ne trouve pas-
une parole d indignation, même dans le récit le plus sanguinaire-
du manuscrit. C'est avec le plus grand calme, en effet, qu'il Zl
de la Rotonde. Ony assomma,écarielaetégorgeadeux fameuxscélérats
chaicu„ers qui mélangeaient la chair humaine à la viande de porc.
On comprend aisément que les compilateurs de ces Mémoires aient
SUIVI le courant des idées de leur temps. Sans se soucier des dm
•é,f H-rT'';. ' '■*'°"""' ««'e"«"««"'«"t tout ce qui a trait à
état dame des délinquants, comment ils reçurent les sacrements
1 impression que leur repentir Ht sur le peuple et l'espoir plus Tû
moins grand que celui-ci put concevoir du salut de leur âme
Citons quelques extraits de la . Décapitation de l'illustre et excel
juin 1660. Le narrateur, après un exorde ascétique, écrit : « Je dis
donc que, mardi soir, 8 juin, une heure et demie après I cou-
tioi "flot ;•"' r" ""'""'^ '''""'''^""' ''^ >a Miséricorde de .a
nat on florentine. Cette institution charitable, avec une indicible
pieté, accompagne et aide à bien mourir les malheureux q e a
ust.ce a condamnés au dernier supplice. C'est ce qui devait avoir
heu dans la matinée suivante, à l'heure habituelle, sur la Place du
Font. Ou devait justicier deux criminels, détenus dans les Prisons
lïnril H 'p ^ "' " '""■'"^""'^ ^°"""^"^^' P"- «=« Pi^"'' «-vice
le prince de Palestrina, monseigneur Alexandre Kanuccini, le mar^
quis André Corsini. J. Baptiste Bonecchi et autres encore. A^ L
avoir imploré laide du ciel et récité Tacte de contrition, ils s'aol^e!
minèreni, comme à l'ordinaire, en silence vers les Prisons. Arrivés
à, Ils revêtirent leur sac, reçurent de l'aumônier la bénédiction de
eau et commencèrent à réciter les sept Psanmes de la pénitence Oa
leurdonnaensui.eàlirelessentenoesquicondamnaientàmortJeanPaul
Camille Nicol. de Pérouse et Jean Toinasini de Contigliano, docte
en medecme. '
« Le premier, après inquisition, avait avoué, au cours du procès
avoir commis un homicide prémédité, sur le territoire de Monteleone"
diocèse de Spole.0, en frappant du poignard le docteur Septime
Nicoli, son beau-pere. Pour ce motif, il était condamné à la pendai-
-!5-
I ^ ^1 HMiémmmmijfg^jimm
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iûismai^ài^rimier''mÊijm
'^t^ ^v-.'îyt^ -if*>^-r *
436
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
:
son sur la Place du Pont. Le second était condamné par contumace
à avoir la tête tranchée sur la Place du Pont Saint-Ange, en vertu de
la sentence du gouverneur de Montalto, datée du 14 juillet 1661,
pour avoir traîtreusement tué avec un stylet, au mois d'avril 1661,
le docteur Egidio da Montefiore, médecin à Cosignano. »
Le docteur Nicoli, «dès le début, donna des signes de bonne dispo-
sition et de patience » et passa, à se confesser «une heure et demie
d'horloge. » André Corsiniet le prince dePalestrina allèrent à la ren-
contre de Tomasini. «Ils lui annoncèrent la fatale nouvelle. Le con-
<lamné se mit à se plaindre fortement de la justice et cria bien fort
-que, pour ce motif, il voulait mourir damné. » Prières et exhortations,
tout fut inutile. Les litanies et le rosaire n'eurent pas de meilleur
résultai. «Jean Paul Nicolini, sa confession terminée, repentant et
plein de ferveur et d'amour de Dieu, fut prié et supplié de vouloir
bien faire une affectueuse exhortation à son compagnon. Il le fit cou-
rageusement, avec un tel zèle de charité et de parfaite confiance en
Dieu, il y mit une telle ferveur qu'il eût attendri les pierres les plus
dures. iMalgré tout, il n'obtint rien et ne fil, au contraire, qu'exciter
son compagnon à de nouveaux scandales. »
Il était déjà tard et Tomasini refusait encore le concours du
prévôt qui voulait faire appeler un religieux qui eût la confiance de
rimpénitent. Mais celui-ci ajouta «qu'il voulait user de son libre
arbitre pour se perdre. » Les consolateurs le crurent alors hérétique,
mais il répondit qu'il croyait à lous les arlicles de foi, et il les spécifia
un à un. Finalement, ces messieurs résolurent de tenter un autre
moyen pour lui attendrir le cœur. Ils s'humilièrent devant lui, en se
passant une corde au cou, et s'agenouillèrent ainsi pour lui baiser
les pieds. Cet acte l'émut, le fit même rougir, mais ne le convertit
pas. Il se leva et s'en vint de l'autre côté de la salle, en disant qu'il
ne voulait absolument plus supporter cela. Il se couvrit les yeux,
tourna le dos aux consolateurs et en arriva à un tel degré de surexci-
tation qu'on dut cesser ce mode d'exhorlalion. Ou essaya alors d'em-
ployer la rigueur et les menaces, en approchant de ses mains une
bougie allumée pour lui faire pressentir les atroces tourments des feux
■de l'enfer. Lorsqu'on lui demanda s'il croyait que le feu de l'enfer fût
terrible, il répondit qu'il le croyait atroce, mais qu'il le supporterait
en compagnie des autres damnés.
Rien n'ayant réussi, le prévôt fit inutilement remplacer les
€xhorlateurs fatigués par d'autres plus dispos. On avait décidé c de
€S remplacer pour pouvoir conU'nuer à livrer bataille à l'enfer et
LES PRISONS DE L'ÉTAT PONTIFICAL
437
remporter la victoire en triomphant du démon. » Les Pères Capu-
cins appelés, n'obtinrent pas de ujeilleur résultat. Tomasini voulait
mourir, comme il l'entendait. Le Prévôt s'en fut alors trouver Mon-
signor le Gouverneur et lui exposa le cas. Celui-ci, après avoir pris les
ordres du Pape, permit de surseoir à l'exécution. Les Capucins,
n'ayant pas réussi à convertir l'obstiné Tomasini, on . fit venir deux
1 1
Elemozina per la Madonna (Dessin de Thomas).
Pères Carmes déchaussés afin de ne rien omellre pour ramener cette
brebis égarée à la bergerie ; mais ceux-ci ne furent pas plus heureux.
On le fit alors assister à la messe, on employa même la force et les
Frères, usant de violence le conduisirent h l'église.
Le prêtre qui célébrait la messe avait été averti du fait et on lui
avait suggéré la conduite à tenir pour coopérer à la conversion de
Tomasini. Celui-ci refusa de se mettre à genoux et s'assit sur un
banc. « Alors le célébrant se tourna, la sainte Hostie à la main, fit
une si louchante exhortation, parla avec tant d'onction et de chariié
que les Frères eux-mêmes pleuraient à chaudes larmes. Le condamné
436
LA PKÉLATURE DE LÉON XIII
son sur la Place du Pont. Le second était condamné par contumace
à avoir la tête tranchée sur la Place du Pont Saint-Ange, en vertu de
la sentence du j^'ouverneur de Montalto, datée du 14 juillet IGOl,
pour avoir traîtreusement tué avec un stvlet, au mois d'avril IGOL
le docteur Egidio da Montefiore, médecin à Cosigna no. »
Le docteur Xicoli, « dès le début, donna di's signes de bonne dispo-
sition et de patience » et passa, à se conlesser m une heure et demie
d'horloge. » André Corsiniet le prince dePalestrina allèrent à la ren-
contre de Tomasini. «fis lui annoncèrent la fatale nouvelle. Le con-
ilamné se mit à se plaindre fortement de la justice et cria bien fort
<|ue, pour ce motif, il voulait mourir danmé. » Prières et exhortations,
tout fut iniilile. Les litanies et le rosaire n'eurent pas de meilleur
résultai. « Je.in l*aiil Nioolini, sa confession terminée, repentant et
plein de ferveur et d'amour de l)i<'u, fut prié et su|)plié de \ouloir
bien faire une afife^niieuse exhortation à son compagnon. Il le lit cou-
rageusement, avec un tel zèle de chirité et de parfaite conliance en
Dieu, il y n)it une telle ferveur (pi'il eut attendri les pierres les plus
dures. Malgré tout, il n'obtint rien et ne lit, au contraire, qu'exciter
son compagnon à de nouveaux scandales. »
Il était déjà tard et Tomasini refusait encore le concours du
prévôt qui voulait faire appeler un religieux (|ui eût la couliance de
rimpénitent. Mais celui-ci ajouta «qu'il voulait user de son libre
arbitre pour se perdre. » Les consolateurs le ci'urent aloi's hérétique,
mais il répondit (ju'il croyait à tous les articles de foi, et il lesspécilia
un à un. Finalement, ces messieurs résolurent de tenter un autre
moyen pour lui attendrir le cœur. Ils s'humilièrent devant lui, en se
passant une corde au cou, et s'agenouillèrent ainsi pour lui baiser
les pieds. (a4 acte l'émut, le fit même rougir, mais ne le C(»nvertit
l>as. Il se leva et s'en vint de l'autre coté de la salle, en disant qu'il
ne voulait absolument plus supporter cela. Il se couvrit les yeux,
tourna le dos aux consolateurs et en arriva à un tel degré de surexci-
tation qu'on dut cesser ce mode d'exhortation. On essava alors d'em-
ployer la rigueur et les menaces, en approchant de ses mains une
bougie allumée pour lui faire pressentir les atroces tourmer.ts des feux
<le l'enfer. Lorsqu'on lui demanda s'il croyait que le feu de l'enfer fût
terrible, il répondit qu'il le croyait atroce, mais qu'il le su|)porterait
en compagnie des autres damnés.
Rien n'ayant réussi, le prévôt fit inutilement remplacer les
€xhorlateurs fatigués par d'autres plus dispos. On avait décidé « de
€S remplacer pour pouvoir continuer à livrer bataille à l'enfer et
LES PRISONS DE L'ÉTAT PONTIFICAL 437
remporter la victoire en triomphant du démon. » Les Pères Capu-
cins appelés, n'obtinrent pas de meilleur résultat. Tomasini voulait
mourir, comme il l'entendait. Le Prévôt s'en fut alors trouver Mon-
signor le Gouverneur et lui exposa le cas. Celui-ci, après avoir pris les
ordres du Pape, permit de surseoir à l'exécution. Les Capucins,
n'ayant pas réussi à convertir l'obstiné Tomasini, on . fit venir deux
Llemozina pcr la Mndonmi iDessiii de Th<»
mas).
Pères Carmes déchaussés afin de ne rien omettre pour ramener cette
brebis égarée à la bergerie ; mais ceux-ci ne furent pas plus heureux.
Ou le fit alors assister à la messe, on employa même la force et les
Frères, usant de violence le conduisirent à l'église.
Le prêtre qui célébrait la messe avait été averti du fait et on lui
a^ait suggéré la con<luite à tenir pour coopérer à la conversion de
Tomasini. Celui-ci refusa de se mettre à genoux et s'assit sin- un
banc. « Alors le célébrant se tourna, la sainte Hostie à la main, fit
une si touchante exhortation, |»arla avec tant d'onction et de charité
que les Frères eux-mêmes pleuraient à chaudes larmes. Le condamné
-9*s.X-.i» _-
438
LA PRÉLATURE' DE LÉON XIII
i'
i'
restait impassible et toujours fermement obstiné. Il ne daigna pas
même tourner les yeux vers l'autel; bien au contraire, il se couvrit le
visage et les yeux, de ses mains, pour ne pas voir. La messe finie et
tous les moyens épuisés, les Frères commencèrent à lui tourner le
dos, à le menacer, à le blesser par des gestes et des paroles mor-
dantes ; mais on n'arriva à d'autre résultat que de donner lieu à de
pires scandales» - _. .
Les tortures que Tomasini devait endurer n'étaient pas finies. Les
; consolateurs, pour dernière exhortation, lui firent envisager le moment
si proche du supplice; mais Tomasini, en présence du notaire de
M^'^ le Gouverneur, dit qu'il vouait à l'infamie les prélats et les car-
dinaux et qu'il se vengerait aussi des juges. Souvent il répétait : «Je
jsais et je parlerai. Certainement, cette sentence de mort n'aura rien
I de bien agréable pour vous. » Ces révélations, que Tomasini voulait
faire avant de monter sur l'échafaud, effrayèrent le notaire. Il courut
•chez le Gouverneur pour lui raconter « ce que le Docteur de Sapience
pensait faire. » Vers la 16° heure, le barisel de Rome arriva avec
tous ses gens et insista pour parler au prévôt, ajoutant que, vu les
mauvaises dispositions du coupable, le Gouverneur avait donné l'ordre
de procéder à l'exécution. Pour éviter le cas où le condamné ne con-
sentirait pas à mettre sa tète sur le billot, il fallait l'appréhender au
; corps. Au lieu de le faire marcher à pied vers le lieu de l'exécution,
on devait l'y conduire sur une charrette, et, <r pour qu'il ne dépar-
1 lât pas, comme il se proposait de le faire, on devait le bâillonner. »
Si, par hasard, il ne voulait pas se résigner à l'exécution, « le bour-
reau, après une dernière sommation, devrait l'étrangler malgré lui et
le pendre ensuite à la potence. »
Tomasini écouta tout tranquillement, répondant encore qu'il vou-
lait mourir en damné. Ces paroles, prononcées d'un ton si résolu en
apparence, terrifiaient tous les assistants. On fit alors entrer le Maître
de la Justice qui lui mit la corde au cou, le bâillon à la bouche ; « et
puis, pour l'etlVayer encore davantage et mieux le llétrir, il saisit un
ciseau et lui coupa tous ses beaux et longs cheveux ». On l'obligea
ensuite à assister à une troisième messe et on l'exorcisa après, « dans
le doute qu'il pût avoir le démon en lui. On fouilla aussi avec soin
tous ses vêtements, de crainte qu'il n'eût sur lui quelque amulette
qui le suggestionnât; mais ce fut peine perdue, il persistait oujours
à vouloir aller en enfer. » La chaleureuse exhortation du prince de
Palestrina n'eut pas plus d'ascendant sur Tomasini. On conduisit donc
au supplice ce condamné qui inspirait de l'horreur à tous ceux qui
•--^
.■^:. ..^-^,L^,..^.^^^..^-,^. . -r*"--»^-riffiinf ttlBM»îît viîfitf r'iTiiiTiirfiiii^^^ nii ,i
■v"
LES PRISONS DE L'ÉTAT PONTIFICAL 439
le voyaient si mal disposé à la tavoleUa. Lorsque arriva le moment
où le bourreau devait s'emparer de Tomasini, celui-ci, son bâillon
enfin enlevé, laissa échapper un profond soupir et dit : « Ce bâillon
et cette corde ne conviennent pas à mon rang. » Les Frères alors
firent cercle autour de lui, remerciant Dieu de lui avoir touché le
«^œur. Ils le conduisirent à la chapelle où Tomasini se repentit de son
erreur et demanda :
« 4* Qu'on le conduisît aux prisons pour seconfesser et communier;
« 2° Qu'avec ses cheveux on fît une perruque, ou bien qu'on lui en
procurât une de même couleur que ses cheveux, qu'il mettrait pour
aller à la mort;
« 3'* Qu'on enlevât la corde de la potence et qu'on dressât de nou-
veau l'échafaud où il mourrait sous le couperet, comme le prescrivait
la sentence. Dans ces conditions, il trépasserait, après s'être réconcilié
avec Dieu et en bon chrétien. »
Les paroles de Tomasini étonnèrent grandement le peuple et les
Frères. Dans le doute que ses demandes fussent exaucées, on aima
mieux convaincre le patient que sa récompense serait d'autant plus
grande que la peine lui paraîtrait plus ignomineuse. Mais Tomasini,
quipréféraitgagner le paradis en faisant une mort honorable plutôt
que de perdre la vie sur la potence, recommença son histoire de
vouloir aller en enfer. Alors les Frères envoyèrent des messagers au
Gouverneur pour implorer les faveurs que demandait Tomasini, vu
que, comme dit le bon narrateur, « il s'agissait du salut d'une âme
qui vaut autant que le précieux sang de Jésus-Christ qui l'a rachetée,
et qu'on éviterait ainsi à la ville un grand scandale. » Les prières des
Frères triomphèrent de la résistance du Gouverneur; heureux (fti'Ws
étaient, de ne pas laisser échapper une si belle occasion de se
faire honneur à eux-mêmes. Le Gouverneur accorda tout ce que
demandait Tomasini.
« Reconduit en prison, il revint à la chapelle oif l'on célébra la
messe. S'étant, d'abord, confessé avec beaucoup de dévotion, il
demanda pardon du scandale qu*il avait donné, récita plusieurs actes
de contrition et adressa d'autres prières à Dieu. Ou lui apporta ensuite
une perruque de même couleur que ses cheveux, il s'habilla propre-
ment, changea de col, de manchettes, endossa une longue tunique de
filoselle, se fit raser, comme s'il avait à se présenter devant un prince,
et sortit ensuite de prison, tout en récitant, en chemin, les Psaumes
de la Pénitence et des invocations à la Madone. Une foule nombreuse
l'accompagnait. Monté sur l'échafaud. il rendit, d'abord, grâces à
^
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LA FRÉLATURE DE LÉON XIII
Dieu et à la sainte Vierge, enleva son manteau, releva sa tuniques
jusqu'à la ceinture, se réconcilia avec le Père Orazio, demanda par-
don à tous les assistants du scandale commis, supplia le peuple de
prier Dieu pour lui, pour son salut éternel, et, sans hésitation, il mit
la tête sous le couperet qui la sépara du buste. On la montra alors au
peuple, et on transporta process=onnellement le cadavre jusqu'à
l'église de Sainte Ursule du Consolato. »
Nous trouvons à une époque plus rapprochée la « Relation de
l'assassinat que commit Mathias Troiano, valet de chambre, sur la
personne de son maître, Monsignor Franco Zeccadoro, prélat des
Lettres latines au palais du Vatican «. Ce malheureux, pour s'empa-
rer d'une somme que le prélat lui avait fait encaisser, essaya de le
tuer, eu lui tirant un coup de pistolet entre les deux épaules. Pour
La marche au supplice (Dessin do Thomas).
éloigner tout soupçon, il lit semblant de prodiguer à sa victime les
soins les plus empressés. Mais la justice eut bientôt entre les mains
les preuves de la culpabilité du valet. Mis à la torture, il avoua sou
crinie. Le 3 juillet 1703, le Gouvernement réunit son Conseil et, h
l'unanimité, condamna à mort ce malheureux, n On devait le frapper
à la tète d'un coup de massue, lui couper la gorge avec un coutelas,
l'écarteler et le vider intérieurement. » Ses membres devaient être
exposés en pubiic, sa tête placée dans une cage de fer et, ad publi-
cam reimemoriam, être ensuite déposée dans une niche, au-dessus de
la Porte Angélique.
Le malheureux Troiano fut promené dans Rome sur une charrette.
Le peuple le suivait en grand nombre, répondant aux litanies de la
Madone que chantaient les consolateurs. On « pleurait de ten-
dresse », dit le narrateur, en voyant la résignation du patient. Mais
venons-en à l'exécution que le chroniqueur raconte ainsi : « En ce
moment arrive le bourreau. Il lui enlève son chapeau et sa perruque,
lui bande les yeux et le conduit ainsi sur Téchafaud. Il invite alor^
i
LES PRISONS DE L'ÉTAT PONTIFICAL
^^A
le peuple à prier pour lui. On observa que le condamné était faible
sans forces, qu'il se tenait à peine debout et que les consolateurs le
soutenaient. On l'obligea;! s'agenouiller, puis le Maître de la Justice
u. ha les mains. Au moment où il récitait le Miserere, le Maître de
la Justice le frappa d'un coup si fort à la tête qu'il le jeta à terre
sur la gauche. La violence de ce premier coup fut telle, que le bour-
reau n'en put donner un second avec la même force. Il lui coupa
ensuite la gorge avec son coutelas, lui ouvrit la poitrine, lui trancha
la tête, le vida, le dégraissa, l'éventra et, ayant placé les boyaux
dans un vase de terre, suspendit, pour les écarteler, les quatre quar-
-^■V'iiJj
« C/ii vuol vede la « Pricissione » ! (Dessin de Thomas (•
tiers du corps à des barres en bois, autour de l'échafaud. Quelques
jours après, on transporta ces restes dans l'église de San Giovanni
Decollato où une foule de peuple les accompagna, pour gagner les
indulgences que les pontifes ont attachées à cette église. Trois fois le
malheureux avait changé de couleur. En sortant de prison, il étak
blanc comme un cierge; dans la rue, il devint rouge comme du feu;
ensuite il passa au violet pâle et fut, quand il mourut, presque noir!
« Le peuple, qui était accouru pour assister à cette exécution, y
fut si nombreux que les rues des bourgs de Saint-Pierre regorgeaient
d'une foule dense à surprendre tout le monde. La Place de Saint-
Pierre était encombrée de carrosses et les fenêtres des Borghi furent
il-
i
1
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1.1 [
LA PRÉLAÏURE DE LÉON XllI
Dieu et à la sainte Vierge, enleva son manteau, releva sa tunique
jusqu'à la ceinture, se réconcilia avec le Père Orazio, demanda par-
don à tous les assistants du scandale commis, supplia le peuple de
prier Dieu pour lui, pour son salut éternel, et, sans liésitalion, il mil
la tête sous le couperet qui la sépara du buste. On la montra alors au
peuple, et on transporta process=onnellement le cadaNre jusqu'à
l'église de Sainte Ursule du Consolato. »
Nous trouvons à une époque plus rapprochée la « Kelalion de
l'assassinat que commit Mathias Troiano, valet de chambre, sur la
personne de son maître, Monsignor Franco Zeccadoro, prélat des
Lettres latines au palais du Vjjtican •>. Ce malheureux, pour s'em|Ki-
rer d'une somme que le prélat lui avait l'ail encaisser, essava de le
tuer, eu lui tirant un coup de pistolet entre les deux épaules. Pour
La marche au supplice (Dessin do Thomas}.
éloigner tout soupçon, il lit semblant de prodiguer à sa victime les
soins les plus empressés. Mais la justice eut bientôt entre les mains
les preuves de la culpabilité du valet. Mis à la torture, il aNoua son
crioM». Le :^ jmllet I70;J, le Gouvernement réunit son Conseil et. à
l'unanimité, condamna à mort ce malheureux. ^< On devait le Irajqier
à la tète d'un coup de massue, lui couper la gorge avec un coutelas,
l'écarteler et le vider intérieurement. . Ses membres devaient être
exposés en public, sa tête placée dans une cage de fer et, ad pubU-
cam reimemoriam, être ensuite déposée dans une niche, au-dessus de
la Porte Angélique.
Le malheureux Troiano fut promené dans Rome sur une charrette.
Le peuple le suivait en grand nombre, répondant aux litanies de la
iMadone que chantaient les consolateurs. On « pleurait de ten-
dresse 8, dit le narrateur, en voyant la résignatitm du patient. Mais
venons-en à l'exécution que le chroniqueur raconte ainsi : « Eu ce
moment arrive le bourreau. Il lui enlève son chapeau et sa perrmpie,
lui bande les yeux et le conduit ainsi sur l'echafaud. Il invite alors
n
LES PRISONS DE L'ÉTAT PONTIFICAL 441
le peuple à prier pour lui. On observa que le condamué était faible
sans forces, qu'il se tenait à peine debout et que les consolateurs le
soutcnaienl. On l'obligea ;i s'agenouiller, puis le Maître de la Justice
lui ha les ina.us. Au uiouient où il récitait le Mùierere, le Maître de
la Justice le frappa d'un coup si fort à la tête qu'il le jeta à terre
sur la gauche. La violence de ce premier coup fut telle, que le bour-
reau n'eu put donner un second avec la même force. Il lui coupa
ensuite la gorge avec son coutelas, lui ouvrit la poitrine, lui trancha
la tête, le vida, le dégraissa, l'éventra et, ayant placé les bovauv
dans lin vase de terre, sus|.eiidit, pour les écarieler, les quatre quar-
■< Clii l'Ilot reite la « l'iicissioni' .. ! (Oessiii de Tho
iiiasi
tiers du corps à des barres en bois, autour de l'echafaud. Quelques
jours après, on tra isporta ces restes dans l'église de San Giovanni
Decollato où une foule de peuple les accompagna, pour gagner les
indulgences que les pontifes ont attachées à cette église. Trois fois, le
malhein-eux avait changé de couleur. En sortant de prison, il était
hianc comme un cierge; dans la rue, il devint rouge comme du feu;
ensuite il passa au violet pâle et fut, quand il mourut, presque noir!
« Le peuple, qui était accouru pour assister à cette exécution, y
fut si nombreux que les rues des bourgs de Saint-Pierre regorgeaient
d'une foule dense à surprendre tout le monde. La Place de Saint-
Pierre était encombrée de carrosses et les fenêtres des Boriihi furent
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442
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
payées deux doppie l'une, et plusieurs fenêtres et maisons dix douze
et même quinze écus. Tous les prélats, pour l'exemple, y 'avaient
envoyé leurs valets, comme le firent aussi quelques personnes de
qualité. La tête, mise dans une cage de fer, fut exposée dans une
niche sur la Porte Angélique, ad perpétuant memoriam ; et les
sœurs du condamné furent chassées et bannies de Rome, jusqu'à la
troisième génération. »
Le peuple, qui pleurait de tendresse et qui priait pour l'âme des
condamnes, exigeait que les exécutions, fussent faites avec habileté.
On allait aux exécutions, comme on allait au théâtre. La foule y
invectivait le bourreau, quand il remplissait mal sa tâche; absolument
comme aujourd'hui on jette, des galeries, tomates et trognons de choux
aux acteurs qui n'ont pas su plaire.
Sous le règne du pape Innocent XI, l'an 1088, on décapita l'abbé
Hivarola, un Génois coupable de satires et libelles. Le narrateur s'at-
tarde à démontrer que ce condamné n'était point parent avec le célè-
bre cardinal, son homonyme. Pour abréger, passons les faits et gestes
de cet abbe et laissons la parole au narrateur qui nous racontera ce
qui arriva, durant l'exécution. . La dernière nuit, dit-il. on lui accorda
beaucoup de douceurs pour augmenter ses forces; maison ne put
arriver a le faire marcher, tant il était faible de corps et abattu d'es-
pnt. Les remèdes furent insuffisants et on dut se résoudre à le pla-
cer sur une civière, disons mieux, dans un cercueil, le même où
Ion devait ensuite déposer son cadavre. Comme ses forces allaient
toujours en diminuant, on le porta, demi-mort, jusqu'à l'échafaud
dans cette bière. Le peuple fut étonné de le voir amener de celte manière'
et on s'approcha en foule de l'échafaud pour l'y dévisager et l'y voir
monter. Les sbires, en raison des bousculades qu'ils recevaient ciomme
aussi les consolateurs, tapaient à coups de bâton, sans égard. Rivarola
arrivasurl'échafaudconduitpar les consolateurs et lesautres personnes.
Le Maître de la Justice, qui ne savait trop comment s'y prendre pour
le mettre sur la planche, restait tout bouleversé de ne pouvoir le
manier à sa guise. Finalement, ayant réussi à le placer sous le tran-
chant du couperet, il lâcha la corde et la lame tomba entre le cou et
les épaules. Le bourreau, pour réparer son erreur, prit un coutelas
et trancha lui-même le cou. Voyant cela, le peuple se précipita vers
I echataud poui- le lapider. Au milieu des hurlements, des sifflets et
des cris, on voulait renverser l'échafaud. Les sbires, bien que le mal-
heureux fût mort, pour ne pas laisser insulter le Maître de la Justice
saisirent leurs carabines, les armèrent et les braquèrent sur le peuple
MM^"^^»:^-^
LES PRISONS DE L^ETAT PONTIFICAL 443
«fin de Teffrayer. Pendant ce temps, d'autres sbires faisaient ouviir
nn passage, à coups de bâton; ce qui occasionna un accident. Un
-soldat des milices du pape fut frappé à la tête, pendant qu'il était en
faction. Il mit la main à l'épée; mais en voyant la carabine armée,
A\ se contint.
« Les gestes du sbire et du soldat effrayèrent le peuple qui recula.
^Une poussée tumultueuse eut lieu, plusieurs personnes furent foulées
aux pieds et le barisel, se trouvant au milieu de la mêlée, faillit y
périr. Il y laissa son manteau de soie, et d'aucuns essayèrent de le
renverser lui-même à terre. Le tumulte augmentait.' Le barisel,
échappé à la foule, marchant sur ceux qui étaient tombés, avait
j)erdudansle tumulte son manteau, sa perruque et son épée. La
Après l'exécution [Dessin de Thomas).
place entière s'échauffait. J'ai dit que la houle croissait. Le soldat, son
épée à la main, échappant à la foule, traversa le pont au pas de
charge pour aller donner l'alarme à ses compagnons et leur demander
aide afin de venger cet affront. La sentinelle du château, placée sur les
murs de la forteresse, se rendit compte des faits et, immédiatement,
fil un rapport sur ce qu'elle prévoyait devoir arriver. La garde de la
porte mobilisa quinze soldats en armes qui, en dehors de la chaîne
servant de barrière, étaient déjà sur les rangs. On aperçut, en ce
moment, vingt soldats qui accouraient de Saint-Pierre, fusil en
mains, pour affronter les sbires. Trente soldats, armés de piques,
drapeau en tête, se rangèrent sur la voie, les arrêtèrent et les obli-
gèrent à rebrousser chemin. Et ceci arriva à point, grâces à Dieu ;
•car, si les soldats n'eussent pas rencontré cet obstacle, on aurait eu
certainement à déplorer un vrai carnage de peuple, d'autant plus grand
que la Place du Pont était bondée de monde et que la mêlée durait
'encore. Les sbires devenaient de plus en plus insolents, et on vit le
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442
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
payées deux doppie l'une, et plusieurs fenêtres et maisons dix douze
et même quinze écus. Tous les prélats, pour l'exemple, y 'avaient
envoyé leurs valets, comme le firent aussi quelques personnes de
qualité. La tête, mise dans une cage de fer, fut exposée dans une
niche sur la Porte Angélique, ad perpetuam memoriam ; et les
sœurs du condamné furent chassées et bannies de Rome, jusqu'à la
troisième génération. »
Le peuple, qui pleurait de tendresse et qui priait pour l'âme des
condamnes, exigeait que les exécutions, fussent faites avec habileté.
On allait aux exécutions, comme ou allait au théâtre. La foule y
invectivait le bourreau, quand il remplissait mal sa tâche; absolument
comme aujourd'hui on jette, des galeries, tomates et trognons de choux
aux acteurs qui n'ont pas su plaire.
Sous le règne du pape Innocent XI, Tan 1088, on décapita l'abbé
Kivarola, un Génois coupable de satires et libelles. Le narrateur s'at-
tarde à démontrer que ce condamné n'était point parent avec le célè-
brecardmal, son homonyme. Pour abréger, passons les faits et gestes
de cet abbeet laissons la parole au narrateur qui nous racontera ce
qui arriva, durant l'exécution. « La dernière nuit, dit-il, on lui accorda
beaucoup de douceurs pour augmenter ses forces; mais on ne put
arriver à le faire marcher, tant il était faible de corps et abattu d'es-
prit. Les remèdes furent insuffisants et on dut se résoudre à le pla-
cer sur une civière, disons mieux, dans un cercueil, le même où
Ion devait ensuite déposer son cadavre. Comme ses forces allaient
toujours en diminuant, on le porta, demi-mort, jusqu^'i réchataud
dans celle bière. Le peuple fut étonné de le voir amener de cette manière'
et on s^tpprocha en foule de Téchafaud pour l'y dévisager et l'v voir
monter. Les sbires, en raison des bousculades qu'ils recevaient, comme
aussi les consolateurs, tapaient à coups de bâtoi:, sans égard. Rivarola
arrivasurréchafaudconduitparlesconsolateursetlesautres personnes.
Le Maître de la Justice, qui ne savait trop comment s'v prendre pour
le mettre sur la planche, restait tout bouleversé de"ne pouvoir le
manier à sa guise. Finalement, ayant réussi à le placer sous le tran-
chant du couperet, il lâcha la corde et la lame tomba entre le cou et
les épaules. Le bourreau, pour réparer son erreur, prit un coulelas
et trancha lui-même le cou. Voyant cela, le peuple se précipita vers
1 echalaud pour le lapider. Au milieu des hurlements, des sifllels et
des cris, on voulait renverser l'échafaud. Les sbires, bien que le mal-
heureux fut mort, pour ne pas laisser insulter le Maître de la Justice
saisirent leurs carabines, les armèrent et les braquèrent sur le peuple
LES PRISONS DE L'ETAT PONTIFICAL 443
afin de l'effrayer. Pendant ce temps, d'autres sbires faisaient ouvj-ir
un passage, à coups de bâton; ce qui occasionna un accident. Un
soldat des milices du pape fut frappé à la tête, pendant qu'il était en
faction. Il mit la main à l'épée; mais en voyant la carabine armée,
•il se contint.
« Les gestes du sbire et du soldat effrayèrent le peuple qui recula.
Une poussée tumultueuse eut lieu, plusieurs personnes furent foulées
aux pieds et le barisel, se trouvant au milieu de la mêlée, faillit y
périr. Il y laissa son manteau de soie, et d'aucuns essayèrent de le
renverser lui-même à terre. Le tumulte augmentait.' Le barisel,
échappé à la foule, marchant sur ceux qui étaient tombés, avait
perdu dans le tumulte son manteau, sa perruque et son épée. La
Après rexéciitioii Dessin de Thomas).
place entière s'échauffait. J'ai dit que la houle croissait. Le soldat, son
épée à la main, échappant à la foule, traversa le pont au pas de
charge pour aller donner ralarmcà ses compagnons et leur demander
aide afin de venger cet affront. La sentinelle du château, placée sur les
murs de la forteresse, se rendit compte des faits et, immédiatement,
fit nu rapport sui ce qu'elle prévoyait devoir arriver. La garde de la
porte mobilisa quinze soldats en armes qui, en dehors de la chaîne
servant de barrière, étaient déjà sur les rangs. On aperçut, en ce
moment, vingt soldais qui accouraient de Saint-Pierre, fusil en
mains, pour affronter les sbires. Trente soldats, armés de piques,
drapeau en tête, se rangèrent sur la voie, les arrêtèrent et les obli-
gèrent à rebrousser chemin. Ut ceci arriva à point, grâces à Dieu;
car, si les soldais n'eussent pas rencontré cet obstacle, on aurait eu
certainement à dé|)lorer un vrni carnage de peuple, d'autant plus grand
que la Place du Pont était bondée de monde et que la mêlée durait
•encore. Les sbires devenaient de plus en plus insolents, et on vit le
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4i4
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
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malheureux bourreau si maltraité et si criblé de coups qu'il en faisait
p.t.e. Pendant ce temps, le barisel était revenu, en compagurde
nouveaux sl-ires. On lui rendit son manteau en loques. Le tumulte
s apaisant, le cadavre du supplicié fut mis dans la bière couverte et
porté processionnellement à l'endroit habituel du Consolato, où il
ut enseveli. Pendant que le Maître de la Justice démolissait ivrha-
faud, les sbires s'emparèrent de lui, et, le lendemain matin, fustigé
dans les mes de Rome par une foule de gens sans aveu qui l'accom-
pagnaient de leurs hurlements et de leurs sifflets, il fut ensuite recon-
duit en prison el exilé enfin des Etats pontificaux. .
Le premier samedi de Carnaval, 3 février 17-20, l'abbé Gaétan
Volpini, de Piperno, jeune homme de 22 ans, fut décapité au Campo
Vaccino, comme auteur de publications calomnieuses el séditieuses
Le chanoine Assetato (Don Nicolo Liborio Vezzoni, de IVato) raconte
T^llXT- '? ''Z' ^ ^"'''- '"''' ''^ mois de prison (1719-20)
I abbé Volpini fut jugé comme foglieltante (chroniqueur et corres-
pondant de jo,.r„aux). Il avait écrit à Vienne au comte de Sissen-
dorff et critique la vie et l'hon.eur du pape Clément XI (.\lbani) et de
tiementine Sobiescki, alors épouse de Jacques III. roi prétendant de la
Grande-Bretagne. On le condamna finalement, comme coupable des
délits susdits, à avoir la tète tranchée. On dressa l'échafaud au Campo
Vaccino, et, le samedi matin, ou vit conduire l'abbé Volpini au lieu
fixé pour son supplice. Les Frères de la Compagnie de Saiiil-Jean-dos-
Horentins I accompagnaienl, selon l'usage et le bon père Galluzri
jésuite I assistait, l'end.ut que le peuple, accouru eu foule, attendaii
la fin de celle scène sanglante, le susdit Assetato entendit un abbé
qu 11 ne connaissait pas, lire à ses compagnons l'épigraphe que nous
reproduisons ci-après, épigraphe que le patient avait lui-même om-
posee pour être gravée sur la pierre de son tombeau :
« D. Caietanus, Vulpinius Pipenius, Veritatis amator, sub Cle-
menUna tyrannide obtruncalus, victoriœ palman oblinuit. Ex. S
^' ^- "' Q. H. y>
Assetato. entendant de telles impiétés, comprit qu'il n'était pas
en bonne compagnie et s'éloigna. Nous ajouterons que Volpini
n avait point fait imprimer sa rplatinn i o •.
rna.n <>„ • ""*"'"'^' sa lelation. Le manuscrit passant de
n T"\ *'" ^P'«"°'''' "«"« » Vienne, en avait eu con-
naissance. Il dénonça le fait au pape qui en fut d'autant plus vexé
qu son intimite avec l'ex-reine Clémentine était connue de tous.
IT,T- ?T'' "*"' ""' ^'™'" ^«""'« "«« horribles prisons
sénatoriales du Capitole, prisons creusées dans le rocduTabularium
LKS PRISONS DE L'ÉTAT PONTIFICAL m
foire r:re;'r "lot":; t"^^- " -^^ "-^'" - ^'^^-^
intmeas. il saluait^det ^J^^:!^^ Z c^lîuef Ts ^
les messieurs et les dames qu'il avait amusés avec ses^ pTa^ameZ'
pendVrCamnfdrF'''"'*' t»»-"'"- Spadaccino d'Orvieto esi
S con'c rde pe'ul \ tTT''^ '"'''' " ™'"*" '''""
usurpé le tiire de prêt'' '" "'' ""^""'" ''"^'''' '''*^0"-
1><' prolundis clamavi {Dessin de Thomas).
Le samedi, 23 juin 1717, on pendit Antoine Casiellani 22 ans
mort en 8 jours. On voulait faire nu exemple.
En 1734, on arrêta un vieillard de 72 ans, Marc Antoine Troiani
pour vol de bétail. C'était un fameux voleur de cheveu Comme i
avait sponianément avoué le délit, il croyait s'en tirer avec qudq e
années de prison. Il fu,, au contraire, condamnéà la pendaison Ce, e
condamnation le rendit furieux et il refusa de se convertir es
consolateurs le tor.urèrent. d'abord, moralement. N'ayant Ta réuî
à le convaincre, ils employèrent la cire liquéfiée e. pr es pi qu"
f'
II
411
LA PRKLATURE DE LÉO.V XUf
malheureux boun-ea.. si maltraité et si criblé de coups qu'il en faisait
p.t.c. Pendant ce temps, le barisel était revenu, en compagnie de
nouveaux sLires. On lui rendit son manteau en loques. Le t'umulle
s apaisant, le cadavre du supplicié fut mis dans la bière couxerie et
porté proccssion,.elle.neu( à l'en.lroit habituel du Consolalo, où il
ut enseveli. I>cudant que le .Maître de la Justice démolissait IVcha-
faud, les sbires s emparèrent de lui, et, le lendemain matin, fusti-é
dans les rues de Rome par une foule de gens sa.,s aveu qui racconi-
pajînaient de leurs hurlements et de leurs sifflets, il fut ensuite recon-
duit en prison et e.xilé enliii des Etals pontilicaii.v. »
Le premier samedi de Carnaval, 3 février Irli), labbé Gaétan
VoliMiii, de l'iperno, jeune homme de ±2 ans, fut décapité au Campo
\ac.;,no. comme auteur de publications calomnieuses et sé.|iiieu,ses
Le cliaimiiie Assetato (Don .Nicole Liborio Vezzoni, de Praio) ra-.mle
•lue durant son séjour à IJome. après six mois de prison (171 !l->Oi
labbe Voipini fut jugé comme logliellanle .cliroiiiqueiir et corrës-
pondunt de journaux.. Il avait écrit à Vienne au comte de Sissen-
dorft et critiqué la vie et riion,;eur du pape Clément XI (.VIbani . et ,1e
Ueiii,.Ml,ne .Sobiescki, alors épouse de Jacques III, roi prétendant de la
Oraude-IJrelague. On le condamna f.nalement, connue coupable .les
délits susdits, a avoir la tète tranchée. Ou .Ires.sa l'écl.afaud au Cauipo
^ acc.no, et, le samedi matin, ou vit conduire labbé Volpiui au lieu
fixe pour son supplice. Les Frères de la Compagnie de Saint-Jean-des-
Noivntins laccompngnaie.il, selon l'usage et le bon pè.-c (ialluz/i
.lesuite 1 assistait. I>enda..l que le peuple, accouru en foule, atlendaii
la fi., de celte scè.ie sangla..te, le susdit .\ssetato e..ie..dit u.i abbé
<V> Il ..e co..naissai( pas, lii^e à ses co...pag.,ons répig.v,pl.e .p,e nous
.ep.;odu.sons c.-après, épig.aphe q,.e le pal.c.t avait lui-même com-
posée pour éiie giaNée sur la pie.Te de son tombeau •
« D. Caielanm, Vidinnim Pipernus, Veritalis amalor, sub Cle-
mmlniu lyranmde oblruncalus, vidoriœ palman ohlinnil. Ex. S.
^- ^- "' Q- II. »
Assetato. entcdant de telles i.,.piétés, comp.-it .m'il n'était pas
'.vai,"r?r'""'*' ''"'"°"'- ^"'' "J''»''^'-»"^ '1"« Volpini
"..^a.t po..,t ta.t .mpri..,er sa .elation. Le .,.an,.scrit passant de
"«a... ,.„ mai,., M.^ Spignola, nonce à Vien..e, en avait eu c.m-
na.ssance. Il déno..ça le fait au pape qui en fut d'a,.tan, plii.s ,exé
<i^ son intimité avec lex-reine Clémenti..e était connue de lot.s.
>olp.n. nt enler...é dans une ét.-oite cellule des hc-ribles p,-isons
seuatonales du Capitole, p..sons censées dans le rocduTabnla.i,..„
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;."n.„se, il saluait'det t^^-'hari s^s ^IZ^Z /lï
les ...ess.eu,.s et les dames qu'il avait amusés avec ses^ Ssa.Ue, "4
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mort e.. «jours. Ou voulait faire un exemple.
pou." vïï; ;",;'.•;•'"''!, !"';''^'"»'-d de -2 ans, Ma.-c Antoine Troiani.
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ava,t spo„,a..ément avoué le délit, il croyait s'en ti.er avec q.Z e
condamnalion le rendit fu.-ieux et il .-efusa de se convertir I es
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446
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
de fer rougies au feu. Ces tortures n'ayant pas persuadé le coupable^
le bourreau impatienté le mallraila d'abord, puis, lui ayant passé la
corde au cou, fit semblant deTélrangler. Le vieillard effrayé, peut-
être encore plus du bourreau que du démon, fît sur-le-champ recom-
mander son âme à Dieu.
L^abbé Benedetti, dans sa jeunesse, n'enregistraitpas les exécutions
capitales. Son âme tendre se contenta de noter les actes de férocité
qui relevaient de la justice, lorsque les temps nouveaux (1793, etc.)
changèrent en partie l'aspect de Rome. Nous avons déjà vu,' dans
son Journal de 1798, qu'il enregistra presque tous les cas où les
Français, d'abord, et ensuite les Napolitains firent fusiller quelque mal-
heureux. Il y a, au contraire, quelques annotations de grâces accor-
dées aux condamnés par le privilège des Confraternités qui, comme
nous l'avons dit, possédaient cette bagatelle de puissance souveraine.
Le dimanche, 29 septembre 1793, Benedetti assista à une proces-
sion, dans la rue Giulia. On y portait Joseph Marinese, de Marino,
condamné à dix ans de galères pour homicide. Il fut libéré par l'Ar-
chiconfraternité de VOrazione e Morte, le jour de la Saint-Michel.
On n'exécutait pas toujours les assassins et, l'année suivante
Benedetti est heureux de noter qu'à la Confraternité de la Divine
Pitié des détenus, près San Giovianni délia Pigna, sous la présidence
des cardinaux Albani et Archinto, on rendit compte de la ^'estion et
on démontra qu'on avait déboursé 436 écus romains pour la déli-
vrance de 24 détenus pour dettes. D'autres Confraternités avaient
encore le privilège de délivrer les détenus. Par exemple, celle de
Sainte-Catherine-de-Sienne, rue Giulia, délivrait des galères un
voleur et un assassin, et, le second diman^e de mai, elle portait le
malfaiteur en procession.
Il n'y a rien d'étonnant à ce qu'on libérât un détenu, en payant ses
detles, puisqu'on délivrait aussi les malfaiteurs en payant une certaine
somme. Il y avait un tarif pour chaque cas. Nous relevons, en effet,,
dans un rapport de la légation autrichienne qu'on délivrait, moyen-
nant 40 écus environ, un homme condamné à dix ans de galères. Le
dernier que fit mettre en liberté la Compagnie de Saint-Jérôme
fut un assassin du nom de Checco le vacher, condamné à mort
en 1824. La Compagnie alla le prendre solennellement aux Prisons
Neuves et le conduisit dans sa propre église, via Monserrato. Après
avoir assisté à la messe, le condamné revêtit les habits de la Confra-
ternité et, une couronne d'or sur la tête, il fut processionnellement
porté en triomphe, comme un conquérant
tm
LES PRISONS DE L'ÉTAT PONTIFICAL 447
David Silyagni, qui fut Théritieret le vuli-arisateurdes papiers do.
thumes de l'abbé Benede.ti, lermine le trop long exposé des nei^iet
cap.ta.es, survenues dans l'État pontiflcal àlravefs ZZtp.T^U,
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« Cette exécution, ajoute-t-il, fut la dernière que connut, pour le
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LA PRÉLATURE DE LÉON XlII
de fer rougies an feu. Ces tortures n'ayant pas persuadé le coupable^
le bourreau impatienté le maKraita d abord, puis, lui ayant passé la"^
corde au cou, fit semblant de l'éiran-ler. Le vieillard effrayé, peut-
être encore plus du bourreau que du démon, fit sur-le-champ recom-
mander son Ame à Dieu.
L'abbé Benedetti, dans sa jeunesse, n'enrej^istrait pas les exécutions
capitales. Son âme tendre se contenta de noler les actes de férocité
qui relevaient de la justice, lors(iue les temps nouveaux (1703, etc.)
changèrent en partie l'aspect de Rome. Nous avons déjà vu,' dans
son Journal de 1798, qu'il enregistra presque tous les cas où les
Français, d'abord, et ensuite les Napolitains fireiil fusiller quelque mal-
heureux. 11 y a, au contraire, quelques annotations de (fràces accor-
dées aux condamnés par le privilège des Confraternités qui, comme
nous l'avons dit, possédaient cette bagatelle de puissance souveraine.
Le dimanche, 29 septembre 179:^, Benedetti assista à une proces-
sion, dans la rue Giulia. On y portait Joseph Marinese, de Marino,
condamné à dix ans de galères pour homicide. Il lut libéré par l'Ar-
chiconfraternité de VOraxdone e Morte, le jour de la Saint-Michel.
On n'exécutait pas toujours les assassins et, l'année suivante,
Benedetti est heureux de noter qu'à la Confraternité de la Divine
Pitié des détenus, près San Giovianin' della Pigna, sous la présidence
des cardinaux Albani et Archinto, on rendit compte de la gestion et
on démontra qu'on avait déboursé im écus romains pour la déli-
vrance de 24 détenus pour dettes. D'autres Confraternités avaient
encore le privilège de délivrer les détenus. Par exemple, celle de
Sainte-Catherine-de-Sienne, rue Giulia, délivrait des galères un
voleur et un assassin, et, le second diman^e de mai, elle portait le
malfaiteur en procession.
Il n'y a rien d'étonnant à ce qu'on libérât un détenu, en payant ses
dettes, puisqu'on délivrait aussi les malfaiteurs en payant une certaine
somme, il y avait un tarif pour chaque cas. Nous relevons, en effet,
dans un rapport de la légation autrichienne qu'on délivrait, moyen-
nant 40 écus environ, un homme condamné à dix ans de galères. Le
dernier (pic fit mettre en liberté la Compagnie de Sahit-Jérùme
fut un assassin du nom de Checco le vacher, condamné à mort
en 1824. La Compagnie alla le [»rendre solennellement aux l>risons
Neuves et le conduisit dans sa propre église, via Monserrato. Après
avoir assisté à la messe, le condamné revêtit les habits de la Confra-
ternité et, une couronne d'or sur la tête, il fut processionnellement
porté en triomphe, comme un conquérant
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« Cette exécution, ajoule-t-il, f.a la dernière que connut, pour le
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LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
1'^
compte du Gouvernement ecclésiastique, le bourreau Jean-Baptiste
Burgatti; parce qu'à dater de cette époque, les condamnés à mort
eurent la tète tranchée. Burgatti. dans l'espace de nombreuses années
exécuta 517 condamnés à mort qui, par la disposition de la peine et
la manière barbare de l'exécution, ressemblaient plus à des ven-
geances et à des martyres qu'à des actes de justice humaine » Le com-
pâtissant auteur de la Corte e la Società Homaîia nei Secoli XVIII e
XIX ne nous dit pas si la loi Beccaria, qui a aboli les exécutions capi-
tales dans le nouveau royaume unifié d'Italie, y a diminué les crimes
Une porte extérieure du J^'ort de Saint-Auge.
et multiplié les vertus à la faveur desquelles un État peut se passer,
non-seulement du bourreau, mais du gendarme même.
A coup sûr, la Rome actuelle paraît moins effrayante au voyageur
qui passe sous la Porte Angélique sans y troiiver,dans sa niche tra-
ditionnelle, la tête du dernier décapité parlant et prêchant même
d'exemple macabre. Le château Saint-Ange n'a, non plus, rien perdu
de bien réjouissant aux yeux qui n'y voient plus, pendus aux som-
bres mâchicoulis des monstrueuses barbacanes, ces corps de sup-
pliciés qui servaient, autrefois, de couronne à la tour et de pâture aux
corbeaux. Et ce ne sont assurément pas les Pie IX, les Léon XIII
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»WiUWi|IUJW!Jf>gL'MIB!JW¥M«i^.Jl^i^ilf.PPifctR%.'lp.^
IBS PRISONS DE L'ÉTAT PONTIFICAL ,„
de justice qui présida an» ■„„«,» . ! "^ '^ P*'"' d'erreur et
névent qui y comprit ans.nrn!!- . i ^"' '^J'""^ P''^''*' de Bé-
n.o.. s^. le^cheZ r" le T L." '"tT "''''''' *''"" -"'
Pitait avec .e soi-disau ap "i d t ^X^x ! "" '"'' '' '''''-
~ J-.rai me plaindre au Vat.Ïn' " ' " "''""''"''' '
pasTe ']l;^nf;e";:;rS„r;; :^"^ ^- >• -■"•-. -us aure^ à
29
448
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
compte du Gouvernement ecclésiastique, le bourreau Jean -Baptiste
Burgatli; parce qu'à dater de cette époque, les condamnés à mort
eurent la tète tranchée. Burgatti, dans l'espace de nombreuses années
exécuta 517 condamnés à mort qui, par la disposition de la peine et
la manière barbare de l'exéculioii, ressemblaient plus à des ven-
geances et à des martyres qu'à des actes de justice humaine » Le com-
pâtissant auteur de la Corte e la Societù liomaua nei SecoH XVIU e
XlXne nous dit pas si la loi Beccaria, qui a aboli les exécutions capi-
tales dans le nouveau royaume unilié d'Italie, y a diminué les crimes
L -i
Lue porte extérieure du Fort de Suiut-Au^'e.
et multiplié les vertus à la faveur desquelles un fttat peut se passer,
non-seulement du bourreau, mais du gendarme même.
A coup sûr, la Home actuelle paraît moins efirayante au voyageur
qui passe sous la Porte Angélique sans y troiiver,dans sa niche "tra-
ditionnelle, la tête du dernier décapité parlant et prêchant même
d'exemple macabre. Le château Saint-Ange n'a, non plus, rien perdu
de bien réjouissant aux yeux qui n'y voient plus, pendus aux som-
bres mâchicoulis des monstrueuses barbacanes, ces corps de sup-
pliciés qui servaient, autrefois, de couronne à la tour et de pâture aux
corbeaux. Et ce ne sont assurément pas les Pie IX, les Léon XIII
I » ■ . p»»m. i .ipf u^mt- >» .y yi,ju,_jii ji ■
■yrr-
■g .'■'-
LES PRISONS DE L'ÉTAT PONTIFICAL 4n
auquel ea appelle .,.eon,..e virell^iC ^ « eir^: , "7 '"
patr.e et q„i peut exiger que l'armée du crime es y îeso te '"
tour. Les iustes ronr^icoiii^o i ^ respecte, a son
quille la c nSe crde "l "' """""^ '^'"«'" •*-' "■«"-
à exercer le. «1 ^-^ ''"'' *" """'•^ <*« '''"stoire, eurent
.a~. , zinriiLTr"^ ""^ '''•^* ^""«^^ '-'
Sévèrement-. Kt n,.:: .. ' . , Z^V^^TT """"'^ ^'"^
^-gueur os. le com.nencemeut de la sagesse «m? 1 '* ""
l-autcment la précédente réponse deS^ToJ', "*"' ''"' '°"*''
-Jiraune plaindre au Vatican! 1 roiecteuis .
— Allez.' lit n'oubliez pas que, pour vous v i-p.h...
passer devant le fort Saint- Vn-^e' " "' """" '""'^^ ^
29
t& r
Costumes du peuple, dans l'ancien Etat Pontifical. (Dessin de Thomas, 1838.)
m HÉRITIER DE TALLEYRAÎSD A BÉNÉVENT
Dans ce palais
préfectoral de
Bénévenl , aux
murs impres-
sionnants de ci-
tadelle et dont
les vastes salles
paraissaient sci-
gneurialement
aménagées pour
la solitude et
l'ennui, M^'"Joa-
chim Pecci, qui
y venait enseve-
lir deux ans de
sa belle jeunesse, a l'époque où achevait sa vieillesse à Paris le
fameux prince de ce môme Bénévent qu'il n'avait jamais eu la
curiosité de visiter, y aurait, certes, péri de tristesse si des dis-
tractions autres que celles de codifier la contrebande et d'incar-
cérer les bi'igands, ne lui eussent été permises. Assurément, les con-
versations concordataires qu'il avait fréquemment avec le comte Sta-
Un intérieur de l'époque. (Dessin de Thomas.)
I
UN HÉRITIER DE TALLEYRAND A BÉNÉVENT 45.
iiislas Steibini, étaient <i*iin intér« Mnahf<. h-
Aureaoude l'Arc de Trajan, leur avaient laissé vite faite le .^
des grottes de Nappa ou du carrefour des Sorcièm do, i' . '
noyer fatidique ne disait plus rien à des es;i s ^1 v\ o ' '1'
.tf Mai::.:":; t '" ''"'"-' '•^""•^'^•" ^«- ^- - £
ni ? l- ^""^«'•"'"neui où les envahissait une solitude-
Pl s grande. Sans doute, lesgazet.es pennises de répoq.rean vS.
al heure des courriers très irréguliers de l'État poLfi al ùsqu'en
Keo^e. Mais II y fallait vnre surtout d'idées personuelles et de lon-ues
sole I deT!; r ""''^'' "' ''"""«'• «»' ««"« ■•'•'"Placable
soleil de la canicule napolitaine, les interminables journées de l'été
que le Diano officiel vint apprendre à Joachim Pecci la mort dP
Char es Maurice de Talley^nd Périgord, prince de b" é en de „
1 Empire, survenue à Paris, le 17 mai l>i'^« Ti i e n\ ^
r-npression que ,it au Jeuiie^^T drce^m^ ï !. ^^^^^^^
ce théâtre politique et du monde où ce cinique vieillard avait
joue un SI long rôle, où ce pur jeune homme élit rés par sa
destin e providentielle à d'autres actes, dignes d'une ton I^tre hi
oire. On se le représente aisément, ce jour-là, derriè elne fenê I
du paazz.o préfectoral e, tenant encore à la m in la gLettë qu u U
apporté cette nouvelle. Ses yeux distraits errent suî Bé éve. t ouî
doiuÎs Zrr: '•"" '""^^ "-vont jusque ve. les Zï^ e
et e alTT, '"'"•'""'*"'«^ évoquent peut-être dans son âme
émue, quand même, cette autre hauteur éphémère qui .îènt de
abîmer dans le néant en laissant, derrière elle,une de cS^Î
moires politiques dont ce jeune diplomate de carrière ne voudrahà
s ZT •'"' ■'" ''"*" "' ''"-' "■•« à ««^ contemporains de
îfsa ne. sonne " r""" '' '''"'''"' ''^ P'^''"''*" «J"' '« «' '-t rougi
de sa pei sonne infirme au supérieur génie, n'était-il pas un Tallev
rand j^f ^ que la Providence co„ducti.i;e des peupî:s aUait p -'
être transformer en un Talleyrand meilleur dont la politiaue de
1 avenu- recueillerait les salutaires influences. Profitante haute
q«.étude de ce palais où l'élève se répétait à lui-même les leçol
>-i
Il
■1
M
Costumes du peuple, dans l'aiicieii Etat Poiitilical. (Dessin de Thomas, 1838.)
UM HtimiEH DE TALLEYKA>D A DÉ.NÉVENT
Dans ce palais
préfectoral de
Béiiéveiil , aux
murs impres -
sioimants de ci-
tadelle et dont
les vastes salles
I)araissaieiit sei-
gtieurialeiueiit
aménagées pour
la solitude et
l'ennui, Mo^Joa-
chim l*ecei, qui
V venait enseve-
lir deux ans de
sa belle jeunesse, a l'époque où achevait sa vieillesse à Paris le
fameux prince de ce même Bénévent qu'il n'avait jamais eu la
curiosité de visiter, y aurait, certes, péri de tristesse si des dis-
tractions autres que celles de codifier la contrebande et d'incar-
cérer les brigands, ne lui eussent été permises. Assurément, les con-
versations concordataires qu'il avait fréquemment avec le comte Sta-
Un iotérieur de l'époque. (Dessiu de Thomas.)
I
UN HliHlïlER DE TALLEYKAXD A BÉNÉVENT 45.
nislas Sl.Mbi„i .Haient .l'an i.aérêt capable d'occnor .nilcnent
deux es,„„s supérieurs. Mais les prou,onades quic.Uraîn en mZ
le directeur des douanes e. le préfet de la v Ile, ho de la Po^
«:;;■ tidîue'ri:; pU'^:;rT dresïST,.^"''' 't-
Et les deiiv amk ... J "^ Ntn a aes espnts de I âge moderne.
PU.S ..aude. sans doute, ^::::;:.:'j:.::ts:,::i:::;:::
al heure des courriers très irréguliers de rftta, pomi a, sau i
«eoe .H.i.Ml j (,,||a,t vnre surtout d'idées personnelles et de longue,
sol! I Tl: r " ''"'^" *"^ '''"^■^'- «»• «o-s l'implacable
que lel^rôf ,' ''' '''''"""' '"""■"' "« 'o'-'- ''«■•ce
que le Du, no oflu.cl v,„t apprendre à Joachin. Pecci la mort de
Charles Maunce de Talleyrand Périgord. prince de Béné eut .1 LÎ
lEnipu-e, surveinie à Paris, le 17 mai IX^x li . t ," '
l'iuinressioM „„,. «. <. . '"' '^ " '"3' i>iàS. Il est facile d'imaginer
"np.csMon que bt au jeune préfet, dans ce même Bénévent dont
oué 1 :."r '''■ "* '""'"* "' '^ -'"!"« Vieillard avait
jouç un Si long rôle, ou ce pur jeune homme était réservé nar sa
desnnee prouden.ielle à d'autres actes, dignes d'une t u "m,e hi
o.re. On se le représente aisén.ent, ce jour-là, derrière n^fL^
du paa,:.o préfectoral e. tenant encore à la main la gaze nu lu a
apporté cette nouvelle. Ses yeu.v distraits errent su^ b1 éve t li
a perdu son maître d'un jour- iU vn-,i i„^ uenevent qui
dont le« hn.i... • ' "^vo.il jusque vers les montagnes
en ue l,a r T ''"^"••'""«'"«^ évoquent peut-être dans son Ime
énue. qnatid même, cette autre hauteur éphén.ère qui vient de
abuner dans le néant en laissant, derrière elle, une d ce U
n.o.res pol.l.ques dont ce jeune diplomate de carrière ne vo ,draï à
Zl™; l'"'' "'.r^"--''-''- '-««end. Comn,e da„: Te ^ J t^
SZ "" '"" ""'^'' "" ''"' '"•« " «''^ contemporains de
18.30, cet ancen pr.nce de Bénévent au pied-bot qui le Ht Lnt rou.^i
de sa personne inlir.ne au supérieur génie, n'était-il pas In Vallée
être transforn.er en un Talleyrand meilleur dont la politioue de
lavemr recueillerait les salutaires influences. Prolit 1^1 1 aut
quiétude de ce palais où ,'éiève se répétait à lui-même les iSL
II
1'
n/
452
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
du maître en les corrigeant, à sa manière et selon son ambition
de futur diplomate catholique, Joachim Pecci se composait un
portrait de Talleyrand avec les éléments épars dont cette longue vie
de grand homme manqué avait rempli le monde. Pareil au sculpteur
d un chef-d'œuvre que Dieu lui avait donné la puissance de dresser
devant l'admiration des foules, cet artiste du paradoxe n'avait-il pas
mis son esprit infernal à briser le buste en morceaux, à le réduire
même en poussière de marbre si brillant et si vain qu'il n'en est rien
resté, après qu'il fut dispersé, aux quatre vents du monde étonné
d un tel prodige et d'une telle profanation?
Connaissez-vous plus ravissante miniature que celle dont Isabey
traça la silhouette aussi légère qu'une feuille de rose dont ce portrait
a conservé la fraîcheur, depuis cette orageuse après-midi de 1789
où l'artiste l'esquissa, à la sortie de l'Assemblée générale du Clergé
de France convoqué, tous les cinq ans, aux Grands-Augustins de
Pans? Ce portrait délicat, que la famille de Rémusat possède encore
était celui d'un élégant abbé de cour auquel la poésie, qui idéalisa
son maigre et fin visage aux longs cheveux en boucles l'ovalisant
aurait donné pour place la ruelle convoitée de quelque marquise à
la mode. Mais, si vous regardez plus attentivement ces yeux habiles
au jet de perles fines et tranquilles, et si vous mesurez ce front très
haut montant sous les cheveux, comme un grand dôme où le génie
s'abrite; vous assignerez bientôt une autre place que le boudoir des
teneuses d'esprit, à ce cadet que sa première jeunesse a déjà fait
entrer en .évêque dans l'Assemblée générale et d'où il sortira en
diplomate accompli, pour aller siéger dans les conseils des républi-
ques et des monarchies et pour mener son époque, au gré de ses
changeants et supérieurs caprices, comme ferait un parfait courtisan
de sa marquise asservie, — cette marquise politique entre deux âges
moitié républicaine et moitié royaliste, que cet abbé malin sut possé-
der en vainqueur, jusqu'à la plus extrême vieillesse.
A ce portrait exquis d'où sort, en perruque régence et en rabat
d'église, une des plus fines figures des dernières années d'un siècle
où les seigneurs et leur esprit subtil régnèrent, vous avez reconnu
Jalleyrand. Etrange type, en effet, que ce visage à profil de camée
dont le charme eût inspiré, de loin, l'abbé Prévost pour un roman où
le beau chevalier des Grieux aurait séduit la folle fille de Lescaut. Mais
type plus rassis qu'envolé, et moins poétique que son galbe, celui que
M-« de Rémusat regardade plus près et plus exactement, quand
elle osa lui dire : « Il me semble, M. de Talleyrand, que vous valez
HÉRITIER DE TALLEYRAND A BÉNÉVENT 453
IX que vous ! . et que n'avait pas assez examiné Chamfort dans
les profondeurs cachées de ce caractère frivole, seulement d'appa
mieux
La chaire de la cathédrale de Béiiévent.
reace quand il éc-îvit sur celui-ci : . Il y a trois choses que je hais :
le hruit, le vent et la fumée ».
Quelqu'un qui discerna mieux, dès son enfance délaissée, l'homme
i
''■-^■t^mstfms^^^^m^^
452
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
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du maître en les corrigeant, à sa manière et selon son ambition
de futur diplomate catholique, Joachim Pecci se composait un
portrait de ïalleyrand avec les éléments épars dont celte lon-ue vie
de grand homme manqué avait rempli le monde. Pareil au sculpteur
d'un chef-d'œuvre que Dieu lui avait donné la puissance de dresser
devant l'admiration des foules, cet artiste du paradoxe n'avait-il pas
mis son esprit infernal à briser le buste en morceaux, à le réduire
même en poussière de marbre si brillant et si vain qu'il n'en es! rien
resté, après qu'il fut dispersé, aux quatre vents du monde étonné
d'un tel prodi^'e et d'une telle profanation?
Connaissez-vous plus ravissante miniature que celle dont Isabey
traça la silhouette aussi légère qu'une feuille de rose dont ce portrait
a conservé la fraîcheur, depuis cette orageuse après-midi de 1780
où l'artiste l'esqnissa, à la sortie de l'Assemblée générale du Clergé
de France convoqué, tous les cinq ans, aux Grands-Augustins de
Paris? Ce portrait délicat, que la famille de Kémusat possède encore,
était celui d'un élégant abbé de cour auquel la poésie, qui idéalisa
son maigre et fin visage aux longs cheveux en boucles Tovalisant,
aurait donné pour place la ruelle convoitée de quchpie marquise à
la mode. Mais, si vous regardez plus attentivement ces yeux habiles,
au jet de perles fines et tranquilles, et si vous mesurez ce front très
haut montant sous les cheveux, comme un grand dôme où le géine
s'abrite; vous assignerez bientôt une autre place que le boudoir des
teneuses d'esi)rit, à ce cadet que sa première jeunesse a déjà fait
entrer en évêque dans l'Assemblée générale et d'où il sortira en
diplomate accompli, pour aller siéger dans les conseils des ré|>ubli-
ques et des mouirchies et pour mener son époque, au gré de ses
changeants et supérieurs caprices, comme ferait un parfait courtisan
de sa marquise asservie, — cette marquise politique entre deux âges,
moitié républicaine et moitié royaliste, que cet abbé malin sut possé'
der en vainqueur, jusqu'à la plus extrême vieillesse.
A ce portrait exquis d'où sort, en perruque régence et en rabat
d'église, une des plus fines figures des dernières aimées d'un siècle
où les seigneurs et leur esprit subtil régnèrent, vous avez reconnu
Talleyrand. Etrange type, en effet, que ce visage à profil de camée
dont le charme eût inspiré, de loin, l'abbé Prévost pour un roman où
le beau chevalier des Grieux aurait séduit la folle fille de Lescaut. Mais
type plus rassis qu'envolé, et moins poétique que son galbe, celui que
M-« de Rémusat regarda de plus près et plus exactement, quand
elle osa lui dire : « Il me semble, M. de Talleyrand, que vous valez
UN HÉRITIER DE TALLEYRAND A BÉNÉVENT 4o3
inieux que vous!, et que n'avait pas assez examiné Chamfort dans
les profondeurs cachées de ce caractère frivole, seulement d'appa-
La chaire de lu catliédrale de Béiiéveiit.
reuce quand il écrhit s,.r celui-ci : « II y a trois choses que je hais:
le liruit, le vent et la fumée ».
Quelqu'un qui discerna mieux, dès son enfance délaissée, l'homme
''«^tS.MJlll.v
454
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
r-
que deviendrait Tainé des Talleyrand, dont une préférence injuste de
lafamillefitlecadet, -par conséquent la victime vouée, dès sa
naissance, a l'Eglise compatissante qui redresserait son pied bot
dans une bienfaisante abbaye, - ce fut son oncle. Celui-ci, vous le
savez, découvre, un jour, l'enfant dans une ferme des environs de
Pans ou il boite, en effet, depuis qu'un porc, disent les uns, lui a
mordu un pied ; depuis qu'un buffet mal consolidé, prétendent les
autres, laissa rouler à terre le maraudeur, estropié pour la vie. Son
oncle le voit donc dans le désordre malpropre de sa tenue de village-
Il rougit, prend le déshérité et le reconduit à sa mère dans ses habits
en haillons :
--Voici, n.adame,en quel état j'ai trouvé le descendant des princes
de Chalais ! ^
Cetleéducationdeprinceet — disons le mot- de chrétien que
u aurait su donner au petit Maurice celle qui fréquenta le Plat-d'Elain
p us assidûment que Saint-Sulpice, M- de Chalais, la grand-mère
allait la développer dans cet enfant jusqu'à ce qu'il entrât, un beaJ
jour, tout de bon, dans ce même Saint-Sulpice où, ni M-ne „i m je
Talleyrand ne vinrent jamais le visiter. Son frère, non plus, ne
sembla mieux se souvenirde celui auquel il avait pris son droit
d aînesse avec ce titre d'Archambault, duc de Périgord, qui força les
boudoir de l'époque et inscrivit au compte de ce héros de ruelle des
histoires sans nombre. Entr'autres celle-ci où une duchesse, mise à
mal par le mari, eut l'esprit, pour empêcher tout scandale, de dire
brusquement à celui-ci dans le paroxysme de sa rage ;
--- Ah ! monsieur, votre père était de bien meiHeure compagnie I
bst-ce a dire que notre jeune et charmant abbé, délaissé par les
siens au séminaire de Saint-Supplice, n'y fût visité par personne ?
Avec un esprit qui fait honneur aux fabliaux du dix-huitième siècle
que lalleyrand dut lire alors sous son manteau de clerc, il racontera
plus tard lui-même l'idylle qu'il vécut, de compogme avec la petite
Picot, fille du rôtisseur de la rue Vieille-du-Colombier. Il arriva donc
qu un jour de carnaval, pour acheter aussi son quartier d'oie, il
. entra dans la rôtisserie du père et y rencontra lafillequiavait quatorze
ans, qui était jolie et qui, regardant d'une façon curieuse cet abbé"
aussi jeune et aussi joli qu'elle, le troubla et lui fit oublier sur la
table lequatier d'oie qu'il venait d'acheter. Le carnaval n'v perdit
pas son coup de dent ; car ce fut la consciencieuse Julienne Picot
qui, déguisée en marmiton, apporta le quartier à son maître Le
mémoire dit bien que la nuit approchait, quand la charmante rôtis- ^
UN HÉRITIER DE TALLEYRAND A BÉNÉVENT 4.55
seuse frappa à la chambre de son joli client ; mais il n'ajoute pas
quelle heure il était, quand celle-ci, se retirant enfin, dit à son
hôte :
^ - Monsieur l'abbé, pensez-vous que M. Rigomier, le concie-ge
s apercevra si je sors tantôt ?
Le carnaval étant passé, ce fut à Maurice le tour de rendre à
Julienne ses visites. Il le ht avec cette assiduité que Roméo avait
connue seulement avant lui, avec cette même sveltesse qui fit escala-
der les balcons à l'un, et les murailles à l'autre : ces murailles si
hautes du séminaire, que Talleyrand devait franchir de son pied-bot
^.l, par coquetterie, ne dit-il pas dans ce même mémoire que son in-
hrmite lui vint d'une chute mal faite dans le jardin de l'Astrée ou
plus prosaïquement de Sainl-Sulplice, d'où il envoya à Julienne Var^
dessus le mur franchi, « les fleurs de giroflée jaune et les feuilles de
tilleul qui l'avaient tour à tour aidé à descendre ».
Aiiisi finirent, avec les fleurs de la saison, ces premières escapades
que Talleyrand eut, d'ailleurs, plus tard, l'occasion de payer au frère
de Julienne Picot, plus cher que ne valait le quartier d'oie oublié sur
l'elal. Un jour, à l'hôtel, de la .-^ue Saint-Florentin, un homme se
présente et demande à être introduit auprès de M. de Talleyrand
pour un grave message :
— Vous ne me reconnaissez pas, monseigneur ! dit cet homme
dès la porte. '
— Mais, bien confusément.
— J'ai été autrefois établi richement au faubourg Saint-Germain
Mon père et moi après lui, nous étions rôtisseurs, près de Saint-
Sulpice. Nous avons fait d'assez mauvaises affaires, et je voudrais
bien votre crédit pour obtenir une petite place, après ma sortie de
prison.
— Comment !
— C'est notre maison, monseigneur, qui fournissait les volailles
rôties que vous mangiez les jours maigres, quand vous étiez au
séminaire.
— C'est bon ! . . . c'est bon ! . . . interrompit le ministre.
— Vous vous souvenez bien, vous les emportiez quelquefois vous-
même sous votre manchon.
— Assez ! vous dis-je.
— Et même qu'une fois, notre sœur Julienne...
Et comme le maudit rôtisseur continuait à parler, M. de Talley-
rand, perdant patience, l'envoya sur-le-champ préposé à l'octroi de
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1 « 1
456
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
J
I
r-* I
I
la barrière du Maine, où le reconnaissant gabelou vécut en paix . , y
mourut même, dit-on.
Ainsi, des romans de ce monde. Celui du malheureux abbé le con-
duisit en boitant à l'autel où, ses vingt-quatre ans étant sonnés, il
reçut la prêtrise et sa première abbaye. Une maigre abbaye, qui ne
produisait pas de quoi payer à l'élégant abbé ses rabats de dentelle
et ses fines culottes de soie dont il honora, d'abord, la ruelle de la
duchesse Du Barry. Un jour qu'il s'y tenait tiiste, triste :
— Monsieur l'abbé, comme vous êtes silencieux, lui dit-elle.
— Hélas ! madame, je fais une réflexion bien amère.
— Laquelle donc ?
— Ah! madame, c'est qu'à Paris il est plus facile dWoir des
duchesses que des abbayes.
Pourconsoler la mélancolie d'un abbé si gentil, une deuxième
abbaye fut aussitôt concédée à Maurice de Talleyrand : celle de
Saint-Denis de Reims, dont les 18,000 livres de rentes lui prouvèrent
eloquemment que, si les femmes valaient peu à Paris, elles y comp-
taient cependant pour quelque chose. Comment résister, d^ailleurs,
aux caprices et à la volonté de ce rêveur têtu dont M™»' de Genlis
avait déjà écrit, douze ans auparavant : « A Sillery, l'arche-
vêque avait amené le jeune abbé de Talleyrand, destiné' à l'état
ecclésiastique et déjà en soutane, quoiqu'il n'eût que douze ou treize
ans. Il boitait un peu. Il était pâle et silencieux ; mais je lui trouvai
un visage peu agréable et un air observateur, qui me frappa». Ce
visage que, dans cette circonstance, M- de Genlis trouva <r peu
agréable», était pourtant le même qui commençait déjà à tourner
toutes les têtes à son profit, et qui faisait qu'Arnault, contradictoire-
ment à M™« de Genlis, écrivait dans ses Souvenirs d'un Sexagénaire:
«... C'est une tête d'ange, animée de l'esprit d'un diable ' » Et
ce fut bien cette tête et cet esprit dont la cour s'enchanta et s'endia-
bla, à la ronde, jusqu'à lui faire obtenir un évêché, à 35 ans, du roi
qui n'avait pas osé l'accorder à ce prêtre mignon de roman, et qui
le consentit enfin au lit de mort du père de l'abbé. Ainsi, la première
et la dernière faveur de ce père à ce fils fut, le 26 janvier 1789 sa
nomination à l'évêché d'Autun dont Monseigneur de Talleyrand,' —
l'étourdi !— allait oublier l'anneau épiscopal dans la chambre de
la belle M- de Flahaut, la nuit même qui suivit le sacre de cet
évêque modèle.
D'ailleurs, Autun et ses vieux monuments ne devaient pas retenir
ongtemps, loin des beautés plus jeunes laissées au Louvre, — et
7 i-
UN HÉRITIER DE TALLEYRAND A BÉNÉVENT 457
quelque peu dans toutes les ruelles de Paris, — cet évêque aux yeux
bleus qu'allaient rappeler, après un mois d'absence cruelJe et de
mandements importuns, de plus chères ouailles el des occupations
plus douces. Envoyé presqu'aussitôt par son clergé à l'Assemblée
générale, il y attend en paix, chez la Grimard et chez ladite dame de
î
^Ç^]>ri.K Pm^CK 4XK i^E^TCI^
Le Prince de Talleyrand. (D'après une estampe.)
Flahaut, cette lettre qui lui donnera la précieuse occasion d'écrire les
suivantes, peu connues, à l'une de ces nombreuses idoles au pied des-
quelles il dit dévotement sa messe du jour et celle de la nuit. Voici
la première de ces lettres, que nous font lire les Archives nationales,
r. 9,14o :
<Tî^iB^rci«^-.
--}^''-*'0»L-
?
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LA PRÉLATURE DK LÉON XIII
\\'
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la barrière du Maine, où le reconnaissant gabelou vécut en paix . , y
mourut même, dit-on.
Ainsi, des romans de ce monde. Celui du malheureux abbé le con-
duisit en boitant à l'autel où, ses vingt-quatre aus étant sonnés, il
reçut la prêtrise et sa première abbaye. Une maigre abbave, qui ne
produisait pas de quoi payer à l'élégant abbé ses rabats de dentelle
et ses fines culottes de soie dont il honora, d'abord, la ruelle de la
duchesse Du Barry. Un jour qu'il s'y tenait tiiste, triste :
— Monsieur l'abbé, comme vous êtes silencieux, lui dit-elle.
— Hélas ! madame, je tais une rélïexiou bien amère.
— Laquelle donc ?
— Ah! madame, c'est qu'à Paris il est plus facile d'avoir des
duchesses que des abbayes.
Pourconsoler la mélancolie d'un abbé si gentil, une deuxième
abbaye fut aussitôt concédée à Maurice de Tallevrand • celle de
Saiut-Denis de Reims, dont les 18,000 livres de rentes lui prouvèrent
eioquemment que, si les femmes valaient peu à Paris, elles y comp-
taieut cependant pour quelque chose. Gomment résister, d'ailleurs,
aux caprices et à la volonté de ce rêveur têtu dont M"'^' de Genlis
avait déjà écrit, douze ans auparavant : « A Sillery, l'arche-
vêque avait amené le jeune abbé de Talleyrand, destiné' à l'état
ecclésiastique et déjà en soutane, quoiqu'il n'eut que douze ou treize
ans. Il boitait un peu. Il était pâle et silencieux ; mais je lui trouvai
un visage peu agréable et un air observateur, qui me frappa». Ce
visage que, dans cette circonstance. M- de Genlis trouva « peu
agréable», était pourtant le même qui commençait déjà à tourner
tontes les têtes à son profit, et qui faisait qu'Arnault, contradictoire-
ment à M'- de Genlis, écrivait dans ses Souvenirs iriui Se.iaijénaire:
«... C'est nue tête d'ange, animée de l'esprit d'un diable ' » Et
ce fut bien cette tête et cet esprit dont la cour s'enchanta et s'endia-
bla, a la ronde, jusqu'à lui faire obtenir un évêché, à 3o ans, du roi
qui n'avait pas osé l'accorder à ce prêtre mignon de roman et qui
le consentit enfin au lit de mort du père de l'abbé. Ainsi, la première
et la dernière faveur de ce père à ce (ils fut, le ^26 janvier 1789 sa
nomination à l'évêché d\\utiin dont Monseigneur de Tallevrand,'--
l'étourdi ! -^ allait oublier l'anneau épiscopal dans la chambre de
la belle M- de Flahaut, la nuit même qui suivit le sacre de cet
évêque modèle.
D'ailleurs, Autun et ses vieux monuments ne devaient pas retenir
ongtemps, loin des beautés plus jeunes laissées au Louvre, — et
UN HERITIER DE TALLEYRAND A BÉNÉVENT 457
quelque peu dans toutes les ruelles de Paris, — cet évêque aux yeux
bleus qu'allaient rappeler, après un mois d'absence cruelle et de
mandements importuns, de plus chères ouailles el des occupations
|)lus douces. Envoyé presqu'aussitôt par son clergé à l'Assemblée
générale, il y attend en paix, chez la Grimard et chez ladite dame de
I»
V
O Ar:i.KPiiï^c^ nF:nE^KVK?,T;>^
Le Prince de Talleyrand. (D'après une estampe.)
Flahaut, cette lettre qui lui donnera la précieuse occasion d'écrire les
suivantes, peu connues, à l'une de ces nombreuses idoles au pied des-
quelles il dit dévotement sa messe du jour et celle de la nuit Voici
la première de ces lettres, que nous font lire les Archives nationales,
F. 9,145 :
k>^'
^•*-
458
LA PRÉLATUiRE DE LÉON XIII
•il
I
A M. LE COMTE DE SaINT-PrIEST, MINISTRE DE LA MaISON DU R
01
Paris, ce iS juillet 1790.
« Monsieur,
(T Je reçois dans Tinstant la lettre par laquelle vous voulez bien
ui annoncer que le Roi a daigné me choisir pour célébrer, demain la
messe à la cérémonie de la Fédération. Je suis très flallé de cet hon-
neur. Je vous le dois, Monsieur, et je vous prie d'en recevoir mes
remerciements.
« Je suis avec respect, Monsieur,
Vous très humble et liés obéissant serviteur,
« L'Év. d'Alton. »
.Je regretterai toujours, a dit Chateaubriand, de n'avoir pas vu
M. deTaileyrand dire la messe servie par l'abbé Louis; comme de
ne pas l avoir vu, le sabre au côté, donner audience à l'ambassadeur
du Grand Turc. » Le spectacle dut, en effet, être remarquable : Tal-
leyrand montant à l'autel, escorté des abbés Louis et Desrenandes
et chucholtant à La Fayette qui le regardait : « Vous savez, vous né
me faites pas rire! » Mais ce qui n'est pas moins remarquable, bien
certainement, c'est la lettre que l'évéque d'.\utun écrivit, le len-
demain de la cérémonie, à la comtesse de Flahanlt. Klle est, de tout
point, édifiante et peint bien le personnage :
IS juillet 1790.
« Madame,
« Si vous avez été aussi contente de votre place à la fête ridicule
d hier, que je lai été de vous voir et de vous admirer où vous étiez
assise, vous devez avoir supporté l'orage avec la môme philosophie
que votre ami. Le duc d'Orléans m'a forcé de venir passer la soirée
chez lui; sans cela, j'aurais été vous voir, hier au soir, pour soulager
mon cœur de tous les ennuis de la journée, et vous parler de choses
qui ont produit des impressions si diverses et si opposées.
« bieyes, en présence de seize pei-sounes, rae demanda, avec le
sourire sardonique que vous lui connaissez, comment j'avais pu
'*;^^ ■■«#*■-
*-«*.--tr •<«« —il
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:,»rr'i»jî*-j«;
S^^î.i^vp.T
UN HÉRITIER DE TALLEYRAND A BÉNÉVENT 459
garder mon sérieux en exécutant si dextrement la bouflTonnerie du
Champs-de-Mars, et de combien de chrétiens, parmi les cent mille
spectateurs, je croyais avoir reçu. le serment national et chrétien —
Je lui déclarai mon i-norance à cet égard. - D'après mon calcul*,
i-epril-d, cela peut aller à cinq cents, y compris le duc d'Orléans'
vous, moi et ceux de notre parti. S'il faut vous dire la vérité ma
chère amie, je crains qu'il n'ait encore exagéré le nombre des fidèles
et, tout philosophe que je suis, je déplore les progrès de l'incrédulité
dans le peuple. Je partage l'opinion de Voltaire. Soit que nous-mêmes
mis croyions en Dieu, soit que nous n'y croyions pas, il serait dan^
gereux pom- loiite société que la multitude pensât que, sans punition
dans ce monde et sans crainte de châtiment dans l'autre, elle peut
voler, empoisonner, assassiner; nous sommes dans un temps où les
doctrines contraires à la morale sont pl.is à redouter que jamais
« Je sais qu'il n'est pas très galant, de la part d'un amant, d'en-^
tretenir sa bien-aimée de rêveries philosophiques; mais à qui pour-
rais-je confier mes pensées les plus secrètes, si ce n'est à vous, qui
êtes au-dessus des préventions et des préjugés de votre sexe.
« J'espère que votre pénétration n'a pas laissé échapper à quelle
divinité j'adressais, hier, mes prières et mon serment de fidélité et
que vous seule étiez l'Être suprême que j'adorais et que toujours
J adorerai. Gomment va votre embonpoint? Votre Charles anra-t-il un
frère ou une sœur, ou est-ce seulement une fausse alarme? Embrassez
votre cher enfant. Je souperai avec vous, demain. Brûlez cette lettre.
« Ch. Mau. Talleyraisd. »
Quel joli cynisme, n'est-ce pas? Les deux suivantes, également
adressées à M-« de Flahaut, forment une trilogie qui pourrait dis-
pe.iser un biographe de s'étendre plus longuement. Mais nous n'écri-
vons pas une biographie. Nous ne produisons que des documents
Ceux-ci ne sont passes moins rejiarquables :
8 novembre 1790.
« Je suis fatigué de toutes les tracasseries relatives au serment
exigé par l'Assemblée. Si mes frères en Jésus-Christ n'étaient pas des
fous. Ils suivraient mon exemple; ils penseraient un peu plus à s'as-
surer en France un sort heureux, et s'embarrasseraient moins des
scrupules de leur conscience et de leurs devoirs envers Rome
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fcd^iu.-;^-...,.
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iiSî3r2*I5^ES~5a3?^;
460
LA PKÉLATURE DE LÉON XHI
« Après tous les serments que nous avons faits et rompus après
avoir tant de fois juré fidélité à une cousiitutiou, à la nation à la
loi, au roi, toutes choses qui n'existent que de nom, qu'est-ce qu'un
nouveau serment signifie? Le pauvre duc d'Orléans a fait ce qu'il a
pu pour envelopper les prélats de l'Église française dans la même
disgrâce que Louis XVI; mais, grâce à la sotlise de mes niais et
fanatiques confrères, il n'aura pas atteint son but, et je doute qu'il
soit déjà en état de récompenser ceux qui l'ont le mieux servi J'ai
passé, hier, six heures avec lui, Mirabeau, Sieyès et Voidel- à mon
retour, j'ai reçu une lettre de L. P., et ce matin, de bonne heure je
me suis rendu chez lui.
« La Cour est en relard; ses offres, pour arriver à arrêter celte
affaire, ou à en changer la direction, sont tellement évasives, qu'on
ne sait vraiment quel parti prendre. Ce qui me contrarie plus que
tout le reste, c'est que ces tergiversations continuelles me tiennent
éloigné de vous...
^janvier 91,
* Il faut que j'arrange mes affaires d'une telle manière qu'en cas
de naufrage je ne me trouve pas sans ressources, sur la côte où la
destinée m'aura fait échouer. J'espère recevoir demain une somme
considérahle que le duc me doit. Cette somme, jointe à ce que je
possède déjà en assignats, nous mettrait à même de vivre dans une
contrée éloignée, si les circonstances venaient à l'exiger...
« Comment avez-vous trouvé la farce d'hier? Les galeries étaient
trop pleines pour qu'il me fût possible de vous parler. Les hypo-
crites! Ils ont vraiment fait un beau chef-d'œuvre! Vous aurez, sans
doute, remarqué combien leurs discours étaient étudiés, leur résigna-
tion affectée. L'impression qu'ils ont produite m'a toutefois empêché
de monter à la tribune, où j'avais bien envie de déchirer leur masque
l's savaient bien qu'ils ne couraient pas grand risque en échangeant
leur mitre épiscopale contre un prétendu martyre; sans cela, lespol-
trons ne se seraient pas montrés si vaillants.
t Ma chère amie, je suis vraiment indigné, quand je pense à la
facilite avec laquelle on peut faire des dupes dans le monde. Les
Upets mâles et femelles leur ont donné de bonnes leçons de supers-
tition ; aussi bien que de certains cardinaux, chez qui le patriotisme
nest certainement pas une vertu cardinale. Je voudrais bien qu'ils
jouassent leur comédie à Rome, et non à Paris où leurs mômeries
UN HÉRITIER DE TALLEYRAND A BÈNÉVENT 461
apostoliques ne sont plus de saison; leur martyre peut, je crois,
marcher de pair avec leur orthodoxie. Tout cela est passé de mode,
et pourtant nous avons encore quelques bonnes gens, bien chrétiens,
assez ignorants pour croire comme croyaient leurs grands-pères!
Quoique toutes ces ridicules affaires m'aient beaucoup causé d'em-
barras, au bout du compte, je n'ai point à m'en plaindre; elles m'ont
été plus profitables que je ne l'espérais. Voilà toutes mes dettes
De xXapIes à Bénévent. — Escalier d'honneur du Palazzo Reale.
débrouillées, et je pourrais acheter la tiare de France ou de Rome,
si elle était à vendre.
«r Brûlez cette lettre.
« Ch. Mau. t. »
Brûler, cette lettre?... Que nennil Et celles que l'édifiant évêque
adressait, presqu'en même temps, en bon prêtre sacrifiant sur plu-
sieurs autels à la fois, - à M- de La Grange, à qui il offrait « ami-
tié, ans, poésie, musique, lectures et promenades nocturnes, étoilées
et quelque'-ois aussi égayées par la douce clarté de la lune » ; — à
M™« de Staël, à qui il se disait « sien pour jamais, de toute son âme »,
dans la même lettre où il lui apprenait, en toute liberté, d'une autre
î'-^^»»»» ^^m.
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LA PHÉLATURE DE LÉON Xlll
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« Après tous les serments que nous avons laits et rompus après
avoir tant de fois juré fidélité à une cousiitutiou, h la .lation, à la
loi, au roi, toutes choses qui n'existent que de nom, qu'est-ce qu'un
nouveau serment signifie? Le pauvre duc d'Orléans a fait ce qu'il a
pu pour envelopper les prélats de l'figlise française dans la même
disgrâce que Louis XVI; mais, grâce à la sotlise de mes niais et
fanatiques confrères, il n'aura pas atteint son but, et je doute qu'il
soit déjà en état de récompenser ceux qui l'ont le mieux servi. J'ai
passé, hier, six heures avec lui, Mirabeau, Sieyès et Voidel • à mon
retour, j'ai reçu une lettre de L. P., et ce matin, de bonne heure je
me suis rendu chez lui.
« La Cour est eu relard; ses oflfres, pour arriver à arrêter cette
aftan-e, ou à eu changer la direction, sont tellement évasives, qu'on
ne sait vraiment quel parti prendre. Ce qui me contrarie plus que
tout le reste, c'est que ces tergiversations continuelles me tiennent
éloigné de vous...
o janvier 01.
« Il faut que j'arrange mes affaires d'une telle manière qu'en cas
de naufrage je ne me trouve pas sans ressources, sur la cote où la
destinée m'aura fait échouer. J'espère recevoir demain une somme
considérable que le duc me doit. Cette somme, jointe à ce que je
possède déjà en assignats, nous mettrait à même de vivre dans une
contrée éloignée, si les circonstances venaient à l'exiger...
« Comment avez-vous trouvé la farce d'hier '/ Les galeries étaient
trop pleines pour qu'il me fut possible de vous parler. Les hypo-
crites! Ils ont vraiment fait un beau chef-d'œuvre I Vous aurez, sans
doute, remarqué combien leurs discours étaient étudiés, leur résigna-
tion affectée. L'impression qu'ils ont produite m'a toutefois empêché
de montiM- à la tribune, où j'avais bien envie de déchirer leur masque
l's savaient bien qu'ils ne couraient pas grand risque en échangeant
leur mitre épiscopale contre un prétendu martyre; sans cela, les pol-
trons ne se seraient pas montrés si vaillants.
« Ma chère amie, je suis vraiment indigné, quand je pense à la
facilite avec laquelle on peut faire .les dupes dans le monde. Les
Upets maies et femelles leur ont donné de bonnes leçons de supers-
tition ; aussi bien que de certains cardinaux, chez qui le patriotisme
nest certainement pas une vertu cardinale. Je voudrais bien qu'ils
jouassent leur comédie à Rome, et non à Paris où leurs mômeries
UN HÉRITIER DE TALLEYRAND A BÈNÉVENT 4G1
apostoliques ne sont plus de saison; leur martyre peut, je crois,
marcher de pair avec leur orthodoxie. Tout cela est passé de mode,'
et pourtant nous avons encore quelques bonnes gens, bien chrétiens,
assez ignorants pour croire comme croyaient leurs grands-pères!
Quoique toutes ces ridicules affaires m'aient beaucoup causé d'em-
barras, an bout du compte, je n'ai point à m'en i)laindre; elles m'ont
été plus profitables que je ne l'espérais. Voilà toutes mes dettes
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De .Naplos à Rénévent. — Escalier d'honneur du Palaz-io Reale.
débrouillées, et je pourrais acheter la tiare de France ou de Rome,
si elle était à vendre.
« Brûlez cette lettre.
« Ch. Mau. t. »
Brûler, cette lettre?... Que nenni! Et celles que l'édifiant évêque
adressait, presqu'en même temps, en bon prêtre sacrifiant sur plu-
sieurs autels à la fois, - à M- de La Grange, à qui il offrait . ami-
tié, arts, poésie, musique, lectures et promenades nocturnes, étoilées
et quelquefois aussi égayées par la douce clarté de la lune » ; — à
3^« de Staël, à qui il se disait « sien pour jamais, de toute son âme »,
dans la même lettre où il lui apprenait, en toute liberté, d'une autre
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462
LA PKÉLATUUË DE LÉON XIII
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femme: * ... Elle parle bien la laague. elle a d.s manières simples
et, ce qui esl fort recommandable ici, elle couche toutes les nuils
avec son uian, (ils n'avaient qu'une chambre). Prévenez de cela
Mathieu et Narbonne; dites-leur bien que c'est un aritcïe essentiel
pour avoir bonne réputation dans le pays. » '
Ainsi, de ce prélat modèle, on disait tant de mal qu'ayant hiî-
même écrit une première fois ses véridiques Mémoires, il en rou-il
le pr-emier et employa le reste de sa vie à en rédiger d'autres —
ceux dont on attendrait oO ans la lecture et dont chaque Irait atté-
nuerait, effacerait, mais trop tard, les vrais premiers Mémoires du
vrai premier Talleyrand que nous possédons, malgré lui-même. Ecou-
tez-le pleurer une dernière fois sa réputation compromise d'abbé
dans le sein grand ouvert de l'attendrie M»« Gentil de Chavagnac \
« Oui, madame, s'il est vrai qu'on chuehole des traits de ma vie
du séminaire, je veux qu'on me les conte. Ils doivent être bien
tristes. Je n'aurai peut-être pas trop d'une si longue existence, pour
oublier et ma première jeunesse et ce temps d'études où je considé-
rais tout avec dépit. On a dit que j'étais paresseux : ce n'a jamais
été vrai. Qu'on interroge plutôt ce pauvre abbé Guélol, qui vit
encore. J'étais l'enfant le plus taciturne qui fût, mais en même
temps, le plus ouvert aux leçons des maîtres et j'apprenais, comme
en me jouant. Je me revois dans ma petite culotte et mon petit man-
teau de soie noire, me promenant dans la grande cour sur les mui*s
de laquelle je me plaisais à lire des dates, creusées au couteau.
Plus tard, quand j'étudiais en Sorbonne, l'abbé Bourlier me raconta
qu'étant venu, certain jour, à Saint-Sulpice, il avait remarqué un
adolescent qui se promenait seul, dans un coin du jardin. « Je gage-
rais maintenant que c'était vous d, me dit-il. Il est certain que si
quelq.i'un aima la solitude et fréquenta peu ses ca.narades, ce fut
moi. Je faisais mon petit Bonaparte taciturne, au sémiiiaire. Je
m étonne de n'y avoir pas été détesté. Il y a trente ans, on eût cer-
tainement retrouvé sur un coin de mon mur des vers, qui alors
eussent passé pour voltairiens. Aussi mon oncle m'assurait-il que
je ferais un vilain petit abbé de Périgord. Je n'y ai pas manqué.
<^ Il faut qu'on ait bien envie de dire des folies, pour supposer
quelque intrigue à un enfant qui allait entrer dans sa dix-huitième
année. A Saint-Sulpice, nous ne savions guère ce qu'est une femme,
bien qu'on nous laissât parfois assez de liberté. Lors des fêles du
mariage, (je venais d'arriver au séminaire), on nous permit d'aller
jouir du beau feu d'artifice; et, comme nous nous étions égarés dans
-«i^t^-^a^
■^^r--m^. '•'•-
UN HÉRITIER DE TALLEYRAND A BÉNÉVENT 463
la foule, je me trouvai seul avec un condisciple de mon âge, qui
m'entraîna dans un bal, puis d'autres lieux. Des femmes voulurent
nous griser; mais je m'échappai, je courus tout d'une traite jusqu'à
Saint-Sulpice, où je reçus une sévère réprimande de notre vénérable
directeur qui, par la suite, me témoigna tant d'affection. C'est peut-
être là Tunique péché que j'aie commis au séminaire contre le neu-
vième commandement, et vous avouerez qu'il est véniel.
« Mais, Madame, ceux qui ont feuilleté mes confessions savent que
je ne perds pas mon temps ni mon encre, à rappeler ces bagatelles.
Ils n'auraient pas à s'y arrêter. Je les ai écrites (et j'y travaille
encore) non pour amuser la postérité, qui se souciera peu de nous,
mais afin de trier pour moi-même le peu de bien que j'ai pu faire et
de détruire, en même temps, de sottes légendes et de plus sots pré-
jugés. Que si l'on me croit un autre mobile, on sera grandement désa-
busé. Dans une démocratie, les actes des hommes placés au pouvoir
par les événements ou par leurs talents n'ont rien de secret pour le
plus humble des citoyens, et leurs mémoires ne sauraient être
qu'une aride récapitulation de l'histoire elle-même. Mais à quoi bon
répéter cela, comme cent fois je l'ai fait, puisqu'on veut à tout prix
que ces Mémoires contiennent des révélations à chaque page ? On
croit que je me joue, et je m'en défends vainement. J'ai fait, il y a
quelques années, cette réponse à feu l'abbé de Montgaillard, qui
m'interrogeait sur un point controversé : « Ouvrez le Moniteur^ tel
tome, telle page. « Il m'a cru piqué contre lui, ce qui n'avait rien
d'extraordinaire, car il m'a calomnié de reste; et pourtant je ne
savais rien déplus que le Moniteur \... Je ne suis pas Asmodée,
heureusement pour moi, car souvent il devait voir de bien laides choses.
« On a donc menti à M""® de B..., qui a cru sur parole des récits
imaginés. Désormais, vous vous tiendrez sur vos gardes, madame, du
moins je veux bien le croire. — N'est-on pas allé vous dire aussi
que j'avais été, à Londres entre autres, l'amant de M"** Gosway, que
vous avez connue? On vous le dira, soyez-en sûre, car on l'a lu.
Chacun l'affirme en Angleterre, et je serais mal venu d'oser le nier.
« Bon Dieu î quelle longue lettre ! Ce sont de véritables Mémoires
que je vous écris là. Madame. Eh bien, oui, ce sont mes Mémoii^es^
et pour vous seulement. Puisque vous avez lu le fatras de ceux qu'on
me prête, et qui sont l'œuvre de plaisants, vous lirez ceux-ci jus-
qu'au bout. Ce sera votre pénitence.
Agréez l'assurance de mon hommage respectueux.
t Talleyrand. »
l'.l
^
liîî
:
464
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
Malgré ses confessions tardives, le constitutionnel Talleyrand
n'aura rien fait pour mériter à son épiscopat la canonisation, ni la
réhabilitation des calomnies à sa jeunesse galante. Mais, si le mar-
tyrologe des saints lui refuse une page où inscrire sans souillure
son nom, ne lui reste-t-il pas l'histoire des politiques dont les
papiers plus accessibles pourront, du moins, enregistrer les faits et
gestes de cet évêque défroqué et de ce ministre revêtu du manteau
et des pouvoirs diplomatiques où nous le verrons évoluer, d'une
désinvolture bien curieuse et sur le témoignage de documents iné-
dits, — incroyables presque.
Laissons donc passer, dans l'élégante chaise qui le porte et dans
le manteau bleu où se perd sa fine taille de bluel, ce délicat abbé
dont le peintre Ysabey avait croqué la délicate silhouette, à la sort e
des États Généraux ; ce Talleyrand à l'œil rôveiir, dont la voix forte,
— chose étrange! — n'en dit pas moins brutalement à ses laquais
étonnés de porter un tel mâle :
— Rue de Varennes, au Ministère des Relations extérieures !
Ainsi, l'abbé charmant au profil si fluet, a déjà déposé, dans un
coin d'antichambre du Ministère des Relations extérieures, son man-
teau bleu, sa canne et son faux air de mystique prélat; et, de cette
voix forte qui a fait s'envoler aussitôt toutes les illusions, comme des
papillons légers, Talleyrand a demandé aux ci-devant citoyens de la
Révolution française l'honneur de gérer leurs at!'aires. Que M"'" de
Staël, l'amie de tout grand homme, devine celui-ci et l'introduise au
Directoire; que Bonaparte partant, sans un sou, pour l'Egypte,
emprunte cent m»lle francs à cet habile homme d'aflfaires qui vient
de faire en Amérique sa fortune, avec l'argent des autres; sur ce
terrain, ainsi préparé pour la germination instantanée, l'habile agro-
nome de Boston et de Philadelphie peut jeter sa semaille sur la terre
de France qui ne demande qu'à produire des hommes, au lendemain
de Thermidor, et qui, d'un jet subit, va enfanter ses (|eux maître? :
Napoléon et Talleyrand.
L'histoire a tout appris sur le génie militaire et primesautier du
premier; elle n'a pas tout révélé encore de l'esprit diplomatique et
raisonné du second. L'un fut l'agent de l'autre, (et ce ne fut presque
jamais le ministre qui le fut de son empereur). Par conséquent, le
responsable de maints crimes ne fut pas celui qui les exécuta, mais
bien plutôt celui qui les fit faire. Un exemple confirmera ce juge-
ment, et nous n'ajouterons rien au chapitre que M. Jean Gorsas nous
UN HÉRITIER DE TALLEYRAND A BÉNÈVENT 46'>'
a fait lire depuis, dans son livre, sur l'assassinat politique du duc
d'Enghien.
Le 14 mars 1804, à cinq heures du matin, dans le petit village
\^
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De iNdpies à Bénévent. — Une rue du popolino.
d'Kltenheim, un jeune homme est en habit de chasse et va sortir. A
la môme heure, un homme d'âge mûr, en veste de valet de poste, se
présente devant cette porte grande ouverte et, au mépris des lois de
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LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
Malgré ses confessions tardives, le constitutionnel Talleyrand
n'aura rien fait pour mériter à son épiscopat la canonisation, ni la
réhabilitation des calomnies à sa jeunesse galante. 3Iais, si le mar-
tyrologe des saints lui refuse une page où inscrire sans souillure
son nom, ne lui resle-t-il pas l'histoire des politiques dont les
papiers plus accessibles pourront, du moins, enregistrer les faits et
gestes de cet évêque défroqué et de ce ministre revêtu du manteau
et des pouvoirs diplomatiques où nous le verrons évoluer, d'une
désinvolture bien curieuse et sur le témoignage de documents iné-
dits, — incroyables presque.
Laissons donc passer, dans l'élégante chaise qui le porte et dans
le manteau bleu où se perd sa fine taille de bluet, ce délicat abbé
dont le peintre Ysabey avait croqué la délicate silhouette, à la sort e
des États Généraux ; ce Talleyrand à l'œil rêveur, dont la voix forte,
— chose étrange! — n'en dit pas moins brutalement à ses laquais
étonnés de porter un tel mâle :
— Rue de Varenries, au Ministère des Relations extérieures !
Ainsi, l'abbé charmant au profil si fluet, a déjà déposé, dans un
coin d'antichambre du Ministère des Relations extérieures, son man-
teau bleu, sa canne et son faux air de mystique prélat; et, de cette
voix forte qui a fait s'envoler aussitôt toutes les illusions, comme des
papillons légers, Talleyrand a demandé aux ci-dcNant citoyens de la
Révolution française rhoiineur de gérer leurs atî'aires. Que M""' de
Staël, l'amie de tout grand homme, devine celui-ci et l'introduise au
Directoire; que Ronaparte partant, sans un sou, pour l'Egypte,
emprunte cent mille francs à cet habile honmie d'affaires qui vient
de faire en Amérique sa fortune, avec l'argent des autres; sur ce
terrain, ainsi préparé pour la germination instantanée, l'habile agro-
nome de Roston et de Philadelphie peut jeter sa semaille sur la terre
de France qui ne demande qu'à produire des hommes, au lendemain
de Thermidor, et qui, d'un jet subit, va enfanter ses deux maître^ :
Napoléon et Talleyrand.
L'histoire a tout appris sur le génie militaire et primesautier du
premier; elle n'a pas tout révélé encore de l'esprit diplomatique et
raisonné du second. L'un fut l'agent de l'autre, i^et ce ne fut presque
jamais le ministre qui le fut de son empereur). Par conséquent, le
responsable de maints crimes ne fut pas celui qui les exécuta, mais
bien plutôt celui qui les fit faire. Un exemple confirmera ce juge-
ment, et nous n'ajouterons rien au chapitre que M. Jean Gorsas nous
\
UN IIÉHITIEU DE TALLEYRAND A BÉNKVENT
46
a fait lire depuis, dans son livre, sur l'assassinat politique du duc
d'Knghien.
Le 14 mars 1804, à cinq heures du matin, dans le petit >illa're
De Aapies à Béiiévent. — Une rue du popoli
no.
d'Ettenheim, un jeune homme est en habit de chasse et va sortir. A
la même heure, un homme d'âge mûr, en veste de valet de poste, se
présente devant cette porte grande ouverte et, au mépris des lois de
30
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460
LA PRÉLATURE DE LEON XIII
riiospitalilé en général et de celles du graiid-diiché de Bade en parti-
culier qui rendait inviolables les étrangers, ses hôles, — cet homme,
ce valet, ce faux duc arrête ce vrai prince, au nom d'un Souverain
nouveau venu de qui relèvent seuls les aventuriers, ses contViM'es et
coopérateursd'uii Empire à consolid(M',uue fois bâti de toutes bribes.
Celui-ci est H''nri de Bourbon, et celui-là de Caulaincourl; le pre-
mier, duc d'Enghien; le dernier, duc de Vicence. I/un est l'heureux
fiancé de la princesse de Bohan-Rochefort, dont l'amoureuse pensée de
jeumî fille blonde remplit le cœur de son fier chevalier de trente ans;
l'autre n'est qu'un transfuge des rois Bourbons ([ui l'ont fait noble et
dont il vient saisir un des fils, — prétendant de l'Amour plutôt que
de la France, — au bénéfice du conquérant usurpateur et de son
ambitieux ministre qui, pour une couronne, vont risquer deux hon-
neurs.
Les quelques documents que nous donnons ici, (et deux d'entre eux
n'avaient pas encore été publiés;, seront cerlainement lus avec inté-
rêt. S'ils ne jettent pas un jour nouveau sur cette mystérieuse exécu-
tion, après les études consciencieuses que Boulay delà iVIeurtheelWels-
chinger en ont faites, du moins ils prouvent indéniablement la part
considérable de Talleyrand en cette affaire. « L'opinio!i publique, dit
M. Welschinger, excitée par l'arrestation de George, paraissait deman-
der une répression sévère. Ceux qui faisaient le plus montre d'indi-
gnation étaient Talleyrand et Fouché. Ces deux rusés avaient l'air de
prendre au sérieux les rodomontades des émigrés; ils poussaient le
Premier Consul, ce qui était alors facile, à se montrer inexorable.
Talleyrand surtout, qui craignait pour sa propre sûreté, car il n'aurait
pas été impossible de découvrir nue correspondance secrète, engagée
entre lui et Louis XVHL II avait tout intérêt à laisser frapper un coup
révolutionnaire... »
La complicité directe de Talleyrand est flagrante. C'est chez lui que,
dans l'après-midi du 20 mars, fut dirigée la chaise de poste contenant
le duc d'Enghien. Entre trois et quatre heures, il s'étaii rendu chez
Béai, pour rédiger, de concert avec lui, l'ordre à Murât ci-dessous :
» .-
UN HÉRITIER DE TALLEYRAND A BÉNÉVENT 467
N- 4.
5* Division
POLICE SECRBTE
99 ventôse à 4 heures du soir.
Au général en chef, Murât, gouverneur de Paris,
« Général,
« D'après les ordres du Premier Consul, le duc d'Enghien doit être
conduit au château de Vincennes où les dispositions sont faites pour
le recevoir. Il arrivera probablement, cette nuit, à cctie destination. Je
vous prie de faire les dispositions qu'exige la sûrelé de ce détenu, tant
à Vincennes que sur la route de Meaux, par laquelle il vient.
« Le Premier Consul a ordonné que le nom de ce détenu et tout ce
qui lui sei-ait relatif fût tenu très secret. En conséquence, l'officier
chargé de sa garde ne doit le faire connaître à qui que ce soit ; il
voyage sous le nom de Plessis. Je vous invite à donner de votre côté
les instructions nécesssaires pour que les intentions du Premier Con
sul soient remplies.
« Béal et Talleyr\!sd. »
^A
I i
5* Division
POLICE SECRÈTE
29 ventôse, an XII, 4 heures 1/2,
N«
Au citoyen Hurel, commandant du château de Vincennes.
« Un individu dont le nom ne doit pas être connu doit être conduit
dans le château dont le commandement vous est confié. Vous le pla-
cerez dans l'endroit qui est vacant en prenant les précautions conve-
nables pour sa sûrelé. L'intention du goiivernement est que tout ce
qui lui sera relatif soit tenu très secret et qu'il ne lui soit fait aucune
question sur ce qu'il est et sur les motifs de sa détention. Vous-même
devrez ignorer qui il est. Vous seul devez communiquer avec lui et
vous ne le laisserez voir à qui que ce soit, jusqu'à nouvel ordre de ma
part. Il est probable qu'il arrivera, cette nuit. Le Premier Consul
fil
468
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
compte, citoyen Commandant, sur votre discrétion et votre exactitude
à remplir ces différeiites dispositions.
« Real et T\li.eyrand. »
Les documents suivants achèveront de mettie hors de doute cette
intervention personnelle, que Talleyrand nia si iniperlurhablemcut
jusqu'à ses derniers jours. C'est, d'abord, une lettre de lui à Bonaparte.
Le Premier Consul l'avait entretenu, le 7 mars, des conspirations qui
paraissaient se tramer, et le ministre s'empressait de lui donner un
conseil :
Au général Bonaparte^ Premier Consul,
« J'ai beaucoup réfléchi à ce que vous m'avez fait l'honneur de me
dire, hier. La forme du gouvernement qui nous régit est la plus appro-
priée aux mœurs, aux besoins, aux intérêts de notre pays. Mais ce
qu'on ne sent pas assez en France et même en Europe, c'est que cet
ordre de choses si précieux lient uniquement à voire personne, qu'il ne
peut subsister et se consolider que par elle. Les convictions à cet
égard seraient même à peu près unanimes, si quelques intrigants
malintentionnés n'avaient l'art de semer continuellement des bruits qui
tendent à faire croire que vos idées ne sont pas si complètement arrê-
tées, que vous pourriez tourner vos regards vers l'ancienne famille
régnante.
« Ils vont même jusqu'à donner à entendre que vous pourriez vous
contenter du rôle de Monk. Cette supposition, répandue avec une
grande perfidie, fait le plus grand mal. Voilà qu'une occasion se pré-
sente de dissiper toutes ces inquiétudes. La laisserez-vous échapper?
Elle vous est offerte par l'affaire qui doit amener devant les tribunaux
les auteurs, les acteurs et les complices de la conspiration récem-
ment découverte. Les hommes de Fructidor s'y retrouvent avec les
Vendéens, qui les secondent. Un prince de la maison de Bourbon les
dirige. Le but est évidemment l'assassinat de votre personne. Vous
êtes dans le droit de la défense personnelle. Si la justice doit punir
rigoureuseument, elle doit aussi punir sans exception. Réfléchissez-y
bien.
« Gh. Mau. Talleykand. »
5 j
'â- i
Evidemment, quand on se trouve en présence d'un document de celte
gravité, si nettement accusateur, l'impartialité doit plaider en faveur
UN HÉRITI DE TALLEYRAND A BÉNÉVENT 46&
de l'accusé. Il faut faire une enquête, s'assurer d'autre part. C'est ce
qu'a fait, par exemple, M. Welschinger. Faux, ce document? Allons
donc! Que M. d'Haussonville fasse taire ses scrupules. « J'ai eu sous
les yeux, dit M. de Méneval, une lettre du prince de Talleyrand, en
date du i7 ventôse an Xil (8 mars 1804). J'ai reconnu à l'instant
cette lettre, écrite sur une feuille double de papier tellière, qui est
tout entière de la main de M. de Talleyrand, et signée par lui. Elle
avait passé par mes mains, lorsqu'elle fut adressée au Premier Con-
sul. Elle portait en substance que son auleuravail réfléchi sur l'objet
De Naples à Bénévent. — Autour du Vésuve.
de l'entretien qu'il avait eu l'honneur d'avoir, la veille, avec le générai
Bonaparte ; que les Français aimaient son gouvernement..., que le
salut de l'État demandait que tous les conspirateurs fussent atteints
sans exception. »
Chateaubriand qui, le jour même de l'exécution du duc d'Enghien,
adressa à Talleyrand sa démission de ministre plénipotentiaire dans
le Valais, dit à son tour : « J'ai tenu dans mes mains et lu de mes
yeux une lettre de M. de Talleyrand. Elle est datée du 8 mars 1804,
et relative à l'arrestation non encore exécutée de M. leducd'Enghien.
Le ministre invite le Consul à sévir contre ses ennemis. » Le hasard
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t»
I
468
LA PRÉLATLRE DE LÉON XIII
compte, ciloyen Commandant, sur votre discrétion et voire exactitnde
à retnplir ces dittéreiites disposilions.
« Real et Tallkyiiam). »
Les documents suivants aclièveront de mettre hors de doute celle
intervention personnelle, que Talli'vrand nia si imperturbablement
jusqu'à ses derniers jours. C'est, d'abord, une lettre de lui à Bonaparte.
Le Premier Consul l'avait entretenu, le 7 mars, des conspirations (jui
paraissaient se tramer, et le ministre s'empressait de lui donner un
conseil :
Au général lUmaparle^ Premier Consul.
(( J'ai beaucoup rélléclii à ce que vous m'avez fait l'iioinieurde me
dire, hier. La forme du gouvernement qui nous régit est la plus appro-
priée aux mœurs, aux besoins, aux intérêts de notre pays. Mais ce
qu'on ne sent pas assez en France et même en Kurope, c'est que cet
ordre de choses si précieux tient uniquement à voire personne, qu'il ne
peut subsister et se consolider que par elle. Les convictions à cet
égard seraient même à peu près unanimes, si (inebpies intrigants
malinlenliotinés n'avaient l'art de semer continuellement des bruits qui
tendent à taire croire que vos idées ne sont pas si complètement arrê-
tées, que vous pourriez tourner vos regards vers l'ancienne famille
régnante.
« Ils vont même jusqu'à donner à entendre que vous pourriez vous
contenter du rôle de Monk. Cette supposition, répandue avec une
grande perfidie, fait le plus grand mal. Voilà iprune occasion se pré-
sente de dissiper toutes ces inquiétudes. La laisserez-vons échapper?
Elle vous est otVerte par l'atYaire qui doit amener devant les tribunaux
les auteurs, les actmrs et les complices de la (conspiration récem-
ment découverte. Les hommes de Fructidor s'y retrouvent avec les
Vendéens, (pii les secondent. Un [)rim'e de la maison de lîourlxm les
dirige. Le but est évidemment l'assassinat de votre personne. Vous
êtes dans le droit de la défense personnelle. Si la justice doit punir
rigoureuseument, elle doit aussi punir saus exception. Uélléchissez-y
bien.
« Gh. MaU. TALLEYUA>iD. »
Evidemment, quand on se trouve en présence d'un document de celte
gravité, si nettement accusateur, l'impartialité doit plaider en faveur
[
UN HÉRITI DE TALLEYRAND A BÉNÉVENT 4GÎ)
de l'accusé. Il faut faire une enquête, s'assurer d'autre pai't. C'est ce
qu'a fait, par exemple, M. Welschinger. Faux, ce document? Allons
donc! Que M. d'Haussonville fasse taire ses scrupules. « J'ai eu sous
les yeux, dit >L de iMéneval, une lettre du prince de Talleyrand, en
date du 17 ventôse an XII (8 mars 180 i). J'ai reconnu à l'instant
cette lettre, écrite sur une feuille double de papier tellière, qui est
tout entière de la main de M. de Talle\rand, et signée par lui. Elle
avait passé par mes mains, lorsqu'elle fut adressée au Premier Con-
sul. Elle portait en substam'c que son auleui'avait rélléclii sur l'objet
De Aapies à Dénévent. — .\utour du Vésuve.
de l'enlretien (pi'il avait eu l'honneur d'avoir, la veille, avec le général
Bonaparte ; que les Français aimaient son gouvernement..., que le
salut de l'État deujandait (lue tous les conspirateurs fussent atteints
sans exception. »
Chateaubriand qui, le jour même de l'exécution du duc d'Enghien,
adressa à Talleyrand sa démission de ministre plénipotentiaire dans
le Valais, dit à son tour : « J'ai tenu dans mes mains et lu de mes
yeux une lettre de M. de Talleyrand. Elle est datée du 8 mars 1804,
et relative à l'arrestation non encore exécutée de M. ieducd'Enghien.
Le ministre invite le Consul à sévir contre ses ennemis. » Le hasard
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470
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
a beau se prêter à bien des surprises, il n'est pas admissible que deux
hommes, éloignés l'un de l'autre, aient eu la même hallucination rela-
tivement à l'existence de la lettre de Talleyrand à Bonaparte. L'exis-
tence de cette pièce ne saurait donc être mise en doute bien sérieuse-
ment. Les quelques pièces qui suivent achèveront, d'ailleurs, d'ap-
porler la conviction.
Paris, le 11 mars 1804.
A iW. le baron d'Edehheimy ministre d'Etat, à Carslrulie.
« Monsieur le baron, je vous avais envoyé une note dont le contenu
tendait à requérir l'arrestation du comité d'émigrés français siégeant
à Off'enbourg, lorsque le Premier Consul, par l'arrestation successive
des brigands vomis en France par le gouvernement anglais, comme
par la marche et les résultats des procès qui sont instruits ici, reçut
connaissance de toute la part que les agents anglais à Offeiibourg
avaient prise aux terribles complots tramés contre sa personne et
contre la sûrelé de la France.
« Il a appris, de même, que le duc d'Engbien et le général Dumou-
riez se trouvaient à Ettenheim ; et, comme il est impossible qu'ils se
trouvent en cette ville sans la permission de S. A. El., le Premier
Cousul n'a pu voir sans la plus profonde douleur qu'un prince, auquel
il lui avait plu de Tiira éprouver les effets les plus signalés de son
amitié envers la France, pût donner asile à ses ennemis les plus
cruels, et leur laissât ourdir tranquillement des conspirations aussi
inouïes.
€ En cette occasion si extraordinaire, le Premier Consul a cru de-
voir donner à deux petits détachements l'ordre de se rendre à Offen-
bourg et à Etienheim pour y saisir les instigateurs d'un crime qui,
par sa nature, met hors du droit des gens tous ceux qui manites-
temcnt y ont pris part. C'est le général Gaulaincourt qui, à cet égard,
est chargé des ordres du Premier Consul. Vous ne pouvez pas douter
qu'en les exécutant, il n'observe tous les égards que S. A. peut dési-
rer. Il aura l'honneur de remettre à V. Exe. la lettre que je suis
chargé de lui écrire.
« Recevez, Monsieur le baron, l'assurance de ma haute estime.
«Ch. M. Talt.eyiiaisi).
^
UN HÉRITIER DE TALLEYRAND A BÉNÉVENT 471
t Pam, ?i venlôse an XU {12 mars J804)
a Général,
« J'ai l'honneur de vous adresser une letlre pour le baron d'Edels-
heim, ministre principal de l'Electeur de Baden. Vous voudrez bien
la lui faire parvenir, aussitôt que votre expédition d'Offenbourg sera
consommée. Le Premier Consul me charge de vous dire que, si vous
n'étiez pas dens le cas de faire entrer des troupes dans les Etats de
l'Electeur et que vous appreniez que le général Ordener n'en a point
fait entrer, cette letlre doit rester entre vos mains et ne pas être
remise au n)inistère de l'Electeur.
« Je suis chargé de vous recommander particulièrement de faire
prendre et de rapporter avec vous les papiers de M""^ deReich.
« J'ai rhûnnour de vous saluer.
» Ch. Mau. Talleyrand. »
Au général Levai.
Dépêche de Talleyrand à M. de Champagny
« Mars 180f
a 11 paraîtrait, d'après les renseignements acluels, que le plus
grand nombre des princes s'est contenté d'autoriser, d'exciter, d'écrire,
d'attendre; et qu'un seul, le duc d'Engbien, a prostitué le courage
qu'il avait montré dans quelques occasions, au danger de suivre de
plus près et de seconder l'accomplissement du crime, et à l'espérance
d'en recueillir les fruits. Quoi qu'il en soit, il a été pris dans un ras-
semblement armé, pour ainsi dire, à la vue des forteresses fran-
çaises, et il a été jugé militairement. La France, depuis longtemps
accoutumée à ne mettre, ni parmi ses amis, ni parmi ses ennemis,
d'autre distinction que celle qui naît de la puissance conféré par le?
lois, des qualités de l'àme, des talents de l'esprit et du bon usage
qu'on en fait, n'a vu dans cette circonstance qu'une peine appliquée
à un délit que la sûreté des frontières et les lois de la guerre pres-
crivent égalemeiit de punir. »
Enfin, pour en finir avec l'aflfaire du duc d'Engbien, voici encore
si
m
K«:«f -.*...
472
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
deux lettres curieuses, l'une et Lami-e contresignées par Talleyrand,
et dont la première lui est adressée :
ff Novembre 1804.
« Monseigneur,
<c Ayant écrit sans réponse ù M. Miot, conseiller d'Etat, chargé
de la police du 2^ Arrondissement de l'Empire, j'ai l'honneur de vous
exposer très humblement que mon fils Joseph Galonné a été arrêté à
Ettenheim avec le ci-devant duc d'Eiighien, au service duquel il était
attaché en qualité de valet de pied ; et que, depuis ce moment, consé-
quemmerit près de huit mois, il gémit dans les prisons de Stras-
bourg.
« La suppliante, qui a perdu quatre enfants au service de la Répu-
blique, n'a plus que celui-là sur lequel elle peut compter dans sa
vieillesse. Lui seul est capable de la secourir. Daignez donc, mon-
sei.^neur, lui faire la grâce de vous intéresser à son malheureux
sort, ainsi qu'à celui de son pauvre fils, en ordonnant son élargis-
sement. « Elle l'attend pour l'embrasser une dernière fois, avant de
l'envoyer chez un ancien maître qui veut bien le reprendre à son sei vice.
« Votre très humble servante,
« Veuve Caloinise. »
NOTE DE LA MAIIN DE TALLEYRAND
« Renvoyer à la division de la « liberté individuelle » celte pétition
ayant pour objet l'élargissement d'un s*îrviteur du ci-devant due
d'Enghien. — Ch. Mau. Talleyrand. »
« Le 11 janvier I80L
« A Son Excellence le Ministre de la police générale de V Empire,
« J'ai l'honneur de rendre compte à Votre Excellence de la récla-
mation formée en faveur du sieur Weinborn, ancien grand-vicaire du
diocèse de Strasbourg, au delà du Rhin, tendant à obtenir la per-
mission de se fixer dans cette ville. Le sieur Weinborn était
secrétaire du feu cardinal de Rohan, évêque de Strasbourg, son
homme de confiance. Il fut arrêté à Ettenheim, lors de l'affaire du duc
d'Enghien, amené à Paris et détenu au Temple, pendant huit mois;
f)
UN HÉRITIER DE TALLEYRAND A BÉNÉVENT 475
mis ensuite en liberté, par décision de Votre Excellence du 28 bru-
maire, an XII (etc.). »
Suit une note de la main de Weinborn, se terminant par ces-
mots : « J'ai accepté avec empressement le nouveau Concordat, et j'y
ai adhéré du fond de mon âme. — Weinborn, vicaire général. »
Note de la main de Talleyrand à qui Fouché dut, sans doute,,
communiquer cette pièce :
« Laissez donc allez ce vieux fou. — T. P. de Rénévent. »
L'histoire ne dit pas si ce Weinborn relâché ne préféra point rester
toute la vie fou, plutôt que d'être un assassin. A coup sûr, Talleyrand,
coupable et convaincu de ce crime, est responsable de cette parole —
la sienne — celle qui, loin d'être un trait d'esprit, n'est qu'un poignard
sanglant perçant à son tour le véritable assassin du duc d'Enghien,
dont Talleyrand plaignit par ces mots, l'injuste mort :
— Ce fut plus qu'un crime; ce fut une faute!
Mais à combien de fautes aussi énormes, dont celle-ci était à peine
la première, ce ministre néfaste allait vouer sa vie trop longue et son
nom immortel, parmi les noms odieux des plus célèbres politiques
et des plus remarquables bandits?
Si Ton n'a de place dans la vie que celle qu'on y prend, et dans
l'histoire que celle qu'on y laisse, il est à craindre que Talleyrand
n'ait usé de toute sa grandeur dans la première que pour abuser,
dans la seconde, de toute sa petitesse. Telle est, du moins, l'impres-
sion pénible qui se dégage de la lecture ennuyeuse des quatre épais-
volumes des Mémoires de cet homme, où il réédite de vieux papiers
d'affaires générales déjà connus, et non des souvenirs particuliers et
ignorés encore. Chose étrange pourtant, que cette confession d'un
diplomate^ dont la situation considérable pendant les trente dernières
années du dix-huitième siècle et les premiers trente ans du dix-neu-
vième, aurait pu prêter aux révélations les plus intéressantes. Mais, si
bien commencée avec unpremier livre écrit sur son adolescence par
un pur gentilhomme de naissance et de littérature, elle s'arrête là,
net. Talleyrand ne poursuivra son récit que comme un insipide
fureteur de cartons verts et comme un soporifique ministre des
Relations extérieures... mais intérieures, que non pas !
— Il faut se garder des premiers mouvements, parce qu'ils sont
" il
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'If '^\1'»j»nwiy>*i»ijiij^ii V.»
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474
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
I
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presque toujours honnêtes ! avait écrit, un jour, cet heureux débu-
tant et ce néfaste finisseur, qui avait ajouté en une autre circonstance :
« Après l'affection que je me porte, les autres sont inutiles ! » et qui
«e fût certes gardé, après avoir si bien fait ses affaires, de faire un
peu celles de ses malheureux éditeurs. Quant aux affaires de Talley-
rand, vous savez ce que, de son temps déjà, Napoléon en pensait :
— Voyons, Talleyrand, lui demanda un jour lempereur, la main
sur la conscience, combien avez-vous gagné avec moi ?
— Le chiffre que vous me demandez est comme celui de l'âge
d'une femme, qui n'avoue que l'âge des autres.
— N'aurait-elle pas intérêt à dire la vérité ? En la dissimulant,
elle s'expose à être vieillie, comme vous à être chargé par la cava-
lerie de Saint-Georges d'Angleterrp.
— Eh bien! Sire, en bloc, soixante millions.
— Ce ne serait pas trop cher, ajouta Napoléon, si le chiffre
était vrai.
Un autre chiffre tout aussi vrai fut, parmi les cent autres chiffres
dont les Mémoires de Talleyrand ne disent rien, celui qu'il avoua
encore après la compétition au trône de Naples, par Ferdinand et
par Murât :
— Comme avocat, je reçus de chacun de ces deux clients
1,250,000 francs. Mais Ferdinand y ajouta une nouvelle investiture
de la principauté de Bénévenl, et le duché de Dino ; ce qui tit pen-
cher la balance de son coté. Vœ viciis !
Vœ viclis !... et tant pis pour le malchanceux éditeur de ces insup-
portables Mémoires. Et connais.sait-il si peu l'histoire que, malgré
elle, il se soit confié à son auteur suspect? Avant de prendre pour des
œuvres littéraires les écrits qu'aurait laissés Talleyrand, que n'avail-on
plutôt consulté les souvenirs de ceux qui entendirent le fin Laubarde-
ment de cette époque moins écrivassière et moins bavarde même que
la nôtre, dire à maintes reprises ces mots qui valent bien des Mémoires,
après tout, mais à la condition qu'on les retienne :
— Les oies font assurément moins de sottises, qu'on n'en écrit
avec leurs plumes.
— Un long discours n'avance pas plus les affaires, qu'une robe
■traînante n'aide à la marche.
— Celui qui ne comprend pas un regard, ne comprendra pas davan-
tage une longue explication.
— Les hommes discrets parlent sans qu'on leur demande ce qu'ils
ont à dire; ils ne répondent jamais.
4
*.v
UN HÉRITIER DE TALLEVRANT A BÉNÉVENT 475
— L'homme est une intelligence contrariée par des organes.
— La parole a été donnée à l'homme pour déguiser sa pensée.
— On ne va jamais si loin que lorsque l'on ne sait pas où l'on va.
— Ne dites jamais de mal de vous; vos amis en diront toujours
assez.
— Toute révél.itioM d'un secret est la faute de celui qui l'a confié.
— L'inertie est une vertu; l'aclivilé est un vice. On doit être
actif, quand l'occasion passe; on peut être paresseux et nonchalant,
quand on l'attend.
— Tout ce qu'on dit sera répété, tout ce qu'on écrit sera publié,
et tout se retournera contre vous.
— Rœderer est chargé de la Constitution cisalpine. Il préparc
deux projets : l'un court et clair, l'autre détaillé et confus, qu'il m3
soumet. Il tenait pour le premier, disant qu'une Constitution doit être
courte : — Oui, c'est bien cela, Rœderer; courte et obscure.
Les Mémoires de Talleyrand sont un peu plus longs que la Consti-
tution de Rœderer, sans être plus explicatifs. Et voilà pourquoi,
pauvre éditeur, votre fille est muette. Et plût à Dieu que se tût tout à
l'ait celte fille, plus vicieuse que les vieilles, dès vingt-cinq ans où
nous avons vu Talleyrand, nommé à l'évêché d'Autun, oublier son
anneau et sa barrette dans la chambre à coucher de la comtesse de
Flahaut. 11 est vrai que, si le futur général de Flahaut n'était pas
né de cette faute, la reine Hortense n'eût pu permettre, plus tard, au
comte de Morny de s'appeler le frère de Napoléon IIL C'est ce qui
prouve, comme eût dit encore Talleyrand avec sa langue de libertin
exquis, que toute faute reçoit ici -bas sa récompense.
— Tenez, vous n'êtes que de la boue dans un bas de soie ! lui dit
un jour Napoléon.
Si encore ce joli polisson eût osé répondre à l'Empereur aussi
vicieux, mais plus violent que son ministre :
— Je suis ce bas de soie, vous êtes l'autre; les deux font la paire.
Il aima mieux réserver sa réplique et ajouter, un autre jour :
— Sire, la politesse est votre ennemie personnelle. Si vous pou-
viez vous en défendre à coups de canon, il y a beaucoup de temps
qu'elle n'existerait plus.
« Tout cola s'entendait, continue Talleyrand, en traversant les gale-
ries, au milieu des officiers et des courtisans étonnés, curieux et
malveillants. Je me donnai le plaisir de leur dire :
— Vous avez là, messieurs, un grand homme bien mal élevé.
— C'est Esope à la Cour ! dit une voix :
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t':^img^t..
iSa&jMà5l.à-l.''."5itt«i :
m-^fm.'
476
lA PRÉLATLRE DE LÉON XIII
I
-— Le parallèle est flatteur. Esope faisait parler les bêtes. »
Qu'on fouille ces Mémoires, ou n'y trouvera pas ces perles. Ce n'est
pas là que Talleyrand les renferma. On ne les y aurait, d'ailleurs,
découvertes que cinquante ans après sa mort. Or, les mémoires des
contemporains seraient, pour de tels bons mots, de plus précieux
écrins que les Mémoires des libraires; et c'est au détriment des
seconds qu'il faut, aujourd'hui, consulter les premiers.
On pourrait, rien qu'en consultant les vieux souvenirs des Mon-
rond, des Rén.uzat, des Barante, des Bro-lie, — des contemporains
de Talleyrand qui ont écrit, en même temps que les leurs, les vrais,
et les plus curieux Mémoires de Talleyrand lui-même, — on pourrait
rédiger un catéchisme étonnant, tout entier par demandes et réponses,
lesquelles seraient tout entières de cet indéconcertable moraliste en
politique, comme en tout le reste. Qui ne le reconnaîtra à ces formules
dont lui seul fut l'inimitable maître?
-— Une girouette! Ce n'est pas elle qui change, c'est le vent.
-— L'homme absurde est celui qui ne change jamais.
— J'ai vu douze gouvernements : Louis XV, Louis XVÏ, la Révolu-
tion, la Republique, le Directoire, le Consulat, l'Empire, les Cent-
Jours, les deux Restaurations, Charles X et Louis-Philippe, qui me
regardait comme un augure. Je me donnai le plaisir de lui dire :
« Hé! hé! Sire, c'est le treizième. * Je comptais bien ne pas rester
sur ce vilain nombre.
— Quand au remords, c'est l'indignation finale des imbéciles qui
manquent d'estomac.
— Au 18 Brumaire, je disais : Où est le tyran qui nous rendra
la liberté?
— Oui, oui, beaucoup de conscience : il y en a même qui en ont
deux.
— Agiter le peuple, avant de s'en servir : sage maxime. Mais il est
inutile d'exciter les citoyens à se mépriser les uns les autres; ils
sont assez intelligents pour se mépriser tout seuls.
-— On n'est quelque chose dans le monde, qu'à la condition de ne
pas valoir beaucoup mieux que lui.
— Une monarchie doit être gouvernée avec des démocrates, et une
république avec des aristocrates.
— Pour prendre un parti, il faut d'abord savoir si celui qui nous
conviendrait sera assez fort pour justifier l'espérance de succès, sans
quoi il y aurait folie à se mêler de la partie.
— 11 tant traiter légèrement les grandes affaires et les choses d'im-
■* ,f- il
m-^-^
41
UN HERITIEK DE TALLEYRANT A BÉNÉVENT 477
portance, et sérieusement les plus frivoles et les plus inutiles. Cette
méthode a l'avantage que les esprits ordinaires ne peuvent s'en servir.
— Tout arrive et doit arriver par la combinaison et le jeu des évé-
De Naples à Bénévent. — Une terrasse.
nements. Tout s'en va et tout revient. Oa revient de tout, et on
revient à tout. Ceux qui disent qu'ils sont revenus de tous, ne sont
jamais allés nulle part.
476
LA PRÉLATLRE DE LÉON XIII
— Le parallèle est flatteur. Esope faisait parier les bêles. »
Qu'on fouille ces Mémoires, on n'y trouvera pas ces perles. CenVsl
pas là que Talleyrand les renferma. On ne les y aurait, d'ailleurs
découvertes que cinquante ans après sa mort. Or, les mémoires des
contemporains seraieiit, pour de lels bons mots, de plus précieux
écrins que les Mémoires des libraires; et c'est au détriment des
seconds qu'il faut, aujourd'hui, consulter les premiers.
On pourrait, rien qu'en consultant les vieu.\ souvenirs des Mon-
rond, des Kémuzat, des Harante, des Hroglie, — des contemporains
de Talleyrand qui ont écrit, en même temps que les leurs, les vrai^
et les plus curieux Mémoires de Talleyrand lui-même, — on pourrait
rédiger un catéchisme étonnant, tout entier par demandes et réjionses,
lesquelles seraient tout entières de cel indéconcerlable moraliste en
politique, comme en tout le reste. Qui ne le reconnaîtra à ces formules
dont lui seul fut l'inimitable maître?
— Lue girouette! Ce n'est pas elle qui change, c'est le vent.
— L'homme absurde est celui qui ne change jamais.
— J'ai vu douze gouvernements : Louis XV, Louis XVI, la Kévolu-
lion, IaKrpublicjue, le Directoire, le Consulat, l'Empire,' les Cent-
Jours, les deux Heslaurations, Charles X et Louis-Philippe, qui me
regardait comme un augure. Je me donnai le plaisir de lui dire :
« Hél hé! Sire, c'est le treizième. » Je complais bien ne pas rester
sur ce vilain nombre.
— Quand au remords, c'est l'indignation finale des imbéciles qui
manquent d'estomac.
— Au 18 Brumaire, je disais : Où est le li/ran qui nous rendra
la liberté'/
— Oui, oui, beaucoup de conscience : il y en a même qui en ont
deux.
— Agiter le peuple, avant de s'en servir : sage maxime. Mais il est
inutile d'exciter les citoyens à se mépriser les uns les autres; ils
sont assez intelligents pour se mépriser tout seuls.
— On n*est quelque chose dans le monde, qu'à la condition de ne
pas valoir beaucoup mieux que lui.
— Une monarchie doit être gouvernée avec des démocrates, et une
république avec des aristocrates.
— Pour prendre un parti, il faut d'abord savoir si celui qui nous
conviendrait sera assez fort pour justifier l'espérance de succès, sans
quoi il y aurait folie à se mêler de la partie.
— 11 faut traiter légèrement les grandes affaires et les choses d'im-
UN IIKRITIEK DE TALLEYRANT A BÉNÉVENT 477
porlance, et sérieusement les plus frivoles et les plus inutiles. Cette
méthode a l'avantage que les esprits ordinaires ne peuvent s'en servir.
— Tout arrive et doit arriver par la combinaison et le jeu des évé-
De Xaples à Hénévent. — L'iie terrasse.
iiements. Tout s'en va et tout rcvieiil. On revient de tout, et on
revient à tout. Ceux qui disent qu'ils sont revenus de tous, ne sont
jamais allés nulle part.
478
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
h
— Je ne connais rien de ruineux, comme ce qui est gratnit.
— J'ai quitté les affaires, parce qu'il n'y en avait plus.
-^ Je meurs, en homme qui sut vivre.
Vécut-il en homme qui sut aimer, ce deformed transformed aulre-
merit phénoménal que celui de Byron, ce séminariste laïque moins
bot du pied que du cœur et dont l'inlirmilé lui avait appris à se chérir
lui-même avant les autres. Il y avait pris tant dégoût, dès vingt ans et
dèsSaint-Sulpice, qu'à soixante-quinze ar.s il s'en délectait encore, au
détriment des grâces épaisses de M™*^ Grant, de celles plus idéales el
non moins vaines de Pauline de Dino, et des désespoirs de M""' de
Staël <]ui, le menaçant de mourir de douleur, le forçait à la frapper
elle-même du mot malin dont elle avait déjà accablé, pour son compte,
ce pauvre fou de Benjamain Constant : « Je meurs, si... Mourez
d'abord : nous verrons ensuite. »
Les pages qui survivront de cet évêque parjure aux serments sacer-
dotaux de sa (u-emière jeunesse, seront celles qu'il aura laissé à d'au-
tres le soin d'extraire, en mots souvent heureux, de ses longues élucu-
brations diplomatiques et paradoxales. Cet ensemble de pensées,
dont la conscience d'un chrétien ne ferait pas son catéchisme ni
même un esprit simplement droit son vade merum avouable; ce
singe sacerdotal en pouvait faire son bréviaire. Et c'est ce bréviaire de
prélat défroqué, dont Talleyrand n'usait plus depuis sa jeunesse, qu'il
est permis d'emprunter aux meilleurs mots de ce vieux disciple de
Voltaire. De telles sentences, dignes du maître et de l'élève suffiront
à donner à cette existence d'octogénaire qui n'œuvra jamais que pour
lui seul, le cadre d'or faux où le portrait de ce cynique renégat, qui
ne fit rien de bon pour ses contemporains, peut encore parler à
ses descendants. Ecoutez-le encore; du haut de son rabat de prêtre
retourné en jabot de seigneur, vous dire du bout de ses lèvres si fri-
volement françaises et si dédaigneusement parjures.
« Ce n'est point, peut-il ajouter, sans une secrète satisfaction que
je donnerais la clef de l'énigme de ma vie. Si l'hypocrisie venait à
mourir, la modestie devrait prendre au moins le petit deuil. Pour
moi, je ne crains ni les pamphlétaires, ni les imbéciles, el on sait
quel cas je fais de l'opinion. Je suis un vieux parapluie sur lequel il
pleut depuis un demi-siècle, et quelques gouttes de plus ou de moins
ne me font rien. Mes « Mémoires » sulHronl. Il me semble que ma
voix est un dernier écho qui résonnera avec une vibration tombale,
dans la sonorité du vide. Alors le rideau sera tombé sur les comédies
UN HÉRITIER DE TALLEYRAND A BÉNÉVENT 4-39
sinistres et les tragédies ridicules. On écoutera sans passion ces his-
toires devenues légendaires dont les acteurs et les témoins auront
disparu. Mon esprit ne m'a servi qu'à faire hardiment des sottises
pour réparer celles des autres; mais je suis trop vieux serpent pour
changer de peau. Si c'était à recommencer, je recommencerais, peut-
être autrement, el je tomberais de Charybde en Scylla.
« Toute ma vie se résume dans mon Bréviaire. Il renferme l'en-
semble des principes et des maximes des moralistes et des philo-
sophes qui ont dirigé mes actes et ma conduite. Il ne me quitte
jamais; je lai dans la tête, et le voici :
Mon bréviaire
On a fait de moi, un diseur de bons mots. Je n'ai jamais dit un.
bon mot de ma vie; mais je tâche de dire, après mûre rédexion, sur
beaucoup de choses, le mot juste.
Tout ce qui est accepté comme vérité par la foule est, générale-
ment, un préjugé ou une sottise.
On s'empare des couronnes, on ne les escamote pas.
Lorsqu'une société est impuissante à créer un gouvernement, il'
faut que le gouvernement crée une société.
II faut se garder des premiers mouvements, parce qu'ils sont pres-
que toujours honnêtes.
Il faut, en politique comme ailleurs, ne pas engdLger tout son cœur,
ne pas trop aimer; cela embrouille, cela obscurcit la clarté des vues,
et n'est pas toujours compté à bien. Cette excessive préoccupation
d'autrui, ce dévouement qui s'oublie trop soi-même, nuit souvent à
l'objet aimé et toujours à l'objet aimant, qu'il rend moins mesuré,,
moins adroit et moins persuasif.
L'Evangile anglais : « Fais aux autres ce qu'ils te font. »
Dans l'incertitude d'un danger, il vaut mieux réserver son énergie-
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480
LA PRÈLATURE DE LÉON XIII
pour le combattre quand il arrive, que de l'user a le voir venir de
loin. Il est toujours assez tôt de serrer la main du diable, quand on
le rencontre.
Il y a beaucoup de mauvaises chances et il y en a aussi quelques
bonnes; c'est le cheveu de l'occasion. La fortune frappe au moins
une fois; si on n'est pas prêt à la recevoir, elle entre par la porte et
«ort par la fenêtre.
Faire garder les pauvres en bourgeron par les pauvres en uniforme,
voilà le secret de la tyrannie et le problème des gouvernements.
L'art de mettre les hommes à leur place est le premier, peut-êlre,
dans la science du gouvernement; mais celui de trouver la place des
mécontents est, à coup sûr, le plus difficile; et présenter à leur imagi-
nation des lointains, des perspectives où puissent se prendre leurs
pensées et leurs désirs, est, je crois, une des solutions de cette diffi-
culté sociale.
Il faut mener les hommes sans leur faire sentir le joug, asservir
les volontés sans les contraindre.
Lorsque vous aurez, par nécessité, un confident à prendre et lors-
qu'un dévouement vous sera absolument nécessaire, demandez-le
toujours à la jeunesse, rarement à l'âge mûr, à la vieillesse jamais.
Les années ne font pas les sages, elles ne font que des vieillards.
On ne rajeunit pas, on prolonge la jeunesse.
Quand les cartes sont brouillées et que les affaires paraissent déses-
pérées, il n'y a qu'à laisser aller les choses, comme l'eau roule à sa
pente; elles finissent par se débrouiller toutes seules et s'arranger
■d'elles-mêmes. Rien faire et laisser dire.
L'esprit est une puissance.
M^,
UN HÉRITIER DE TALLEYRAND A BÉNÉVENT 481
L'esprit sert à (ont et ne mène à rien.
Le silence m'a plus servi, dans ce monde, que l'esprit.
Rien ne doit inspirer un orgueil plus légitime que la haine avec
laquelle les hommes supérieurs nous poursuivent ils n'en ontZ
pour ceux qu ,ls croient au-dessus d'eux; les autres ne leur insp ren
que de la colère ou du mépris. '"î>pneni
Les méthodes sont les maîtres des maîtres.
Le bon Dieu nous a mis des yeux devant le front, pour
regardions toujours devant nous et jamais en arrière.
que nous
Il n'est pas facile de haïr toujours; ce sentiment ne demande
vent qu'un prétexte pour s'évanouir.
sou-
Ne dites jamais de mal de vous, vos amis en diront toujours assez.
Il n'y a pas de sentiment moins aristocratique que l'incrédulité.
On ne croit plus aux sauveurs de la patrie; ils ont gâté le métier.
Un ami véritable est une douce chose, à la condition qu'il ne soit
pas un grand homme. Mais il faudrait l'aller chercher au Monomotapa
La table est le pivot autour duquel tourne la civilisation.
leur r:; ;r i:r::. " ''''''_^ '^^ '^'--' ^-^ ^- -« -
Mes amis, il n'y a pas d'amis!
Tout
tout se
ce qu'on dit sera répété, tout ce qu'on écrit sera publié et
retournera contre vous. '
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482
LA PRÉLATURE DE LÉON XllI
Il faut suivre ses inspirations, et ne jamais se repentir ni du bien^
ni du mal, ni des sottises.
Toutes les fois que j'ai visité une capitale, on m'a prévenu que
j'étais dans la ville la plus corrompue de rEuroi)e. Et c'était vrai.
L'inertie est une vertu, l'activité est un vice. Savoir entendre est
une habileté en politique; la patience a fait souvent les grandes
positions. On doit être actif, quand l'occasion passe; on peut être
paresseux et nonchalant^ quand on l'attend.
La combinaison des événements, le cours naturel des choses
offrent de meilleures occasions que l'intelligence; l'imagination, l'in-
géniosité, Tesprit, la volonté n'en peuvent faire naître.
Laplace, dans sa théorie scientifique, n'a pas eu besoin de Dieu,
celte hypothèse. Dans mon système politique, je me suis passé de la
morale, où le cœur est la dupe de l'esprit.
Les principes reposent sur leur certitude et leur utilité; la morale-
est fondée sur l'intérêt qui la sert.
Les affections légitimes ne viennent pas des sentiments de la nature
et des liens du sang, mais de la raison.
Une parfaite droiture est la plus grande des habiletés; la \érilé
devient un calcul et la franchise un moyen.
La vertu est parfois récompensée et le vice puni, exceptions qui
confirment la règle.
La vie serait assez supportable sans ses plaisirs.
J'ai vu le fond de ce qu'on appelle les honnêtes gens, c'est hideux..
La question est de savoir s'il y a des honnêtes gens, quand l'intérêt
ou ta passion est en jeu.
UN HÉRITCER DE TALLEVRAND A BÉNÉVENT 483
Tout arrive et doit arriver par la combinaison et le jeu des événe-
ments. Tout s'en va et tout revient. On revient de tout et on revient
à tout. Ceux qui disent qu'ils sont revenus de tout, ne sont jamais
allés nulle part.
La franchise est toujours invoquée pour exprimer les choses
desagréables à entendre; les compliments s'en passent.
On est vieux quand on n'espère plus rien.
Il y a des occasions qui ont un faux chignon; quand on veut le
saisn-, il vous reste dans la main.
La plus dangereuse des «alteries est la médiocrité de
entoure.
ce qui nous
Les gens d'esprit promettent, ne tiennent pas et finissent par payer
le double de ce qu'ils ont promis. ^^
Il arrive un moment où on ne voit plus que le r
médailles.
evers de toutes les
Le mépris doit être le plus mystérieux des
sentiments.
Il y a des femmes qui ne peuvent pas cacher leur âge, ce sont les
Il faut que chacun trouve son mot dans l'énigme de la vie- il i
sert a nen qu'on vous le dise; les uns ne l'écoutent pas, les lutr
le prennent a contre-sens.
Il y a des sourires qui blessent, comme des
poignards.
Un mol suffit pour séparer les destinées, comme le coupant du
glaive. ^
Il faut avoir été berger pour apprécier le bonheur des
moutons.
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48i
LA PRfiLATURE DE LÉON XIII
C'est prodigieux, tout ce quenepeuvefilpasceux qui peuvent tout.
H suffit quelquefois de prédire un événement pour le faire arriver.
Un long discours n'avance pas plus les affaires qu'une robe traî-
nante n'aide à la marche.
Les hommes adroits et légers surnagent, comme le liège, au milieu
des tempêtes.
Des sottises faites par des gens habiles, des extrava^^ances dites
par des gens d*esprit, des crimes commis par d'honnêtes gens, voilà
les révolutions.
C'est moins par la rareté des maladies qu'on peut juger la force du
tempérament des hommes, que par la promptitude et la vigueur du
rétablissement.
Si quelqu'un vous dit qu'il n'est d'aucun parti, commencez par
être sûr qu'il n'est pas du vôtre.
Oui et Non sont les mots les plus courts et les plus faciles à pro-
noncer, et ceux qui demandent le plus d'examen.
L'encre des diplomates s*effî*ce vite, quand on ne répand pas dessus
de la poudre à canon.
Les grandes places sont comme les rochers élevés, les aigles et les
re[»tiles seuls y parviennent.
4
Le moment difficile n*est pas l'heure de la lutte, c*est celle du
succès.
En voyant les petits à l'œuvre, on se réconcilie avec les grands.
Celui qui ne comprend pas un regard ne comprendra pas davan-
tage une longue explication.
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'^^&^
UN HÉRITIER DE TALL^YRAND A BÉNÉVENT m
Tout phénomène physique a son semblable dans l'ordre moral La
réaction est égale à l'action; une tempête endort la nature, une révo-
lution cilme un peuple, une émotion violente apaise Tàme humaine
De Naples à Hénévent. — Ud coin de rout«.
Il faut se défier de tout homme qui n'a pas été républicain avant
trente ans, et qui persiste à l'être passé net âge.
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LA PRflLATURE DK LÉON Mil
(Vest prodigioiix, tout ce que ne peuvent pas ceux (|ui peuvent t(»ul,
Il suffit quelquefois de prédire un événement pour le faire arriver.
[]n long discours n'avance pas plus les atfaires qu'une robe traî-
nante n'aide à la marche.
Les hommes adroits et légers surnagent, comme le liège, au milieu
des tempête*.
Des sottises faites par des gens habiles, des extravai^ances <lites
par des gens d'esprit, des crimes commis par d'honnêtes gens, voilà
les révolutions.
C'est moins par la rareté des maladies qu'on peut juger la force du
tempérament des hommes, que i>ar la prom|>litnde et la vigueur du
rétablissement.
Si quelqu'un vous dit qu'il n'est d'aucun parti, commence/ par
être sûr qu'il n'est pi»s du votre.
Oui et Non sont les mots ies plus courts et les plus faciles à pro-
noncer, et ceux qui demandent le plus d'examen.
L'encre des diplomates s etï';»ce vite, quand on ne répand pas dessus
de la poudre à canon.
Les grandes places sont comme les rochers élevés, les aigles et les
reptiles seuls y parviennent.
Le moment difficile n'est pas l'heure de la lutte, c'est celle du
succès.
En voyant les t»elits à l'œuvre, on se réconcilie avec les grands.
Celui (pii ne comprend pas uu regard ne comprendra pas davan
lage une longue explication.
UN lILltlTIEU DK TALLEVIIAND A BKNÉVENï 48:i
Tout idiénomène physi(iue a son semblable dans l'ordre moral. La
réaction est égale à l'action; une tempête eudort la nature, une révo-
lulion c.ilme un peuple, une émotion Niolente apaise l'àme humaine
De Naples à hénévent. — ( u coin d
e route.
Il faut se délier de tout homme qui n'a pas été républ
trente ans, et ((ui persiste à l'être passé cet âge.
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486 LA PHÉLATIRE DE LÉON XIII
II. y a une arme plus terrible que la calomnie, c'est la vérhé.
Une monarchie doit être gouvernée avec des démocrates, et une
république avec des aristocrates.
Dans les choses d'importance, il ne faut pas demander de conseils;
il faut peser, oser et agir.
Quand on part, on arrive toujours, mais il faut partir.
On ne va jamais si loin, que lorsqu'on ne sait pas où l'on va.
Celui qui est vraiment fort sait quelquefois plier.
A force de vouloir rapprocher les peuples, on s'expose à les melire
à portée des canons.
Il faut imposer et en imposer.
On peut quelquefois venir à bout des sentimenis; des opinions,
jamais.
Je n'ai pas besoin d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour
persévérer.
C'est un grand malheur pour une nation, qu'un bon homme dans
xma place qui exige un grand homme.
Le pouvoir de tout faire n'en donne pas le droit.
Le vrai moyen d'être trompé, c'est de se croire plus fin que les
autres.
Un Etat chancelle quand on ménage les mécontents ; il louche à
sa ruine quand la crainte les élève aux premières dignités.
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UN HÉRITIER DE TALLEYRAND A BÉNÉVENT 487
F^ vie se passe à dire : « Plus tard », et à s'entendre dire : a Trop
tard. »
Les hommes secrets disent, sans qu'on leur demande, ce qu'ils ont
à dire, ils ne répondent jamais.
Toute révélation d'un secret est la faute de celui qui l'a confié.
Ou n'est quelque chose, dans le monde, qu'à la condition de ne pas
valoir beaucoup mieux que lui.
L'homme est une intelligence contrariée par des organes.
L'obligé prend un premier service reçu pour le droit d'en deman-
der et d'en obtenir un second.
En toutes choses, les commencements sont beaux, les milieux fa-
tigants et les fins pitoyables.
L'argent, dont on fait un dieu, n'a qu'un pouvoir bien limité, si on
considère les choses qu'il ne procure à aucun prix. Les misérables
voient le bonheur dans la fortune, et, malgré ses réels avantages, les
riches ne l'y trouvent jamais. Né dans un état si envié, je n'ai pas
tardé à reconnaître que les biens véritables, incontestés, sont à tout
le monde : la jeunesse, la santé, l'intelligence, la beauté, l'amour.
Pour ces biens-là, pas de classe privilégiée; le plus pauvre peut les
avoir, le plus riche ne peut pas les acheter. On a beau dire :
Jamais surintendant ne trouva de cruelles.
Quand cela serait, il en a toujours pour son argent.
L'amour est un sentiment, une sottise ou une affaire.
Je crains plus une armée de cent moulons commandée par un lion,
qu'une armée de cent lions commandée par un mouton.
Je ne me plaindrais pas d'avoir des souliers percés si j'avais les
jambes d'aplomb, de manquer de pain si j'avais de l'appétit, d'être
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488
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
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sans un sou vaillant si lavenir était devant moi, enfin je ne me
plaindrais de rien ni de personne si je n'avais passé le temps d'aimer.
Après l'affection que je me porte, les autres sont inutiles; je n'ai
soin ni d'aimer ni d'être aimé.
besoi
Il y a des fautes que j'excuse et des passions que je pardonne, cm
sont les miennes.
De Naples à Bénévent. — Un jardin de presbytère.
Si l'expérience des autres pouvait servir à quelque chose, il suffi-
rait de se faire xxwEréviaire, comme celui-ci, pour marcher d'un pied
sûr dans la vie. Mais l'expérience personnelle est un médecin qui
arrive toujours après la uîaladie, une étoile qui se lève quand on va
se coucher.
Étoile ou feu follet, de ce qu'avait été Talleyrand pendant quatre-
vingt-quatre années d'une vie capable d'étonner le monde à bien des
litres divers, à trois heures trente-cinq minutes du 17 mai 1838, il ne
resta plus qu'un cadavre. A la nouvelle d'une fin qui n'avait arrêté
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UN HÉRITIER DE TALLEYRAND A RÉNÉVENT 489
ici-bas qu'un vieillard, depuis longtemps inutile sinon néfaste aux direc-
tions de son siècle, le feu prince de Bénévent, qui terminait ainsi sa
carrière, dut faire réfléchir assez profitablemenl le jeune préfet de ce
même duché oii commençait à se lever son astre dans le ciel politique
quand l'autre s'y couchait si déplorablement.
A quelle bonne chose, —pouvait penser Joachim Pecci dans les lon-
gues méditations de sa préfecture bénéventine, —avait été utile un
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Talleyrand sur son lit de mort.
maître de ce genre, dont il avait appris à mépriser la détestée
mémoire, dès son enfance, à Garpineto, au foyer même du colonel
Pecci, son père? Cadet des Talleyrand-Périgord par sa naissance, qu'il
dut, en 1754, à une folle descendante de la satyrique princesse des
Ursins, après avoir passé loin des siens la jeunesse frivole que l'on
sait, cet homme s'était fait prêtre sans vocation à vingt et un ans,
pour devenir évêque sans dignité à trente-quatre, et président de
l'Assemblée Constituante en 1790. Sa juste récompense avait été ce
488
LA PRÉLATIJKK \)K IJ>ON XIII
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sans mi sou vaillant si l'avenir étail devant moi, enfin je ne me
plaindrais de rien ni de personne si je n'avais passé le temps d'aimer.
Après l'aft'ection ([ue je me porte, les autres sont imitiles; je n'ai
besoin ni d'aimer ni d'être aimé.
Il y a des fautes (jue j'excuse et des passions que je pardonne, (•(
sont les miennes.
De Naples à Bénéveiit. — Tu jardin de presbytère.
Si l'expérience des autres pouvait servir à rpielque cnose, il suffi-
rait de se faire un Bréviaire, comme celui-ci, pour marcher d'un pied
sûr dans la vie. xMais l'expérience personnelle est un médecin qui
arrive toujours après la maladie, une étoile qui se lève quand on va
se coucher.
Ktoile ou feu follet, de ce qu'avait été Talleyrand pendant quatre-
vingt-quatre années d'une vie capable d'étonner le monde à bien des
titres divers, à trois heures tiente-cinq minutes du 17 mai 1838, il ne
resta plus qu'un cadavre. A la nouvelle d'une fin qui n'avait arrêté
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ici-bas qu'un vieillard, depuis longtemps inutile sinon néfaste aux direc-
lir>ns de son siècle, le feu prince de Bénévent, qui terminait ainsi sa
carrière, dut faire réiléchir assez profitablement le jeune préfet de ce
même duché où commençait à se lever son astre dans le ciel politique
quand l'autre s'y couchait si déplorablement.
A quelle bonne chose, —pouvait penser Joachim Pecci dans les lon-
gues nuMhtations de sa préfecture béuéventine, —avait été utile un
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Talleyrand sur son lit de mort.
maître de ce genre, dont il avait appris à mépriser la détestée
mémoire, dès son enfance, à Carpineto, au foyer même du colonel
Pecci, son père? Cadet des Talleyrand-Périgord par sa naissance, qu'il
dut, en 17oi, à une folle descendante de la satyrique princesse des
Ursins, après avoir passé loin des siens la jeunesse frivole que Ion
sait, cet homme s'était fait prêtre sans vocation à vingt et un ans,
pour devenir évêque sans dignité à trente-quatre, et président de
l'Assemblée Constituante en 1790. Sa juste récompense avait été ce
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490
LA PKÉLATURE DE LÉON XIII
titre bien gagné par le talent qu'il avait dépensé dans l'abolition des
vœux monastiques et dans la Constitution civile du clergé : deux étapes
glorieuses de sa carrière sacerdotale, entre lesquelles il faut placer la
Fête de la Fédération où il pontifia au Ghamp-de-Mars, et le sacre des
évêques constilutionnels de l'Aisne et du Finistère qui n'eussent pu
trouver, en France, de prélat consécrateur plus digne que celui d'Autun ,
constitulionuel comme eux et déjà plus renégat que tout autre. Mûr
pour toutes les apostasies après celle de Tautel, il pouvait, d'un front
toujours pareil, risquer celle du trône sans perdre au change la recon-
naissance qu'il n'eut jamais de ses maîtres divers, être assez fourbe
pour laisser croire à Bonaparte qu'il lui devait les grâces du Directoire,
à la Restauration la déchéance de l'Empire et, après trois royautés
queceWarwick sans pudeur n'avait pas sacrées sans déchéances humi-
liantes ni sans coûteuses révolutions, finir, comme il avait vécu, dans
une dernière apostasie où ce même Talleyrand odieux, le matin même
de sa mort, en présence de M"" de Dino et de l'abbé Dupanloup,
crut pouvoir brûler ce qu'il avait adoré et adorer ce qu'il avait brûlé.
Ce que le prince de Bénévent n'a pas brûlé et dont M»'' Joachim
Pecci se souviendra, au cours de la longue carrière de diplo-
matie irrépréhensible et d'honneur intact qu'il fournird, c'est la
mémoire qui reste aux hommes de cet aristocrate renégat, de ce prêtre
parjure, de cet évêqiie dégradé, de ce singe de génie inutile pour les
grands gestes de l'action, bon tout au plus pour les grimaces de la
parade, — ce tas de boue dans un bas de soie, que Napoléon ap[)e-
lait, plutôt drolatiquement que pour prendre au sérieux cet autre
deformed transformel de l'Histoire honteuse d'un tel ministre ou
d'un pareil bouffon :
— Taill'rand !
Ln coin de théâtre, sous l'Ktal pontitical (Dessin de Thomas, 1830).
I
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LES TFIKATHES DE ROME
Avec sa couronne mélancolique de
montagnes napolitaines, Bénévent,
ainsi enclavé dans le Ilegno, allait-il
être le petit royaume sans issue où le
rival d'un autre Talleyrand promis à
la politique de demain continuerait à
languir, devant le Bréviaiie du
maître menteur qu'avec sa belle
loyauté de noble diplomate M^'' Joa-
chim Pecci désavouerait, plus tard,
sur la scène du monde réservée à
son gouvernement pontifical? Grâce
aux premières négociations de son
active jeunesse, les bandits napoli-
tains ne trouvaient plus, dans Béné-
vent, de refuge pour leurs personnes, ni d'immunité pour leurs
crimes, sousTécusson tutélaire desPacca dont le neveu maté n'alla pas
même se plaindre au cardinal, son oncle. Comme le brigandage, la con-
L'Anticamera.
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LA PUKLATLRK DE LÉON Xlll
titre bien gagné par le talent qu'il avait dépensé dans l'abolition <les
vœux monastiques et dans la Gonslilution civile du clerj^é : deux étapes
glorieuses de sa carrière sacerdotale, entre lesquelles il faut placer la
Fêle de la Fédération où il ponlifiiau Chanip-de-Mars. el le sacre des
évéques constitutionnels de l'Aisne et du Finislère qui n'eussent pu
trouver, en France, de prélatconsécrateur plus digne que celui d'Aulun,
constitutioiniel connue eux et déjà plus renégat (|ue tout autre. Mûr
pour toutes les apostasies après celle de l'autel, il pouvait, d'un t'ronl
toujours pareil, risquer celle du trône sans perdre au change la recon-
naissance qu'il n'eut jamais de ses maîtres divers, être assez fourlu'
pour laisser croire à Bonaparte qu'il lui devait les grâces du Directoire,
à la Restauration la déchéance <le TP^mpire et, après trois royautés
quece Warwick sans pudeur n'avait pas sacrées sans déchéances humi-
liantes ni sans coûteuses révolutions, finir, comme il avait vécu, dans
une dernière apostasie où ce mémeTalleyrand odieux, le matin même
de sa mort, en présence de M™*' de Dino et de l'abbé Dupanloup,
crut pouvoir brûler ce qu'il avait adoré et adorer ce qu'il avait brûlé.
Ce que le prince de Dénévent n'a pas brûlé et dont M-'" Joachim
Pecci se souviendra, au cours de la longue carrière de diplo-
matie irrépréhensible et d'honneur intact qu'il lournird, c'est la
mémoire qui reste aux hommes de cet aristocrate renégat, de ce prêtre
parjure, de cet évêque dégradé, de ce singe de génie inutile pour les
grands gestes de l'action, bon tout au plus pour les grimaces de la
parade, — ce tas de boue dans un bas de soie, que Napoléon appe-
lait, plutôt drolatiquement que pour prendre au sérieux cet autre
deformed transfonnel de l'Histoire honteuse d'un tel ministre ou
d'un pareil bouft'on :
— Taillrand !
In coin de llicàlrc, sous l'hltit pontilical Dessin de Thomas, 1830i
111
I.ES lllliATUES UK HOME
Avec sa couronne méIan(oli(|ue de
montagnes napolitaines, Dénévent,
ainsi enclavé dans le l{e(fï)(K allait-il
être le petit royaume sans issue où le
lival d'un autre Tallcyrand promis à
la polili(pu' de demain continuerait à
languir, devant le liréviaiie du
maître menteur qu*avec sa belle
loyauté de noble diplomate M-' Joa-
chim Pecci désavouerait, plus tard,
sur la scène du monde réservée à
son gouvernement pontilical? Grâce
aux premières négociations de sou
active jeunesse, les bandits napoli-
tains ne trou\ aient plus, dans Héné-
vent, de refuge pour leurs personnes, ni d'immunité pour leurs
crimes, sousTécusson tutélaire desPacca dont le neveu maté n'alla pas
même se plaindre au cardinal, son oncle. Comme le brigandage, la con-
L'Aiiticamera.
V
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t(
i'Ji
LA PRÉLATURK DE LÉON XIII
trebande y était pour longtemps aussi refrénée, en vertu d'un concor-
dat habile qui donnait la mesure de ceux que ce préfet de trente ans
saurait, plus tard, négocier pour la paix du monde catholique. Qu'au-
rait fait plus longtemps, dans celte province redevenue tranquille et
prospère, le jeune délégat que son gouvernement de trois années
heureuses pour les autres et fatales pour sa santé, avait recommandé
à l'attention particulière de son Souverain?
On était arrivé à l'été de 18il. Grégoire XVI, projetant un vovage
de visites pontificales dans les Komagnes, avait besoin, dans Péro'use,
d'un préfet aussi prudent qu'enireprenant, qui saurait préparer au'
pape la voie sûre, à travers les manœuvres de la Révolution qui com-
plotait dans cette Légation, comme sur son boulevard de choix. U
billet de la Segreleria transférant W' Pecci à la délégation de Spo-
lète, était déjà signé le lo juin I8il, quand il fut rapporté presque
aussitôt par Grégoire XVI lui-même, qui préférait envoverM'f'- Pecci au
palais des Prieurs de Pérouse où il failait préparer une voie triom-
phale au Souverain et des réjouissances discrètes à son peuple. N'était-
ce pas cette même Pérouse où ce même Pecci, revenant plus tard,
comme évéque, ne craindrait pas de rendre les tréteaux aux comédiens
expulsés du Stato et la parole à Molière même pour son Tartuffe ?
VA\ ! qu'y avait-il à redouter d'une sage tolérance, au nom de la liberté
de conscience que les exigences des temps modernes habitueraient
à se prémunir elle-même ?
Pour l'État pontifical, comme pour tous les autres pays de l'Europe
contemporaine, l 'histoire introduisait une nouvelle manière de vivre qui
relayait dans les vieux magasins d'accessoires scéniques les pupazzi
démodés des autres siècles, dont ne voulait plus celui-ci. Le xix« siècle
avait tait du chemin, depuis les âges naïfs où l'Église n'avait pas
craint de parler au peuple sur les tréteaux de ses cathédrales où elle
avait monté elle-même ses Mystères, en guise de scénarios par les-
quels, prêchant encoi'e ses fidèles, elle s'était faite l'introductrice d'un
théâtre redresseur des travers humains. Si, avec des mœurs plus douces,
on s'était contenté de danser devant l'arche de l'Ancien Testament,'
les temps nouveaux, plus osés dans les leurs, exigeraient aussi des per-
missions plus hardies. Le Gouverneur de Kome, chargé de la police du
Stato, n'avait plus qu'à rapporter ses décrets de carence et qu'à laisseï-,
avec les comédiens, les comédiennes elles-mêmes monter à l'assaut
des scènes prohibées où l'Église n'aurait plus la responsabilité des
salles qu'il lui appartemit encore de surveiller, ni des programmes
o:U elle continuait le gênant contrôle.
- i ■
LES THÉÂTRES DE ROME
49. •?
Cette histoire du théâtre dans l'État pontifical est curieuse à étudier,
au cours du dernier siècle et jusqu'à l'heure où les actes de M^' Pecci
nous permettront de nous en occuper plus à propos. Dans ses Etudes sur
la société romaine, David Silvagni continuera à nous documenter utile-
Dans les rues de Rome. — Les Pi/ferari (Dessin de Thomas).
ment, en Romain de naissance et en érudit très soigneux des recher-
ches qu'il fit à travers les diarii de l'époque. « Il y a un siècle, dit-il,
les théâtres de Rome étaient tout à fait différents des théâtres, non
seulement de l'Italie et de l'Europe, mais aussi des théâtres de l'État
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LA PHKLATURK DK LKOX XIII
Irebaiide y était pour longtemps aussi refrénée, en vertu d'un concor-
dat habile (pii donnait la mesure de ceux que ce préfet de trente ans
saurait, plus tard, négocier pour la paix du monde catlndicpie. Qu'au-
rait fait plus longtemps, dajis cette pnnince redevenue tranqimie et
prospère, le jeune délégat que son gouvernement tie trois aimées
heureuses po:n- les autres et fatales pour sa santé, avait recommandé
à l'attention particulière de son Souverain?
On était arrivé à l'été de 18il. Grégoire \M, projetant un vovage
de visites pontillcales dans les Homagnes, avait besoin, dans Pérouse,
d'un préfet aussi prudent qu'entrei)renanl, qui saurait préparer an'
pape la voie sûre, à travers les manœuvres de la KéNolution qui couj-
plotait dans cette Légation, comme sur sou boulevard de choix. Le
billet de la Seifreleria transférant M=^' Pecci à la délégation de Spo-
lète, était déjà signé le lojuin IS4I, quand il fut rapporté pres.pie
aussitôt par(;régoire XVI lui-même, qui préférait envoyer Ah' Pecci au
()alais des Prieurs de Pérouse où il fallait préparer une voie triom-
phale au Souverain et des réjouissances discrètes à son peuple. N'était-
ce pas cette même Pérouse où ce même l*ecci, revenant plus tard,
comme évèque, ne craindrait pas de rendre les tréteaux aux comédiens
expulsés du Slato et la parole à Molière même pour son Tarluffe r
Kh 1 qu'y avait-il à redouter d'une sage tolérance, au nom <le la liberté
de conscience que les exigences des temps modernes habitueraient
à se prémunir elle-même ?
Pour l'Ktat pontifical, comme pour tous les autres pays de l'Europe
contemporaine, l'histoire introduisait une nouvelle manière de vivre (pji
relayait darjs les vieux magasins d'accessoires scéniques les pupazzi
démodés des autres siècles, dont ne voulait plus celui-ci. Le xix« siècle
avait fait du chemin, depuis les â-es naïfs où rf:glise n'avait |>as
craint de parler au peuple sur les tréteaux de ses cathédrales où elle
avait monté elle-même ses Mystères, en guise de scénarios par les-
quels, prêchant enco/e ses fidèles, elle s'était faite l'introductrice d'un
théâtre redresseur des travers humains. Si, avec des mœurs plus douces,
on s'était contenté de da.iser devant l'arche de l'Ancien Teslamtnt!
les temps nouveaux, plus osés dans les leurs, exigeraient aussi des per-
missions plus hardies. Le Gouverneur de Kome, chargé de la police du
Stato, n'avait plus qu'à rapporter ses décrets de carence et ((u'à laisser,
avec les comédiens, les comédiennes elles-mêmes monter à l'assaut
des scènes prohibées où l'figlise n'aurait plus la responsabilité des
salles qu'il lui appartemit encore de surveiller, ni des programmes
0.1 1 elle continuait le gênant contrôle.
LES THf:ATKES DE ROME
in
Celte histoire du théâtre dans l'fitat pontifical est curieuse à étudier,
au cours du dernier siècle et jusqu'à l'heure où les actes de M^' Pecci
nous permettront de nous en occuper plus à propos. Dans ses Etudes sur
la société romaine, David Silvagni continuera à nous documenter utile-
Dans les rues de Kome. — Les P/ferari (Dessin de Thomns;.
ment, en Hom^in de naissance et en érudit très soigneux des recher-
ches qu'il lit à travers les diarii de l'époque. « Il y a un siècle, dit-il,
les théâtres de Home étaient tout à fait ditïérenls des théâtres, non
seulement de l'Italie et de l'Europe, mais aussi des théâtres de l'État
i
49 i
LA PRELATURE DE LÉON XIII
il
pontifical lui-même. Bologne et les Romagnes jouissaient d'un privi-
lège spécial. Si, depuis un siècle, les représentations théàti-ales avaient
lieu chez les princes, les cardinaux et jusque chez le pape, ces diver-
tissemenls étaient pour le public une sorte de fruit délendu auquel il ne
fallait goûter que comme en cachette. De fait, les théâtres de cette
époque Tordinona, Alibert, Argentino, Valle, Gapranica, Pallaccorda,
Pace, étaient emmurés dans des maisons qui n'avaient aucune appa-
rence de théâtre. On y pénétrait difficilement par de petites portes, et
ils n'avaient ni enseignes ni façades. Le théâtre Alibert, qui était le
principal, portait le nom de rhéûtre des Darnes. Il était situé rue
Margutta, là où fut construit depuis l'hôtel d'Alibert, ruelle Alibert,
nM. 11 n'y avait pas d'entrée apparente et on y pénétrait par la Via
del Bahuino, porte n° 91 de la maison qui fait l'angle avec la susdite
ruelle réunie à la rue Margutta par une passerelle, aujourd'hui
démolie. Les façades très médiocres des théâtres Apollo, Argentina»
Valle et Metastasio datent toutes du siècle dernier.
On entrait au théâtre de Torre Argentina en traversant wue indé-
cente remise. Bien plus tard, on construisit une toiture sur lo devant
delà porte de ce théâtre; et, dans la suite, le théâtre Valle, alors
connu sous le nom de Délia Valle, eut le même honneur. U Alibert,
qui était entièrement en bois, grand, mais presque carré, fut refait
par les soins de Torlonia. Puis il brûla, et ne fut plus reconstruit.
Le théâtre Pace, dont l'entrée était dans la ruelle du même nom,
a aussi disparu; et le théâtre Capraiiica, situé sur la Place desOrfani!
est resté tel qu'il était, sans façade et ressemblant à un palais médiéval,
moitié en ruines. Ce fut le cardinal Capranica qui Ht construire cet
édifice; il y ouvrit un collège qui existe toujours, à côté du théâtre.
Celui-ci a un escalier, des promenoirs et une entrée plusieurs fois
remaniée, mais toujours bien mesquine. Il est vieux et peut donner
une Idée de ce qu'étaient ses comparses de l'autre siècle. Restauré
dès 1750 et remanié jusqu'en 1870, il a conservé sa forme quasi
elliptique et ses étroits promenoirs, com:ne ils existaient, il v a
200 ans.
^ Le théâtre Argenihia, on de Torre Argentina, tire son nom de
l'emplacement qu'il occupe, à côté du palais Cesarini (maintenant
Chinssi). Le duc Cesarini le fit construire, d'après les plans du mar-
quis Jérôme Teodoli et l'ouvrit en 1732. Ce théâtre n'avait ni
façade ni salle des pas perdus. Le prince Torlonia l'acheta, lui fit
faire la façade qu'il a actuellement et le vendit à la Commune.
Le théâtre ApollOy jadis Tordinona, avait été autrefois une redoute.
- ^À^.-^ ,« ■
LES THEATRES DE ROME 495
puis une prison oiî fut enfermée la malheureuse Béatrice Cenci. A
la fin du \\T siècle, il devint la propriété de la Confraternité de
Saint-Jérôme-de-la-Charité qui, d'une prison en fit un théâtre,
lorsque la prison de Tor di Noua fut remplacée par les Carceri
Nuove que fit construire Innocent X, dans la Via Giulia. Sa durée fut
courte. Le pape Innocent XII le fit démolir, en 1697, donna le terrain
et les matériaux à la Confraternité, avec la clause expresse d'y cons-
truire, dans l'intervalle de deux ans, un édifice quelconque qui ne
fût pas un théâtre. Mais personne ne s'occupa d'y construire quoi
que ce fût, et le Tribunal de la Voirie s'empara de ce terrain aban-
donné et encombré de matériaux, jusqu'à ce que la Chambre apos-
tolique (l'Agence des domaines), après en avoir obtenu l'autorisa-
tion de Clément XIII, y fit construire, en 1734, pour 400,000 écus,
un nouveau théâtre d'après les plans de Charles Fontana. Démoli
une seconde fois à la suite d'un incendie, il fut sommairement
restauré par le Gouvernement qui en conserva la propriété jusqu'en
1792, année où il fut donné en bail emphytéotique à un certain Ger-
roni qui ne paya pas la redevance et dut le rendre. Sous l'Empire
(1809-1814) le Gouvernement français le vendit au prince Santa-
Croce; et, en 1820, celui-ci le revendit au prince Torlonia, qui le
fit reconstruire, en 1880, tel qu'il est aujourd'hui, d'après les plans
de l'architecte Valadier. Plus tard, en I860, Alexandre Torlonia
le fit de nouveau restaurer et y dépensa plus d'un demi-million.
Ce théâtre finit par devenir la propriété de la Commune qui l'acheta
à ce banquier. Valle, propriété des Gapranica, restauré en 1823, sur
lesplans de Valadier, devint la propriété de M. Baracchini, le proprié-
taire actuel qui possède aussi le Metastasio, ancien Pallaccorda
transformé.
Le théâtre, restant chose quasi criminelle, était simplement toléré.
On tolérait aussi les comédiens et tous les artistes de théâtre connus
sous le nom d'histrions, quoiqu'on jouât scènes en prose et musique
chez les princes et les ambassadeurs, et qu'à une époque plus recu-
lée on représentât drames et comédies même chez les cardinaux et
jusque chez le pape.
On rappelait encore, à cette époque, la fameuse représentation d'un
drame au palais de Taddeo Barberini, préfet de Rome. En 1634, ce
prince fit construire dans son palais un théâtre aussi vaste que celui
du palais Farnèse à Parme, puisqu'il pouvait contenir trois mille
pei-sonnes. La fête y fut splendide. La musique en était d'Etienne LandI,
romain, et le poète ne fut rien moins que M^' Jules Rospigliosi, plus
1 , 1 ,1 .,ii »•
rr- -*-ï
496
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
tard pape sous le nom de Clément IX. Le soir du 3 février 1634, eut
lieu cette représentation en l'honneur du prince Charles de Polo^'ne,
à qui la dédia le cardinal Antoine Barberini, neveu d'Urbain Vlii
alors régnant. En 1637, dans le même palais Barberini, en présencedt;
Christine deSuède, fut jouée la Viehumaine, mélodrame dont l'auteur
fut encore Jules Rospigliosi, non encore pape. C'était une allégorie.
Bonaventure Argenti y représentait la Vie, Dominique Rademonti
Vlnnocence, et Dominique del Pane la Faute, c'est-à-dire le rôle de
la femme, —-car il était défendu aux femmes de jouer, chanter ei danser
sur les théâtres de Rome, de la Comarca et des Marches. Une légis-
lation diflférente réglementait les Romagnes et les Légations. A
Sinigalia, durant la foire, les femmes chantaient et dansaient. Bien
que faisant partie intégrante de l'Etat papal, le duché d'Urbino et
Pesaro jouissait aussi du même privilège.
En 1588, Sixte- Quint accorda à la Compagnie des Desiosi la per-
mission de donner des représentations publiques; à la condition de
le faire de jour, et de n'y admettre comme acteurs que des hommes
chargés de remplir les rôles de femme. Cette injonction fit sourire
Pasquino. En voyant sur la scène de jeunes éphèbes, habillés en
femmes, simuler leur beauté cachée, il écrivit malicieusement devant
la porte : « Laudale, pueri Dombium ! »
Au milieu du xvii« siècle, le chevalier Philippe Acciajuoli, Horen-
tin, se rendit célèbre par les machines et transformations qu'il intro-
duisit dans les théâtres. Les plus célèbres pièces jouées le furent au
palais du connétable Lorenzo Colonna et s'appelaient : Il Noce di Be-
nevento ou // OmsigUo délie Streghe, l Campi Elisi joués à Torre
di Nona, Vlnfemo au Capranica. Il y avait au Pallacorda un théâtre
guignol. A l'époque dont nous parlons, au dernier quart du xvui* siè-
cle, il y eut un vrai fanatisme pour les guignols et les marionnettes.
On voyait de ces petits théâtres aux Monti, rue SanfAgata, k Monte-
Caprinoy au Borgo, au Trastevere, dans la ruelle du Moro, rue Bor-
jfo^wowa et spécialement place iVayona où fut construit un théâtre
permanent qui a donné des représentations jusqu'à notre époque.
Mais le plus célèbre de tous fut le petit Théâtre Guignol qu'Accia-
juoli donna à Ferdinand II, duc de Toscane. Ce théâtre avait 24 dé-
cors différents pour changement de scènes et 124 marionnettes. Il était
combiné de manièrequ'un seul homme dirigeât tous les mouvements des
personnages. Le célèbre Philippe Juavara composa des scènes et les
joua sur le théâtre des marioimettes du cardinal Ottoboni Fiano. Ce
petit et déjà célèbre théâtre de marionnettes du palais Fiano était
LES THÉÂTRES DE ROME / ^g^
Situé à l'angle de San Lorenzo in Lucina Philinnp T.nr • .
son état, résidant Via déclin Vit. *^^'"PPe ieoli, ciseleur de
comique il,ustrcet?e si ^^^^^^^^^^^ T '""'"'""^' '^ '^'^'^ ^"
"ne marionnette qu' 1 ava t L-r ^ T"' '""^^^' '^ ^ ^^^^^a
CassaudrinoX^éZL^^^^^^^ '' ^'^^-^^^ra ou
-utre, de critiqLr IpirTu^^ e^^^^^^
sorte que, souvent e.nprisonné Tien or t ^'^^^^^^"«"^ent ; de
donner ses représenlatinn^ T . P^"'" ^««^"^mencer à
théâtre et, ju qTeTS^ ^<^eouraient à ce
Bépublique romaine avec Saffi et Ma i 1 ^ "'""''"* ^' '*
spectateurs de ces représentairsr',."" ^'' ^'"^ "^'^'^"^
Belti y manquait, lui':~^^^^^^ '^^^^~' ^^^Ivatore
.t:^MS^'i;^^ '^ -"^p-^-- ^e
Metastasio écrWait^^^^^^^^ ^^-' en 1728.
On compte parnT es L s d t """'T '" '""^'^"^ "" ^"^^^ Ezio
Broschi^i/^FariS 'S:^ "^Z^^ ^élèbr^s m.. iciens Charles
comblés d'honneurs et de rici e 1 idJ f '' ''"' ^^"^
princes et des princessf s II J T ' '' ^'' souverains, des
^^i-inutifdu ^o^Tonlj;:'^^^ '' ^^^P^"''-'
célèbres du xvm- siècle '"' '' ""^''"^ chanteurs
r^^^L^i:::^^^^ -'T'^'' ^^ ^^"--^- Avant que
très n^usicienré^i t é^' é è^^^^^^^ dans ses Mémoires, d'L
Pacchieratti, Corneliani etc o! l ^^"' ^^'"''"'' Grescentinf,
^ait un noni sur'v ^'tSt,^ S^'^ ^""^^^ ''''' ^'^^^"^
les prénoms de certaines, telle que S flisba clm^ ^"^
avons les noms de cert^inp^ . . ' ^'""^'''^' "^^«^n^tis
Oe Muti, Valerl sans pt .^e ^^^ ''T' ""' ''"^'^'^
cantatrices honoraires dune foui de n ''' '^'^^ose di caméra,
Bologne, Bordoni de Veni e il Uilî^' v'''' ''"'"^^ ^'"^'^^■^''» '^
les Bomaines Aschier «rB «^
protectrice de >fetastasio, qui h' tsll^^^^^^^^^ ^'^^
dans leurs sonn;ts le Ta 1 e^£"
en 1613, Diane Ponti connne!nn'7 ' ^ "'"' Bocha, morte
ginie Amireini, f le Te Ir 't F^^ ^ '' '""'^' ^''''
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-.^rap*.«fei«rfis*
498
LA PRÉLAÏURE DE LÉON XIII
avait épousé Jules-César Castellani. Les hommes les plus eu vue de
son temps se réunissaient dans la maison de son père, Muzio Baroni.
Milton fréquenta sa société en 1639, comme la fréquentèrent aussi
écoliers, artistes lettrés, prélals et cardinaux, ce qui fit dire à Sal-
vatore Rosa, en parlant d'elle : « La harpe d'une Licisca enchante-
resse attire à Home plus de monde, pour l'entendre, que la cloche uni-
versitaire de la Sapienza. » Cette Eléonore fit tant parler d'elle, que
la reine Anne d'Autriche la fit venir à Paris et que le cardiiial Ma-
zarinenfit sa cantante di caméra. Mais elle ne tarda pas à retourner
en Italie et se fixa à Rome où elle mourut, en 1070, à l'âge de oT ans.
Elle fut enterrée à Santa Maria délia Scala.
Avant de fouiller plus avant dans les notes de l'abhé Benedelti,
maintenant ([ue nous savons que la Cour romaine, aux xvii* et
xvm* siècles, fit la guerre aux théâtres publics, jetons un rapide coup
d'œil non seulement sur le théâtre antique, mais aussi sur le théâtre
du moyen âge et de la renaissance, qui fut le père légitime du
théâtre moderne. On sait que les peuples théocratiques n'eurent pas
de théâtres. Le théâtre fut inconnu aux Égyptiens et aux Israélites.
Leur esprit était trop rempli de superstitions chez les uns, et de trop
subtile discussion théologique chez les autres. Les Grecs et les Ro-
mains, au contraire, cultivèrent le théâtre, et leurs œuvres en cet
art sont immortelles. La représentation du beau revêtit chez eux
toutes les formes que les lettres pussent produire. Les tragédies
d'Eschyle, d'Euripide, de Sophocle et les comédies de Ménandre,
d'Aristophane parmi les Grecs, sont restées célèbres ; comme le sont
aussi celles de Térenceet de Plante chez les Romains. Ce fut là l'ori-
gine du théâtre de la Renaissance.
Pendant dix siècles environ, du iv« au xm" de l'ère chrétienne,
rélite de la Société n'eut plus de théâtres; comme elle n'eut
plus d'écoles, de bains publics, d'académies, rien de tout ce que com-
portait la civilisation antique. L'Italie, dans cette ère nouvelle de
civilisation, ouvrit de nouveau ses théâtres, sous une forme étrange.
On puisa dans la Bible les sujets des pièces. Les saints du calendrier
catholique devinrent les héros de la scène, les patriarches, les martyrs
et les confesseurs amusèrent le public, sous forme de drames et de
comédies qu'on appela Mystères. J'ai vu sur la place de Satit'Atimo
un théâtre volant où l'on représentait le martyre du saint. Au
dernier acte, on lui tranchait la tête devant le public mystifié, de la
même manière qu'opèrent les charlatans. Et ces indignes bouffonneries
avaient eu une origine très sérieuse, dans les Mystères.
^s^'
^o
I
LES THEATRES DE KOME 499
En 1264, à Rome, la Compagnie du Gonfalone eut mission de
représenter les mystères de la Passion du Christ. Une représentation
spiriluelle eut lieu à Padoue, le jour de Pâques, 1243 Vers 1230 à
Bologne, un certain Fabrizio composa des tragédies en patois du
pays. Cet usage se répandit dans tous les pays d'Europe où la Bible
lut pillée pour être portée sur la scène, de telle manière que les saints
mystères finirent par devenir indécents.
Le XV' siècle, date de la renaissance des lettres et des arts fit
aussi renaître l'art dramatique. Poliziano, Bruni Aretino, Albert! et
Ricci s y révélèrent. Le duc Hercule faisait construire dans la cour de
son palais un théâtre en bols où l'on récitait la traduction des comé-
dies de Piaille, les Mes.éniens, V Amphitryon, et celles de Boiardo
de Collenuccio et de Nanti. Léon X faisait jouer à Rome, devant sa
Cour, m plus ni moins que la Clizia et \^Mandragora de Machiavel
la So;onisbai\t Trissino, la liomunda de Rueellai, la Calandra dû
cardinal de Bibbiena. Cette dernière fut aussi jouée à Lyon lors de
rentrée dans cette ville d'Henri H et de Catherine de Médieis En
1371, Charles IX avait appelé les comédiens italiens à Paris où ils
jouèrent devant la Cour. Le duc de Nevers, qui était Louis Gonza-
giie de la Maison de Manloue, les logea princièrement.
On introduisit ensuite dans la comédie les masques, sujets caracté
ristiques d'un pays, qu'une étude railleuse et satirique enfanta II
faut citer les plus anciennes comédies, le Dollar Spaviento, Coriello
furbo, P.iscariello, Giangurgolo, paysan de Calabre, Gonsolmitw
Romain prétentieux et maniéré. Cette fois encore l'art né en Italie'
franchit les Alpes. Catherine de Médieis introduisit' en France ce
nouveau genre, pendant que l'Allemagne cherchait à faire monter
sur la scène la vie sociale et le schisme de Luther. Et, cette fois les
germes artistiques transplantés hors de l'Italie furent féconds'- le
génie anglais y recueillit un Shakespeare et un Wycherlay, pendant
que l'Espagne et la France y voyaient naître un Cervantes, un
Molière, un Lopez de Vega, un Calderon.
Au xviii» siècle, .Vlartelli, qui donna son nom aux vers de son inven-
tion, écrivit des tragédies et des drames en collaboration avec
Antonio Conti. Maffei écrivit Mérope. Vint ensuite Goldoni qui com-
posa, d abord, des comédies à effet, pour créer ensuite la comédie
moderne. Il en a laissé un grand nombre, et les meilleures sont écrites
en dialecte vénitien. Alfieri fut le dernier à porter la tragédie à son
apogée; il n'a pas été dépassé depuis. Addison avec son Caton Con
grève avec ses comédies et Thompson avec ses tragédies, donnèrent
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500
LA PRÉLATLUE DE LÉON XIII
un sérieux essor à l'art anglais. Les Espagnols suivirent l'école fran-
çaise où s'élaildistingué Molière, le vrai père de la comédie moderne.
Mais, AUieri excepté en Italie, ce fut en Allemagne que l'art drama-
tique trouva ses meilleurs interprèles. Les drames et les tragédies
de Schlegel et de Lessing arrivèrent à un tel point de perfection, que
la supériorité leur fut facile en livalisant avec Schiller et Goethe.
En dehors du drame, la Renaissance nous donna la chorégra-
phie qui, d'après son étymologie grecque, signifie l'art de noter et de
diriger la danse. Les Français l'inventèrent. Dès 1588, Jehan Tabourot
puDUail un ouvrage intitulé VOrchesographie, dans lequel, se ser-
vant de la musique, il réussit à noter les pas de la danse avec
des accompagnements de tifre, de tambour, de tambourin, etc.. Le
professeur de danse de Louis XIV, Beauchamps, essaya de réformer
le système de Tabourot; mais il mourut en 1693, sans avoir rien créé
de nouveau. On se souvient que le grand Louis dansa à 13 ans, en 1651 ,
au bal (\e Cassandre ; et que la Cour tout entière dansa, an Théâtredes
Machines, aux Tuileries, dans le ballet intitulé : Hercule amoureux.
Toutefois les dames ne dansèrent pas au théâtre, avant 1681. Ce fut
celte année-là que dansa la Daiiphine avec toutes les princesses du
sang, dans le Triomphe d'Amour de Lulli, exécuté à Saint-Germain.
Dep'iiis ce jour, beaucoup de jeunes filles apprirent à danser.
On joua n Rome, en 1614, VAmor pudico de Cicognini, dans une
soirée dansante; et, eu 1668, la Guerra d'amore et la Gueira di bel-
lezza d'Andréa Salvalori. Au xvii^' siècle, à Venise, le prince de
Brunswick donna une grande fête sur le Canal Grande. Dans les
ombres de la nuit apparut une énorme baleine, portant Morphée
assis qui chantait. Tout à coup, le monstre ouvrit ses lianes et
figura une colline avec les Champs-Elysées et les jardins des Hespé-
rides, dont les arbres étaient éclairés d'une multitude de petits bal-
lons en couleur renfermant des lumières. Au milieu de ces arbres, en
costume de théâtre, se trouvait un grand nombre de musiciens qui
accompagnaient, avec mélodie, un i etit drame qu'on jouait sur le
sommet de la colline.
A fépoque qui nous occupe (1769-1800), après Aulelta, Porpora,
Alucci, Ponticelli, Zingarelli, Nicolini, et surtout Pdisiello que Cathe-
rine ll'fit venir à Saint-Pétersbourg en 1776, on fit grandement cas
des célèbres Piccinini et Ciinarosa, tous deux Napolitains. Le premier
fit jouer à Rome Cecchina en 1760, Alessandro nelle Indie en 1758,
Olimpiade en 1761, Anligone en 1771, Sara, oratorio composé à
Rome en 1769. Ce maître fécond, qui de bonne heure se fixa à Paris,
LES THÉÂTRES DE ROME
501
écrivit au moins 80 opéras. Il n'eut pour rival que Gluck, qui formait
en France une autre école. Anfossi, le protégé de Marie-Antoinette,
fut son compétiteur; et Bari, sa ville natale, lui a dédié son théâtre.
Dominique Cimarosa, né à Naples, en 1739, écrivit lui aussi, dans
l'espace de onze mois, à Rome, son Alessandro nelle Indie; à Turin,
i
Le Carnaval de Rome. — La course du Berberi (Dessin de Thomas).
VArtasrse; à Venise : \l Convito et VOlimpiade; et de nouveau, à
Rome, le Piltor parigino. En 1792, l'empereur d'Autriche le fit
venir à Vienne et lu* assigna une rente de 12,000 florins. Revenu à
Rome, en 1796, il écrivit les Nemici generosi en 1798, et fit jouer
Achille aWassediodi Troia et Vlmprudente fortunato. La Révolution
r
I
'/
500
LA PRÈLATLUE DE LÉON XIII
uii sérieux essor à l'art anglais. Les Espagnols suivirent l'école fran-
(;aise où s'élait distingué Molière, le vrai père de la comédie moderne.
Mais, Alfieri excepté en Italie, ce fut en Allemagne que l'art drama-
tique trouva ses meilleurs interprètes. Les drames et les tragédies
de Schlef'el et de Lessing arrivèrent à un tel point de perfection, que
la supériorité leur fut facile en livalisant avec Schiller et Gœthe.
En dehors du drame, la Kenaissance nous doinia la chorégi-a-
phie qui, d'après son étymologie grecque, signifie l'art de noter et de
diriger la danse. Les Frauijais l'inventèrent. Dès 1588, Jehan Tabourot
publiait un ouvrage intitulé \' Ovchesographie ^ dans lequel, se ser-
vant de la musique, il réussit à noter les pas de la danse avec
des accomi)agnements (le tifre, de tambour, de tambourin, etc.. Le
professeur de danse de Louis XIV, Heauchamps, essaya de réformer
lesvstème de Tabourot; mais il mourut en lG9o, sans avoir rien créé
de nouveau. On se souvient que le grand Louis dansa à 13 ans, en IGol,
au bal iX^Cassandre: et que la Cour tout entière dansa, au Théâtre des
Machines, iww Tuileries, dans le ballet intitulé : Hercule amoureux.
Toutefois les dames ne dansèrent pas au théâtre, avant l(J8l. (le fut
celte année-là que dansa la Daupliiue avec toutes les princesses du
sang, dans le Triomphe d'Amour de Lulli, exécuté à Saint-Germain.
Dep'iiis ce jour, beaucoup de jeunes tilles apprirent à danser.
On joua :« Kome, en IGii, VAmor pudico de Cicognini, dans une
soirée dansante; et, en 1008, la Guerra d'amure el la Cuei ra di bel-
lezza d'Andréa Sahalori. Au wir siècle, à Venise, le prince de
Brunswick donna une grande fêle sur le Canal Grande. Dans les
ombres de la nuit apparut une énorme baleine, portant Morphée
assis qui chantait. Tout à coup, le monstre ouvrit ses lianes et
tigura une colline avec les Chamt»s-Élysées et les jardins des Hespé-
rides, dont les arbres étaient éclairés d'une multitude de i)etits bal-
lons en couleur renfermant des lumières. Au milieu de ces arbres, en
costume de théâtre, se trouvait un grand nombre de musiciens qui
accompagnaient, avec mélodie, un i élit drame qu'on jouait sur le
sommet de la colline.
A l'époiiue (lui nous occupe ( 17i>y-l800i, après Auletta, Porpora,
Alucci, Ponticelli, Zingarelli, Nicolini, et surtout Pdisiello que Cathe-
rine u'tit venir à Saint-Pétersbourg en IT'G, on lit grandement cas
des célèbres Picciuini et Cimarosa, tous deux Napolitains. Le premier
tit jouer à Uome Cecchina en 1700, Alessandro nelle îndie en 1758,
Olimpiade eu 1761, AnUijone en 1771, Sara, oratorio composé à
Kome en 1760. Ce mailre fécond, (^ui de bonne heure se fixa à Paris,
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LES TIIKATKES DE HOME
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écrivit au moins 80 opéras. Il n'eut pour rival que Gluck, qui formait
en France une autre école. Anfossi, le protégé de Marie-Antoi nette,
fut son compétiteur; et Bari, sa ville natale, lui a dédié son théâtre.
Dominique Cimarosa, né à Naples, en 1739, écrivit lui aussi, dans
l'espace de onze mois, à Home, son Alessandro nelle Indie ; à Turin,
Le Carnaval de Rome. — La course du Berheri Dessin de Thomas).
VArtasrse; à Venise: \l Convito ai ï Olimpiade ; ei de nouveau, à
Uome, le Piltor parigino. Eu 179:2, l'empereur d'Autriche le fit
venir à Vienne et lui assigna une rente de 1:2,000 florins. Bevenu à
Rome, en 17î)6, il écrivit les Xemici fjenerosi en 1798, et fit jouer
Achille all'assedio di Troia et Vlmprudente fortunato. La Révolution
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LA PRÉLATURK DE LÉON. XllI
le ramena à Naples; il y composa un chant patriotique qui lui valut
la prison, et, dit-on, le poison. Ayant survécu, il s'enfuit à Venise,
où il mourut en 1801. A Rome, le cardinal Consalvi, admirateur
enthousiaste du maître napolitain, sans s'occuper s'il avait été révo-
lutionnaire ou non, lui fit faire de solennelles funérailles dans
l'église San-Carlo in Catenari où l'on exécuta la première messe
qu'il avait composée. Consalvi commanda aussi le buste du célèbre
compositeur par Canova et le fit |)lacer au Panthéon, à côté de celui
de Raphaël, pour montrer qu'on le pouvait considérer comme le
Raphaël de la musique. Le même cardinal-secrétaire accorda une
pension aux sœurs de Cimarosa pour leur permettre de vivre honora-
blement. Le buste de ce maestro^ qui avait écrit 870 opéras, est
aujourd'hui au Capitole, dans la galerie des hommes illustres.
Naples finalement a donné le nom de Cimarosa à un de ses
théâtre*».
En Italie, la passion de la musique était grande; mais il y man-
quait encore le vrai mélodrame. Les opéras en musique n'étaient que
de stupides drames en yer^f en partie mis en musique. Les opéras -
bouft'es étaient des sortes de vaudevilles et opérettes; la tragédie et la
comédie attendaient Alfieri et Goldoni. Los bals étaient des espèces
de pantomimes ou danses mauresques, avec de nombreuses transfor-
mations où l'on voyait les comédiens habituels, habillés en femmes,
et les grotesques qui faisaient des sauts ridicules, mais qui ne furent
jamais de vrais danseurs.
Le pape Renoit XIV ne permettait pas encore aux femmes déjouer
sur les théâtres de Rome. Il répondit, en 1753, à l'illustre Mafifei qui
désirait faire jouer à Rome et dans l'Etat ecclésiastique, Métope avec
des vraies actrices : « Nous avons pris l'engagement de maintenir,
dans celte ville de notre Etat où il n'y a pas l'habitude que les femmes
jouent, chantent ou dansent, la défense aux femmes de se pro-
duire sur la scène et dans les bals, malgré les prières qui nous sont
faites. » En conséquence, des hommes seuls jouèrent les comédies de
Goldoni et les tragédies d'Alfieri et de Monti. Près d'un demi-siècle
s'écoula encore avant que les femmes parussent sur les théâtres de
Rome. D'ailleurs, les théâtres ne s'y ouvraient qu'à la saison du
Carnaval, qui commençait le :2 janvier. On risquait quelquefois l'ou-
verture d'un théâtre en automne; et cela eut lieu en 1778, quand
Medebach, avec sa compagnie du théâtre vénitien de Saint- Angelo,
joua les comédies de Goldoni. iMais parurent elles sur la scène, les
femmes Medebach, Martorini, Borghini e! Marleani / Notre abbé ne
LES THÉÂTRES DE ROME
503
le dit pas, et il faut croire que, seuls, des hommes habillés en femme
et des masques y jouèrent.
En 1780, un ouvrit le théâtre Alibert, à l'automne, mais pour la
musique et les bals. Il existe sur ce sujet, dans les Mémoires de
l'abbé, un document curieux. C'est une dépêche du Secrétaire d'Etat
au lieutenant Montani, à Ancône, pour accorder l'autorisation de
laisser jouer hommes et femmes sur ce théâtre :
Rome, mars n88.
« Illustre Seigneur,
« La Sacrée Consulte^ après avoir examiné votre demande, l'avis
« de l'Oracle et l'approbation de Sa Sainteté préalablement obtenus,
« vous fait savoir que le Saint-Père a bien voulu exaucer l'instance de
« Rose Medebach et autres comédiens qui pourront, au printemps
« prochain, représenter dans votre théâtre public des comédies, avec
« leur compagnie d'hommes et de femmes; pourvu toutefois que ce
« soit après la Mission que l'Em. Evêque se propose de faire donner
« à Ancône. C'est en ces termes que vous voudrez bien lui trans-
<( mettre cette autorisation. Que Dieu vous conserve, etc.,
Ignace Card. Bonoompagisï Lud. »
ïl y fallut toutefois un vote de la Sacrée Consulte, l'oracle de sa
Sainteté, et puis attendre qu'on eut achevé la Mission, selon la volonté
du cardinal évêque d' Ancône, Annibal Ranuzzi. Après quoi,
^[me (^Qjje Medebach put jouer dans cette ville où, depuis 80 ans,
une seule femme avait paru sur la scène (écrit le carJinal Ranuzzi),
causant un grand scandale et un grave préjudice aux bonnes mœurs.
Ce prélat, natif de Bologne, ne savait-il pas qu'à Rologne même et
dans toutes les Romagnes, jusqu'à Sinigaglia et à la porte d' Ancône,
les femmes chantaient et jouaient sur la scène? Ce qu'il y a de plus
singulier, c'est que les prêtres, les prélats et les cardinaux fréquen-
taient les théâtres, surtout les cardinaux légats qui avaient leur loge
dans tous les principaux théâtres; tels que le cardinal Hertzan, mi-
nistre du roi de Hongrie, le cardinal Orsini, délégué du roi de Naples,
le cardinal de Bernis, ambassadeur du Roi Très-Chrétien et, après lui,
le cardinal Fesch, oncle et représentant de l'empereur Napoléon. Ne
dit-on pas aussi que M»»" Charles Odescalchi, plus tard cardinal,
«,
4
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— *ïaBaas%..j-i,*,
Q04
LA PRÉLATURK DE LÉON XIII
jouait lui-même avec la duchesse de Ceri, comme nous le verrons
plus loin ?
Les théâtres se fermaient le vendredi, les vigiles des saints et pen-
dant certains jours de fête. De rares lampes à huile éclairaient par-
Xe Carnaval de Rome. - Le but de la course au Palazzo Venezia (Thomas).
cimonieusemenl la salle, et la lumière faisait tellement défaut à
rentrée qu'on y trouvait des vendeurs criant à la fois: « Opéra, pro-
gramme, bougie ! » Sans lumière à la main, il était impossible de
lire le:programme de l'opéra et du ballet. Quelques rares instruments
à cordes, quelques flûtes et quelques clarinettes composaient tout
f
LKS THÉÂTRES DE ROME
505
rorchestre; les instruments en cuivre étaient exclus. Les décors
juraient souvent avec l'œuvre et l'époque, et les scènes se succédaient
avec une lenteur désespérante. Le vestiaire était tel, qu'aujourd'hui
il ferait éclater de rire. Les femmes s'habillaient selon bur caprice
et paraissaient sur la scène, pour jouer le rôle de Cléopâtre ou d'iphi-
génie, avec la crinoline et le toupet poudré. Les hommes révélaient
des costumes de chevaliers avec le chapeau à pointe et l'épée, et, sur
leur habit à queue d'hirondelle, ils jetaient un manteau rouge ou
Le Cirnaval de Rome. — Les moccoli sur le Corso. (Thomas.)
quelque chose d'approchant. C'est ainsi que l'abbé Benedetti se rap-
pelait avoir vu habillé le ténor Jean Ausani, qui jouait le rôle de Caius
Marins. C'est ainsi que le vieux maîire Héliodore Blanchi racontait
avoir vu jouer à la Scala de Milan, du temps de sa verte jeunesse,
alors qu'il avait une belle voix et qu'il aspirait à la place de ténor.
On conversait habiiuellement au théâtre, on y mangeait pâtisseries
et contiseries, on passait d'une loge à l'autre, causant avec les voisins
et même avec le parterre qui était presque toujours vide et ne se
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LA PRKLATLHK DE LKON XIII
jouait lui-même avec la duchesse de Ceri, comme nous le verrons
plus loin ?
Les théâtres se fermaient le vendredi, les vigiles des saints et pen-
dant certains jours de fête. 1). rares lampes à huile éclairaient par-
Le Carnaval de liuine. - Le but de la course au Palazio VeNeiia iTliomas^
cimonieusemenl la salle, et la lumière faisait tellement défaut à
l'entrée qu'on y trouvait des vendeurs criant à la fois : « Opéra, pro-
gramme, bou-ie ! » Sans lumière à la main, il était inipossible de
lire le^rogramme de l'opéra et du ballet. Quelques rares instruments
à cordes, quelques tlùtes et quelques clarinettes composaient tout
LKS THÉÂTRES DE ROME
505
Torchestre; les instruments en cuivre étaient exclus. Les décors
juraient souvent avec l'œuvre et l'époque, et les scènes se succédaient
avec une lenteur désespérante. Le vestiaire était tel, qu'aujourd'hui
il ferait éclater de rire. Les femmes s'habillaient selon Lnir caprice
et paraissaient sur la scène, pour jouer le rcMe de Cléopâtre ou d'iphi-
génie, avec la crinoline et le toupet poudré. Les hommes revêtaient
des costumes de chevaliers avec le chapeau à pointe et l'épée, et, sur
leur habit à queue d'hirondelle, ils jetaient un manteau rouge ou
Le Cirnaval de Rome. — Los moccoli sur le Corso. (Thomas.)
quelque chose d'approchant. C'est ainsi que l'abbé Benedetti se rap-
pelait avoir vu habillé le ténor Jean Ansani, qui jouait le rcMe de Gains
Marim. C'est ainsi que le >ieux maître Héliodore Bianchi racontait
avoir vu Jouer à h Scala de Milan, du temps de sa verte jeunesse,
alors qu'il avait une belle voix et qu'il aspirait à la place de ténor.
On conversait habiiuellcment au théâtre, on y mangeait pâtisseries
et confiseries, on pas.sait d'une h.ge à l'aulre, causant avec les voisins
et même avec le i»arterre qui était presque toujours vide et ne se
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LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
remplissait que pour entendre quehjues duos ou quelque passage
d'opéra des plus célèbres musiciens. Ceux-ci chantaient encore dans
d'autres théâtres d'Italie avec ou sans le concours de femmes, tant
était grande la renommée que se faisaient quelques-uns d'entre eux
et tant s'était propagée l'habitude de voir des hommes chanter un
rôle de femme.
Il semblerait que notre abbé Benedelti n'ait commencé à fréquenter
le théâtre qu'en 1769; car il n'en fait nulle mention dans ses
Mémoires, avant cette date. L'abbé était page, dans la famille Colonna;
il était attaché à la personne de dame Colonna qui, comme loules
les dames de cette époque, se faisait servir entièrement par son
sigisbée. Il lui mettait et lui enlevait son manteau, lui présentait
l'éventail, lui offrait le monocle, lui passait la chaufferette ou le
coussin sous les pieds, la chaussait et la déchaussait quand elle le
désirait. Puis, il restait là, debout, aux ordres de madame.
Nous trouvons annoté que le mardi, 3 janvier 1769, il avait
accompagné Marianne Colonna au Teatro délie Dame, c'est-à-dire à
l'Alibert, où l'on jouait Demetrhis du célèbre abbé Metastasio, poète
et compositeur. Pendant l'entr'acte, eut lieu un ballet dont l'abbé ne
donne pas le titre.
Le mercredi, 4 janvier, il alla au théâtre de Torre Aryenlina, où
l'on jouait le Cid avec ballet aux entr'actes.
Le jeudi, 5 janvier, il vit, au théâtre Tordinona, la tragicomédie
intitulée Lo Schanderberck, suivie d'une farsaen musique, à i voix,
intitulée : Il Gelow stravafjanle.
Le sameili, 7 janvier, il assista, au théâtre Valle, à la Biuietta
aïïimprovviso, comédie caractéristiqueaccompagnéedu Sposo burlatOy
chanté à quatre voix pendant l'entr'acte.
Le lundi, 9 janvier, au théâtre Pace, il vit jouer la nouvelle comé-
die intitulée: La Fedeltd in amore, ou la Schiava riconoscente, avec
farsa en musique à quatre voix. Il volubiley qui suivait, était coupé
par des ballets.
L'abbé était trop jeune alors pour juger, il notait seulement ce
qu'il avait vu dans ces soirées et les suivantes. Mais cela dura peu.
Tout amusement cessa, en effet, celte année, à la mort de Clé-
ment XIII Kezzonico, survenue dans la nuit du jeudi, ^2 février. C'est
pourquoi mascarades, courses, comédies et bals cessèrent tout à
fait, et les palii (dais), destinés aux courses du mercredi et du jeudi,
furent envoyés en don, par l'Iïtat romain, l'un à l'église coilégiale
^SÊÏTKa-
■Zi *
LKS THÉÂTRES DE ROME
507
de Saint-Marc et l'autre à l'église des Religieuses de la Purificaliony
dont la fête arrivait ce jour-là.
L'événement théâtral le plus marquant que l'abbé ait noté fut,
pour 1770, la représentation de Ezio chanté par le musicien Gatena
au théâtre Alibert, avec prologue en honneur de Joseph IL
Kn 1771, l'abbé nota — probablement parce que c'était la pre-
mière fois qu'il y allait — trois fêtes de bal données les 4, o et
6 février, dans les salles du palais du Govenio vecchio, dans la rue
de ce nom. Quelques citadins en firent les frais. Les dames s'y rendi-
rent en masque, et l'abbé rappelle que la dame du Connétable,
entourée de Maures et d'eunuques, excita l'admiration de tous par
son costume de Circassienne. Cette fêle avec masques fut reproduite
au festin, dans le théâtre Alibert où l'on donnait des bals publics.
Le 17 février 177:2, à la représentation de Faniace, à l'Alibert, le
prologue fut chanté par le virtuose musicien Joseph Pugnetti qui,
sortant d'une nuée, chanta des vers à la louange de l'archiduc
Léopold, grand-duc de Toscane.
Rien de saillant n'est noté pour les carnavals de 1773 et 1774.
L'abbé, qui commençait à devenir jeune homme, peut-être obligé
d'aller aux collèges étudier, accompagnait moins souvent sa Dame. Il
faut aussi noter qu'il n'y eut pas de carnaval, en l77o, parce que ce
fut l'année sainte, c'est-à-dire le Jubilé. Rien de remarquable, si ce
n'est que le pape lit sortir de Rome un monstre (peut-être un rhino-
céros), afin de ne pas distraire, par la présence de cette bête dans la
ville, les fidèles des pratiques religieuses.
En 177tj, Paisiello fit représenter plusieurs de ses mélodrames et
une cantate intitulée : VAddio. Elle plut beaucoup à l'abbé Rene-
detti, qui ne note aucun autre souvenir sUr le carnaval de 1777. Il
donne quelques remarques sur les théâtres, pour l'année 1778 seule-
ment. On représenta deux opéras à l'Alibert: la Finta sprezzante
du maître Otlavi et VAmévicana in Halia du maître Caruso. Les
comiques Cavalli et Grandi y chantèrent, ainsi que le ténor Neri. Le
rôle des femmes fut lenu par Rarlolini, Quintapace et Neroni ; les
ballets en étaient de Guglielmi. A TArgentina on joua rO/iw]yiarf<?
d'Anfossi. Au théâtre Valle on récita des comédies, avec entr'actes
en musique, le Ritorno di Calandrino de Cimarosa elle Cofitrogenio
d'Anfossi. Au Campranica, comédies suivies de musique : ie Mav-
chese Verd'Antico de Gazzanigo, et VUalia incanlata de Marcello
de Gapoue, opérettes légères, remplies de bouffonneries et de
transformations qui faisaient les délices des spectateurs.
F.-
i
f 1
H':
308
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
En 1779, les Mémoires de Tabbë deviennent plus riches pour ce
qui concerne le théâtre. Il loue, avant tout, un édit de M*' Spinelli
Gouverneur de Rome, pour maintenir le bon ordre dans les
théâtres. Spinelli, que notre abbé et Monti célèbrent en le comparant à
Scipion et aux plus illustres héros romains, publia un édit sur les
théâtres, d'après celui du cardinal Alexandre Falconieri, en date du
7 janvier 17:21, alors que ce personnage était aussi Gouverneur de
Rome. Dans cet édit, après avoir parlé du but moral des représen-
tations sur la scène, il menace du bâton, de la corde et des galères
quiconque, par paroles ou gestes inconvenanis, ou de toute autre
manière, aura été cause de trouble pendant la représentation. Après
cela, M^"" Spinelli recommande une teniie décente dans les théâ-
tres, défend les tavolette (escabeaux) et les chaises, surtout dans
l'allée du milieu, sous peine de cent écus d'amende aux imprésarios
et d'une triple flagellation à la corde, pour les employés et masques
(serviteurs) du théâtre. Ces recommandations de Falconieri et de
Spinelli permettent de déduire, semble-t-il, que nos aïeux ne se
comportaient pas, au théâtre, en gens bien élevés.
L'abbé rappelle ensuite avoir vu jouer au Tealro délie Dame un
drame comique : U Marchese di Caslelverde, avec musique du
Romain Augustin Accoramboni, coupé à intervalles par des ballets.
La musique en fut goûtée. La noblesse y accourut en foule, sans
doute, aussi parce que le compositeur était un patricien. Les chan-
teurs et chanteuses furent : du côté des hommes, Neri, Calveri, Bac-
chi, Pelliccioni ; et, pour les femmes, Bruni, Cavanna et Mariani.
L'autre opéra était de Bianchi, intitulé : Vhmocenza perseguitata.
L'abbé assista, à VArgentina, à la représentation de Ariano m
Siria, de Sarti, et là aussi il y eut des ballets. Au Capranica^ il en-
tendit jouer le Spinto folletto deGazzaniga et VAmbizione deluza de
Sarti, avec splendides Iransformazioni ou changements de décor,
qui l'amusèrent beaucoup. Le théâtre Valle était ouvert, et, bien que
l'abbé y fréquentât peu, parce qu'(m y jouait seulement la comédie,
il rappelle VUaliano à Londras de Cimarosa qu'on donnait, pendant
l'entr'acle, et où faisait fureur l'eunuque Crescentini, un des
derniers et des plus grands musiciens qui eût une splendide voix de
soprano.
Au carnaval de 1781, l'abbé alla au théâtre, dès le premier soir du
mardi, 2 janvier. Il fut à Torre Argenlina où l'on jouait le premier
drame sérieux : Scipione in Cartagine, avec musique du mc'ître de
chapelle Caruso, napolitain, et des ballets aux enlr'acles.
LES THÉÂTRES DE ROME ' 509
Le soir du 3 janvier 1782, au Tealro dtlle Dame fut joué le
premier drame gai le Militaire amoureux, avec musique de Citric-
chio, maître de chapelle napolitain. Il ne plut pas beaucoup. Voici
comment les rôles en furent distribués. Pour le rôle des femmes à
Augustin Raselli premier bouffon, Xavier Calibani deuxième bouffon,
premier rôle François Marchesi ; autres bouffons, Louis Adreani et
Antoine Bartolini. Pour les rôles d'hommes : premier rôle Dominique
Madrigali, premier bouffon Pacifique Cellucci. Les ballets étaient de
Ricciardi qui remplissait le rôle de premier danseur sérieux, etSaba-
tini tenait celui de danseur grotesque. Les ballets furent : Il Trionfo
d' Alessa7idro et Violante e Teodoro. La danseuse sérieuse fut Théo-
Le Carnaval de Rome. — Pupazzi e Pulcinelle tThomas).
phile Corazzi, et la grotesque Janvier Torchi, — qui étaient deux
hommes, tous deux.
La soirée suivante, au théâtre Capranica, on représenta une nou-
velle comédie, // vassallo infedele, avec un entr'acte en musique,
intitulé : La Contadina accorta.
Au théâtre Valle, où il alla les jours suivants, on recitait des comé-
dies improvisées (non écrites) avec farsa en musique, à cinq voix,
// Pittore parigino de Cimarosa. « Je fus heureux, ajoute l'abbé,
dans ses Mémoires, d'être allé à Tordinona, plusieurs soirs où l'on
jouait la tragicomédie la Crudelta di Nerone, avec farsa en musi-
que, et le Vecchio ringiifvanito de Marcello de Capoue. Mais la nuit
du 29 au 30 janvier, après le spectacle qui était la comédie la
A'.--
MM
l
II
11
508
LA PRÉLATURE OE LtON XIII
Eu 1779, les 31émoires de rabl)é deviemieiit plus riches pour ce
qui concerne le théâtre. Il loue, avant tout, un édit de M'^'" Spinclli
Gouverneur de Rome, pour maintenir le hon ordre daus les
théâtres. Spiuelli, que notre abbé et Monti célèbrent en le comparant à
Scipion et aux plus illustres héros romains, publia uu édit sur les
théâtres, d'après celui du cardinal Alexandre Falcouieri, en date du
7 janvier 17:21, alors que ce personnage était aussi Gouverneur de
Rome. Dans cet édit, après avoir parlé du but moral des représen-
tations sur la scène, il menace du bâton, de la corde et des fçalères
quiconque, par paroles ou gestes inconvenanis, ou de toute autre
manière, aura été cause de trouble pendant la représentation. Après
cela, W" Spiuelli recommande une tenijc décente dans les théâ-
tres, défend les tavolelle (escabeau xi et les chaises, surtout dans
l'allée du milieu, sous peine de cent écus d'amende aux imprésarios
et d'une triple llagellatiou à la corde, pour les employés et u)as(|ues
(serviteurs) du théâtre. Ces recommandai ions de Falcouieri et de
Spiuelli permettent de déduii'e, semble-t-il, que nos aïeu\ ne se
comportaient pas, au théâtre, en gens bien élevés.
L'abbé rappelle ensuite avoir vu jouer au Teatro délie Dame un
drame comique : Il Marcfie.se di Castelvenle, avec musicpie du
Romain Augustin Accorambcmi, coupé à intervalles par des ballets.
La musique en fui goûtée. La noblesse y accourut en foule, sans
doute, aussi parce que le compositeur était un patricien. Les chan-
teurs et chanteuses furent : du côté des hommes, Neri, Calveri, Bac-
chi, Pelliccioni ; et, pour les femmes, Bruni, Cavanna et Mariani.
L'antre opéra était de Bianchi, intitulé : Vhnwcenza perseçjuilata.
L'abbé assista, à VAnjenliïiay à la représentation de Ariano in
Siria, de Sarti, et là aussi il y eut des ballets. Au Capranica^ il en-
tendit jouer le Spinto folletlo deGazzaniga et VAmbizione deluza de
Sarti, avec splendides transforniazioni ou changements de décor,
qui l'amusèrent beaucoup. Le théâtre Valle était ouvert, et, bien que
l'abbé y fréquentât peu, parce qu'cm y jouait seulement la comédie,
il rappelle Vllaliano à Lonilra^ de Cimarosa qu'on donnait, pendant
l'entr'acte, et où faisait fureur l'eunuque (j-escenliui, un des
derniers et des plus grands musiciens qui eût une splendide voix de
soprano.
Au carnaval de 1781, l'abbé alla au théâtre, dès le premier soir du
mardi, 2 janvier. Il fut à Torre Anjentina où l'on jouait le premier
drame sérieux : Scipione in Cartagine, avec musique du maître de
chapelle Caruso, napolitain, et des ballets aux entractes.
tiCO'^ »
LES ÏIIÉATRIiS DE ROME
.-iOl)
Le soir du 3 janvier 1782, au Tealw délie Dame fut joué le
premier drame gai le Militaire amoureux, avec musique de Citric-
chio, maître de chapelle napolitain. Il ne plut pas beaucoup. Voici
comment les rôles en furent distribués. Pour le rôle des femmes à
Augustin Raselli premier bouffon, Xavier Calibani deuxième boufl'on,
premier rôle Francjois Marchesi ; autres bouffons, Louis Adreani et
Antoine Bartolini. Pour les rôles d'hommes : premier rôle Dominique
Madrigali, premier bouffon Pacifique Cellucci. Les ballets étaient de
Ricciardi qui remplissait le rôle de premier danseur sérieux, et Saba-
tini tenait celui de danseur grotesque. Les ballets furent : // Trionfo
dWlessandro et Violante e Teodoro. La danseuse sérieuse fut ïliéo-
Le Carnaval do Rome. — Pupaizi e Pulcinelle (ïhonias).
pliile Corazzi, et la grotesque Janvier Torchi, — qui étaient deux
hommes, tous deux.
La soirée suivante, au théâtre Capranica, on représenta nne nou-
velle comédie, // vassallo infedele, avec un entr'acte en musique,
intitulé : La Contadina accorta.
Au théâtre Valle, où il alla les jours suivants, on récitait des comé-
dies improvisées (non écrites) avec farsa en musique, à cinq voix,
Il Pittore parigino de Cimarosa. « Je fus heureux, ajoute l'abbé,
dans ses ^Mémoires, d'être allé à Tordinona, plusieurs soirs où l'on
jouait la tragicomédie la Crudella di Nerone, avec farsa en musi-
que, et le Vecchio ringiovanito de Marcello de Capoue. xMais la nuit
du 29 au 30 janvier, après le spectacle qui était la comédie la
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510
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
Scoperta délie Indie, ossia il Colombo, à 8 heures de nuit, on s'a-
perçut que le feu avait pris dans la partie supérieure du théâtre.
Immédiatement, on mit tout en jeu pour combattre l'incendie.
M^' Spinelli, gouverneur de Rome, vint en personne avec le personnel
de son tribunal pour donner des ordres opportuns. Les soldats ponti-
ficaux montaient la garde, pour éviter tout encombrement. On abattit
un pan de mur pour empêcher les flammes de gagner les maisons
voisines. Le beau théâtre fut toutefois complètement brûlé ; mais per-
sonne n'y périt, grâce à Dieu ! On a estimé le dommage causé à
40,000 écus. » Nous savons que le théâtre Tordinona, comme tous
les autres de Rome, étaif en bois. On ignore si cet incendie fut un
acte criminel et l'on n'en fit procès à personne. Cet édifice, à cette
époque, appartenait à la Chambre des Domaines, comme nous
l'avons vu aussi.
Finissons de glaner dans les Mémoires de l'abbé, pour cette année
ilS^I. Le lundi, 10 février, on représenla au Teatro délie Dame le
second drame gai, Il Fanatico, avec musique de Caruso ; et, le
dimanche, au théâtre Argentina, le second drame sérieux, Alessan-
dro nelle Indie, avec musique de Dominique Cimarosa. Ce dernier
impressionna si fortement les abbés romains, qu'ils ne tarissaient pas
en louanges pour Fauteur et qu'Us ne finissaient plus d'écrire des
sonnets pour le Cigna parienopeo, le Cygne de Naples où le maestro
était maître de chapelle.
A ces deux théâtres, il y avait des intermèdes de danses. Qui dan-
sait? L'abbé ne le dit pas. Il se contente de nommer ceux qui dan-
saient au Tealro délie Dame. Les époux Angiolini, toscans, étaient
alors célèbres. Ils avaient donné des représentations en Allemagne, en
Italie et en Russie. La Bugiani et la Paganini se firent aussi un nom,
à l'étranger. Mais, à Rome, les femmes ne dansaient pas et, de fait,
l'abbé n'en parle jamais. Il rappelle Veslris qui se fit remarquer à
Paris, dans les genres sérieux et gentils; Vigano, dans le grotesque;
Janvier Mayer napolitain, et son compatriote Gaétan Giara qui
inventa les ballets. Il rappelle aussi le grotesque Josué qui, à
ÏArgentina, faisait de tels sauts que, en vrai bouffon, il arrivait à la
hauteur du troisième rang des loges. On ne doit donc pas s'élonner si
les femmes ne dansaient pas, parce que les Romains étaient sur ce
point plus austères même que les prélats. Personne n'ignore, en
effet, que, vers les premières années du xix« siècle, on fit quelques
représentations de ballets avec des marionnettes. Mais les marionnettes
avaient des robes courtes qui s'envolaient, pendant les piquettes,
-*d?^it%*?'
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LES THÉÂTRES DK ROMK
511
de telle sorte que le public se scandalisa et se mit à crier : « Baissez
les jupes! » Et les robes furent allongées.
Si nous continuons à glaner, nous trouvons, pour les années 1782-
83, une quantité d'artisles pour le chant : le musicien Marchesi, le
ténor Babbi ni et Biaise Parca, qui chantèrent au Teatro délie Daine ;
la basse-chantante Botticelli, le bouffon Benucci. L'abbé Benedelti
Une canofiena. (Dessin de Thomas.)
rappelle le maître Gazzaniga qui mit en scène Tullio Ostilio, le
3 février 1794, à VArgentina, pendant qu'à VAlibert on jouait
VOlimpiade de Sarti, Il y avait des bals dans les deux théâtres;
Viganô dirigeait ceux du premier et Ricciardi ceux du second. On
remarquera, en outre, qu'au Capranica il y avait alors foule pour
la tragédie de V Incoronazione di Alfonso, re diNavarra. Les décors
et les costumes tout neufs furent créés par Vincent Mazzoneschi,
510
LA PRÉLATUKE DE LÉON Mil
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Scopertn délie Indie, ossia il Colombo, à 8 liem*es de luiii, on s'a-
l>er(:iit que le feu a\ait piis dans la partie supérieure du théâtre.
Immédiatement, on mit tout en jeu pour combattre rincendie.
31-' Spineili, gouverneur de Home, vint en personne avec le peisonnel
de son tribunal pour donner des ordres opportuns. Les soldats ponti-
ficaux montaient la garde, pour éviter tout encombrement. On abattit
un pan de mur pour empêcher les tlammes de gagner les maisons
voisines. Le beau théâtre l'ut toulot'ois complètement brùlé ; mais per-
sonne n'y périt, grâce à Dieu ! On a estimé le dommage causé à
40,000 écus. » Nous savons que le théâtre Tordinonu, comme tous
les autres de Home, étai? en bois. On ignore si cet incendie fut un
acte criminel et Ton n'en tit {)rocès à personne, ('.et édifice, à cette
époque, appartenait à la Chambre des Domaines, comme nous
l'avons vu aussi.
Finissons de glaner dans les Mémoires de l'abbé, pour cette aimée
178:2. Le lundi, 10 lévrier, on représenla au Tealro délie Dame le
second drame gai, // Fanatico, avec musique de Caruso ; et, le
dimanche, au théâtre Anjentina, le second drame sérieux, Alessan-
dro nelle Indie, avec musique de Dominique Cimarosa. Ce dernier
impressionna si fortement les abbés romains, qu'ils ne tarissaient pas
en louanges pour Tauteur et qu'ils ne finissaient plus d'écrire des
sonnets pour le Cigno parlenopeo, le Cygne de Naples où le maestro
était maître de chapelle.
A ces deux théâtres, il y avait des intermèdes de danses. Qui dan-
sait? L'abbé ne le dit pas. Il se contente de nommer ceux qui dan-
saient au Tealro délie Dame. Les époux Angiolini, toscans, étaient
alors célèbres. Ils avaient donné des représentations en Allemagne, en
Italie et en Uussie. La Bugiani et la Paganini se firent aussi un nom,
à l'étranger. Mais, à Kome, les femmes ne dansaient pas et, de fait,
l'abbé n'en parle jamais. Il rappelle Veslris qui se fit remarquer à
Paris, dans les gein-es sérieux et gentils; Viganù, dans le firotesque]
Janvier Mayer napolitain, et son compatriote Gaétan Giara qui
inventa les ballets. Il rappelle aussi le grotesque Josué qui, à
ÏArge7îtina, faisait de tels sauts que, en vrai bouffon, il arrivait à la
hauteur du troisième rang des loges. On ne doit donc pass'élonnersi
les femmes ne dansaient pas, parce que les Uomains étaient sur ce
point plus austères même que les prélats. Persoiuie n'ignore, en
effet, que, vers les premières années du xix^ siècle, on fil quehiues
représentations de ballets avec des maiionnettes. Mais les marionnettes
avaient des robes courtes qui s'envolaient, pendant les pirouettes,
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LKS THÉÂTRES Dli: ROME 511
de telle sorte que le public se scandalisa et se mit à crier : « Baissez
les jupes! » Et les robes furent allongées.
Si nous continuons à glaner, nous trouvons, pour les années 178^-
83, une quantité d'artisics pour le chant : le musicien Marchesi, le
ténor Babbini et Biaise Parca, qui chantèrent au Teatro délie Dame;
la basse-chantante Botticelli, le bouffon Benucci. L'abbé lîencdelti
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Une canofieua. (Dessin de Thomas.]
rappelle le maître Gazzaniga qui mit en scène Tullio Ostilio, le
3 février 1704, à VArgentiua, pendant qu'à VAlibert on jouait
VOlimpiade de Sarti. Il y avait des bals dans les deux théâtres;
Viganù dirigeait ceux du premier et Ricciardi ceux du second. On
remarquera, en outre, qu'au Capranica il y avait alors foule pour
la tragédie de Vlncoronazione di Alfonso, re diiXavarra. Les décors
et les costumes tout neufs furent créés par Vincent Mazzoneschi,
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512
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
architecte romain. Pendant les entr*actes, on chantait à cinq voix
un morceau de Gazzaniga, intitulé la Dama Contadina.
Dans la nuit du vendredi au samedi, 19 novembre, même année,
Benedetti note que, vers 8 heures de nuit, s'etfondra la voûte du
théâtre nouveau de Tordinona, causant une grande frayeur aux habi-
tants du voisinage. Elle enfonça le toit d'une maison voisine, sans
heureusement y faire de victimes, mais en y réduisant tout le mobi-
lier en miettes. Gomme ce théâtre menaçait encore ruine, M?''Busca,
gouverneur de Rome, accouru sur les lieux, fit évacuer les maisons
voisines et, confiant la garde de ces maisons aux soldats, il donna
Uue scampagnata. (Dessin de Thomas.)
l'ordre à l'architecte Barberi de démolir les murs. Ainsi ce théâtre
avait-il été détruit deux fois, en quelques années.
Le carnaval de 1786 fut fécond en représentations théâtrales, tout
au moins d'après les notes de Tabbé. Avant tout, il loue un édit de
M?"* Busca qui, voulant surpasser ses prédécesseurs, non seule-
ment menaça de peines très sévères laissées à l'arbitre de S. E , mais
établit eflfectivement \a corde et \e chevalet sur la place Navoiie, près
des théâtres Pace et Pallacrorda, tous deux fréquentés principale-
ment par le peuple. Sur l'ordre simple du barisel lou préfet de
police), ou administrait le fouet sur les fesses des délinquants, sans
autre forme de procès.
UÀlibert ouvrit ses portes, le 7 janvier, avec le mélodrame de la
Virginiay musique de Joachim Albertini, maître de chapelle, au
service du prince Stanislas Poniatowscki, neveu de S. M. le roi de
Pologne. Il y eut des ballets pour les intermèdes, œuvre de Domi-
LES THÉÂTRES DE ROME * 543
niqiie Hicciardi. Le prince fit cadeau à Albertini de 2,000 sequins et
ui doubla la pension. Les acteurs furent Rubinello soprano, Scorelli
ténor, Cibelli et Batuzzi musiciens, Benigni et Cibellis basses Le
soprano seul plut au prince, qui lui fit cadeau d'un camée entouré de
brillants. Il fit aussi d'autres cadeaux au premier violon et au pre-
mier des seconds. L'autre œuvre fut VArmida de Zingarelli -1 Le
Valle et le Capranica ouvrirent avec une Compagnie qui récitait en
prose les comédies de caractère, avec intermèdes en musique. Au
Valle, on eut la Grotta del Mago Merlino du maître Amiconi et au
Une Osteria, sur la Place San Giovanni {Dessin de Thomas).
Capranica, Vlmpegno ou Chi la ja, Vaspetti, avec musique de Joseoh
Au théâtre Pace, on applaudit le Tiramo Ctnea, avec deux ballets
potir intermèdes. Au Pallaccorda, on joua des comédies avec Îr
mèdes en musique, composées par le maître de chapelle romi n
étaÎÎTJr.1'^^^ "T''"^' *'^''^ '^ ^^ ''""^'^^ dans cette saison,
éi^^iXArgenttna. Le dimanche, 8 janvier de cette même année, on
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LA PRflLATl'KE DE LÉON XIII
architecte romain. Pondant les entr'actes, on chantait à cinq voix
un morceau de Oazzaniga, intitulé la Dama Contadina.
Dans la nuit du vendredi an samedi, 10 novembre, même aimée,
Benedetti note que, vers 8 heures de nuit, s'etîbndra la voùle du
théâtre nouveau de Tordinona, causant une ^Mande frayeur aux habi-
tants du voisinajïe. Klle enfoncja le toit d'une maison voisine, sans
heureusement y faire de victimes, mais en y réduisant tout le mobi-
lier en miettes. Gomme ce théâtre menaçait eficore ruine, M^'Busea,
gouverneur de Home, accouru sur les lieux, tit évacuer les maisons
voisines et, confiant la garde de ces maisons aux soldats, il donna
Lue scuinpuijmUa . J)es>iii de Thomas.
l'ordre à l'arcliitecte Harberi de démolir les murs. Ainsi ce théâtre
avait-il été détruit deux fois, en ([uelques années.
Le carnaval de 1780 fut fécond en représentations théâtrales, tout
au moins d'après les notes de l'abljé. Avant tout, il loue un édit de
M-'' Busca qui, voulant surpasser ses prédécesseurs, non seule-
ment menaça de peines très sévères laissées à l'arbitre de S. K , mais
étal)lit effectivement \^ corde ai \c chevalet sur la place Navoiie, près
des théâtres Pace et Pallaccorda, tous deux fré^pieulés principale-
ment par le peuple. Sur l'ordre simple du barisel lou prétVt de
police), ou administrait le fouet sur les fesses des délinquants, sans
autre forme de procès.
\j AUbert ouvrit ses portes, le 7 janvier, avec le mélodrame de la
Vinjinia, musique de Joachim Albertini, maître de chapelle, au
service du prince Stanislas Poniatowscki, neveu de S. M. le roi de
Pologne. Il y eut des ballets pour les intermèdes, œuvre de Domi-
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LES THEATRES DE ROME ' 3,3
nique Kicciardi. Le prince fil cadeau à Albertini de 2,000 sequins et
u. doubla la pension. Les acienrs furent Rubinello soprano, Scorelli
ténor, Cibell. et Baluzzi .nusiciens, Beni^'ni et Cibellis basses Le
soprano seul plut au prince, qui lui lit cadeau d'un camée entouré de
brillants. Il fit aussi d'autres cadeau.x au premier violon et au pre-
nner des seconds. L'autre œuvre fut VArmida de Zingarelli. - Le
Valle et le Capranka ouvrirent avec une Compagnie qui récitait en
p.ose les comédies de caractère, avec intermèdes en musique. Au
VaUe^n eut la Grotta del Mago Merlino du maître Amiconi et au
Ine OsUria, sur la Pl,.ce San Giovanni (/>m,« de Thomas).
Capranica, r/,„,,^<,„« ou CM la ,a, l'aspHU, avec musique de Josenh
Au tl.e.,t,e Pace, on applaudit le Tiramio Cinea. avec deux ballet,
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LA PRÉLATURE DE LÉON XHI
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jouait ArminiOf mélodrame de Jacques Tritto, maître de chapelle
napofitain. On exécuta deux ballets très beaux du célèbre Honoré
Viganô, l'iiu de ces drames était mythologique, ayant pour titre
Cefalo e Procri, où se distinguèrent les deux frères Ignace et Hilaire
de Gatli, peintres du Théâtre Royal de Turin, qui décorèrent si artis-
tiquement le grand atrium de l'Aurore et le grand palais de Jupiter,
(sans parler des décors placés dans les bois et les grottes), que le
public s'enthousiasma et accueillit les artistes en battant des mains
et en criant» Evvival » Dix jours après, on représenta le second
drame Quinto Fabio, mis en musique par Ferdinand Bertoni, en
même temps que deux autres ballets composés également par Viganô.
En 1787, Tabbé rappelle avec plaisir d'avoir entendu au Valle
ïAristodemo de Monti, avec l'acteur PetronioZamarini. Nicolas Carli
y remplit le rôle de Cesira. Cet excellent acteur émut non seulement
l'abbé, mais encore Goethe qui était présent et la célèbre femme peintre
Angélique Kauft'mann. Celle-ci fut si touchée du sort de Césira, qu'elle
ne put y assister de nouveau. Plus tard, les mêmes acteurs jouèrent
Galeotto Manfrediy dont on avait donné lecture au palais de l'Ambas-
sadeur de Venise. Celte œuvre de Monti eut un moindre succès que
la précédente. — L'abbé Manlio, le futur démagogue, secrétaire de
Ms^ Soderini, fit, lui aussi, représenter une Zaira au théâtre Capra-
nica; mais celte pièce ne plut pas.
Passé cette époque, les notes se font plus rares. L'abbé, au con-
traire, prend plaisir à constater les progrès de la musique. Il avait
une prédilection [)0ur Cimarosa dont il vit jouer plusieurs fois le
Matrimonio Segreto\ mais il s'extasiait et restait tout ému devant
les œuvres de Zingarelli qui, comme il le dit, lui pénétraient le
cœur. Il cite de ce maître, comme modèles de composition, le Mon-
tezuma, YAhiray Vlfigenia, le Pirro, et ÏArtaserse, la Secchia ra-
pita; mais il en loue plus encore et trouve émouvant et vraiment chré-
tien le Slabal Mater qu'il entendit chez le cardinal de Bernis qui
le fit exécuter, à l'occasion du voyage à Rome de l'abbé de Bourbon
et du duc de Glocester.
En 1790, on joua à Civitavecchia, à l'occasion de la fête de
sainte Firmina, le Giulio Sabino de Sarti. Crescenlini y chanta, y
fit fureur et grand nombre de personnes, particulièrement les pa-
triciennes, quittèrent Rome pour aller rentendre. Quinze ans après,
Napoléon devait le faire son cantatite di caméra et lui fixa un sa-
laire de 36,000 francs par an.
Au carnaval 1792-93, on défendit toute espèce de spectacle et on
LES THÉÂTRES DE ROME 515
fit fermer les théâtres, à la suite de la mort violente de la famille
royale de France. []n édit rigoureux de M^^ Jean Rinuccini Gou-
verneur de Rome, en date du 29 décembre 1792, défendit non seu
lement les fêtes publiques, mais encore les fêtes privées
Les théâtres ne furent rouverts que pour le carnaval de 1796 A
Tordinona reconstruit et surnommé alors le Théâtre Nouveau' on
représenta l'opéra-bouffe / viaggiatori amanti, avec des ballets nour
intermèdes. Toutefois on défendit, comme les deux précédentes
aimées, au soir du dernier jour de carnaval, l'usage des moccoletti
(bouts de chandelle) qui figuraient, comme nous verrons Tenterre
ment du carnaval. Depuis plusieurs années, le Gouvernement du
Pape prenait ainsi ses précautions contre la Révolution qui gron-
En 1797, le bon abbé va voir jouer, le 8 février, un nouveau
mélodrame de Cimarosa. C'était au théâtre Torre Argentina, et la
pièce avait pour titre Achille alVassedio di Troja. Il va encore un
Tl 7J'J^'' ^"''^ rrordinona) voir le nouveau bal héroïque de
Michel Fabiani, dont le titre était : La Generoûta d^Alessandro
loutes ces productions héroïques faisaient allusion à la défense de
l Etat sur la frontière de la Romagne; défense qui se termina quel-
ques jours après, par le traité de Tolentino (19 février 1797)' publié
à Rome pendant le carême.
L'abbé se maria ensuite et fréquenta moins les théâtres. La Révo-
lution enfin le déconcerta, et il finit par ne plus aller au théâtre ou
il lui répugnait de voir les femmes. Le bon abbé n'avait pas tous les
torts. Les premières représentations données à Rome, avec le con-
cours des femmes, ou ne plurent pas pour l'insuffisance des chan-
teuses, ou déplurent complètement pour la licence de la comédie ou
I indécence des costumes.
Les femmes n'étaient cependant pas entièrement exclues de la
scène. Nous en voyons quelquefois apparaître quelqu'une à l'orches-
tre, pour y jouer de la harpe ou du clavecin, ou pour y chanter
quelque duo ou trio. Toutefois, jamais, avant 1798, elles ne paru-
rent en public. Quand elles s'y présentèrent, elles ne surmontèrent
pas d abord la répugnance que l'on éprouvait à voir les femmes aux
théâtres. Nous voulons parler des théâtres ouverts au public car
dans les palais Odescalchi et Colonna, les dames du monde le^ plu^
aristocratiques jouaient souvent sur les petits théâtres de famille Le
parti des hommes {les musiciens) restait le plus fort. Lorsque l'esprit
libéral du cardinal Consaivi eut accordé aux femmes la facullé de
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516
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
chanter sur les théâtres publics, après la Restauration pontificale de
1800, l'assistance se montra peu disposée à les entendre. Elle soupi-
rait toujours, et pas toujours courtoisement, après ses musiciens favoris
qu*elle appelait Farineîli, CaflFariello, Calena et Velluti. Ce dernier
fut le plus puissant soprano qu'on entendît sur les théâtres de la
Ville éternelle.
Ce fut pour Rome un véritable événement quand, en 1803, comme
dit l'abbé, avec la permission des Supérieurs et en présence de
M^^*" le Gouverneur, on entendit, pour la première fois, la Rertinatti
chanter au théâtre la Selvaggia de Nicolini. Mais pour faire agréer
une femme par le public, il fallut enrôler aussi Velluti, qui chanta
avec elle et aussi avec la Morand i, pendant cette même saison.
Le fameux aventurier Casanova, qui fut à Rome trois fois, entre
1744 et 1771, parle ainsi d'un musicien qui chantait au Teatro délie
Dame : « Nous allâmes au théâtre Alibert, où le castrato chargé du
rôle de la prima donna faisait courir toute la ville. C'était le favori
complaisant, le mignon du cardinal Rorghèse, il soupe, chaque soir,
en tête à tête avec Son Éminence. » Le cardinal Rorghèse de ce
temps-là était François, évoque d'Albano, créé majordome et cardi-
nal à 32 ans par le pape Benoît XÎIL Ce cardinal aimait tant le faste
et le luxe que, lors du voyage de ce même pape à Bénévent, TÉmi-
nence fit construire à Albano un palais pour le recevoir. Il aimait les
arts et la musique, ei nous n'étonnerons personne en disant qu'il
avait un chanteur ou virtuose de chambre qui fut probablement le
même qu'eut sous sa protection le prince D. Marc-Antoine Borghèse,
vice-roi de Naples. Ce musicien s'appelait Jean Orti, et on le con-
naissait TOUS le petit nom de Giovannino di Borghèse.
L'abbé rappelle d'une manière spéciale le carnaval de 1807, à
cause des représentations qui avaient lieu au théâtre de Torre Argen-
tina. L'imprésario ou, pour parler plus exactement, le Mécène de
ce théâtre fut le duc Sforza Cesarini qui en était le propriétaire. Il
voulut divertir le public avec de grandes nouveautés que lui dicta sa
vanité et que paya sa bourse. Sur le rideau de la scène étaient peintes
en couleurs vives et en grandes dimensions les armes des Sforza Cesari ni ,
avec la toison d'or, parce qu'ils étaient Grands d'Espagne de première
classe. Et le duc, par sa prodigalité, fut vraiment grand.
Le premier soir de ce carnaval, le 3 février, on joua Trajano in
Dacia^ nouveauté en musique de Niccolini où rivalisaient alors Mayer
et Paisiello, les idoles du public. Le drame, — une sottise à faire rire
les dindons, — était un pitoyable pastiche deMetaslasio, dont l'auteur
LES THÉÂTRES DE ROME
517
fut Michel-Ange Prunelti, qui transforma les Daces tiers en autant de
pantins, et le magnanime Empereur en crétin. Les principaux acteurs
furent Velluti et Tacchinardi. L'un et l'autre firent exulter le public,
l'un par sa voix exquise de soprano, l'autre par son magnifique
registre de ténor. Quand Tacchinardi arriva sur la scène, coififé du
casque romain et ayant endossé le costume du héros, gauche et bossu
comme il était, une salve de sifflets l'accueillit. L'intrépide artiste ne
se déconcerta pas, il attendit que le bruit eût cessé. Dès que le silence
se fut rétabli, l'artiste, sur le bord de la scène et tourné vers le
Un cocomeraro sur une Place de Rome {Thomas).
public, lui dit : « Messieurs, je ne suis pas venu devant vous pour me
faire voir, mais pour me faire entendre ! » Lorsqu'il l'eut écouté, le
peuple l'applaudit avec enthousiasme. Mais le clou de la soirée
fut le bal héroïque intitulé Calerina Caluga, ou le Traîneau. On
voyait au théâtre, pour la première fois peut-être, une cascade d'eau
vraie pour l'alimentation de laquelle on remplissait, chaque soir,
trente barils. On voyait ensuite Catherine se sauvant sur son traîneau
qui glissait sur la glace. Les places au théâtre n'étaient pas numé-
rotées, et la fureur du peuple pour le bal â grand spectacle était telle
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516
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
chanter sur les théâtres publics, après la Restauration pontiticale de
1800, l'assistance se montra peu disposée à les entendre. Elle soupi-
rait toujours, et pas toujours courtoisement, après ses musiciens favoris
qu'elle appelait Farinelli, Caffariello, Catena et Velluti. Ce dernier
fut le plus puissant soprano qu'on entendît sur les théâtres de la
Ville éternelle.
Ce fut pour Home un véritable événement quand, en 1803, comme
dit l'abbé, avec la permission des Supérieurs et en présence de
M'"" le (iouverneur, on entendit, pour la première fois, la Bertinalti
chanter au théâtre la Selvaijgia de Nicolini. Mais pour faire agréer
une femme par le public, il fallut enrôler aussi Velluti, qui chanta
avec elle et aussi avec la Morandi, pendant cette même saison.
Le fameux aventurier (Casanova, qui fut à Home trois fois, entre
1744 et 1771, parle ainsi d'un musicien qui chantait au Tealro délie
Dame : « Nous allâmes au théâtre Alibert, où le castrato chargé du
rôle de la prima donna faisait courir toute la ville. Celait le fa\ori
complaisant, le mignon du caidinal Horghèse, il soupe, chaque soir,
en têleà tète avec Son Éminence. » Le cardinal Horghèse de ce
temps-là était François, évoque d'Albano, créé majordome et cardi-
nal à 32 ans par le pape Henoît XIII. Ce cardinal aimait tant le faste
et le luxe que, lors du voyage de ce même pape à Hénévent, TKmi-
nence lit construire à Albano un palais pour le recevoir. Il aimait les
arts et la musique, ei nous n'étonnerons personne en disant qu'il
avait un chanteur ou virtuose de chambre qui fut probablement le
même qu'eut sous sa protection le prince D. Marc-Antoine !5orghèse,
vice-roi de Naples. Ce musicien s'appelait Jean Orli, et on le con-
naissait TOUS le petit nom de Ciovannino di Horghèse.
L'abbé rappelle d'une manière spéciale le carnaval de 1807, à
cause des représentations qui avaient lieu au théâtre de Terre Argen-
tina. L'imprésario ou, pour parler plus exactement, le Mécène de
ce théâtre fut le duc Sforza Cesarini qui en était le |)ropriétaire. Il
voulut divertir le public avec de grandes nouveautés que lui dicta sa
vanité et que paya sa bourse. Sur le rideau de la scène étaient peintes
encouleursvivesetengrandes dimensions les armesdes Sforza Cesarini,
avec la toison d'or, parce qu'ils étaient Grands d'Espagne de première
classe. Et le duc, par sa prodigalité, fut vraiment grand.
Le premier soir de ce carnaval, le 3 février, on joua Trajano in
Dacitty nouveauté en musique de Niccolinioù rivalisaient alors Mayer
et Paisiello, les idoles du public. Le drame, — une sottise â faire rire
les dindons, — était un pitoyable pastiche deMetaslasio, dont l'auteur
LES THÉÂTRES DE ROME
517
fut Michel-Ange Prunetti, qui transforma les Daces fiers en autant de
pantins, et le magnanime Empereur en crétin. Les principaux acteurs
furent Velluti et Tacchinardi. L'un et l'autre firent exulter le public,
l'un par sa voix exquise de soprano, l'autre par son magnifique
registre de ténor. Quand Tacchinardi arriva sur la scène, coiftë du
casque romain et ayant endossé le costume du héros, gauche et bossu
comme il était, une salve de sifflets l'accueillit. L'intrépide artiste ne
se déconcerta pas, il attendit que le bruit eût cessé. Dès que le silence
se fut rétabli, l'artiste, sur le bord de la scène et tourné vers le
Un cocomeraro sur une Place de Rome {Tliomas).
public, lui dit : « Messieurs, je ne suis pas venu devant vous pour me
faire voir, mais pour me faire entendre ! » Lorsqu'il l'eut écouté, le
peuple l'applaudit avec enthousiasme. Mais le clou de la soirée
fut le bal héroïque intitulé Caterina Caluga, ou le Traîneau. On
voyait au théâtre, pour la première fois peut-être, une cascade d'eau
vraie pour l'alimentation de laquelle on remplissait, chaque soir,
trente barils. On voyait ensuite Catherine se sauvant sur son traîneau
qui glissait sur la glace. Les places au théâtre n'étaient pas mimé-
rotées, et la fureur du peuple pour le bal â grand spectacle était telle
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518
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
que, pour entendre le soprano et le ténor, ces places étaient prises d'as-
saut depuis midi. C'était à qui se trouverait à la première note de l'or-
chestre, dès le lever du rideau qui se faisait à VAve Maria et uïôme
avant.
L'opéra de Niccoliiii plut, même en dehors de Rome. Au carnaval
suivant, il fut représenté avec grand succès, à Livoume, au théâtre
des Avvalorati. Les actrices furent Anna Mazzoli, Marianna Vinei qui
y jouait le rôle de Decebalo, le même rôle qu'avait joué V^elluti; elhs
acteurs, Philippe Galli, qui devint une basse fameuse, et IMiilippe
Spada. Le bal qui servit d'intermède à Livourne fut la Cléopàtre de
Clerico, où se distingua Antoiiia Palleriui, ballerine sérieuse (mimei,
de telle sorte que, plus tard, devenue une étoile, on frappa pour elle
une médaille. Les premiers ballerini fuori concerto (danseurs hors
concours), c'e^t-à-dire les vrais danseurs, furent Caselli et la Bar-
dona.
3Iais l'astre de Velluti, après de nombreux triomphes, commençait
à décliner; et lorsqu'il reparut sur la scène, à Rome, il dut entendre
répéter, derrière lui, un vulgaire épigramme ainsi conçu : « Avec cin-
quante ans sur le dos, tu veux chanler comme une femme; remercie
la Madone et celui qui est là » — par allusion au prélal -gouverneur
qui le protégeait.
Con cinquant'anni addosso,
Vuoi tu cantar da donna !
Ringrazia la Madonna
E quelle che sta là.
A l'Introduction de ce livre nous avons dit (1) comment, pendant
le voyage du pape dans ses Légations, le peuple de Pérouse trouva
son compte aux réjouissances théâtrales et autres que lui fit servir
M»'' Pecci; et comment Grégoire XVI, enchanté de la réception de
son préfet, en exprima sa satisfaction en ces termes : « Au cours <le
ce voyage, nous avons été reçu en frère par les uns; convenablement
et tout au plus en cardinal, par les autres; mais véritablement en
souverain par les villes d'Ancône et de Pérouse. » La promotion de
l'habile préfet aux honneurs de la nonciature et l'élévation du jeune
prélat à la dignité d'archevêque furent la récompense de son zèle. Le
titre de Damiette fut celui du nouvel archevêque désigné à la noncia-
ture de Bruxelles^ et l'on sait avec quel esprit Charles Pecci fitremar-
(1) Voir les Pu^feclures de Joachim Pecci, page 38 et suiv.
LES THÉÂTRES DE ROME
519
quer à son frère que les trois sièges ecclésiastiques successivement
occupés par M^"" Pecci avaient été des sièges hisloriques et que,
comme les Romains aux Fourches Caudines près de Bénévent, les
Croisés à Damiette et les Français à Waterloo, lui, du moins, ne se
ferait pas battre à Bruxelles par les ennemis conjurés du Saint-Siège.
L'on sait aussi, par la Co;T6^8/;onrfa«c^ du prélat que nous avons publiée
avant ces pages, si Mazzini et les autres conspirateurs de l'Italie uni-
fiée s'en firent défaut; jusqu'à cette énigmatique princesse Belgiojoso
qui, après avoir dépensé aux services secrets de cette cause de révolte
et d'intrigues le capital de son énorme fortune et les fascinations de
sa beauté fatale, devait mourir en Romaine à sa manière en recevant,
un jour, son parent Visconti-Venosta, frère du ministre, et en lui
demandant sur la porte même de son salon :
— Et les alïaires d'Italie, comment sont-elles?
— On ne peut mieux!
Le long soupir d'aise, qui exprima la joie de cette femme, fut aussi
le dernier de sa vie.
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LA COUR DU PAPE
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Ueilbuth. — Deux Emineiices, aa Pincio.
IV
LA COUR DU PAPE
Uii cocher cardinalice
es plus parfaites de toutes
Notre sympathique ambassadeur
n'avait que trente-trois ans, quand le
Saint-Siège l'envoya en Belgique. En
allant, comme d'autres collègues
plus heureux, dans quelque Cour
plus importante, il eût pu se dire :
tf Je vais à la poupre », et n'eût res-
semblé qu'à un cardinal. Mais en
partant pour la modeste Bruxelles,
où plus la Cour était petite, de
plus près il en verrait évoluer les
sujets, il aima mieux se répéter :
« Je vais à l'école! » se souvenant
que les meilleures de ces écoles
politiques où se formèrent les diplo-
mates les plus grands de l'His-
toire, furent les plus petites et
les républiques italiennes.
Comme le lecteur de ces pages l'a vu précédemment dans TEp/s^o-
laire^ au chapitre de la «Délégation de Pérouse», ce fut au Consistoire
du 27 janvier 1843 que M^^'" Pecci, préconisé archevêque de Damiette,
fut nommé nonce à Bruxelles par Grégoire XVI. Le 19 mars de la
même année, il s'embarquait à Civita-Vecchia pour Marseille, sur le
vapeur Sesostris. De Marseille, il gagna la Belgique par Paris, Beims
€t Mézières; et, le 7 avril 1843, il arriva à Namur, où il descendit
chez le chanoine De Montpellier, qu'il avait connu à Bome. Le
15 avril, Léopold I'"" recevait le nouveau nonce en audiense solen-
nelle. Le 21 juillet, M^^*" Pecci paraissait pour la première fois en public,
au Te Deum chanté à Sainte-Gudule pour l'aniversaire de l'élection
du roi. Le 27 juillet, le nonce allait à Louvain, visiter l'Université.
Là, avec M«f"" Forbin-Janson, Tévêque de Nancy bien connu, dont
Lacordaire prononça une oraison funèbre restée célèbre, le nouveau
nonce assista à la défense d'une thèse pour la licence de droit. Les
étudiants félicitèrent M'f'" Pecci que harangua, en leur nom,
M. Capelle, depuis président du tribunal de Namur et père de M. Léon
Capelle, directeur général au ministère des affaires étrangères. En
septembre 1843, le nonce prit part, en l'église Saint-Nicolas, de
Bruxelles, à la célébration du 7*" centenaire des fêtes jubilaires de
Notre-Dame de la Paix.
Pendant l'année 1844, M»"" Pecci visitâtes Flandres. Dans des lettres
adressées àCarpinetoetauxcomtesCharleset Jean-Baptiste ses frères, —
lettres qu'on a lues dans ce même volume au chapitre de la « Noncia-
ture de Bruxelles », — le prélat parle en observateur de Bruges, qui
lui « apluinfinement », et de la plage d'Ostende où, « pour la pre-
mièi'e fois, j'ai vu, dit-il, les vagues de l'Océan ». L'hiver rude de
la Belgique avait fini par éprouver la santé du nonce qui en 1845, vint
faire un séjour de deux mois à Ostende. Il prit cinquante bains « qu'il
subit courageusement », écrit-il à ses frères. Il logeait, à Ostende, rue
de la Chapelle, dans la maison qui porte aujourd'hui, le numéro 2.
Tous les jours, il se rendait à l'église des Capucins et faisait de
longues promenades aux environs. Il eut des relations fréquentes
avec le curé Slosse et le bourgmestre Serruys. Quand il quitta Ostende,
lui qui, en y arrivant, avait l'air d'un cadavre ambulant, il était
complètement ragaillardi. A Bruges, le 6 mai 1844, il y avait présidé
la procession du Saint-Sang, et donné la bénédiction d'usage, du
haut de l'autel de la Place du Bourg. Il fut même indisposé au retour
de la procession, dut quitter le cortège et reçut des soins chez M. Van
Huerne, alors bourgmestre de Bruges.
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LA COUR DU PAPK
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Heilbuth. — Deux Emineiices, au Piiicio.
IV
LA COUR DU PAl'E
Un cocher cardinalice
es plus parfaites de toutes
Notre sympalbique ambassadeur
n'avait que trente-trois ans, ((uand le
Saint-Siège l'envoya en Belgique. En
allant, comme d'autres collègues
|tlns heureux, dans quelque Cour
plus importante, il eût pu se dire :
«t Je vais à la poupre », et n'eût res-
semblé qu'à un cardinal. Mais en
parlant pour la modeste Bruxelles,
où plus la Cour était petite, de
plus près il en verrait évoluer les
sujets, il aima mieux se répéter :
<( Je vais à l'école! » se souvenani
que les meilleures de ces écoles
politiques où se tonnèrent les diplo-
mates les plus grands de l'His-
toire, furent les plus petites et
les républiques italiennes.
Comme le lecteur de ces pages l'a vu précédemment dans TEp/s^o-
laire, au chapitre de la « Délégation de Pérouse», ce fut au (Consistoire
du ^7 janvier 1843 que M^' Pecci, préconisé archevêque de Damiette,
fut nommé nonce à Bruxelles par Grégoire XVI. Le 19 mars de la
même année, il s'embarquait à Civita-Vecchia pour Marseille, sur le
vapeur Sesostris. De Marseille, il gagna la Belgique par Paris, Beims
et Mézières; et, le 7 avril 1848, il arriva à Namur, où il descendit
chez le chanoine De Montpellier, qu'il avait connu à Bome. Le
15 avril, Léopold I®"^ recevait le nouveau nonce eu audience solen-
nelle. Le2l juillet. M-"" Pecci paraissait pour la première fois en public,
au Te Deum chanté à Sainte-Gudule pour l'aniversaire de l'élection
du roi. Le ^7 juillet, le nonce allait à Louvain, visiter l'Université.
Là, avec M*'''" Forbin-Janson, Tévêque de Nancy bien connu, dont
Lacordaire prononça une oraison funèbre restée célèbre, le nouveau
nonce assista à la défense d'une thèse pour la licence de droit. Les
étudiants félicitèrent M»"" Pecci que harangua, en leur nom,
31. Capelle, depuis président du tribunal de Namur et père de M. Léon
<Capelle, directeur général au ministère des affaires étrangères. En
septembre 1843, le nonce prit part, en l'église Saint-Nicolas, de
Bruxelles, à la célébration du 7" centenaire des fêtes jubilaires de
Notre-Dame de la Paix.
Pendant l'année 1844, M»'^ Pecci visitâtes Flandres. Dans des lettres
adressées àCarpinetoetauxcomtesCharles et Jean-Baptiste ses frères, —
lettres qu'on a lues dans ce même volume au chapitre de la « Noncia-
ture de Bruxelles », — le prélat parle en observateur de Bruges, qui
lui « apluinfinement », et de la plage d'Ostende où, « pour la pre-
mière fois, j'ai vu, dit-il, les vagues de l'Océan ». L'hiver rude de
la Belgique avait lini par éprouver la santé du nonce qui en 184o, vint
faire un séjour de deux mois à Ostende. H prit cinquante bains «qu'il
subit courageusement », écrit-il à ses frères. Il logeait, à Ostende, rue
de la Chapelle, dans la maison qui porte aujourd'hui, le numéro 4.
Tous les jours, il se rendait à l'église des Capucins et faisait de
longues promenades aux environs. Il eut des relations fréquentes
avec le curé Slosse el le bourgmestre Serruys. Quand il quitta Ostende,
lui (jui, en y arrivant, avait l'air d'un cadavre ambulant, il était
complètement ragaillardi. A Bruges, le G mai 1844, il y avait présidé
la procession du Saint-Sang, et donné la bénédiction d'usage, du
haut de l'autel de la Place du Bourg. Il fut même indisposé au retour
de la procession, dut quitter le cortège et recrut des soins chez M. Van
Huerne, alors bourgmestre de Bruges.
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522
LA PRÉLATURK DE LÉON XIII
Dans le monde politique et administratif de la Belgique, il n'est
plus beaucoup de personnes qui se rappellent, aujourd'hui, le st^jour
de Léon XIH et sa nonciature près de cette Cour. Ceux qui furent
alois, de 1843 à 1846, des intimes reçus par le représentant du Saint-
Siège, dans son hôtel de la rue des Sablons qu'occupe aujourd'hui
M. De Mot, bourgmestre de Bruxelles, sont tous morts. C'étaient,
* Façade de la NoQciature de Bruxelles eii 1843.
entre autres, M. d'Anetham, ancien chef de cabinet du ministère
catholique de 1870, M. A. Deschamps frère du défunt cardinal,
M. Van Praet, le comte Giovanni Arrivabene, alors exilé à Bruxelles
et depuis sénateur italien, le comte Van der Straten-Ponthoz ancien
grand maréchal, Ducpétiaux, M. Mercier et tant d'autres. Le baron
Lambermont est un des rares personnages officiels encore vivants qui
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Hôtel de Ville de Louvain (Belgique),
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Dans le monde poliliciue et administratif de la Rtd^'ique, il n'est
plus beaucoup de personnes qui se rapjHdIent, aujourd'hui, le séjour
de Léon XIII et sa nonciature près de cette Cmr. Oux qui furent
alors, de 1843 à 1846, des intimes reçus par le représentant du Saint-
Siè;,'e, dans son lintel de la rue des Sablons qu'occupe aujourd'hui
31. De Mol, bourfrmestre de Bruxelles, sont tous morts. Celaient.
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entre autres, M. dWnetham, ancien cbet de cabinet du ministère
catholique de 1870, M. A. Deschainps frère du défunt cardinal,
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et depuis sénateur italien, le comte Van der Straten-Ponthoz ancien
grand maréchal, Ducpétiaux, M. Mercier et tant d'autres. Le baron
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524
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
aient eu des rapports, à celte époque, avec M^"" Pecci. Celui-ci était
en 1843 un fort bel homme, grand, maigre, de haute distinction, avec
la démarche un peu dansante que beaucoup de prêtres ont sous la
soutane. Il accueillait ses visiteurs avec une aisance seigneuriale.
Très aimable, il savait garder les distances. A son arrivée à Bruxelles,
il ne parlait que l'ilalien; et ce fut pendant cette nonciature qu'il
apprit le français. C'était, à tous égards, un honnne dont on sentait
d'instinct la supériorité. Sa parole était prudente, réfléchie, avec de
longs silences qui donnaient plus d'autorité à ses discours; la puis-
sance de son esprit se concentrait, non dans un art oratoire brillant,
mais dans la méditation et la sagacité.
A Bruxelles, M*»"" Pecci fut très choyé. Léopold l"' Taimait beaucoup
et se faisait volontiers accompagner par lui, pendant ses voyages dans
l'intérieur du pays. Tout le temps de son séjour en Belgique, il fut de
coquetterie de rechercher la présence du nonce dans les cérémonies
publiques. Personnellement, M>^' Pecci menait la vie la plus simple et
se traitait avec un ordinaire d'ascète. Il avait rhaoilude de réciter son
bréviaire en se promenant dans la grande allée des tilleuls du jardin
des d'Arenberg, le long delaRue-aux-Laines. Le père du duc d'Aren-
berg actuel avait même fait percer une porte dans le mur bordant le
jardin, pour permettre à M*^' Pecci d'y entrer quand il le voudrait sans
passer par le Palais. Plus tard, devenu pape et recevant des Bruxel-
lois, Léon XIII leur raconta, un jour, cette particularité et fut tout
heureux d'apprendre qu'à cette époque, le jardin d'Arenberg et l'allée
des tilleuls, tant de fois parcourus par lui, existaient encore. Le soir
le nonce faisait souvent une partie de whist à laquelle, parfois, pre-
naient part deux vieilles et vénérables demoiselles qui habitaient alors
la rue du Marais, et qui étaient les tantes d'un député libéral actuel
de Bruxelles, des plus connus.
M?*" Pecci allait à la légation d'Angleterre, que dirigeait sir
Hamilton Seymour, et beaucoup plus souvent chez un écrivain
anglais de grand mérite, sir Charles Lever, dont la demeure était
voisine de la légation britannique. Là, on vit les rencontres les plus
piquantes; entre autres l'intimité curieuse qui s'établit entre le nonce
du pape et le célèbre docteur Wately, alors archevêque de Dublin,
ami du minisire d'Angleterre et son visiteur habituel à Bruxelles.
Dans ses visites eu ville, Mgr Pecci était accompagné de son secré-
taire, l'abbé Pilaja, aussi petit que le nonce était grand, aussi vif et
enjoué que son chef se montrait réfléchi et méditatif. Son auditeur,
l'abbé Clémenti, l'accompagnait parfois.
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y
LA COUR DU PAPE
525
La mission diplomatique remplie par le nonce Pecci, en Belgique,
a donné lieu à beaucoup de commentaires. Elle peut se résumer
ainsi : au point de vue politique, il n'obtint aucun résultat. Comme
homme, il fut très goûté et ses qualités d'esprit firent impression sur
un excellent uge en ces matières, Léopold 1", qui disait de lui :
« J'oublie par ois que Pecci est un Italien ; son français est si coulant
» que, si je n'étais protestant et Allemand, je pourrais très bien être
» converti par les charmes de sa diction. » Un jour, Léopold dit, dans
Laeken, à Pecci lui-même : « Je regrette parfois de ne pouvoir être
• converti par vous ; mais votre théologie est si séduisante que je
La Salle du Trône chez les cardinaux, avec le tronc papal retourné.
1
/
» demanderai au pape de vous donner le chapeau de cardinal. —
» Ah ! répondit le nonce, faire impression sur le cœur de Votre
» Majesté me serait cent fois plus agréable. » — « Mais je n'ai pas
» de cœur ! s'écria le roi en riant. — Disons mieux, alors, Sire :
» sur l'esprit de Votre Majesté. »
Quand, en 1846, le nonce Pecci quitta la Belgique pour revenir en
Italie, les regrets de Léopold I" l'accompagnèrent. Le roi , — l'inci-
dent est connu, — écrivit une lettre autographe au pape Grégoire XVI
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aient eu des rapports, à celte époque, avec M*^'"" Pecci. Celui-ci était
eu 1843 uu fort bel lioniuie, i^raud, uiaigre, de haute distinction, avec
la démarche uu peu dansante que beaucoup de prêtres ont sous la
soutane. Il accueillait ses visiteurs avec une aisance sei^'ucuriaie.
Très aimable, il savait garder les dislances. A son arrivée à Bruxelles,
il ne parlait que l'ilalicn; et ce fut pendant celte nonciature ijuil
apprit le français. C'était, à tous égards, un homme dont on seiilait
d'inslinct la supériorité. Sa parole était prudente, réfléchie, avec de
longs silences (jtn* «lonnaicnt plus d'autorilé à ses discours; la puis-
sance de soues[)rit se concentrait, non dans uu art oratoire brillant,
mais dans la méditilion et la sagacité.
A Hruxelles, M"' Pecci fut très choyé. Léopold l"" l'aimait beaucoup
et se faisait voloulicrsaccompagner par lui, pendant ses voyages dans
l'intérieur du pays. Tout le temps de son séjour en Belgique, il fut de
coquetterie de rechercher la présence du nonce dans les cérémonies
publiques. Personnellement, M-' Pecci menait la vie la plus simple et
se traitait avec un ordinaire d'ascète. Il avait l'hariitude de réciter son
bréviaire en se promenant dans la grande allée des tilleuls du jardin
des d'Arenberg, le long delaKue-aux-Laines. Le père du duc d'Aren-
berg actuel avait même fait percer une porte dans le mur bordant le
jardin, pour permelti'eà M-"" Pecci d'y entrer quand il le voudrait sans
passer par le Palais. Plus tard, devenu pape et recevant des Bruxel-
lois, Léon XIH leur raconta, un jour, celte particularité et fut tout
heureux d'apprendre (pi'à celte époque, le jardin d'Aienberg et l'allée
des tilleuls, tant de fois parcourus par lui, existaient encore. Le soir
le nonce faisait souvent une partie de whist à la((uelle, parfois, pre-
naient part deux vieilles et vénérables demoiselles qui habitaient alors
la rue du Marais, et (jui étaient les tantes d'un député libéral actuel
de Bruxelles, des plus connus.
M^'' Pecci allait à la légation d'Angleterre, que dirigeait sir
Hamillon Seymour, et beaucoup plus souvent chez un écrivain
anglais de grand mérite, sir Charles Lever, dont la demeure était
voisine de la légation britannique. Là, on vit les rencontres les plus
piquantes; entre autres rinlimité curieuse ((ui s'établit entre le nonce
du pape et le célèbre docteur AVately, alors archevêque de Dublin,
ami du minisire d'Angleterre et son visiteur habituel à Bruxelles.
Dans ses visites en ville, 3Igr Pecci était accompagné de son secré-
taire, l'abbé Pilaja, aussi petit que le nonce était grand, aussi vif et
enjoué que son chef se montrait réfléchi et méditatif. Son auditeur,
l'abbé démenti, l'accompagnait parfois.
LA COUR DU PAPE 52.^
La mission diplomatique remplie par le nonce Pecci, en Belgique,
a donné lieu à beaucoup de commentaires. Elle peut se résumer
ainsi : au point de vue politique, il n'obtint aucun résultat. Comme
homme, il fut très goûté et ses qualités d'esprit firent impression sur
un excellent nge en ces matières, Léopold I", qui disait de lui :
« J'oublie par ois que Pecci est un Italien ; son français est si coulant
» que, si je n'étais protestant et Allemand, je pourrais très bien être
» converti par les charmes de sa diction. » Un jour, Léopold dit, dans
Laeken, à Pecci lui-même : « Je regrette parfois de ne pouvoir être
«converti par vous ; mais votre théologie est si séduisante que je
La Salle du Trône chez les cardinaux, avec le tronc papal retourné.
» demanderai au pape de vous donner le chapeau de cardinal. —
» Ah ! répondit le nonce, faire impression sur le cœur de Votre
» Majesté me serait cent fois plus agréable. » — « iMais je n'ai pas
» de cœur ! s'écria le roi en riant. — Disons mieux, alors, Sire :
» sur l'esprit de Votre Majesté. »
Quand, en 1840, le nonce Pecci quitta la Belgique pour revenir en
Italie, les regrets de Léopold I" l'accompagnèrent. Le roi , — l'inci-
dent est conim, — écrivit une lettre autographe au pape Grégoire XVI
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LA PRÈLATURE DE LÉON XIII
LA COUR DU PAPE
527
pour lui demander un chapeau de cardinal pour M^"* Pecci. « Je
dois, disait le Roi, recommander l'archevêque Pecci à la bienveil-
lante protection de Votre Sainteté. Il le mérite à tous les poinis de
vue, car j'ai rarement rencontré un dévouement plus sincère k ses
devoirs, des intentions plus pures et des actions plus droites. » Quand
la lettre du roi Léopold arriva à Rome, Pie 1\ avait remplacé
Grégoire XVI ; et Antonelli, qui n'aimait pas Pecci, était Secrétaire
d'Etal. Le chapeau de cardinal allait se faire attendre dix ans.
Qu'était-ce donc, dans cette cour de Rome, que ce chapeau cardi-
nalice dont il paraît si difficile de coiffer même les plus digues? Nous
manquerions au sujet que nous nous sommes proposé dans cette
étude des coutumes de l'Etat pontifical, si, à propos de l'échec qui
va éprouver dix ans la vertu patiente de M»'* Pecci, nous ne risquions
quelques indiscrétions anodines autour de ce chapeau rouge dont tant
de têtes, même célèbres, jnesure et fait commande, prennent parfois
avant l'envoi du billet pontifical etau risque d'en payer les inutiles frais.
S'il est dans le majestueux cérémonial de la Cour des papes, une
fiwzione dont on doive le moins parler et dont pourtant chacun s'oc-
cupe davantage, c'est celle d'un Consistoire appelé secret, parce que
tout le monde en cause. Et pourquoi ne ferions-nous pas comme tout
le monde ? Sitôt donc que ce mot de Consistoire a été prononcé dans
Rome, il n'est pas de fiocchetto violet qui n'attende son teinturier, pas
de calotte paonazza (\m ne demande à s'empourprer, pas de tête cardi-
nalisable enfin qui ne relève son petit dôme chauve ou chevelu vers
le grand dôme de Saint Pierre, le point de mire et de comparaison
de Rome entière, et ne commence à réciter le psaume de circonstance
que Dieu, sans doute, exaucera:
— Levavi oculox meos ad montes, unde veniet. . .
C« qui ne vient pas d'ordinaire aussi vile, c'est le biglietto de la
Secrétairerie d'Etat et l'ordre de convoquer le Consistoire que les
papes prennent souvent le malin plaisir de retenir jusqu'à la dernière
heure. Ils se décident la veille, à recevoir le Maître des Courriers qui,
un genou en terre, dit, selon le cérémonial : « Santé et longue vie.
Saint Père î Y aura-t-il Consistoire, demain ? — Il y aura Consis-
toire ! », répond le Pape, s'il y est décidé. Alors l'ordre de convoquer
pour le lendemain le Sacré Collège est doriné aux Cursores Aposlolici,
qui vont frapi>er chez tous les cardinaux.
' A l'heure assignée pour la cérémonie, les Eminences de curie,
qui ont laissé leurs équipages à la cour Saint-Damase et revêtu le
rochet et la mozetle dans la salle des Parements, attendent l'arrivée
du Pontife dans cette espèce d'antichambre de l'appartement Borgia
par où Ton entrera de plain pied dans la salle Ducale et dans la salle
Royale qui la suit et où sont préparés les bancs du Consistoire. Devant
les admirables tapisseries (|ui recouvrent les murs de celte Salle des
Paremenls, les cardinaux, à l'attente, continuent leur méditation du
matin sur les divers aspects de la gi*andeur humaine. Les moins âgés
■contemplent avec plaisir l'histoire de la jeune Esther dont ces
tapisseries soi-disant d'Arras (ou Arrazzi) racontent sur ces murs
ie triouïphe; les autres, les plus vieux, observent avec regret une
reproduction de la Descente de Croix dont le Garavage a fourni le
•dramatique dessiii.
Enfin arrive, sabre et hallebarde au clair, la maison militaire du
pape. Suivent les secrétaires pontificaux et les familiers de l'anti-
-chambre apostolique, entourant la portantine rouge et or d'où le
pape descend pour monter aussitôt sur la Sedia Gestatoria. Celle-ci,
portée sur les épaules de six sediarii robustes et entourée aux
quatre coins des quatre llabelli aux opulentes plumas d'autruche,
«'élève, comme une plume aussi blanche et aussi légère, sur la
foule des heureux invités du patriciat romain. A voir ce fauteuil
«d'or émerger sur cette large et longue vague humaine qu'il va couper
•comme une barque son flot, jusqu'à la salle Royale restant vide, on
se sent pris de la même sensation de grandeur et de néant qu'éprouve
ce pape et cet homme à tant pâlir, quand ses sédiaires l'élèvent au-
dessus des plus hautes têtes qui s'inclinent, et des plus brillantes
^pées qui lui frayent un passage jusqu'à la salle du Consistoire où
l'accompagnent les acclamations de l'Assemblée.
De la salle Ducale où la foule est restée^ à la salle Royale où
pénètient seulement les cardinaux et les notaires du Consistoire, —
les rois aussi, s'ils sont présents à cette cérémonie, — quel conlraste !
Ici, le silence des chefs délibérants ; là, le tumulte des sujets exul-
tants. C'est que, pendant le Consistoire secret qui va commencer ses
assises, les résolutions déjà prises sont réformables encore et les
nominations proposées peuvent êire cassées. Malheur slux porporabili
trop bavards qui auront, avant l'heure, fait parler les gazettes ou
seulement l'opinion publique. Le cardinal C. . . a su, entre autres, ce
que coûtaient sons le pontificat de Léon XIII des confidences Irop
hâtives : le teinturier qui passait chez le prélat, à la veille de chaque
<]onsistoire, se découragea à la longue ; et il fallut, à toute force et
contre tout espoir, que Mgr C. . . , comptant d'un jour à l'autre s'ha-
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328 LA PRÊLATURE DE LÉON XIII
biller en rouge, finît par renouveler sa garde-robe violette. De ces his-
toires, Vanticamera vaticane est pleine ; et nous aurons plus tôt fait
de raconter comment se tient un Concistorio si exactement appelé
segretOy comme on voit.
— « Tous dehors ! » a déjà crié le Maître du Consistoire. Seul
avec son Conseil suprême, le Pape propose ses candidats à ses cardi-
naux. Candidats à la pourpre, candidats à la mitre aussi ; car, dans
le Consistoire public qui suivra le Consistoire secret, l'Église créera
les uns en même temps qu'elle préconisera les autres. Le pape ayant
La calotte cardinalice.
parlé, les cardinaux assis autour de lui se lèvent, s'inclinent et, en
signe d'approbation, mettent bas le zucchetto. Cette calotte rouge,
insigne de leur ordre, remise sur la tête sans un mot et sans un
autre geste, c'est l'approbation qu'attendait le Pontife avant de don-
ner aux céréraoniaires l'ordre de procéder au Conclave public. Voici
alors que s'ouvrent la porte de la salle Ducale par où pénétreront les
nouveaux assistants, et la porte de la Sixtine voisine où les cardi-
naux, déjà nommés dans un Consistoire précédent et n'étant encore
coiffés que de la calotte et de la barrette rouge, jurent, entre les
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Le chapeau cardinalice.
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528
LA PRÉLATURE DK LÉON XIII
biller en rouge, finît par renouveler sa garde-robe violette. De ces his-
toires, Vanticamera vaticane est pleine ; et nous aurons plus tôt fait
de raconter comment se tient un Concistorio si exactement appelé
segretOy comme on voit.
— « Tous dehors ! » a déjà crié le Maître du Consistoire. Seul
avec son Conseil suprême, le Pape propose ses candidats à ses cardi-
naux. Candidats à la pourpre, candidats à la mitre aussi ; car, dans
le Consistoire public qui suivra le Consistoire secret, l'Église créera
les uns en même temps qu'elle préconisera les autres. Le pape ayant
La calotte cardinalice.
parlé, les cardinaux assis autour de lui se lèvent, s'inclinent et, en
signe d'approbation, mettent bas le zucchetto. Cette calotte rouge,
insigne de leur ordre, remise sur la tête sans un mot et sans un
autre geste, c'est l'approbation qu'attendait le Pontife avant de don-
ner aux cérémoniaires l'ordre de procéder au Conclave pw^'ic. Voici
alors que s'ouvrent la porte de la salle Ducale par où pénétreront les
nouveaux assistants, et la porte de la Sixtine voisine où les cardi-
naux, déjà nommés dans un Consistoire précédent et n'étant encore
coitfés que de la calotte et de la barrette rouge, jurent, entre les
Le chapeau cardinalice.
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530 LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
mains des trois doyens de l'ordre des évêques, des prêtres el des dia-
cres, qu'ils conserveront et défendront le patrimoine de saint Pierre
et qu il se conformeront aux bulles des papes concernant le pouvoir
temporel, jusques et y compris le trésor pontifical, autrefois conservé
au château Saint-Ange et depuis si longtemps disparu. Qu'importe !
Ne sont-ils pas les lieutenants de Celui qui a promis à la foi de
transporter, quand elle voudra, les monla^nies? Un coffre-fort est-il
plus pesant qu'elles? Eh ! que peuvent perdre, à promettre une fidé-
lité aveugle aux destinées impérissables de l'Église, les maréchaux
de ce royaume auquel l'éternité est assurée ? Ces premiers serments
formulés en Sixtine, les nouveaux cardinaux, que le Sacré-Collège
attend, sortent de la chapelle, non sans avoir fait remettre un cachet
de dix francs à chacun des chantres qui les accompagnent de leurs
mélodies, en même temps que de leurs vœux. Dans l'église, où tout
est grand, cette offrande, vulgaire en apparence, a aussi son cachet
de grandeur; car les chantres, que ces Éminences payent, reçoivent,
non le salaire de cette journée de triomphe, mais celui de la jour-
née de deuil où ils devront chanter encore, aux funérailles de ces
mêmes grandeurs déohaesqai les au ront réglées ainsi par anticipa-
lion et avant l'heure.
— « Accédant \ Qu'ils viennent ! » a crié le cérémoniaire. Et les
élus, présentés par deux cardinaux de leur ordre, s'approchent du
trône pontifical, baisent le pied du pape, puis sa main, puis reçoivent
du Souverain Pontife la double accolade qu'à tour de rôle leur
donneront ensuite tous les autres cardinaux présents. De retour vers
le trône pontitical, ils s'agenouillent devant le pape qui leur remet
le chapeau en leur disant que, jusqu'à l'effusion de leur sang ipnt
ce chapeau rouge est le symbole, ils devront défendre l'Église ro-
uiaine, ses institutions divines et ses intérêts matériels.
— « Exeant omnes ! Tous dehors ! » A cette nouvelle sommation
du cérémoniaire, tous les assistants du Consistoire public se retirent,
— les cardinaux exceptés, — et le Consistoire secret recommence.
Le Pape appelle chaque élu, qui vient s'agenouiller à ses pieds :
« Nous vous fermons la bouche, dit-il à l'Èminence nouvelle, afin
que vous ne disiez votre avis sans notre ordre, ni dans les Consis-
toires, ni dans les Congrégations ou aucun autre office. » Ayant
fermé la bouche au porporalo, c'est encore le pape qui la lui ouvre-.
Ensuite il lui remet un anneau dont la Propagande percevra le
prix : 3,000 francs, s'il vous plait I pour un anneau à simple saphir,
sans diamants autour.
LA COUR DU PAPE
531
Ainsi finit le Consistoire, avec la note à payer par le cardinal élu
à qui son élection coûtera cher. Car, il n'y a pas à dire, prince de
haldacchino ou fratone de couvent, pour être cardinal il faut payer
chacun son dur écot.
Voici comment la note se détaille, daiis la Ville éternelle où les
anciens Romains prétendaient descendre des dieux, et où les Romains
modernes se contentent de descendre des anciens. Dame I tout se paye,
même l'honneur de transformer le Sénat des empereurs latins en
Sacré-Collège des papes romains encore.
Puisqu'ilestencoredemodedecoi//dr les cardinaux, parlons, d'abord,
de leur chapeau dont la forme ovale, agrémentée d'une double frange
de pourpre à trente glands retombant sur le dos, est rejetée comme un
fardeau sur les éminentissimes épaules. Un vrai fardeau, vous pou-
vez croire; car si ce chapeau tant souhaité ne les coiffe pas plus que
ne saurait faire une belle assiette plate dont il a la forme, il n'en
ruine pas moins le plus grand nombre de ceux qui ont à le payei-.
La pourpre, en vérité; est un vain mot, depuis que nos cardinaux mo-
dernes n'endossent plus qu'une soutaue noire, à passepoil écarlate en
simple petite bordure. Mais ce chapeau si plat et si pesant, — qui ue
coiffera bien que le cercueil du maître sur lequel il se reposera hiérar-
chiquement, un jour, comme fatigue de tant de uiajeslé coûteuse, —
il existe donc encore? Et voyez à quelles conditions le souverain cha-
pelier le concède, — prix fixe el sans rabais, — à ses créatures de
choix.
Car si le Pape préconise ou seulement proclame ses évêques, il crée
ses cardinaux. Est-ce à dire que l'élection d'un cardinal ne dépende
que du caprice de son chef qui pourrait parfois leur dire ironi-
quement, comme Urbain Vlll à son Sacré-Collège qu'il avail lini par
instituer en entier : Non vos me elegistis, sed ego elegi vos? A Dieu
ne plaise que cette assemblée suprême, qui ne dépassa pas 30 mem-
bres jusqu'au xvr siècle et que Sixte V porta au nombre de 70, — en
souvenir des septante vieillards de la Rible, — ne serve qu'à un jeu
d'élection du pape futur, pour laquelle elle est surtout constituée,
mais à laquelle aucun pape vivant ne s'intéressera jamais. Sans doute,
il y a une tradition discutable qui assure la papauté à un cardinal
italien, par une majorité choisie parmi les sujets de ce pays et que
les papes italiens ne déplacent guère. Mais ce choix n'est-il pas ex-
pliqué par la neutralité d'un petit État et par la liberté que les pon-
tifes romains en retirent? Par exemple, quand l'Italie mégalomane
farà da se!... Mais le Tibre peut encore couler sous le pont Saint
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532 LA PRÉLATURE DE LÉON XIll
Ange, et les faveurs des papes aller encore aux prélats de la péninsule.
ResV toujours aux Italiens élus la dificulté de payer leur chapeau,
après avoir surmonté celle d'obtenir leur création en consistoire.
Jusqu'au moyen âge, le terme de cardinali ne fut qu'un adjectif
pour désigner les simples conseillers des pontifes et les distributeurs
de leurs aumônes dans les districts de Rome, dont ils étaient les vul-
gaires curés. En lâ.io, Innocent IV en fit un substantif et distingua
ses cardinali du chapeau rouge, qui les rangeait parmi les princes et
les cousins des rois. Mais ce chapeau sans coiffe restait plat, tout au
plus bon à porter en renverse sur le dos et à laisser contracter, au
plein air des cérémonies publiques, les plus dangereux catarrhes.
Paul II joignit aux insignes cardinalices la calotte et la barrette rouges.
Ainsi le chapeau montait, presque en même temps que la tiare qui,
simple bonnet de pécheur sous le pontificat du Galiléen Pierre, avait
pris un premier tour de couronne sous les pontiles romains qui lui
succédèrent, puis un deuxième sous Boniface VIII, puis un troisième
enfin sous le toulousain Benoît XII, — un vrai cadet <le Gascogne, à
qui les papes doivent la glorieuse invention du trirègne. Et c'était la
note à payer, qui montait de conserve. Voici dans quelles proportions,
telles que les a maintenues la Chancellerie romaine, depuis les jours
d'Innocent IV, de Paul II et de Sixte V.
Le jour où, en Consistoire secret, le pape a résolu d envoyer la
calotte et la barrette rouges à sa créature, — prêtre oi laïc, — c'est
encore un garde-noble de son choix qui prend cette calotte emboîtée
dans un écrin de soie et qui l'apporte à Télu dont il doit recevoir
10,000 francs pour sou pourboire. Ci 10.000 fr.
Un deuxième messager, appelé l'ablégat, est chargé d apporter la
barrette et de recevoir 6,000 francs pour son compte, plus 3.000 trancs
pour le compte du secrétaire qui raccompagne. Ci . . . 9.000 tr.
Ce double message est indépendant de celui qui est confie au neveu
,lu pape, - si le pape eu a un dans le Sacré-Collège où il prend le
litre de cardinal paf/ïm, - et qui transmet à l'élu le b.llet de la
Chancellerie, par rintermédiairedeson majordome et avec le bénéfice
d'un troisième pourboire dont le chiffre rond est laissé à l'apprécia-
tion du destinataire. Eu sorte que les porteurs de la cuirasse et du
bouclier de Marh-borough, qui ne sont qu'une plaisanterie dans la
chanson, deviennent dans l'histoire à\m cardinal à créer, une real.te
palpitante et pleine d'intérêt :
L'un portait sa cuirasse,
L'autre... ne portait rien
LA COUR DU PAPE
533
■^m^tf^T^m:'^
Rien ! Écoutez encore ; car notre cardinal élu n'est qu'à la troisième
station de son rouge calvaire. Après les billets doux, voici les notes
sèches. Et, d'abord, celle qui porte pour l'expédition des bulles la
petite addition de ^.113 fr. 80 cent., parchemin de la céduUe el cire
du cachet y compris. Ci 2.113 fr. 80.
Puis, vient la note du bijoutier de la Propagande qui offre, pour
3.000 fr., l'anneau cardinalice qui ne vaut pas le tiers de son esti-
L'ombrellino cardinalice.
mationetque l'Éminence consciemment dupée ne portera, d'ailleurs,
que le jour de la cérémonie consistoriale. Ci 3.000 fr.
Puis arrive, pour une buona manda s'échelonnant, du plus humble
balayeur ou scopatore au cameriere le plus huppé de l'Antichambre
Pontificale, la file innombrable des serviteurs de la nouvelle Éminence:
y compris la chapelle entière des chantres qui reçoivent 10 francs
anticipés sur les funérailles prévues du cardinal, dès le jour de son
élection. Soit: une somme ronde de 5.000 tr. qu'il doit payer de son
vivant, par anticipation sur son enterrement. Ci. . . • 5.000 fr.
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.H32 LA PRÉLATURK DE LÉON XIII
Ange, et les faveurs des papes aller encore aux prélats de la péninsule.
ResV toujours aux Italiens élus la diticulté de payer leur eliapeau,
après avoir surmonté celle d'obtenir leur création en consistoire.
Jusiiu au moyen Age, le terme de cardtnali ne fut qu'un adjectif
pour désigner les simples conseillers des pontifes et les distributeurs
de leurs amnoues dans les districts de Home, dont ils étaient les vul-
gaires curés. En 1^245, Innocent IV en lit un substantif et distingua
ses cardbiali du cbapeau rouge, (lui les rangeait parmi les princes et
les cousins des rois. Mais ce chapeau sans coitfe restait plat, tout au
plus bon à porter en renverse sur le dos et à laisser contracter, au
plein air des cérémonies publiques, les plus dangereux catarrhes.
Paul II joignit aux insignes cardinalices la calotte et la barrette rouges.
Ainsi le chapeau montait, presque en même temps (lue la tiare qui,
simple bonnet de pécheur sous le pontificat du Galiléen Pierre, avait
pris un premier tour de couronne sous les pontiies romains qui lui
succédèrent, luiis un deuxième sous Bouiface VIII, puis un troisième
enfin sous le toulousain Heiioît Ml, — un vrai cadet de Gascogne, à
qui les pai>es doivent la glorieuse invention du trirègne. Et c'était la
note à paver, qui montait de conserve. Voici dans quelles proi)ortions,
telles que les a maintenues la Chancellerie romaine, de|mis les jours
d'Innocent IV, de Paul 11 et de Sixte V.
Le jour où, en Consistoire secret, le pape a résolu d'envoyer la
calotte et la barrette rouges à sa créature, — i)rétre o i laïc, — c'est
encore un garde-noble de son choix qui prend cette calotte emboîtée
dans un écrin de soie et qui l'apporte à Télu dont il doit recevoir
10 i)00 trancs pour son pourboire. Ci 10.000 fr.
Un deuxième n.essager. appelé Tablégat, est chargé d'apporter la
barrette et de recevoir 0,000 francs pour son compte, jdus :1000 trancs
pour le compte du secrétaire qui l'accompagne. Ci . . - l^-^OO tr.
Ce double messaue est indépendant de celui (lui est confié au neveu
,l,j p,pe -si le pai^e eu a un dans le Sacré-Collège où il pren.l le
titre de cardinal |mf,v,». - et ((ui transu.ct à l'élu le billet de la
Chancellerie, par Tintei inediairede son majordome et avec le benehce
d'un troisième pourboire dont le cliilVre rond est laissé à l'apprecia-
tiou du destinataire. Eu sorte que les porteurs de la cuirasse et du
bouclier de Marh'borough, (lui ne sont qu'une idaisantene dans la
chanson, devieiiueul dans Thisloire d\in cardinal à créer, une réalité
palpitante et pleine d'iîitérét :
L'un [.ortait sa cuirasse,
L'autre... ne portail rien 1
LA COUR DU PAPE
533
».
Rien! Écoulez encore; car notre cardinal élu n'est qu'à la troisième
station de son rouge calvaire. Après les billets doux, voici les notes
sèches. Et, d'abord, celle qui porte pour l'expédition des bulles la
petite addition de ^2.113 fr. «0 cent., parchemin de la cédulle el cire
du cachet y compris. Ci ^.Il3lr. 80.
Puis, Nient la note du bijoutier de la Proi)agande qui offre, pour
;1000 fr., l'anneau cardinalice qui ne vaut pas le tiers de son esti-
Lombrcllino cardinalice.
mationetque l'iMninence consciemment dupée ne portera, d'ailleurs,
que le jour de la cérémonie consistoriale. Ci 3.000 Ir.
Puis arrive, pour une buona manda s'échelonnant, du plus humble
balayeur ou scopalore au vameriere le plus huppé de rAntichambre
Pontilicale, la file innombrable des serviteurs de la nouvelle Éminence:
y compris la chapelle entière des chantres qui reçoivent 10 francs
anticipés sur les funérailles prévues du cardinal, dès le jour de son
élection. Soit: une somme ronde de 5.000 Ir. qu'il doit payer de son
vivant, par anticipation sur son enterrement. Ci. . • • 5.000 fr.
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534
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
Encore un chapitre, dans l'histoire de l'ironie humaine, que n*avail
pas prévu Hamlel. Mais ce chapitre est aussi la plus éloquente leçon
d'humilité que Tévangile de Jésus pouvait mieux contenir et donner
que le libretto de Shakespeare.
Est-ce fini? Oui, si vous ajoutez aux comptes précédents ceux du
tailleur de son Éminence, qui n'a|>porle pas moins de quatre costumes
dont celui de gala ne sera pas payé moins de 5.000 francs. Et ceux
du chapelier qui doit remettre et entretenir de cordelières vertes et
dorées les quatre chapeaux de diverse étiquette, — pas un de moins' Et
puis, ce sont les frais des visites dites di calore, que tout passant a
droit de rendre au cardinal dans son palais ouvert, trois jours
durant, pourvu qu'on s'y présente en habit noir et en cravate blan-
che. Ces visites sont dites de chaleur, parce que les complimentsqu'on
y récite ne sont guère plus froids que les vins et les pâtisseries
qu'en échange de courtoisie l'Éminence saturée doit servir en lanto
rinfresco à ses infatigables hôtes. Rien que pendant ces trois jours,
à Rome, le temps d'y prendre son chapeau, le cardinal Pie eut à payer
en rafraîchissements, dans un hôtel qui n'était pas le sien, une note
qu'il mit, dil-on, toute sa vie de cardinal a acquitter et qu'il n'osa,
depuis, avouer qu'à lui-même.
Faut-il aussi menl'iowner \epalazzo à tant et tant de chambres, que
le cérémonial a prévues et que VEminentissimo doit à sa grandeur
nouvelle? Et l'équipage à deux chevaux noirs, dont l'accouplement
devient si rare et si coûteux dans les haras romains; — la robe noire
étant de rigueur aux bêtes, comme à leurs maîtres, pour manifester le.
deuil de l'État pontifical qu'on a perdu, depuis 1870? Et le cocher de
siège, et le valet de pied, qui ne permettront pas à l'Éminence de
faire un seul pas dans Rome, tant qu'un buzzurro y séjournera :
Jamais, jamais à Rome
Jamais Picmoril ne régnera !
Il est vrai que, pour balancer ces dépenses, estimées au plus bas
prix 50.000 francs par les Romains qui, en fait d'additions, s'y
entendent, le cardinal créé aura les ressources suivantes : le piailo,
ou mense pontificale de 21.480 francs, au taux de 5 fr. 37 pour 100
que la rente italienne leur fait rapporter annuellement; plus, les
bénéfices de ses charges épiscopales ou presbytériales, à l'évêclié ou
à la paroisse ou à la diaconie qu'il desservira; plus, sa part dans les
Congrégations romaines, s'il en est membre; plus son droit à la
bourse des Consistoires, s'il y assiste : soit un reliquat de quelques
LA COUR DU PAPE
535
\
autres mille francs qu'en ajustant bien les notes par tous les bouts on
arrive à faire rapporter, au plus, 24.000 francs.
— Res sacra miser! avait écrit le cardinal D..., dans son blason où
il dut vite l'effacer j>arcc que'cetle devise, pour être juste, était aussi
profane. C'est cette note qu'il faudrait détailler encore, pour montrer
chez les princes de l'Église, comme chez ses plus humbles sujets,
l'observation admirable des principes essentiellement égalitaires sur
lesquels la hiérarchie du catholicisme se fonde. Le cardinal, élu le
plus souvent dans le peuple et presque toujours à son insu, ne doit-
il pas, au sein des grondeurs où il se dépensera tout entier,
l'exemple d'un riche en apparence qui n'est qu'un pauvre en réalité?
Que la mort vienne: s'il reste quelques économies au défunt, elles
reviendront de droit aux pauvres de la ville qui se présenteront au
palais, les premiers; à moins que le trésorier de la Propagande ne
les devance pour répartir l'héritage entre tous les pauvres du monde
entier, par le canal de ses Missions...
Tel est le coût de ce chapeau tant souhaité, qui laisse s'em-humer
tant de têtes illustres, presque aussitôt décoiffées que couvertes, aux-
quelles les papes eurent quelquefois le plaisir de faire prendre l'air.
Et encore ces chapeaux plats, qui sont sans fond et dont les digni-
taires ne peuvent se couvrir de leur vivant, ces chapeaux qui n'ont
que des glands pour battre l'air et que des ailes pour voler et échap-
per au plus vite, quelle leçon du néant des choses ils donnent à leurs
possesseurs; eux, qui ne commencent à se porter que sur le cercueil
de leurs maîtres, et qui, dans les calhédiales où ces Éminences iront
se coucher tôt ou tard, n'auront plus à recouvrir qu'un tombeau! A
cette élection si onéreuse des cardinaux proclamés, qui ne préférerait
celle des cardinaux non proclamés ou m pello? Ces derniers, quand
le pape les expectorera, non seulement n'auront rien perdu de leur
rang, parmi les cardinaux évêques ou prêtres qui auront été nommés
après eux et qui s'assiéront aussi à leur suite, sur le banc d'honneur;
mais les capitaux même du piatto leur seront servis par accumula-
tion, depuis le jour de leur création secrète et les aideront à payer
illico les frais de leur nomination publique.
— Ils croquent le marmot, mais ils conservent les baïoques!
disent ces amateurs des satires en usage, au moment des consistoires
et des conclaves, autour du buste d^ Pasquin. —
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Eh bien! il est une dernière élection encore plus économique.
C'est celle qui consiste à revêtir la pourpre, sans eu avoir la charge.
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536 LA PRELATURE DE LÉON XllI
Plusieurs églises du inonde catholique sont ainsi favorisées, qui du
zucchettino poinpannant gentiment la tète en calotte ponceau,
et qui du berretUno cramoisi la coiffant cette fois tout à fait
comme celle d'un parfait cardinal. Ces faveurs, par lambeaux, se
d visent entre les collégiales de Magdebourg, de Londres, d'Aix-la-
Chape e, de Cologne, de Milan, de Uavenne, de Conipostelle, et
LA COUR DU PAPE
53
Camériers et majordomes d'un cardinal.
même d'Orléans dont les sièges furent, de droit, cardinalices avant
Pie V. On trouve même des cardinaux complets — moins le titre
— dans les stalles de Venise, de Salzbourg et de Prague. Et ce
n'est pas la moindre difficulté de la Congrégation des Kites, de mettre
tous ces privilégiés à leur place. Tel, le prince Schawarzenberg,
quand il se présenta en barrette rouge au Vatican où Grégoire XVI
allait le créer 'cardinal. On eut beau lui faire remarquer Tincon-^
venance de coiffer l'insigne de sa dignité nouvelle, avant que le pape-
l'iniposât lui-même, le prince élu objecta les prérogatives de Prague,
son siè^je épiscopal. Pour lui faire lâcbcr sa barrette, il ne fallut
rien moins qu'une ordonnance de la Congrégation des Rites invitant,
ce jour-là, les nobles invités du Vatican à s'y présenter sans barrette
ni chapeau, — tête nue.
Mais en linirions-nous, avec les anecdotes dont ferait les frais la
Les bombarJiers du Samedi -baint. ^Dessin de Thomas.)
petite vanité des hommes, — même des hommes cardinaux? Ne fau-
drait-il pas continuer cette énumération des charges cardinalices par
celles de leur propre maison, dans laquelle il nous resterait à entrer ?
Le palazzo de rigueur serait de princière apparence. On entrerait,
d'abord, dans l'antichambre spacieuse où les gardes-suisses de l'ancien
temps faisaient les cent pas et où les bûches d'approvisionnement ont
pris dans de grands coffres la succession des hallebardiers absents.
Puis, on accéderait dans la pièce du baldaquin sous lequel reposent
les coussins et les ombrelles que le fidèle majordome ne fait plus-
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536
LA l'RKLATURE DE LÉON Xlll
Plusieurs églises du monde catholique sont ainsi favorisées, qui du
zucclielUno pouip >nuant gentiment la tète en calolle ponceau,
et qui du berrettino cramoisi la coiffant cette fois tout à fait
comme celle d'un parfait cardinal, ('.es laveurs, par lambeaux, se
d visent entre les collégiales do Magdchour::, de Londres, d'Aix-la-
Chape e, de Cologne, de Milan, de KaNcinie, de Compostelie, et
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(^iimérlers et majordomes d'un cardinal.
même d'Orléans dont les sièges furent, de droit, cardinalices avant
Pie V. On trouve même des cardinaux complets — moins le titre
— dans les stalles de Venise, de Salzbourg et de Prague. Et ce
n'est pas la moindre dinicullédela Congrégation des Kites, de mettre
tous ces privilégiés à leur place. Tel, le prince Schawarzenberg,
quand il se présenta en barrette rouge au Vatican où Grégoire XVI
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LA COUR DU PAPE
53
allait le créer cardinal. On eut beau lui faire remarquer Tincon-
venance de coiffer l'insigne de sa dignité nouvelle, avant que le pape
l'imposât lui-même, le [nince élu objecta les prérogatives de Prague,
son siè:,'e épiscopal. Pour lui faire làcber sa barrette, il ne fallut
rien moins qu'une ordonnance de la Congrégation des Kites invitant,
ce jour-là, les ncddes invités du Vatican à s'y présenter sans barrette
ni cliapeau, — tête nue.
Mais en linirions-nous, avec les anecdotes dont ferait les frais la
Les bombardiers du Samcdi-^ailll. i Dessin (Je f bornas.)
petite vanité des hommes, — même des hommes cardinaux? Ne fau-
drait-il pas continuer cette énumération des charges cardinalices par
celles de leur propre maison, dans laquelle il nous resterait à entrer ^
Le palazzo i\e rigueur serait de princière apparence. On entrerait,
d'abord, dans ranlichambre spacieuse où les gardes-suisses de lancien
temps faisaient les cent pas et où les bûches d'approvisionnement ont
pris dans de grands coffres la succession des hallebardiers absents..
Puis, on accéderait dans la pièce du baldaquin sous lequel reposent
les coussins et les ombrelles que le fidèle majordome ne fait plus-
Tî^^flW.7?|V
-.J^p»" tÇ^ "^
I
338
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
LA COUR DU PAPE
539
sortir à la suite du cardinal/depuis l'occupation piémonfâise. Et puis
viendrait la salle des secrétaires, et puis la salle du Trône, et puis
«nfin rapparlementderÉminence, — lelout se profilant long, comme
un jour de jeûne.
— Oui, de jeûne! soupirait, un jour, une de ces nobles victimes du
cardinalat foicé que le Consistoire venait de transformer en un de ces
anciens malhem-eux habitants du légendaire Labyrinthe. Mais, à
J'inverse des tristes hôtes du Minotaure, si les cardinaux jeûnent, ce
.sont les chevaux qui mangent bien.
Ceux de Mf?-- Joachim Pecci eurent donc le loisir de ramener, de
Bruxelles à Rome, un nonce si jeune qu'il eût été une exception d'âge
parmi les vieillards du Sacré-Collège. Et comme ces beaux chevaux
qu'aimait M?»" Pecci avaieni le temps de leconduire àces honneurs cardi-
nalices dont l'ombrageux Antonelli n'éloi^^'nerait son digne rival que
quelques années, tout au plus; au lieu de s'en retourner directement
•en Italie, sa nonciature terminée à Bruxelles, il prit en voyageur le che-
min des écoliers. Il ne connaissait pas l'Angleterre et ignorait Paris.
Recommandé par Léopold l^»" au fdme:ix baron de Stockmar et au
Prince-Consort, M^'»" Pecci fut reçu par la reine Victoria, dîna à la
<Jour, s'entretint avec Palmerston. Lu pape ayant dîné à Windsor,
voilà un souvenir historique peu banal (1). A Paris, Louis-Philippe
fit égalemeni l'accueil le plus distingué à l'ancien nonce de Bruxelles.
Avant que M^»" i^ecci, parti de Belgique et en route à travers
Ja France, n'arrive à Rome et ne retourne à Pérouse, pour un exil
injuste de 32 années, il est permis de jeter un coup d'œil en
arrière et de mesurer le chemin parcouru, au cours des prélatures
d'un si précoce et déjà si éminent diplomate.
A Bénévent, où Grégoire XVI l'envoya d'abord, comme pour une
simple chaf^se à la camorre, il ne resta que trois ans : le temps de
prendre le plus de brigands qu'il put, y compris les seigneurs qui,
. (Ij Le prélat venait d'être nommé Évèque de Pérouse, après sa nonciature à
Bruxelles, et passait en An^'letcrre avant de revenir en Italie. Il resta tout le
mois de février à Londres, fut d'abord l'hôte du ministre plénipotentiaire du
Brésil et occupa ensuite un appartement dans Piccadilly. M»' Joachim Pecci
avait alors irenle-six ans. Il entendit, à la Chambré des Communes, le grand
O'Conoell, fut présenté à lord Palmerston et assista à une réception au Foreign
Office. La reine Victoria 1 invita à la Cour.
Pendant son séjour, le futur pape ofticia dans deux églises : dans l'antique
chapelle sarde, qui se trouve encore du côté ouest de Liucoln's in Fields; et à
•celle de Saint-Mary in MoorfiehJs, ancienne cathédrale catholique de Londres.
I^cemment démolie et remplacée par la nouvelle église de Westmmster.
dans ces repaires reculés de la Basilicate, n'étaient que des bandits
de marque plus aristocratique que les autres : « Mais je suis comte,
monsieur le légat, et, de ce chef, je vais me plaindre au pape ! — Allez
donc, monsieur le comte; et n'oubliez pas que, pour vous rendre
au Vatican, il vous faudra d'abord passer par la forteresse de Saint-
Ange ! » A Bénévent, où il ne prit qu'une soleillée sous l'ado-
rable ciel napolitain, comme à Pérouse, où il ne fit qu'une brillante
passade, le temps d'y tracer la plus belle route que ce pays eût pos-
sédée jusque-là, la grande question qui capt iva ce raiid esprit d
Antichambre prélatice aux armes de Mg"* Pecci.
i i
prévoyance et d'opportunité, fut celle qui ne faisait pas assez réflé-
chir les hommes d'Etat de cette époque difficile, aux affaires de
laquelle il allait être heureusement appelé à participer.
Comme il y a la politique d'action qui exécute, dans le tumulte de
la vie civile et militaire, les plans conçus et les résolutions arrêtées
dans le silence des cabinets et des casernes, il y a la politique de
pensée, antérieure à l'autre et conséquemment supérieure par les
génies puissants qu'elle y emploie et les humbles vertus qu'elle y
use. Celle-ci a,sur celle-là toute l'élévation qu'une mèie a sur son
enfant, toute la distance de la chaîne dont un chasseur conduit sa
:
\ 1f^'
j^-- -
^38
LA PHÉLATURK DE LÉON Xlll
sortir ula suite du cardinal, depuis l'occupation piénionlaise. Et puis
\iendrait la salle des secrétaires, et puis la salle du Trùne, et puis
^nfju l'appartement de rÉminence, — le tout se profilant long, comme
un jour de jeûne.
-- Oui, de jeune! soupirait, un jour, une de ces nobles victimes du
cardinalat forcé que le Consistoire venait de transformer en un de ces
-anciens mallieinvux habitants du légendaire Labyrinthe. Mais, h
l'inverse des tristes hôles du Minotaure, si les cardinaux jeûnent, ce
sont les chevaux {[uï mangent bien.
Ceux de M^''- Joacliim Pecci eurent donc le loisir de ramener, de
Bruxelles à Rome, un nonce si jeune qu'il eût été une exception d'âge
parmi les vieillards du Sacré-Ccdiège. Kt comme ces beaux chevaux
qu'aimait M^-'IVcci avaient le temps de leconduire àces honneurs cardi-
nalices dont l'ombrageux Antonelli n'éloi^^nerait son digne rival que
quebjues années, tout au plus; au lieu de s'en retourner directement
-«n Italie, sa nonciature termiiu'e à Bruxelles, il prit en voyageur le che-
min des écoliers. Il ne connaissait pas l'Angleterre et ignorait Paris.
Recommandé par LénpoM I'' au faine:ix baron de Stockmar et au
Prince-Consort, M^^ Pecci fut re(;u |)ar la reiîie Victoria, dîna à la
Cour, s'entretint avec Palmerslon. ['n pape ayant dîné à Windsor,
voilà un souvenir historique peu banal [[). A Paris, Louis-Philippe
fit également l'accueil le plus distingué à l'ancien nonce de Bruxelles.
Avant que M-'' l»ecci, parti de Belgique et en route à travers
la France, n'arrive à Rome et ne retom-ne à Pérouse, pour un exil
injuste de S'2 années, il est permis de jeter un coup d'œil eu
arrière et de mesurer le chemin parcouru, au cours des prélatures
d'un si précoce et déjà si éminent diplomate.
A Bénévent, où Grégoire \Vi l'envoya d'abord, comme pour um'
simple chasse à la camorre, il ne resta (pie trois ans : le temps de
I»rcndre le plus de brigands ([u'il put, y compris les seigneurs qui,
. (I] Le prélat venait dï-lre nommé Kvèque de Pérouse, après sa nonciaturo à
Bruxelles, et passait en Anj^'letorre avant de revenir en Italie, il resta tout le
mois de février à Londres, fut d'abord l'hôte du ministre plénipotentiaire du
Brésil et occupa ensuite un appartement dans Piccadill\ . M-' Joachim Pecci
avait alors Irente-six ans. Il enten.iit, à la Chambre des Communes, le ^'rand
O'Connell, fut présenté à lord Palmerston et assista à une réception au Foreign
Office. La reine Victoria linviia a la Cour.
Pondant son séjour, le futur pape oflicia dans deux c^dises : dans l'antique
chapelle sarde, rjui se trouve encore du côté ouest de Lincoln% in Fields; et à
celle de Saint^Mary in Moorlields, an-ienno cathédrale catholique de Londres,
récemment démolie et remplacée par la nouvelle église de Westmmster.
LA COUR DU PAPE
539
dans ces repaires reculés de la Basilicate, n'étaient que des bandits
démarque plus aristocratique que les autres: « Mais je suis comte,
monsieur le légat, et, de ce chef, je vais me plaindre au pape ! — Allez
donc, monsieur le comte; et n'oubliez pas que, pour vous rendre
au Vatican, il vous faudra d'abord passer par la forteresse de Saint-
Ange ! » A Béiiévent, où il ne prit qu'une soleillée sous l'ado-
rable ciel napolilain, cotume à Pérouse, où il ne fit qu'une brillante
passade, le temps d'y tracer la plus belle route que ce pays eût pos-
sédée jusque-là, la grande questioîi qui capt iva cf laiid esprit d
Antichambre prriatice aux armes de Mg'' Pecci.
prévoyance et d'opportunité, lut celle (|ui ne faisait pas assez réflé-
chir les hommes d'Ktat de celte époque difficile, aux aft'aires de
laciuelle il allait être heureusement appelé à participer.
Comme il y a la politi(iue d'action qui exécute, dans le tumulte de
la vie civile et militaire, les plans conçus et les résolutions arrêtées
dans le silence des cabinets et des casernes, il y a la politique de
pensée, antérieure à l'autre et conséquemment supérieure par les
génies puissants qu'elle y emploie et les humbles vertus qu elle y
use. Celle-ci a sur celle-là toute l'élévation qu'une mère a sur son
onfanl, toute la distance de la chaîne doiit un chasseur conduit sa
540
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII
1
meute ou du guidon dont un tireur suit son tracé. Mais comme la
pensée reste cachée, la politique qui en éniane est invisible et ne
laisse apparaîlre que les hommes ou les choses qu'elle diri^'e, t* son
gré, sous les livrées d'or ou de cuivre dont elle les distingue au
regard. Qu'importe de ne pas voir la balle, si dans son invisible tra-
jectoire elle atteint l'ennemi et l'abat? Qu'importe à l'histoire le nom
des ministres inconnus qui dirigèrent les Alexandre et les César de
la conquête terrestre? Machiavel ne fut qu'un passant, méconnu du
plus humble paysan de San Casciano; et dix pages de cette plume
allaient pourtant suffire pour renverser le système des victoires an-
ciennes par la force, auquel succéderait le système des victoires nou-
velles par la diplomatie. Si Pecci, exilé sur les hauteurs de Pérouse»
y va dépenser près de quarante ans d'études les plus remarquables et
les plus ignorées, pour arriver aux fructueuses conclusions que nous
révélera seulement sa vieillesse, qu'importe eocore, puisque le but à
loucher sera, un jour, atteint?
Fort de sa valeur et de sa patience, cet admirable meneur des peuples
de demain-, auquel la victoire ne semble promise qu'avec les cheveux
blancs, n'était entré dans la carrière diplonmtique que pour en sortir
presque aussitôt, à l'heure où sa jeunesse exceptionnellement brillante
eût dû le faire vite parvenir aux suprêmes iioniieiirs. Mais la main
de Dieu, plus généreuse que celle des hommes, s'était chargée de
conduire eJe-même son élu, à travers mille injures d'un long exil
dans les montagnes ombriennes, jusqu'à la suprême récompense que
le génie réserve à la patience des forts et que la fortune envieuse
disputera, mais en vjin, à ce pacifique conquérant de la plus haute
puissance qui soit au monde, — la papauté.
1^4
'h.
M
Saltarelli (Dessin de Thomas.)
UN APPENDICE A LA COUR DU PAPE
A l'époque où
Joachim Pecci,
jeune prélat «po-
nent» du Buim
GovernOy se pré-
pare à suspendre
son humble bla-
son de famille
aux caissons du
lourd carrosse
des écuries pon-
tificaleset à quit-
ter le Vatican
pour franchir ,
d'étape en étape,
la longue montée de l'inflexible hiérarchie pontificale qui le mènera
si loin et si haut, la Rome des Papes présenie encore, avec ses
immuables coutumes d'autrefois, de si pittoresques tableaux, qu'il
est plaisant d'en esquisser quelques-uns; ne serait ce que ceux
qui échai»pèrent à la plume observatrice de Stendhal, hôte de la
oSanlo Padre, la beiieJizione ! » (Dessin de Thomas.)
y
I
ïï.
f \
II
540
LA PRELATURE DE LEON XIII
meule ou du guidon dont un tireur suit son tracé. Mais comme la
pensée reste cachée, la politique qui en émane est invisible et ne
laisse apparaître que les liommes ou les choses qu'elle diri;,'e, à son
gré, sous les livrées d'or ou de cuivre dont elle les distingue au
regard. Qu'importe de ne pas voir la balle, si dans son invisible tra-
jectoire elle atteint Tennemi et l'abat? Qu'importe ù l'histoire le nom
des ministres inconnus qui dirigèrent les Alexandre et les César de
la conquête terrestre? Machiavel ne fut qu'un passant, méconnu du
plus humble paysan de San Casciano; et dix pages de cette plume
allaient pourlant sut'tire pour renverser le système des victoires an-
ciennes pnr l;i lor»;e, au(piel succéderait le système des victoires nou-
velles par la diplomatie. Si Pecci, exilé sur les hauteurs de Pérouse,
y va dépenser près de quarante ans d'études les plus remarquables et
les plus ignorées, pour arriver aux fructueuses conclusions que nous
révélera seulement sa vieillesse, ([n'importe encore, puisque le but à
loucher sera, un jour, atteint?
Fort de sa valeur et de sa patience, cet admirable inenem' des peuples
de demain, auquel la victoire ne semble promise qu'avec les cheveux
blancs, n'était entré dans la carrière diidoniatiquo (pie pour en sortir
presque aussit(')t, à l'heure où sa jeunesse exceptionnellement brillante
eût (lu le faire vite parvenir aux suprêmes honneurs. Mais la main
de Dieu, [dus généreuse que celle des hommes, s'était charg(''e de
conduire e.le-méme son élu, à travers mille injures d'un long exii
dans les montagnes ombriennes, jus([u'à la su[n'ême récompense que
le génie réserve à la [►atience des forts et que la fortune envieuse
disputera, mais en vain, à ce pacitnpie con([iiérant de la [dus haute
puissance qui soit au monde, — la [)apaulé.
Sallarelli iDessiii de Ttiomas.
UN APPlvNDICE A LA COUll DU PAPE
A l'époque où
Joachim Pecci,
jeune prélat «po-
nenl» du Uuon
Govenio, se [)ré-
[»are à suspendre
son humble bla-
son de famille
aux caissons du
lourd carrosse
des écuries i>on-
tilicaleset à quit-
ter le Vatican
|.our francliir ,
d'étape en étape,
la longue montée de Tinflexible hiérarchie pontificale qui le mènera
si loin et si haut, la Uome des Papes présente encore, avec ses
immuables coutumes d'autrefois, de si pittoresques tableaux, qu il
est plaisant d'en esquisser quelques-uns; ne serait ce que ceux
qui écha[q)èrent à la plume observatrice de Stendlial, luMe de la
aSaiito PaJre, la bciiedizioiie ! » (Dessin de Thomas.)
^#S|
542
APPENDICE
\\\
Ville éternelle, en ce même lerops-Ià. Et, à nous contenter seuleuienl
du monde cardinalice constituant la Cour pontiticale, nous y trouve-
rions encore des croquis aussi antus^ints à trousser que ceux (ruii
Guadi ou d'un Puccino de l'autre siècle, arec ces mêmes Eminen-
tissiyni tarligrades pour inimitables modèles.
Vous n'avez pas oublié certaines pages de \di Jeunesse de Léon Xlll
où nous eûmes à portraiturer eu passautquelques-unesdeces grandes
Éminences, en longues redingotes à passepoil ponceau s'arrondis-
sant de toule l'ampleur bedonnante du buste, sur la culotte courte et
sur les mollets bauts cliaussés de bas rouges. Il faisait si bon les voir,
trottinant à pas précieux de cousins des rois, ou marcber bonnement
en bons fratoni dont ces moines devenus princes avaient précédem-
ment traîné la sandale de cuir dans ces mêmes rues libres de Rome
où ils iraient dorénavant en escarpins de soie, deux valets de pied
les suivant pour porter, l'un le mantello et l'autre Vombrellino aux
aveuglantes doublures de pourpre. Ceux des Eminentissimi que l'âge
faisait trop vieillir ou la dignité trop pontifier, montaient dans un de
ces carrosses aussi rouges de caparaçons éclatants que les écarlates
personnes de leurs maîtres dont l'opulence corporelle était, d'ordi-
naire, bien en rapport avec ces véhicules larges et hauts, comme des
places fortes d'ancien temps.
, Ces. carrosses cardinalices ainsi montés étaient des espèces de
villes enniarche, dans une autre espèce de ville en repos, depuis
raille ans*. Sans avoir perdu un rayon d'or pesant à leurs lourds
essieux Jii. une courbe du cérémonial antique à leurs inclinaisons
zodiacgiles, ces énormes chai-s du soleil venaient déposer leur astre
au éeti'il d*uh grand et vieux palazzo bien fait pour recevoir, avec
leur majesté de l'autre siècle, une des gloires de celui-ci daignant les
visiter pour s'y rafraîchir au rosolio ou au spumone, en un lauto
rinfresco qui durait le temps d'une sonate sur la harpe ou d'une
partie de Pharaon continuée avec mesdames les princesses, au départ
de l'Éminence, par le sigisbée commensal du palais. Ceux qu'un
devoir plus pressant appelait aux Commissions cardinalices ou à ÏAu-
dienza du pape, se hâtaient vers le Vatican, toujours avec cette sage
lenteur que le Concile de Trente avait prescrite et qui faisait ressem-
bler ces carrosses des cardinaux de la vieille Rome à ces chariots des
bons rois fainéants que célébra l'histoire des anciens âges. Et quand,
sous l'implacable soleil de Rome, ces Eminentissimi apparaissaient
en carrosses dorés ou en parasols écarlates sur celte immense Place
de Saint-Pierre qui dormait dans son brasillement de gigantesque
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542
APPENDICE
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Ville éternelle, en ce même lemps-là. Et, à nous ooiitenler seulement
du monde eardinaliie coiislihiaiil la Cour pontificale, nous y trouve-
rions encore des croquis aussi amusants à trousser que ceux d'un
Guadi ou d'un Puccino de l'autre siècle, avec ces mêmes Lfuinen-
tissùni tarligrades pour inimitables modèles.
Vous n'avez pas oublié certaines pages de \di Jeunesse de Léon XIU
où nous eûmes à portraiturer eu passautquelques-unes de ces grandes
Éminences, en longues redingotes à passepoil ponceau s'arrondis-
sant de toute l'ampleur bedonnante du buste, sur la culotte courte et
sur les mollets hauts chaussés de bas rouges. Il taisait si bon les voir,
trottinant à pas précieux de cousins des rois, ou marciier bonnement
en bons fratoni dont ces moines devenus princes avaient précédem-
ment traîné la saiidale de cuir dans ces mêmes rues libres de Kome
où ils iraient dorénavaiu en escarpins de soie, deux valets de pied
les suivant pour porter, l'un le mantello et l'autre Vombreilino aux
aveuglantes doublures de pourpre. Ceux des Eminentmimi que l'âge
taisait trop vieillir ou la dignité trop pontitier, montaient dans un de
ces carrosses aussi rouges de caparaçons éclatants que les écartâtes
personnes de leurs maîtres dont l'opulence corporelle était, d'ordi-
naire, bien en rapport avec ces véhicules larges et hauts, comme des
places fortes d'ancien temps.
Ces carrosses cardinalices ainsi montés étaient des espèces de
villes en niarche, dans une autre espèce de ville en lepos, depuis
raille ans-. Sans avoir perdu un rayon d'or pesant à leurs lourds
essieux .ni une courbe du cérémonial anti(iue à leurs inclinaisons
zodiacales, ces énormes chars du soleil venaient déposer leur astre
au seuil d'un grand et vieux palazzo bien fait pour recevoir, avec
leur majesté de l'autre siècle, une des gloires de celui-ci daignant les
visiter pour s'y rafraîchir au tufsolio ou au spumone, en un laulo
rinfresco qui durait le temps d'une sonate sur la harpe ou d'une
partie de Pharaon continuée avec mesdames les princesses, au départ
de rfiminence, par le sigisbée commensal du palais. Ceux qu'un
devoir plus pressant appelait auxComniissions cardinalices ou à VAii-
dienza du pape, se hâtaient vers le Vatican, toujours avec cette sage
lenteur que le Concile de Trente avait prescrite et qui faisait ressem-
bler ces carrosses des cardinaux de la vieille Home à ces chariots des
bons rois fainéants que célébra l'histoire des anciens Ages. Et quand,
sous l'implacable soleil de Kome, ces Eminentissiml api>araissaient
en carrosses dorés ou eu parasols écarlates sur celte immense Place
de Saint-Pierre qui dormait dans son brasillement de gigantesque
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APPENDICE
S. S. ^irégoire XVI
.-alcôve toute close, entre sa colonnade de travertin brûlant; rien
n'égalait le pittoresque de ces cortèges cardinalices allant, à pied
•ou à chhiea, chez le pape, et s'endorniant eux aussi dans l'ombre
bleue de la capote ou du parasol, sur cette vaste Place qui repre-
•nait son sommeil des vieux siècles, à peine interrou)pu par le passage
d'une Éminence de ce siècle nouveau.
Il est bon, pour l'intelligence de l'époque qui nous occupe, de faire
connaissance avec chacun de ces cardinaux auxquels, de IS^O à 1830,
en l'espace d'une année au plus, deux papes durent leur élection. Et
comme Joachim Pc ci, le premier, s'était fait le chroniqueur secret
des deux conclavesquiélurent successivement Pie VIII et Grégoire XVI,
41 nous plaît de commenter les lettres déjà lues de noire jeune prélat
(1), avec les pages suivantesqui composeront V Appendice qu'on valire.
Nous les amplifierons ensuile du nom de leur auteur, un autre tin
■codbio, de la race de ces diaristes anonymes qui, fréquentant les
cardinaux en secrétaires ou en amis, pouvaient, mieux que personne,
-en dire tout le mal qu'on en sait et tout le bien qu'on en ignore.
{!) La Jeunesse de Léon XIII ^ pa,'cs 249 et suiv.
APPENDICE
Nous ne saurions mieux compléter les notes secrètes du Journal d'un
Conclave^ connnuniquées par Chateaubriand au cabinet de (^hailcs X,
(ju'en les commentant avec les documents suivants qui parvinrent au
ministère des Affaires Étrangères pendant ce même Conclave qui finit
par élire Pie Vlll, en la personne du cardinal Casliglioni. Ces notes se-
crètes sont onservées aux Archives du (Juai d'Orsay. Nous les insérons
ici, d'autant plus opportunément, qu'elles peuvent servir aussi de com-
mentaire au Conclave suivant où, 20 mois après le précédent, les mêmes
cardinaux à peu près furent appelés à élire Grégoire XVI en la | ersonnc
de l'éminence Mauro Capellari.
CARDINAUX ROMAINS
I • • r
1'^ CLASSE
NARO, Romain, cardinal-prèlre, âgé de (juatre-vingt-qualre ans, dont
douze de cardinalat. Il est [)résident de la Congrégation de la Discipline
régulière et membre de trois autres Congrégations.
Ces Congrégations sont des conseils hautement et immémorialement
accrédités et elles forment la base fondamentale de la Constitution admi-
nistrative du Gouvernement temporel et spirituel de l'Église. L'autorité
du Saint Siège sur tous les diocèses et sur tous les États de la catholicité
repose sur l'uniformité des principes dont la tradition a été transmise
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Al'PKNDICE
s. s. Gré^'oire XVI
alcove toute close, entre sa eoloniiade de travertin brûlant; rien
n'égalait le pittores(jue de ces cortèges cardinalices allant, à pie<l
on à ckinea, chez le pape, et s'endormant eux aussi dans l'ombre
bleue de la capote on du parasol, sur celte vaste Place (pii repre-
nait son sommeil des vieux siècles, à peine interrompu par le passage
d'une fjninence de ce siècle nouveau.
Il est bon, pour I intelligence de l'époque (pii nous occupe, de faire
connaissance avec chacun de ces cardinaux auxcpiels, de 1840 à 18/îO,
en l'espace d'une année au plus, deux papes durent leur élection. Kt
comme Joacbim Pc ci, le premier, s'était lait le cbrouiqiH'ur secret
desdeux eonclavcscjuiéluicnt successivement INe VllIcKirégoire Wl,
il nous plaît de commenter les lettres déjà lues de noire jeune piélal
(l), avec les pages suivantes qui composeront lAppentUce i\uon\d\\rc.
Nous les amplitierons ensuile du nom de leur auteur, un autre lin
codino, de la race de ces diaristes anonymes qui, tVécpienlant les
cardinaux eu secrétaires ou en amis, pouvaient, mieux (pie |»ersonne,
en dire tout le mal qu'on en sait et tout le bien qu'on eu ignore.
(1) La Jeûneuse de Léon XIII, pa.,'ts ii49 et suiv.
APPENDIGi:
Nous ne saurioui mieux compléter les notes secrètes du Journal d'un
Conclave, conmumi(|uées par (llialeaubriand au cabinet de Chai les X,
(pi'en les commentant avec les documents suivants qui parvinrent au
ministère des AlVaires {{trangères peiidanl ce même Conclave (jui linit
par élire l'ie VIII, en la pers(»nne du cardinal Casliglioni. Ces notes se-
crètes sont c juservées aux Archives du Ouai d'Orsay. Nous les insérons
ici, d'autant plus opportunément, c|u*elles [)euvent servir aussi de com-
mentaire au Conclave suivant où, '2(1 mois après le précédent, les mêmes,
cardinaux à peu près l'urenl appelés à élire Grégoire XVI en la | ersoiine
de l'éminence Mauro Capellari.
CARDINAUX ROMAINS
r*^ CLASSE
NARO, Romain, cardinal-prétre, âgé de (juatre-vingt-cpiatre ans, dont
douze de cardinalat. Il Cit président de la Congrégation de la Discipline
régulière et membre de trois autres Congrégations.
Ces Coniiré^ations sont des conseils hautement et iunnémorialement
accrédités et elles forment la base fondamentale de la Constitution admi-
nistrative du Gouvernement temporel et spirituel de l'Église. L'autorité
du Saint Siège sur tous les diocèses et sur tous les Ktats de la catholicité
repose sur l'uniformité des principes dont la tradition a été transmise
AOô
LA PRÉLATLRE DE LÉO.N XIII.
de siècle en siècle et dont le dépôt est prrcieusenicnt conservé dans ces
Conseils, dans tous les recours à l'autorité du Saint Siège. Leurs maximes,
leurs principes et leurs précédents ont servi souvent, et serviront tou-
jours de règle au\ décisions pontificales. Le travail de ces Congrégations
est l'occupation principale de la vie des cardinaux. C'est par elle qu'ils
participent, soit à l'administration des Ktats romains, soit au gouverne-
ment de l'Kglise; c'est là (ju'ils ac(|uièrent les connaissances (jui leur
sont nécessaires pour l'accomplissement des devoirs (ju'ils ont à remplir,
et qu'ils obtiennent le crédit qui, à l'époque des élections, les recom-
mande aux suffrages de leurs collègues.
On compte à Rome vingt Congrégations, dont trois seulement ont pour
objet le gouvernement temporel des États romains. Les princi[»ales sont
celles qui portent le nom de Buon Governo et de la Consulta. L'aggré-
^gation d'un cardinal à ces deux Conseils doit être l'objet d'une attention
toute particulière, en ce qu'on peut y voir des indices des dispositions
personnelles des cardinaux, considérés comme électeurs, et de leurs
4itres, si on les considère comme éligibles.
Le cardinal Naro a été majordome de la Cour pontificale et, :i ce titre,
il donna, en 1814, une preuve de zèle, ([ui n'était recommandable que
•par son motif. Le Gouvernement français avait mis quelques soins à
embellir le palais du Saint Père. Un grand nombre de tableaux dégradés
•et perdus avaient été remplacés par de fort belles peintures. Le cardinal
majordome donna ordre, non de les enlever mais de les détruire, et tous
Jes ornements de goiit qui enricliissaient les parties accessoires des
grandes décorations furent frappées de la même proscription.. Le pape
lut heureusement averti à temps et il s'enq)ressa de faire révoquer cette
décision. Ce cardinal n'en est [)as moins un bomme d'un caractère aima-
ble et doux. Comme électeur, il a perdu la direction ipi'il était dans les
habitudes et dans sa disposition de suivre par la mort du cardinal Con-
salvi à qui il était redevable de son élévation. Comme éligible, il est
sans aucun titre personnel, par la médiocrité reconnue de ses talents;
^t un usage, dt^à presqu'invétéré, lui a fait un litre négatif et d'exclu-
sion du rang très élevé que sa famille occupe à Rome. Si la singularité
•de cet usage en faisait chercher les motifs, on les trouverait dans les
dangers et les scandales du népotisme.
Ce pays, en effet, est celui des souvenirs et on n'a pas oublié à Rome
que, dans l'intervalle du pontificat de Clément YlIIà celui d'Imiocent II,
jjériode de 49 ans, le népotisme coula 27 millions d'écus d'or au (Gou-
vernement pontifical; il n'est plus aujourd'hui assez riche pour suppor-
ter la charge du renouvellement d'un aussi dispendieux abus.
î
APPENDICE.
407
Toutefois, il faut obsener que, malgré sa nullité, ce cardinal n'a pas
renoncé à loule prétention de s'élever au trône pontifical; mais en mê-
lant sans prudence les procédés qui sont propres à la Papegiature à la
manifesUilion de ses prétentions à la candidature du pontificat, il sera
un objet de ridicule dans le conclave et il n'aura de succès, ni à titre de
Papegiante, ni à celui de Papabile.
hORlA, Romain, âgé de cinquante-six ans. Cardinal-prêtre, il a
douze ans de cardinalat; il est président de la Congrégation dos Indul-
gences et de cinq autres. Je ne cite, ni pour lui, ni pour celui qui le
précède, le titre de protecteur des villes de l'État de Rome et d'une
foule de confréries d'ordres et d'églises; ces titres ne recommandent per-
sonne. Ce cardinal est pieux, aimable et doux; trop remarqué au
temps de son exil par sa taille d'enfant et l'éclat perçant de sa voi\
féminine, il [»rouva alors, par la constance de son attachement au pape
Pie Vil dont il partagea pieusement toutes les peines, que son caractère
élait celui d'un homme. Le cardinal Joseph Doria, son oncle, était attaché
à la France, et celui-ci paraît avoir hérité de ses sentiments. Son attache-
ment est toutefois pour la Cour de Sardaigne ; mais, si les inspirations
de la Cour de Sardaigne étaient en opposition avec celles du gouverne-
ment du Roi, on pense qu'il hésiterait sur le choix. Sa haute naissance,
sa faible santé et la modération de son caractère l'éloignent de toute
idée d'aspirer au pontificat.
DANDLM, Romain, cardinal-prêtre, âgé de soixante-neuf ans dont
six de cardinalat, et membre de cinq Congrégations.
C'est pour ses services dans une place secondaire de la Congrégation
de Buon Governo^ qu'il est parvenu au cardinalat. A défaut d'indices
qu'on puisse tirer de ses talents ([ui sont médiocres, de ses liaisons (jui
-sont nulles, de son caractère qui est celui de tout homme sans renom-
mée; celui-ci peut faire augurer, qu'au Conclave, il suivra le cours des
habitudes de subordination qui ont dirigé sa conduite dans les fonctions
qu'il a remplies quand il servait en sous-ordre, avant sa nomination dans
la Congrégation du Ruon Governo; mais son caractère le préservera tou-
jours de toute influence passionnée.
ODESCALCHl, Romain, âgé de quarante-quatre ans, dont six de car-
dinalat, cardinal-prêtre, membre de quatre Congrégations.
Il était ar(hevê(|ue de Ferrare, province romaine où sa famille est
fort accréditée depuis qu'un Odescalchi passa de la Légation de Ferrare
408
LA PRÉLATÏJRE DE LÉON XIU.
APPENDICE.
400
au Pontificat, sous le nom d'Innocent XI ; son règne fut cclèh'ro par
l'éclat des querelles qui divisèrent le Saint Siège et la Cour de Francis à
l'occasion de la Régale, du Jansénisme et des Francliisos. La haine d'In-
nocent XI pour la France n'a pas été transmise à ses neveux ; cependant
il en est resté des dispositions constantes à préférer les relations autri-
chiennes aux relations françaises. Ici cette tendance se trouve fortifiée
par des liens qui attachent à rAulrichc son frère, qui est sujet de
cette puissance, en qualité de primat de Hongrie. Le cardinal Odescalchi
a été juge de la Ilote, de la nomination de l'Autriche; car il est à ohser-
ver que les autres couronnes n'ont pour la formation de ce trihunal cpie
la présentation et que celle de la Cour de Vienne emporte de droit la
nomination. On doit donc compter cet électeur parmi ceux dont le suf-
frage sera à la disposition de cette Cour.
Le cardinal Odescalchi est, d'ailleurs, un honmie d'une grande douceur
et d'une extrême simplicité. Il a de rinstruclion, de l\ grâce, de la
facilité dans le discours. Le trait le plus remanjuahlc de son caractère
est un irrésistihle entraînement aux impressions que ses entours, quels
qu'ils soient, réussissent trop facilement à lui donner.
ALBAM, Ronjain, âgé de 72 ans, dont 27 de cardinalat ; il n'est que
cardinal-diacre et n'a pas même reçu l'ordre du sous-diaconat. Ce cardi-
nal ne dissimule rien. 11 est fier, magnifique et solennellement amhitieux.
Il ne craindra |)as de faire entendre qu'il aspire pour la dernière fois à
la tiare, déterminé peut-être, malgré son âge, à s'engager dans des liens
plus conformes à ses penchants, en renonçant à sa dignité s'il n'ohlient
pas enfin le hut depuis longtemps avoué de son amhition. Le cardinal
Alhani est président de la Congrégation du Buon Governo et membre de
six autres Congrégations; il a fait preuve de capacités dans tout ce qui se
rapporte, soit à l'administration, soit à la politique, ce qui ne l'empêche
pas d'être en opposition [)resque toujours constante avec le Gouverne-
ment Pontifical. En ce point il fait exception. Le crédit de sa famille à
Rome est le seul titre qui l'ait fait admettre dans les Conseils du Couver-
nement, et il faut croire que ce titre était irrécusable.
Le cardinal Albani est homme d'esprit, grand seigneur par ses iroî^ts,
par ses mœurs et dans ses manières. Allié à la maison d'Autriche, sa
haute naissance et la notoriété de sa dépendance d'une Cour qui, de tout
temps, a causé tant d'ombrage en Italie, sont des titres d'exclusion qui
suffiraient pour démentir ses espérances, lors même que son orgueil,
son avarice et ses mœurs trop peu ecclésiastiques ne seraient pas, pour
le plus grand nombre des électeurs, de suffisants motifs pour lui reluser
leurs suffrages. Cependant, si comme éligible il ne peut inspirer aucune
crainte, comme électeur il s'est fait des droits à de grands ménagements
de la part des chefs de toutes les factions. Ses qualités, ses défauts, et
même ses vices, lui fournissent des armes jmur l'attaque et pour la
défense ; et il ne jieut être qu'utile de le rechercher comme auxiliaire, et
dangereux de l'avoir pur ennemi.
Le cardinal Albani a été cardinal rouge, étant alors Allemand et Fran-
çais a la manière du temps ; mais il ne faut pas croire que la Providence,
en di>posant de la France, selon les vœux des cardinaux noirs, et contre
le gré des cardinaux rouges, ait fait de ceux-ci les ennemis de la France.
La courageuse oppsition des cardinaux noirs aux vues du Gouverne-
ment impérial n'était j)as une marque d'éloignement pour la France; et
(juant aux cardinaux rouges, les amis, les serviteurs d'un Gouvernement
«|ui devrait finir, ne demandent qu'à être pardonnes; et je crois que la
prudence fait une loi, au gouvernement royal, d'épargner, par un entier
oubli, jusqu'à la mortification de l'indulgence qu'ils soUicitent.
PACCA, René ven tin, âgé de 72 ans dont 27 de cardinalat, cardinal-
évêque. Il est sous doyen du Sacré-Collège, chancelier général de l'Archi-
Gymnase romain. Président de deux congrégations, il protège, ainsi que
les précédents, une foule de villes, de congrégations et de monastères.
Toutes les dignités, toutes les marques de la fliveur pontificale ont été
accumulées sur sa tête ; promu à toutes les places du Gouvernement inté-
rieur, il a été de plus i.once à Cologne et en Portugal. Aucun cardinal
ne jouit d'une plus haute réputation de piété, de bonté et de vertu.
Juste, doux, bienfaisant, dégagé de tout ressentiment et d'une simplicité
si désintéressée, qu'il ignore encore la valeur des monnaies qui ont
cours dans le pays où il réside et même à Rome ; il a cependant de
l'aptitude pur la conduite des affaires, et il en a acquis une assez grande
expérience; mais, soit timidité de caractère, soit peu d'étendue d'esprit,
il est irrésolu et incapable d'une grande et forte resolution. Par.de sages
conseils et d'habiles ministres, il serait un bon prince et un pape respec-
table ; mais il a un neveu dont le caractère est un objet d'effroi, Tibère
Pacca, jeune prélat qui, dans diverses délégations et à Rome, dont il a
été gouverneur, a montré un caractère versatile et qui passe sans nuance
de l'uvarice à la prodigalité, et de l'extrême violence à une indulgence
excessive et intéressée. La tendresse aveugle de son oncle, s'il était pape,
mettrait à la disposition de cette tête ardente et faible toute la puissance
pontificale; et il esta croire que cette crainte éloignera un grand nombre
de suffrages que des sentiments de respect et d'estime, partagés par tous
-Lr
S^.^i^'-ff"
î;».Lvw-\'n
410
LA PRÉLATURE DE LÉON Xllf.
les membres du Sacn'-Collège, assureraient sons doute unanimement à
cet homme justement diiïamé. Mais si le cardinal Pacca n'est pas élu, il
aura une part 1res active aux mesures qui de'termineronl réleclion. 11
est, de tous les cardinaux, celui dont l'attachement pour la Trance doit
être le moins mis en doute.
GALETTI, né à Césène, âgé de 58 ans dont 25 de cardinalat, évé«iue-
président de la fabrique de Saint-Pierre, membre de six (Congrégations,
protecteur d'un nombre inmiense de monastères, de villes, de congréga-
tions bienfaisantes et pieuses.
Ce cardinal est modeste, doux, jiieux et savant; il a une grande
influence dans la Congrégation dont il fait partie, mais il n'est d'aucune
Congrégation administrative. Il est un des théologiens les plus accrédités
du Sacré-Collège. Le pape Pie VU le nonnna fort jeune, parce «ju'il était
parent de Pie VI. Les notes s'accordent moins sur ses dispositions poli-
tiques que sur celles d'aucun autre cardinal. Selon les uns, il serait anti-
français; selon d'autres il serait, par les liaisons qu'il a eues avec le car-
dinal Consalvi, Aivorablement disposé pour la France. Sa politesse et la
grâce de ses manières font, au moins, présiniicr ([u'il ne sera pas insen-
sible aux prévenances dont nos cardinaux, par suite de leurs instructions,
se feront sans doute un devoir envers leurs collègues. Dans tous les cas,
son caractère garantit qu'il ne donnera pas son sulVrage à un candidat
qui soit en rien excessif. Le cardinal Galetli est un honnête homme et un
homme aimable.
CASTIGLIONE, Romain de Cingoli, âgé de 67 ans dont 12 de cardina-
lat, cardinal-évêque, président d'une Congrégation, mendire de sept
autres, protecteur de ((uelques établissements savants.
Ce cardinal a tout à coup été l'objet d'une attention presque générale
et de la prévoyance la plus encourageante pour son ambition. On connaît
peu son aptitude pour les aflaires et il s'est élevé cependant en sa faveur
une o|)inion très favorable sur ce point. Ses mœurs sont pures et il
n'est étranger ni au monde, ni aux sciences ecclésiastiques, ni aux lettres.
11 n'a jamais montré ni éloignement pour les étrangers, ni attachement
prononcé aux maximes italiennes; mais on ne lui connaît aucune préfé-
rence. Dans les longues vicissitudes d'un conclave, cette espèce de neu-
tralité, — quand d'ailleurs elle ne vient ni de faiblesse d'tsprit ni de
manque de caractère, — si elle est favorisée par des circonstances qui
ne manquent jamais de survenir, peut donner les chances les plus favo-
{
►
.!*îi
/
APPENDICE.
Ml
râbles a l'ambition prudente d'un aspirant assez habile pour ne la
laisser apercevoir qu'au moment oîi elle peut être satisfaite.
BDANCADODO, Romain né à Fermo dont il est archevêque, âgé de
68 ans dont 22 de cardinalat, cardinal-prêtre membre de sept Congré-
gations.
Sa naissance, ses manières aisées, une noble figure, un caractère
généreux et un commencement de renommée littéraire accréditèrent ce
cardinal, alors comte-abbé, auprès du pape Pie VI, et ses dispositions
bienveillantes préparèrent et motivèrent les grâces qu'il obtint de son
successeur. Le cardinal Brancadoro n'a démenti aucun de ces titres à la
faveur des souverains pontifes et à celle du public; il a toujours cultivé
les lettres et protégé les savants, les littérateurs et les artistes. Les vicis-
situdes de la vie lui ont procuré des occasions, encore plus méritoires,
d'exercer sa libéralité. Nonce à Bruxelles, le clergé français a reçu de
lui un accueil consolant et tous les secours qu'il était en son pouvoir de
lui donner. Sous la persécution impériale, il a partagé sa fortune avec ses
compagnons d'exil, et aucun d'eux n'a surpassé en constance sa fidélité
a ses principes, en attachement à la maison de Bourbon. Ce sentiment
influa encore plus que le principe religieux dans la détermination qu'il
prit à l'époque du mariage de l'archiduchesse Marie-Louise, et elle lui
attira une aggravation de disgrâce qu'il soutint avec autant de courage
(|ue de dignité. Ainsi nous aurions de grands motifs de désirer que les
suffrages des cardinaux se jmrtent sur un tel candidat.
L'élection des papes est, en Italie, un fiiit hautement historique et qui
occupe les esprits, longtemps avant l'événement. La promotion au cardi-
nalat dans le lieu de la résidence ou de la naissance du prélat honoré
de la pourpre en reçoit une grande in)porlance, et il n'est pas rare qu'elle
y suscite des présages qui, en acquérant de la publicité, peuvent par la
suite n'être pas sans influence sur sa destinée. Le cardinal Brancadoro est
un de ceux qui ont ce qu'on a[)pelle une prédiction. Elle est positive et
tellement précise, qu'elle marque jusqu'à l'époque et la durée du Pontifi-
cat annoncé. On dit même qu'il y a des circonstances préparatoires qui
ont déjà été accomplies. D'après ce que j'ai dit de ce candidat et que je
viens d'exposer, je me plaisais à désirer, à espérer l'entier accomplisî^e-
ment de sa prophétie. Malheureusement, je trouve dans une dernière
information, qui m'est récemment parvenue, que sa santé est singuliè-
rement altérée, qu'une disposition apoplectique ne lui permet pas de
conq)ter sur une longue vie, qu'il est même complètement aveugle et
qu'il est douteux que cet état chancelant et souffrant lui permette d'assis-
'j^-^C.
412
LA PRÉLATLRE DE LÉON XIIL
ter au Conclave. C'est donc un nom de moins dans le catalcj^^ue des
papahiliy et nulle Puissance ne doit en avoir plus de regret que la
France.
BERTAZZOLI, Romain de Soligno, Age' de 74 ans dont 6 de cardinalat ;
cardinal-prêtre, membre de quatre Congrégations.
Ses connaisances ecclésiastiques, sa piété, ses vertus modestes et ses
services méritoires dans le charitable ollice de l'aumônerie, ont été les
titres qui l'ont lait parvenir au cardinalat. Dégagé de toute ambition per-
sonnelle et n'ayant eu occasion de former aucune liaison ou d'exercer et
de faire connaître son caractère, on ne peut rien augurer de lui, si ce
n'est qu'il cédera à l'impulsion de ceux qui prendront les meilleurs
moyens d'acquérir quelque inllucnce sur son esprit.
FALSACAPPA, Romain de Corneto, évéque d'Ancône et d'Unano, Agé
de 61 ans dont 6 de cardinalat; cardinal-prétre, membre de quatre Con-
grégations dont une administrative.
Ce cardinal est ambitieux, instruit et entreprenant. On le croit moins
capable de suivre un plan arrêté, qu'ardent à le concevoir et à le faire
adopter. Les factions chercheront à s'emparer de lui et il cherchera à
maîtriser celle qui réussira à rinscrire dans ses rangs. Il est du petit
nombre de ceux qui, dans le cours de la durée d'un conclave, ne doivent
jamais être perdus de vue.
SPINUCCl, Romain de Fermo, Agé de 89 ans dont 12 de cardinalat;
cardinaUprélre, membre de quatre Congrégations.
Il est inutile de dire autre chose de ce cardinal, sinon qu'il est hors
d'état par son âge et ses inlirmités d'assister au Conclave.
PALOTTA, Romain de Ferrare, âgé de 58 ans dont 0 de cardinalat;
cardinal-prétre, membre de 4 Congrégations dont une administrative.
Dans les notes du cardinal de Bernis, rédigées en 1782, on trouve un
cardinal de ce nom, qui y est peint sous les plus favorables couleurs et
qu'on regardait comme un des candidats les plus plausiblement capables
du Sacré-Collège. Il n'en est pas ainsi de celui qui se trouve aujourd'hui
sur la liste des cardinaux, et qui probablement est le neveu du premier.
La singularité, la raideur, la violence de son caractère, l'éloigneront de
toute idée, de tout espoir de promotion ; et ses défauts sont notoirement
portés à un tel degré, que son concours à des vues qui ne seraient pas
les siennes, ne sera recherché de personne par la certitude où l'on est
APPENDICE.
415
de l'inutilité des démarches qu'on ferait pour se l'acquérir. Il dédaignera
de s'associer à aucune faction, mais il les contrariera toutes; et si l'on
a à s'occuper des rapports qu'on sera dans la nécessité d'avoir avec ce
cardinal, ce ne doit être que dans des vues offensives. La nomination
du prélat Palolta au cardinalat, sous le gouvernement d'un pape tel que
Pie Vil, a été à Rome un grand sujet de surprise.
Ce cardinal est peut-être le seul qui défende, à Rome, ouvertement et
avec chaleur, toutes les maximes sans exception de l'ancienne Église
romaine. Il est, de plus, zélé protecteur et grand admirateur des institu-
tions monastiques.
CARDINAUX
DE I.A NOMINATION DE LÉON Xîl
Jean-Raptiste BUSSI, cardinal romain de la nomination de Léon XII,
Agé de 74 ans, évê(iuc de Bénévent, de la Congrégation du Bon Gouver-
nement et de quatre autres Congrégations. Ce cardinal est parvenu par
le Rote, genre de candidature qui ne constate que de médiocres talents.
Il est boiteux, et cette indication, toute triviale qu'elle est, n'est pas
sans importance dans l'objet de ce travail ; toute espèce de difformité
corporelle et le défaut même de grâce étant à Rome un titre positif
d'exclusion pour la candidature pontificide. Le cardinal Bussi est
zelanle, dans le sens de l'intérêt fiscal, pour le trésor de l'Etat et per-
sonnel pour les appointements attribués à la gérance des établissements
qui se partagent l'administration du gouvernement spirituel et tem-
porel de l'Eglise. La plujiart des cardinaux ({ui sont sans naissance ei
sans fortune, ne sont zelanti que dans cet intérêt et la politique de
toutes les Puissances doit peu s'inquiéter de leur influence.
Louis MICARA, cardinal de Léon XII, Agé de 74 ans, président de la
députa tion des conservatoires de Rome et membre de six Congrégations.
Son origine est plébéienne. Il est parvenu au cardinalat par sa répu-
tation de savoir et ses talents pour la chaire ; il est grand partisan de
réformes, et à ce titre zelante politique, ardent et hostile. Son frère,
depuis longtemps domestique de Lucien Bonaparte, est encore concierge
de la Villa Ruffanella ; il en montre encore les appartements et reçoit la
buona manda des voyageurs qui ont la curiosité de les voir.
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4U
LA PRÉLATURE DE LÉON XIII.
APPENDICE.
Jacques GUISTINIANI, cardinal de Léon XII, évêque d'Imola, membre
de cinq Congrégations dont aucune n'est administrative.
Ce cardinal est frère du prince du même nom, qui fut ambassadeur
de la République romaine auprès du Directoire, et (jui acquit quelque
crédit auprès de ce Gouvernement par ses sentiments, par sa libéralité
et par une magniticence qui fut cause de la perte de sa fortune et de celle
de sa maison. Ses frères, par un noble sentiment de confiance, n'avaient
point fait de partage ; ils lui avaient même confié les biens qu'ils
avaient en propre. Tout a été englouti dans la même ruine.
Ce cardinal est un liomme recommandable par sa parfaite probité,
par la douceur de ses mœurs et par la politesse de ses manières. Dans
sa nonciature dEspagne, il a donné ouvertement l'appui de son crédit
et celui de son office a toutes les rigueurs de l'absolutisme espagnol,
attaché comme il l'est par principe et par goiit, moins à la personne de
Ferdinand VII qu'au système politique que ce prince a cru devoir
adopter. En ce point, toutefois, il a moins suivi la pente de son caractère
qu'il n'a cédé aux suggestions de son secrétaire Cadolini, homme fin,
délié, qui a de grandes et longues vues, et qui, à la faveur du titre de
papabilcy que personne ne conteste à son patron, parviendra dans peu
d'années à s'élever au-dessus de son humble sphère et portera proba-
blement, un jour, sur le Sacré-Collège, l'influence qu'il exerce sur son
maître. C'est à cet agent subalterne que le cardinal Cuistiniani doit
l'espèce d'éclat qu'a eu sa nonciature à Madrid. S'il devient pape, c'est
encore à lui qu'il en sera redevable.
Ce cardinal est ami de la France.
415
Vincent MACCH1, cardinal de Léon XII, Agé de 59 ans, de la Congréga-
tion du Buon Governo et de trois autres Congrégations. Sa nonciature
en France a fait assez connaître la iincsse de son esprit, ses mœurs
douces et polies et la prudente réserve de son caractère. Il n'a pas
encore pris une assiette bien fixe à Rome; on le suppose ami de la
France, et à ce litre, qu'il évite cependant d'avouer, il a la confiance des
uns, et il est l'objet de la défiance des autres. 11 ne ptuit encore aspirer
à la Papauté, mais il se gardera de se placer dans la catégorie des
papegiand. Il n'aspirera pas à être chef de faction, mais il sera un
sous-chef habilement actif et fort utile à la faclion qu'il lui plaira
d'adopter.
Thomas BERNETTI, cardinal de Léon XII et son dernier Secrétaire
d'Etat apK's la destitution du cardinal La Somaglia. Agé de 50 ans.
membre de cinq Congrégations, il a été légat apostolique à Ravenne et
gouverneur de Rome. Il est entré dans les affaires par la fraction jésui-
tique de la faction des zelanli, et cette particularité expli([ue le genre
d'impopularité qui s'attache à la mémoire de Léon XII. Il semblerait,
en effet, que ce pontife, qui a plutôt réprimé que servi les vues de cet
Ordre, liors de ses Etats, a cru devoir, pour des motifs purement per-
sonnels, servir ces mêmes vues à Rome ; et l'on va jusqu'à dire que sa
mort, si pronqite et si inattendue, a été une conséquence de ce système.
Je renvoie pour les renseignements qui peuvent autoriser un aussi
horrible soupçon à ce qui est écrit à la fin de l'article du cardinal
délia Somaglia....
Le cardinal Rornetti est anti-autrichien et il assure qu'il a quitté,
depuis longtemps, le parti qui a été la cause de son élévation. Ce qui
vient d'être dit, sur la mort de Léon XII, n'en pourrait pas servir de
[ïreuve.
Il est neveu du cardinal Rrancadore, et, comme lui, il est ami
de la France. Il portera dans le prochain Conclave des vues qui seront
uniquement dirigées vers les intérêts du pays, car il est véritablement
Romain et de cœur et d'esprit. Il sera un sous-chef utile à la faction
qui aura le bonheur de le compter dans ses rangs.
• BENEVENUTI, cardinal de Léon XII, âgé de 60 ans. 11 a été chargé de
deux légations dans l'absence des titulaires, et il y a fait preuve de fer-
meté et de talent, en y établissant l'ordre et en réformant les abus dans
toutes les administrations. Pendant la tenue du dernier conclave et
dans l'absence des légats, il a été chargé des affaires de toutes les léga-
tions et les a gérées avec autant de sagesse que de rigueur. Quoique
cardinal d'une très récente nomination, il a été incontestablement classé
parmi les cardinaux papahlett.
C'est à lui (jue le pape Léon XII doit cette destruction du brigandage
dans les Etats Romains, qui est le plus beau titre de la gloire de son
pontificat. Nul homme ne réunit plus que lui toutes les qualités qui
peuvent promettre, à la chaire de saint Pierre, un bon et même un
grand Pape. Comme tous les cardinaux italiens, il est zelanle; mais
dans cette mesure purement locale qui convient à un homme d'Etat, le
cardinal Benevenuti est anti-autrichien et ami de la France. C'est un
homme posé, laborieux, méthodique, ferme, habile, poli, parlant volon-
tiers et très bien le français. Ce dernier trait est pour nous favorable-
nieiil caractéristique ; on ne parle bien et avec plaisir que la langue du
pays que l'on iine.
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m^^f^^'^f^^^^^:
*t* .^y '^^^
416
LA PRÉLATIRE DE LÉON XIII.
CRÏSTALDI, Romain, ancien avocat, bon financier, zelante outré, peu
porté pour la France, ennemi des influences étrangères, homme de
secte.
Ce cardinal est d'une Hiible santé et ne peut aspirer à rien qu'à pro-
longer sa vie. Sous le dernier règne, il a exercé, avec beaucoup de
rigueur, les fonctions de trésorier; les souvenirs qui en restent a^^sra-
veront pour lui les conséquences de l'impopularité inévitablement iitta-
chée à Rome a toutes les administrations qui viennent de Unir. Cette
impopularité, au reste, n'est pas de très longue durée ; le mécontente-
ment qu'incite le nouveau règne contre celui (fu'il romj)lace ne devant
pas tarder à changer de but et à éclater en regrets.
PAPRANO, cardinal de Léon XII. Ce cardinal est né dans la plus
basse classe ; il est fils d'un charcutier de Rome, et il a conservé le ton
et les manières de son origine. Il est d'ailleurs savant théologien et
zelante exagéré ; les influences étrangères doivent compter sur son
ardente et persévérante opposition. Il s'est fait remarquer par la haine
ouverte qu'il porte à la noble et malheureuse cause des (irecs.
BARRERLM, cardinal de Léon XII. Ce cardinal est beau-frère du
prince Chigi, maréchal du Conclave; c'est le seul litre par lequel il
puisse se faire remarquer. H(Mireusement pour lui, il n'a pas plus d'am-
bition que de talent. Il n'aura qu'une voix à oflrir et, sans être classé par
les zelante, c'est à eux (pi'eire sera donnée.
CARDINAUX
ÉTRANGERS A ROME ET AUX ÉTATS ROMAINS
FIRRAO, Napolitain, âgé de n ans, dont 27 de cardinalat, cardinal-
prétre, membre de cinq Congrégations.
Ce cardinal sera absent du Conclave. Son î\ge le retiendra probable-
ment à Naples où il réside, et il me semble inutile de faire de lui une
mention plus étendue. Toutefois, j'observerai qu'une constitution sèche
et toute nerveuse l'ayant préservé jusqu'au moment présent de toutes les
mfirmités qui accompagnent la vieillesse, il n'y a pas de motif plausible
pour prévoir le terme d'une aussi vigoureuse caducité. Ainsi on ne le
I
APPKNDICE.
417
classera pas parmi les cardinaux compris sous la dénomination de Papa
di Tempo.
DE GREGORIO, SiciHen, âgé de 69 ans dont 12 de cardinalat, cardinal-
prêtre, président d'une Congrégation et membre de onze autres, toutes
ecclésiastiques.
Ce cardinal n'est pas un homme ordinaire. D'une naissance peu rele-
vée, il a facilement pris le ton, les manières et le langage du grand
monde; il aflecte une sorte de magnificence et il sait habilement p^réve-
nir toute idée, toute impression de contraste, par l'habitude d'une poli-
tesse modeste et facile qui disi)ose les personnes à qui son élévation
inattendue a donné des rapports avec lui à oublier son point de départ,
pour se laisser uniquement charmer par l'éclat de sa position actuelle!
On n'a aucune opinion arrêtée sur son aptitude aux grandes aff'aires, sur
ses principes administratifs, sur ses idées politiques, sur la tendance de
ses rapports avec telle ou telle Puissance. Il peut y avoir beaucoup d'art
à ne jamais se laisser pénétrer sur tous ces points, et, en portant au Con-
clave cette réserve qui lui a fait une réputation ainsi contestée ou indé-
cise, il s'y trouvera dans une position qui pourra le mettre en mesure de
tirer avantage pour son ambition de toutes les incertitudes et de toutes
les éventualités de l'avenir. Aucune Hiclion, d'abord, ne pensera à lui et il
ne j)eut pas compter sur les premières préférences ; maison peut dire qu'il
est au premier rang de ceux sur qui toutes les factions jetteront proba-
blement les yeux, quand elles auront inutilement tout tenté pour les can-
didats de leur choix. Cette chance, qui n'eût point été sans dangers
dans d'autres temps, n'en a point, je crois, dans les circonstances pré-
sentes. Un Jean XXII, un Sixte V, ne peuvent plus revivre. Les difficultés
IK)litiques et administratives du période où nous vivons s'opposent à
tout développement de vues hardies, de grandes et audacieuses entre-
prises, dans le Souverain qui est destiné à gouverner les Etats Romains
et l'Eghse. Le cardinal De Gregorio ne peut, d'ailleurs, rien cacher de
grand. La circonspection de son caractère a pu le mettre en mesure de
dissimuler ses opinions, ses goûts, ses aff-ections ; mais le succès d'une
telle dissimulation pourrait bien n'être au fond que la preuve d'une
complète indifférence. Depuis longtemps surchargé de fonctions dans les
Congrégations dont il fait partie, il est impossible que sa modération, si
elle avait été aft*ectée, ne se fût pas une fois démentie. Il a d'ailleurs, dans
les temps d'orage, supporté les malheurs comumns avec une noble rési-
gnation, et, au retour de la bonne fortune, il paraît avoir cherché à prou-
ver qu'il oubliait tout, hors la bienveillance et les bons offices dont il
27
l-V
%.
t^-i'.
il8
LA PRfiLATrRE f)K LÉON XIII
avait clé l'ohjet. Je pense à son égard ce que penseront vraisemh!al)le-
ment les factions qui le prendront pour leur pis-aller, et, à défaut d'un
candidat préféré sur qui je pourrais être depuis longtemps détermine à
porter mes premiers vœux, le cardinal De Gregorio serait celui à qui,
en désespoir de cause, je me plairais à donner mon suffrage dans un
scrutin définitif.
RÏAVIO SFORZA, \apolitain, âgé de il ans dont (î de cardinalat, car-
dinal diacre membre de quatre Congrégations dont une administrative.
Ce jeune cardinal doit son élévation au crédit de sa famille, une des
plus distinguées du royaume de Naples, et son Age ne lui ayant pas encore
fourni l'occasion d'acquérir d'autres litres, on lui en fait un de l'empri-
sonnement qu'il subit, lors de l'occupation de la ville de Naples j)ar les
troupes frîmçaises: La France actuelle, n'étant plus complable de celle
violence, ne saurait être aujourd'liui l'objet de son ressentiment. Sa
douceur, la grâce de so:i esprit et la politesse de ses manières, indiquent
les moyens qui doivent être enqiloyés auprès de lui pour obtenir son
concours. Toutefois ses goûts, ses liaisons et ses antécédents, n'ont pas
donné une idée fort avantageuse de la solidité de son caractère : on le
croit susceptible de recevoir toutes sortes d'impressions et de céder seu-
lement à la dernière. Cette donnée, dans un moment décisif, peut être
utile à qui saura mettre à profit la dernière heure «pii précédera le der-
nier scrutin de l'élection.
ARREZO, Sicilien, âgé de 82 ans, dont hi de cardinalat, cardinal
évêque, légat apostolique à Ferrare, évêque de Sabine, membre de quatre
Congrégations.
Ce cardinal est tîe ceux que l'on appelle payables. Il est riche, libéral
et magnifique. Il a refusé l'archevêché de Païenne pour vivre à Rome et,
à l'étude du genre de politique ipii est spécial à ce pays, il a joint celle
de la politique des nonciatures. Sa mission à Saint-Pétersbourg ne fut
|)as heureuse, ses amis diront qu'il peut y avoir de l'art à éluder la bien-
veillance d'une cour étrangère et surtout celle d'une telle cour; mais si
l'on savait à quel degré d'abaissement la frayeur (pi il conçut des vio-
lences de l'empereur Paul le firent descendre, ils auraient peine à en
tirer une plausible apologie. Peu après sa nonciature, la déclaration
de la Sainte-Alliance éclata en Europe et annonça à la cour de Rome une
entreprise dont le succès pouvait devenir pour elle un aussi juste sujet
d'alarme que la défection de Henri VIH de la révolte de Luther. Le car-
dinal Arezzo a pris beaucoup de soin et avec succès à se concilier le
APPENDICE.
419
cardmal Consalvi, et sa nonciature à Florence lui a donné une occasion
de se mettre dans de bons rapports avec FAutriche. Il ne nég iCa „
pour rassurer la France sur ses vues qui ne peuvent, au fo^nd, exlr
d ombrage dans aucune Cour. Son caractère a été exercé par le é en
menls et ,1 connaît trop bien l'empire des circonstances poïr rien en re-
prendre qu. puisse compromettre le repos de l'Europe. Ce cardinal a un
paru forme de longue main. Les factions rivales le repousseront d'abord
mais ,1 es possible qu'elles se voient obligées de se réunir autour delui'
se conci itr II e. probable que, dans ce cas, avec le consentement de h
nnnonte, d parviendrait à obtenir la majorité des suffrages.
GRAVINA, Sicilien, âgé de 79 ans, dont 12 de cardinalat, cardind-
prêtre, archevêque de Palerme, membre de quelques Congrég tfo
L nnportance de ce cardinal, à Rome, ne peut lui venir que de sa
nonciature en Es^^^gne. Mais qu'est-ce aujourd'hui que l'import ne d
1 Espagne. Autrefois, elle était du premier ordre. L'Espagne a faTl e
ela. des Papes, elle les a élevés et abaissés, elles les a nrili mm
.os et emprisonnes. Mais aujourd'hui quel cardinal peut parlera nude
Lspagne, et quel sera son langage? On lui dira : -Au nomde . ueÏ
Kspagne vous présentez-vous? l'Espagne passée n'est plus, 1 e" !^^^^^
présente n est qu'une expectative. Quelle sera l'Espagne La ProvSnl
le sait Quant à nous, cjuant à l'Espagne, il est i désirer pour nous
,.ur e e ,K>ur l'Eghse, qu'elle devienne ce que la Fiance é!^ ^^
-II. Se cardmal Gravma vient au Conclave -ce que son a^e et s !
•nfirmites rendent douteux, - il devrait conformer son lan^a^e etls vu
I M 1VT , , "^'^* "^ ^"" "om qui, pour avoir été
ItUFFO SCILLA. Sicilien, âgé de 78 ans, donl 27 de cardinalat car-
d.nal-,,j..irc. archevêque de Naples. membre de quatre Congréiir
Les deux l.uffo ne se ressemblaient, ni par leurs qualités, .^ eur^
défauts. Le premier, qu, est mort, était guerrier comn.e Jules I, impéreux
oon.n,e Grégoire XII et politique eomn.e Sixte V. Celui-c erïïme
...odere, t.m.de et indécis; il a montré cependant en FranS, TvtZ'e
du „.anage, un courage de résistance qui Ihonore d'autant .lus quo,
1 '■',
\h
420
LA PRÉLATURE DE LÉON \Ilf.
attendait moins de la douceur de son caractère. 11 est sans litre connne
sans ambition pour parvenir au Pontificat, et, comme Klecteur, il est
incapable de s'engager dans une intrigue. S'il y avait au Conclave une
l'action anti-française et qu'elle voulût l'engager dans ses vues, il l'audrait
qu'elle les lui dissimulât; car, bien (|u'il ait souft'ert en France, il y a
été l'objet de beaucoup de soins et c'est le seul souvenir qu'il ai! voulu
garder du séjour qu'il a été forcé d'y faire.
MOPiOZZO, Piémontais de Turin, ûgé de 09 ans, dont 12 de cardi-
nalat, cardinal-prètre, évèque de Novare, membre de quatre Congré-
gations.
Je trouve dans mes notes que ce cardinal est (in, remuant, entre-
prenant, et qu'il suivra probablement les directions de sa Cour. Mais
quelles sont ces directions ? Je dirai d'elles ce que j'ai dit de celles de
l'Espagne, et il en est ainsi, de Naples. Si les Cours se laissent aller aux
influences locales et aux impressions du moment, elles ne seront que les
organes des volontés de l'Autricbe; mais si elles avaient des idées
d'avenir, elles demanderaient la direction de la France. C'est bien là ce
que la connaissance de leurs intérêts et le sentiment de leur dignité
devraient suggérer à lune et à l'autre. Malheureusement, dans la posi-
tion dépendante où la fortune les a placées, il ne peut être pour elles ni
acile de concevoir ni prudent de manifester de telles vues.
Le cardinal Morozzo suivra l'impulsion de son caractère. Ce caractère
aurait du être éprouvé par des vicissitudes. L'a-t-il été avec avantage?
La question est encore à résoudre, et sa conduite au Conclave en donnera
la solution. Homme de qualité et engagé de bonne heure dans la pour-
suite des dignités ecclésiastiques, le crédit de sa famille, le patronage de
sa Cour, des talents naturels et une éducation soignée, lui procurèrent
un avancement rapide. Nommé d'abord au gouvernement de Pérouse,
il s'y conduisit d'abord avec si peu de modération qu'un soulèvement
excité contre lui le força de fuir, et il n'échappa à l'exaspéralion du
peuple qu'à la faveur d'un déguisement. A Civita-Vecchia, des torts
d'une autre nature lui attirèrent la disgrâce de son Gouvernement; et
dans sa nonciature de Florence, sotis la persécution qui en fut l'objet de
la part des agents français, la légèreté, la versatilité de sa conduite,
n'auraient fait qu'ajouter aux causes extérieures de son discrédit auprès
du Saint-Siège. Le cardinal Morozzo veut surtout être archevêiiue de
Turin, et il le sera si on nomme un Pape au choix duquel il ait ouverte-
ment concouru. 11 se déterminera principalement par cet intérêt; il n'a
d'ailleurs aucune tendance, aucune vue, aucune prévention politique.
wjvmmK-'^t m mm^immm>j'.''m'x*
APPENDICE.
421
Il importe donc d'observer la marche qu'il suivra au Conclave, de ne
croire à aucune de ses déclarations, d'éluder ses avances, en évitant
toutefois d'en laisser trop voir le motif, et de ne rien faire surtout pour
l'engager à soi de trop bonne heure. Cette règle est bonne à observer, à
l'égard de tous les cardinaux, par le peu de sûreté que l'on trouve à ces
sortes d'engagements ; et son inconstance bien connue en rend l'observation
plus nécessaire, envers lui qu'envers un autre. Quand les opérations du
Conclave seront près de leur terme, le cardinal Morozzo sera un de ceux
qui saura mieux pressentir la majorité prédominante (|ui sera près de se
former, il ne sera pas des derniers à s'y engager ni des moins habiles à
se prévaloir de son accession auprès du candidat heureux, autour de qui
on verra successivement se rallier tous les suffrages. Le cardinal Pacca,
le cardinal Castiglione, le cardinal Arezzo, le cardinal Cappellari, l'Au-
triche, la France, n'auront pas eu de plus fidèles, de plus zélés, de plus
utiles auxiliaires que lui; et si, à la suite de cette exaltation, il devient
archevêque de Turin, le nouveau Pontife s'annoncera à ses yeux sous
les plus glorieux présages. J'ajouterai qu'il en sera ainsi pour tous les
cardinaux qui aspirent aux places de cardinal Secrétaire d'État, de car-
dinal-camerlingue, de cardinal-vicaire, de cardinal-grand-Pénitencier.
de cardinal-vici;-chancelier de la Ste-Kglisc, de cardinal dataire, de car-
dinal-prodataire, de cardinal-majordome, de cardinal-bibliothécaire, etc.,
etc., etc. La candidature du pontificat donne lieu à des combinaisons
assez difficiles à démêler, mais il faut savoir que toutes celles que je
viens d'indiquer, — et je ne les ai pas nommées toutes, — sont autant
d'éléments de discordance qui compliquent à tel point la grande concur-
rence de la papauté qu'il devient impossible, à des gens aussi peu exercés
que les nôtres, de suivre le fil d'Ariane qui j)ourra, dans l'élection ac-
tuelle, faire arriver l'électeur à l'issue du dédale inextricable dans lequel
il se trouvera engagé. '
Ce cardinal sera-t-il autrichien? Cette question, — la plus importante
à faire, non seulement à l'égard de Morozzo mais à l'égard de tous les
candidats delà Papauté, — ne peut aujourd'hui se résoudre. Aux yeux des
partisans de l'Autriche, il sera Autrichien; aux yeux de ceux qui redou-
tent l'Autriche, il la redoutera comme eux ; mais homme d'esprit et de
caractère comme il l'est, s'il devenait Pape, il aimerait la France.
RIVAROLA, Génois, âgé de 69 ans, dont 12 de cardinalat ; cardinaî-
diacre, membre de neuf congrégations dont deux administratives.
Le ciirdinal ne sera pas inactif. Il est ardent, bruyant et capable
d'exaltation. Tout ce qu'on peut obtenir par des excitations vives et par
422
LA PRKLATIRE DE LÉO> Mil.
un certain appareil de promesses, de menaces et de professions d'éclat,
il l'obtiendra. Il a des talents connus et des relations qui le sont beau-
coup moins. Accre'dité dans les congrégations, il s'est dt^à donné, sur
l'esprit de ses coopérateurs, un ascendant qui lui assure au Conclave
quelque degré d'importance qu'une certaine hardiesse, heureusement
dirigée, ne pourra qu'accroître. 11 passe pour être fort Italien et prévenu
contre les influences étrangères; il est Génois et la manière dont on a
disposé h Vienne de sa patrie, ne doit pas avoir modéré ce genre d'éloi-
gnement. Cependant, étrangers comme nous l'avons été à cet abus dont
toutes les Puissances, hors nous, doivent rester comptables, il semble que
nous pourrions nous prévaloir de cette exception pour l'associer à nos
vues. La tentation n'engage à rien et peut, d'ailleurs, avoir un résultat
utile.
Ce cardinal est émïnenuneni papegyiante; il se présente en même
temps comme papnhile. Personne ne met en doute le premier de ci?s
titres, et tout le inonde lui conteste le dernier; l'influence qu'il s'est
acquise par son activité souvent heureuse dans les manœuvres de la
Papeggiature lui a fait perdre toute chance, pour parvenir au titre de
cardinal papabile : il est, au reste, à regretter (|u'il en soit ainsi de son
avenir. Le cardinal Rivarola est un homme d'esprit, homme d'aflaires
et, de plus, ami de la France.
CACCIAPIATTI, Piémontais de Turin, âgé de 77 ans, dont 12 de
cardinalat, cardinal-diacre, membre de quatre Congrégations dont deux
administratives.
Ce cardinal est parvenu jiar les charges du Palais, il était auditeur de
la chambre. Ces sortes de charges, un peu subalternes et qui servent
cependant a élever aux plus hautes places, ont eu principalement pour
objet d'attirer des étrangers à la Cour pontificale. La noblesse napolitaine,
piémontaise et vénitienne, s'en est fait un moyen d'ambition que celle
des autres États catholiques a toujours généralement dédaigné; elle est
au reste pour les Romains un objet de jalousie. On donn<' le nom de
Slatisti à cette classe d'agents anti(jues et cette agence a sa hiérarchie,
par les degrés de la(|uelle plus dune fois on a vu des candidats heureux
et habiles s'élever jusqu'au trône pontifical.
Le cardinal Cacciapiatti est un homme du monde, à qui sa dignité
n'inspire ni orgueil ni ambition. Il aime les plaisirs et les arts, la société
des étrangers et surtout celle des étrangères. Le (Conclave ne sera pour
lui qu'une prison, et l'éleclion qui lui en abrégera le plus tôt l'ennui,
sera pour lui la meilleure.
APPENDICE.
425
OPPIZZOM, né à Milan, âgé de 59 ans, dont 2i de cardinalat, arche-
vé(|uc de Pologne, cardinal- prêtre, membre de six Congrégations.
Ce cardinal a été successivement et non pas alternativement ni capri-
cieusement, partisan, ennemi, créature et victime de Bonaparte. Cette
distinction est bonne à faire pour prévenir toute inculpation de versa-
tilité. La fortune l'exposa d'aljord à des faveurs qu'il crut devoir recon-
naître par des services, mais sa conscience avait prescrit des bornes à
sa recoimaissance. Il s'arrêta à cette limite. Il en fut puni, et cet abus de
pouvoir excita dans son cœur des ressentiments qui éclatèrent par toutes
les résistances qu'il put opposer à des volontés qu'il regardait comme
tyranniques et à des ordres qu'il croyait contraires à ses vrais devoirs.
Le cardinal Oppizzoni a éprouvé dans l'exercice de son ministère les
mêmes vicissitudes, mais dans un ordre de temps absolument inverse.
A i)eine nommé à l'archevêché de Bologne, il y fut l'objet des [)lus odieux
soupçons; une accusation scandaleuse fut dirigée contre lui; il fut forcé
de fuir, mais il mit tant d'habileté et de vigueur dans sa défense qu'il
ne tarda pas à ramener à lui l'opinion momentanément aliénée de ses
diocésains, et son retour eut la pompe et la gloire d'un véritable
triomphe.
Le caractère du cardinal Oppizzoni, ainsi que ses opinions, ont été
mis à découvert par ses épreuves. Il n'aime pas les étrangers, mais il
est trop homme d'esprit pour ne pas avoir discerné, parmi les nations
étrangères à l'Italie, celles qui ont intérêt à la dominer et celles qui ont
intérêt à la servir; ses manières aimables et polies préviennent l'im-
pression (pie sa physionomie, un peu dure et mélancolique, fait au pre-
mier aspect sur l'esprit de ceux qu'il n'a aucun désir ni aucun intérêt
de se concilier.
Je crois que les informations, qui ont dii être transmises sur ce point
au ministère du Roi, doivent l'avoir rassuré sur les dispositions de ce
cardinal à l'égard de la France et je doute qu'il en soit ainsi de celles
que la Légation aulrichiciuie aura transmises à Vienne.
GLERRIFRI GO.NZAGA, Autrichien de Mantoue, âgé de 79 ans, dont
11 de cardinalat; cardinal-diacre, membre de quatre congrégations dont
deux administratives connue trésorier de la Zecca.
La franchise, la droiture du cardinal Gonzaga ne sont, ni du pays où
il est né, ni de celui qu'il habite. Ses coélecteurs trouveront plutôt en
lui un Français, un Allemand qui ne voudra ni ne saurait se prêter aux
manœuvres dont la plupart d'entre eux se sont fait, de longue main, une
habitude cpi'on peut dire savante, et aux débats du Conclave une véri-
r»- !
424
LA PRÉLATUKE DE LÉON XIIL
AP1»EM)ICK.
425
table guerre offensive et défensive dans laquelle ce cardinal, bien (juil
soit chasseur par goût et par habitude, ne paraît» ainsi que les cardinaux
de la Fare et de Croy, propre à figurer que comme témoin. C'est un
homme plein d'honneur et qui n'a que des intentions droites. Il ira au
bien et s'associera avec ceux de ses collègues «juels qu'ils soient et ([u'il
verra se diriger vers un but véritablement religieux; mais sans conspirer
avec eux, en suivant la voie qu'il croira pouvoir le conduire le plus
promptement et le plus sûrement à ce but.
VIDOM, Autrichien de Crémone, âgé de 60 ans, dont 12 de cardi-
nalat; cardinal-diacre, membre de quatre Congrégations dont deux admi-
nistratives, gouverneur d'Aucune.
Tout le monde connaît à fond le cardinal Vidoni ; il a des sentiments
prononcés, des opinions arrêtées, et il n'a jamais mis d'intérêt à les
dissimuler. Dans lis fonctions qu'il a eu à remplir, hors de Home, il
s'est montré administrateur habile, désintéressé, généreux; il a de
bonnes et de grandes vues d'édilité et toutes les villes, (pi'il a été chargé
d'administrer, ont été embellies par ses soins. Le cardinal Vidoni m-
saurait être Pape. Aimant le monde, les fêtes et les conversations, il y
[)orte peu de réserve et ses indiscrétions lui ont souvent attiré des aven-
tures dont son bon esprit lui a fait, d'ailleurs, facilement sup|u)rter le
désagrément, et il ravit lui-même aux railleurs le plaisir d'en faire le
récit. Le peuple l'appelle, à cause de sa taille élevée et d'une obésité
(pii le fait respirer difficilement, il cardinal di petto et di fumo. Il
V alongtenq)s (pi'on a dit de lui qu'il aurait peu d'influenee au Conclave,
attendu cpi'un éléphant figurait beaucoup moins bien dans une telle
assemblée (ju'un luret. H est [)robable, au reste, qu'il y sera le seul car-
dinal de cette singulière catégorie. Pour conq)enser ce (pie ce langage
que j'emprunte à Marforio peut avoir de peu séant, j'ajouterai que le
cardinal Vidoni est au fond un homme d'esprit, un homme aimable,
d'une conversation agréable et, de [dus, un homme excellent. Toutefois,
malgré son peu de susceptibilité à l'égard des plaisanteries dont il a été
souvent l'objet, un procédé peu poli de la part de la Légation autri-
chienne, et dont il n'a jamais voulu perdre le souvenir, l'a pour toujours
aliéné de la cour de Vienne. Les Légations doivent se faire une leçon de
cette rancune; M. le comte de Blacas n'en avait pas eu besoin; dans les
utiles et bons rapports qu'il a su établir avec lui. Le cardinal Vidoni
lui est tout dévoué.
FROSINl, Autrichien de Modène, âgé de 77 ans, dont 8 de cardinalat.
^K
f
cardinal-diacre, mend)re de quatre Congrégations, majordome du Palais.
On pourrait applifpier au cardinal Frosini les données qu'on vient de
lire dans la notice du cardinal Gonzaga. Homme d'honneur et d'une
droiture reconnue, il ne veut que le bien de son pays, celui de l'Europe,
de l'Église; mais un caractère plus facile et un esprit plus susceptible
d'impression l'exposent davantage au danger d'être entraîné vers un
autre but, que celui qui lui serait indiqué par ses principes. Le cardinal
Frosini est, d'ailleurs, un homme aimable, instruit et parlant avec grâce
et facilité toutes les langues de l'Europe. 11 votera pour la faction dont
le chef, quel qu'il soit, saura soit mériter, soit lui ravir son estime ; mais
s'il existe encore dans le Conclave un ami du cardinal Consalvi dont il
était parent et au(piel toutefois il n'était pas aveuglement dévoué, il est
probable (ju'il s'attachera au système qu'il aura adopté et qu'il suivra
fidèlement ses traces. Je remarquerai cependant qu'ami du cardinal
Délia Genga, il a cessé de l'être après son exaltation sur le sujet de Saint-
Pierre.
DELLA S(lMA(iLIA, Autrichien d.- Plaisance, âgé de 84 ans, dont oo
(le cardinalat ; cardinal-évêque, vice-chancelier de l'Église, ancien vicaire
de Sa Sainteté, doyen du Sacré Collège.
Le cardinal Délia Soraaglia a des amis et des ennemis. Dans le cours
d'une vie aussi longue et aussi publique que la sienne, il sera facile
pour les uns et pour les autres de trouver des motifs fondés ou plau-
sibles, soit pour concourir aux vues de son ambition, soit pour y mettre
obstacle. Je vais exposer ceux de ces motifs qu'il me paraît probable que
les partisans du cardinal et ceux de ses rivaux mettront en avant dans
les débats et les pourparlers du Conclave, les uns dans les vues d'exclu-
sion ou de censure, les autres dans les vues de son ambition.
Les ennemis du cardinal Délia Somaglia ne manqueront ])as de dire
(|u'il a eu une jeunesse orageuse, (pi'on l'a vu même figurer avec éclat
tdans des aventures qui n'ont pas été sans scandale et que dans les
fonctions de son vicariat, c'est probablement à ses souvenirs ou à ses
liabitudes, (pi'il faut imputer le système de douceur et d'indulgence que
la police avait adopté dans le régime répressif des mauvaises mœurs.
Les partisans répondront (ju'il y a plus (jue de la sévérité à étendre,
jusqu'à une période aussi éloignée, la responsabilité morale d'une vie
dont le d('but est aujourd'hui si loin de nos souvenirs et qui, depuis ce
temps, a constamment été régulière, religieuse et exemplaire. Ils ajoute-
ront, (jue sous le Vicariat du cardinal Délia Somaglia, la police de Rome,
par une vigilance habile et assidue, sut heureusement ramener les
H
^'^H'ni^ "•^■y 'F .'
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r^ ^jJ*' ^ '4* . »• I
i
426
LA PRÉLATURK DK LÉON MIL
mœurs n une bienséance inconnue sous ses prédécesseurs dont l'impru-
dente sévérité n'était propre qu'à irriter et aliéner les esprits et avait
plutôt aggravé les dangers de l'immoralité, en ajoutant le scandale des
châtiments à celui des désordres (pi'elle n'avait pas été capable de pré-
venir. On dira que le cardinal Dclla Somaglia a été longtemps l'ami du
cardinal Fesch, qu'une de ses nièces pour (jui il a une affection parti-
culière a été attachée à la mère de Bonaparte, (|u'il l'a vue sans [)eine
accepter cette position et s'y maintenir, enfin que cette nièce a porté
l'imprudence jusqu'à ce point de faire un voyage à l'ile d'Elbe, dans le
court intervalle de 18i4 à 1815.
Mais on répondra que le cardinal rompit avec éclat toute liaison avec
le cardinal Fesch à l'époque du mariage, (ju'aucun cardinal ne mani-
festa, lors de cet événement, une opposition plus ouverte, plus courageuse
et plus constante, et qu'enfin il ne saura être inq)osé à personne avec
justice de rendre compte des alTeclions et des opinions politiques de ses
parents, non plus que de haïr ceux d'entre eux (pii adoptent des opinions
et des alfeclions différentes des siennes. Celles du cardinal Délia Somaglia
ne sont-elles pas à l'abri de tout soupçon et de tout blâme. Ses ennemis
en conviennent et, sur ce point, ses amis et lui n'ont pas besoin d'une
autre apologie.
On objectera encore (pie le cardinal l)e!la Somaglia a [)our les nou-
veautés un penchant qui, dans une situation aussi élevée que celle où le
placeraient les suffrages des cardinaux et dans les circonstances du tenqis,
pourrait être d'un grand danger. Il a eu des liaisons avec M""' de Staël, et
qu'il rendait ouvertement à son esprit l'admiration qu'elle avait pour
son caractère. Cet attrait pour les réputations étrangères lui fait, d'ail-
leurs, rechercher tous les personnages un peu marquants qui se montrent
à Rome et (jui le rechen hent à raison du penchant même ipii le porte
à les accueillir. De telles dispositions n'annoncent-elles pas une certaine
laciHté d'esprit, de caractère, et une indulgence d'opinion qui ne peuvent
être que les indices d'un coupable indiaérentisme sur des principes
qu'un cardinal et surtout un Pape doivent toujours, et à toutes les
époques de leur vie, adopter avec passion, soutenir avec éclat et défendre,
au péril même de leur repos et de leur vie.
On répondra (pie le cardinal Délia Somaglia aime en effet à rapprocher
de lui tous les étrangers (fui ont été devancés à Rome par une réputa-
tion établie, mais que cet attrait de pure curiosité n'est d'aucun danger
pour lui; que ses principes ont passé par l'épreuve du temps et qu'il
n'a pas plus à redouter pour eux la contagion des illusions philoso-
phiques de M'"« de Staël, (jue celle des illusions extra-religieuses de
V
APPENDICE.
427
M""* de Krûdncr, de M"*" de Tholozan et des autres adeptes de cette
fameuse piétiste, avec qui il a pris plaisir à foruKîr des liaisons, avec qui
il a eu de fréquentes comnmnications pendant le séjour qu'elles ont
fait à Rome. Ces communications supposent seulement que le cardinal
Délia Somaglia est un homme d'esprit et dont lage n'a pas éteint l'ima-
gination. Le monde en vieillissant n'a-t-il pas conservé parmi nous géné-
ralement le goût de c(^s chimères mythologitpies (jui furent pendant si ,
longtemps l'objet de la croyance, delà vénération des peuples; et quel
sera le rigoriste assez outré pour nous accuser de vouloir en renouveler
et en propager la foi, parce (jue nous cherchons à reproduire ces bril-
lantes images qui, sous l'empire même des plus austères croyances et
sans les offenser, firent et feront toujours les délices des imaginations
vives, des esprits éclairés et des cœurs capables d'être émus?
On dira que le cardinal Délia Somaglia n'aime pas les jésuites. Je
préviens que ce n'est pas au hasard que je mets en avant cette suppo-
sition. Mais on répondra qu'il est constant (jue le cardinal Délia Somaglia
n'est pas aimé des jésuites et que pourtant jamais, ni dans son langage,
ni dans ses procédés, ni dans ses actions, il n'a maniléstédes dispositions
qui leur fussent contraires. Il est probable qu'il n'a jamais été en posi-
tion de se déclarer sur ce point. Peut-être même a-t-il cherché à ne pas
s'y trouver, mais il semble (jue, d'une part, cette réserve et de la part des
jésuites l'espèce d'irritation qu'elle semble leur avoir causée, prouve-
raient moins de modération dans leurs vues que dans les siennes.
Le cardinal Délia Soniaglia n'est cependant pas ennemi des institu-
tions religieuses. Il a protégé les Pacanaristes, il a prolê'gé des religieux
(jui avaient entrepris de remédier au relâchement de (juelques monas-
tères en les assujettissant à de nouvelles règles. Ces réformateurs ont
échoué dans leur entreprise ; les Pacanaristes ont été punis, et il n'est
resté au cardinal Délia Somaglia (jue l'hoimeur d'avoir voulu les dé-
fendre. Est-ce qu'on voudrait, est-ce qu'on j)ourrait lui faire un crime
d'un |)atronage auquel il est impossible d'attribuer un but qui ne soit
jias religieux et chrétien.
On dira que le cardinal Délia Somaglia a une devise que, depuis long-
temps, on a attachée à son nom. Minimus in maximis et maximus in
minimis. On ré|)ondra que celte devise n'est qu'une manœuvre en
usage à Rome pour déprimer les cara^^tères dont on redoute l'influence,
mais que les satires de Pasquin et de Marforio n'ont jamais décidé, ni
de la renommée, ni de la destinée des personnes. La devise exprimerait
bien mieux l'opinion des classes inférieures et celle des classes élevées
de Rome, si le sens de ces deux expressions était interverti. Quel est.
428
LA PHÉLATIRE DE LÉON XIII.
en effet, le cardinal qui imprime plus de respect aux uns par des dehors
imposants et aux autres par la gravité de ses mœurs, par une vie
constamment vouée à l'exercice des plus hautes, des plus pénihles
fondions, et par le succès de tous les travaux que ces Jonctions lui im-
posent? Et enfin qui pourrait sincèrement méconnaître en lui une fer-
meté éprouvée, une grande étendue de vue, la capacité des plus grandes
affaires sans négligence et sans dédain pour celles (jui le sont moins, la
connaissance des intérêts politiques de toutes les Puissances, et un zèle
patriotiijue et j»ieux pour les droits et les intérêts du Saint-Siège ? Quant
à ses préférences, on peut le soupçonner d'en avoir; mais il est loin de
les manifester, ni dans son langage, ni dans ses démarches, et il est sur
ce point d'une circonspection qui ne s'est jamais démentie. On sait
seulement que, dans toutes les ciri!onstances,il s'est montré rovaliste zélé
et que plus d'une fois exposé à l'épreuve des séductions, des pers-'cu-
tions mêmes, il en est toujours sorti victorieusement.
En me faisant ici l'organe des partisans du cardinal Délia Somaglia,
je ne veux cependant pas désavouer (pie, dans les dernières années et
dans l'exercice des hautes fonctions dont il a été chargé, il parait s'être
écarté à son insu des principes cpi'il s'était précédemment imposés, et
qu'il a plus d'une fois trahi le secret penchant qui semhle l'attacher à
la politique de l'Autriche.
Enfin on dira que ce cardinal a 8i ans, (jue cet âge est le terme de
toutes les carrières, et que si le Conclave faisait un tel choix il s'expo-
serait au hlâme d'avoir mis au-dessus de tous les intérêts celui de pro-
roger à court terme un grand objet d'amhition et d'intrigue pour tous
les cardinaux qui le conqjosent. On répondra ((u'en effet le cardinal
Délia Somaglia est plus qu'octogénaire, mais qu'une constitution robuste,
bien éprouvée et parfaitement saine, donne à ses amis la plus plausible
espérance de le voir survivre au grand nombre peut-être de ses concur-
rents moins âgés que lui. Le cardinal Ilœfflin, le cardinal Firrao.
offraient à son âge moins de ces j)résages de vitalité présumée, (prune
vie calme, régulière, exemple de passions et défendue contre tout acci-
dent et tout danger, par les soins d'un grand nombre d'amis (pii l'en-
tourent, rend infiniment plus [daiisible pour lui (pie pour tout autre.
Et cependant l'âge de l'un surpasse le sien de 7 ans, et celui de l'autre
de 9 ans; et enfin il convient d'observer (pie, depuis le dernier Conclave,
vingt et un cardinaux sont morts dont le plus grand nombre était moins
âgé que lui.
4 t
►
» « %
APPENDICE.
4'iO
CARDINAUX
KTRANGERS AIX KTATS UOMAINS
BoxAVKNTURE GAZZOLA, cardinal de Léon XII, âgé de quatre-vingt-dix
ans, Autrichien, de Plaisance, religieux de l'ordre des mineurs réformés,
évêque de Montefiascone, de quatre congr(''gations dont aucune n'est
administrative.
Le cardinal par son âge est dans les premiers rangs des cardinaux
papables, à titre de papa di tempo.
D'après les nouvelles récentes de Rome, les impressions du moment
font ressortir, parmi tous les candidats papables, quatre cardinaux dans
l'ordre suivant: Gazzola, Pacca, Guistiniani et Benvenuti. Le cardinal
Gazzola n'a pas, d'ailleurs, de meilleurs litres que son âge. Il est zélanle,
mais de la faction la plus inoffensive ; son origine est plébéienne et
ainsi il n'a pu s'élever au cardinalat (jue par une première réputation
ac(|uise dans l'exercice des modestes devoirs de la vie monastique.
Charlks-Gaetax de GAYSRUCK, cardinal de Léon XII, âgé de
soixante-neuf ans, archevêque de Milan.
Ce cardinal est Autrichien, de Hongrie, servilement dévoué à la direc-
tion du cîirdinal Albani. Ses infirmités l'empêcheront probablement
d'assister au Conclave. La direction (ju'il suit sera un titre d'exclusion
pour lui, comme pour celui de qui il la reçoit.
Patrice da SILVA, cardinal de Léon XII, âgé de soixante-treize ans,
religieux augustin.
La dignité de ce cardinal, son âge, l'état actuel du Portugal le retien-
dront probablement ?i Lisbonne où il occupe le poste éminent de pa-
triarche de l'Église portugaise. Le trait le plus saillant de son caractère
et de sa vie se trouve dans un fait assez récent. Il a officié à la solennité
du sacre de Don Miguel, et les ennemis de ce prétendant à la couronne
de Portugal ont remarqué et publié que, pendant le serment qu'il a dii
prêter, le patriarche cachait, sous le pan de l'étole patriarcale, le hvre
des Saints Évangiles pour sauver à ce prince les suites éventuelles de la
violation présumée de la promesse qu'il venait de faire, de maintenir la
constitution que son frère avait donnée au Portugal.
,. >r<rv^< y-.y--'^w»iaMt:.-Vi-.*i^f%,j|.f!.^|^.grgf^ is$iaP»^?««-^i»''*^-';T-
430
LA PRÉLATURE DE LÉON XIU.
Charles de LA MARMORA, cardinal do Léon XII, âge de soixante-
douze ans.
Ce cardinal est Autrichien, de Turin. On est fondé à le présumer tel
par sa condescendance connue aux vues de son Gouvernement, et par
celle non moins notoire du Souverain de ce pays à l'influence de la reine.
Pierre de LLXGUANHO RIDEIIA, âgé de soixante-cinq ans, cardinal de
Léon XII, Asturien, archevêque de Tolède, riche aumônier sans nais-
sance et zélante, mais dans le sens monarchique; car il convient d'oh-
server que, pour être rehgieux et catholique dans le sens le plus rigou-
reux qu'on puisse donner à ces noms, les Espagnols ne peuvent être
comptés parmi les peuples ullramontains. Le Saint-Siège a toujours
trouvé dans ce pays, en concurrence avec l'autorité (ju'il alï'ecte sur les
autres églises, celle du trihunal de l'Inquisition. Le lemj)s,sans doute, et
surtout la politique du Gouvernement ont travaillé lentement et métho-
diquement à miner les hases et à restreindre l'élendue de ce redoulahle
pouvoir. Mais le respect s'en est })eu aflaihli dans l'esprit du peuple, et
l'hahitude de placer en seconde ligne la vénération que toutes le» églises
de la catholicité doivent porter à celle de Rome s'est maintenue dans
l'église d'Espagne et parmi le peuple, après l'aiïaihlissement du pouvoir
de l'Inquisition.
Mairo CâPPELLARI, cardinal de Léon XII, Autrichien de Venise, âgé
de soixante-quatre ans, [)réfet de la Congrégation et de l'Imprimerie de
la Propagande, des (congrégations du Saint-Office, de l'Examen des
Evêques, de la correction des livres de l'Église orientale et des Études,
protecteur du collège des Maronites, etc.
Toutes ces congrégations sont savantes, et il en est un des mcmhres
les [)lus célèhres par son caractère, ses talents et son savoir. Créature et
ami de Léon XII, il a été employé par lui et avec succès dans plusieurs
négociations difficiles. Il est zelante par piété et dans des vues égale-
ment convenables à la France et à rAulrichc. Il ne parait pas que dans
ce Conclave les intérêts de ces deux Puissances puissent se trouver en
collision, à son égard : la politique de l'Autriche ne devant espérer, pour
les intérêts de sa domination en Italie, aucune assistance de celle du
Pape qui devra succéder à Léon XII, et tout<^s les deux ayant à former
le même vœu pour cette même assistance dans les aiïaires qui se rap-
portent à la politicpie intérieure des deux Étals. Par son caractère, par
sa vie passée toute dévouée à l'étude et à la praliijue des vertus reli-
gieuses, le cardinal Cappellari est un des candidats papahles qui ont le
APPENDICE.
451
plus de chances pour réunir la majorité des sufTniges. Une seule consi-
dération peut toutefois faire obstacle. Sa famille est pauvre et appartient
à la dernière catégorie de la société. H est impossible qu'il ne désire pas
vivement de l'établir dans une niL'illeure sphère, et cependant il éprou-
vera quelque répugnance à la produire à Rome. L'Autriche, certes, ne
manquera pas alors de se prévaloir de cette circonstance et le change-
ment de fortune qui ne pourrait avoir lieu sans éclat, à la face des
Romains, elle le fera à peu de frais et avec toute bienséance. De là, des
obliçjalions et une cause de dépe:idance (pii, si elles sont aujourd'hui
prévu«'S et divulguées par des concurrents intéressés à en occuper les
conciliabules du Conclave, pourraient éloigner les suffrages de ceux des
électeurs qui sont principalenjent dominés par leurs préventions contre
l'Autriche.
Saveuio de CIENFLEGUS JOVELLANOS, cardinal espagnol de Léon XII,
âgé de soixante-trois ans, archevêque de Séville.
Ce qui est dit d'un cardinal espagnol peut se dire de tous ceux qui
viendrontau Conclave et cpii, tous, y porteront le même esprit elles mêmes
vues.
Jkan-Pmiliimm; FRANZULA, Génois, cardinal de Léon XII, à'^é de cin-
quante-quatre ans.
Il s'est d'abord signalé et recommandé par son attachement au pape
Pie VII (ju'il suivit et servit, dans le cours de sa mauvaise fortune. Il a
été, depuis, attaché à la duchesse de Parme. Peu décidé dans ses opinions
politiques, on ne le croit qu'à moitié Autrichien, on ne lui attribue que
de médiocres talents. Nonce en Portugal, il a été élevé au cardinalat par
une faveur d'exception, n'ayant pas eu quatre ans de nonciature, terme
obligé pour obtenir la promotion de droit.
NAZALI, Autrichien de Parme, cardin.il de Léon XII, Agé de soixanle-
dix-neuf ans, membre de quatre Congrégations. Il a été nonce en Suisse
et négociateur à Rruxelles. Il n'y a pas fait preuve de toutes les quahtés
et de tous les talents que ces sortes d'emploi supi>osenl. 11 appartient à la
fraction de la faction des zelanti «pii rêve le rétablissement de la Société
des Jésuites. Dix voix peut-être le porteront au pontificat; mais, par son
âge, il pourrait y être porté par tous les sufl'ragcs à titre de Pape de
transition, Papa di Tempo.
GAMBERLNI, cardinal de Léon XII. Il est né dans la république de
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452
LA PRÉLATURE DK LÉON Xllf.
APPENDICE
573
Saint-Marin, État iniporceptible et qui, par sa petitesse, échappe aux
re^^ards mêmes de la politique très circonscrite de Tltalie.
le cardinal Gamberini est l'homme le plus brillant du Sacré Collège
par son savoir, la politesse de son langage et de ses manières, et par sa
parfaite amabilité. S'étant présenté tard, comme aspirant à la prélalure
qui Ta fait parvenir au cardinalat, il a su fort habilement em])loyer le
temps qui a précédé son engagement dans l'état ecclésiastique en exer-
çant les talents dont la nature l'a doué dans la profession du barreau.
Avocat célèbre à Milan et a Bologne, il y a acijuis une grande fortune.
Le caractère politique de ce cardinal est peu connu et n'inspire pas une
grande confiance. Tout ce qu'on sait de lui, sur ce point, c'est qu'il est
zelante modéré.
MARCO, cardinal espagnol de Léon Xll.
Parmi ses nationaux, celui-ci se distingue par un trait c|ui lui est
spécial. Avant été membre des Cortès contre le Roi, il est aujourd'hui
partisan enthousiaste de Ferdinand VIL A ce titre, il est zelante ardent,
mais dans le sens espagnol et monarchiiiue. 11 est parvenu par le canal
de la Rote.
RUDENEY, cardinal de Léon XII, primat de Hongrie. Ce titre sulfit
pour faire connaître ses vues. (»n ne s:iit rien de lui, si ce n'est qu'il a
été promu au cardinalat pour avoir sacré l'impératrice d'Autriche, prin-
cesse de Bavière. Il importe pende le savoir, et moins encore d'en savoir
autre chose.
ZURLA. Ce cardinal a été omis dans son rang, sa promotion étant
antérieure au pontificat de Léon XII. 11 est âgé de soixante ans. Autri-
chien de Crémone, membre de dix Congrégations dans lesquelles sont
comprises toutes les congrégations savantes. Il s'y est acquis une assez
arande célébrité par son savoir et sa connaissance des affaires. Écrivain
estimé, il a manifesté dans un ouvrage sur la Géographie des senti-
ments favorables à la France et particulièrement une admiration fort
bien exprimée pour les talents et le caractère de M. le vicomte de Cha-
teaubriand. La position actuelle de celui qui a été l'objet de cette admi-
ration, ne laisse pas d'attacher quelqu'importance à la mention que j'ai
cru devoir en faire, il a exercé peut-être avec trop de rigueur plusieurs
fonctions administratives sous le dernier pontificat et les nouvelles ré-
centes qui viennent de Rome, nous informent que, depuis le triste évé-
nement de la mort de Léon XII et même, pour l'honneur des Romains,
trop immédiatement après, une telle exaspération a éclaté dans toutes
les classes de la population romaine contre la sage et ferme administra-
tion de ce prince, qu'il se pourrait que le cardinal Zurla n'eût plus les
mêmes chances pour parvenir au pontificat. Avant ce fatal événement,
il était un des candidats qui en avaient le plus; mais il paraîtrait que
jamais à Rome on n'a vu une fin de règne qui ait été marquée par un
changement plus soudain dans les esprits. Le Pape a été littéralement
abandonné dans les derniers moments de sa vie, et pas un seul ami
n'est resté auprès de lui pour être témoin de sa mort. Pendant ce
temps, une grande agitation régnait dans tout le palais et portait le
trouble parmi la foule qui en obstruait tous les abords. On se deman-
dait s'il était mort, s'il vivait encore, et des cris d'allégresse signa-
lèrent le moment où l'on apprit qu'il avait cessé de vivre. Rien ne
donne une idée plus défavorable, plus dégoûtante et plus affreuse du
caractère d'un peuple, qu'un aussi hideux spectacle.
Lediarisle, rival de l'abbé Benedetti pour l'acuité des observations
souvent cruelles, qui a écrit cet « Etat du collège cardinalice
en 1830 », était bien digne de fréquenter avec les malins codini de
celte époque spirituelle, à IdiNicchia ou au Veneziano dont les salles
de café ou plutôt d'académie avaient conservé le souvenir toujours
vivant des Gancellieri, des Fea, des Nibby, desTambroni, en qui l'es-
prit romain avait mêlé son goût inné de la mordante satire et de la
belle composition, par où ces maîtres de l'ironie bien dite et mieux
écrite pouvaient passer pour des académiciens parfaits. L'Académie
des Humoristes ne fut-elle pas leur œuvre et leur chef-d'œuvre?
Cependant, à la manière plus française que romaine dont ces notes
secrètes furent écrites, dans ce rapport de policier cardinalice, on
pressent plutôt un riverain formaliste de la Seine et du palais Maza-
rin qu'un libre buveur de l'eau du Tibre au café du palais Sciarra où
le Veneziano tenait ses fréquentes assises de libations inoffensives.
Certes, notre codino parisien roulait la queue de sa perruque dans la
poudre musquée à la maréchale, comme ses confrères uUramon-
tains; mais, au besoin, il savait y cacher un poignard, comme
ce Barbaroux de la Révolution française qui, à une perruque trop
haut placée, avait préféré un manchon mieux à portée de la main
armée qui s'y cache. Nous aurons enfin tout dit, quand nous
aurons appris au lecteur de ces notes qu'elles furent rédigées par un
ancien secrétaire de Talleyrand, duc de ce même Bénévent dont
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574
APPENDICE
APPENDICE
575
h
Joachira Pecci se préparait à aller occuper la préfecture ; et que le nom
de ce collègue de DesRenaudes et de la Besnardière dans les bureaux
secrets de la rue Saint-Florentin, fut celui d'Alexandre Maurice
d'Hauterive qui ne se rendit, certes, pas coupable des élections de
Pie VIII et de Grégoire XVI si, contre ses pronostics avortés, ce furent
Saverio Castiglioni et Mauro Capellari qui ceignirent la tiare, à vingt
mois de distance.
Cet Appendice, que le lecteur aura peut-être trouvé trop long, aura,
du moins servi à le faire pénétrer dans cette Cour pontificale dont les
chapitres précédents auront rappelé quelques-unes des pittoresques
coutumes que le siècle nouveau devrait bien nous conserver encore
des anciens. Où sont déjà passés, dans cette Rome qui se disait éter-
nelle pourtant, ces carrosses grands comme des places fortes, dorés
comme des ostensoirs, où \esporporati cousins des rois et conseillers
des papes se portaient, avec la majesté d'un soleil rouge de crépus-
cule toujours ardent, vers cette Place-de-Saint-Pierre tout à coup ré-
veillée, dans son sommeil des vieux âges, par les lourds ressorts de ces
montures arrivant du fond de l'autre siècle pour faire encore glisser
leur petite ombre bleue de vie, sur ces immenses dalles diaprées de
porphyre et de jaspe ? Où se sont déjà évanouies, dans l'ombre des
rues qu elles suivaient alla romana, ces bonnes silhouettes de cardi-
naux habillés moins pontiticalement que bourgeoisement de la souta-
nelle noire filigranée de rouge et vous disant, comme la grosse Emi-
nence Vidoni au solennel Chateaubriand : « Signor Ambasciadore di
Francial » ou comme le malin Secrétaire d'Etat, Joseph Albani, à la
même Excellence française surprenant ce cardinal en redingote ou-
verte et négligée peut-être : « Je suis un cochon ! » Où sont seule-
ment les nobles dames et les élégants cavaliers posant, à l'espagnole et
en sigisbées servants de l'époque, dans ces palais alors si nombreux et
aujourd'hui si rares où, comme au Palazzo Valdambrini, ce même
cardinal Joseph Albani, hôte de la marquise Sacrati, venait, entre
une partie de tarots et de tombola, entendre la Belluccia Moroni,
fille du comte Michel, qui s'accompagnait si divinement de la harpe
et dont le charme raphaellesque était tel qu'après l'andante de Pai-
sielloou l'appassionato deCimarosa, l'Eminence, se levant, ne pouvait
s'empêcher de dire à l'admirable femme :
— Per DiOj corne sei bella !
Certes, le cardinal Joseph avait de qui tenir en enthousiasmes et en
galanteries bien permises à un homme de naissance et de cour telles
que celles du cardinal Gian Francesco Albani, son oncle et son pré-
déce«^ur illustre à la même charge de secrétaire d'Etat. Sous la
direotion de ce vieux maître en diplomatie romaine, le jeune neveu
faisait les premières armes à Vienne, en qualité de nonce, lorsque
arriva, entre autres incidents de l'époque napoléonienne, le fait sui-
vant dont nous emprunterons la relation au Caporale Trasieverino que
son auteur Ilario Rinieri a commenté, d'après le diario d'un bour-
geois de Rome, pendant celte époque révolutionnaire : « A la nuit du
13 novembre 1797, écrit-il — , il se fit un grand va-et-vient au palais
Altieri. Dans la grande salle, peinte par Maratta, étaient réunis et
discouraient la princesse Marianne Borghèse déjà ancienne mais
toujours allant, la vieille princesse Cornelie Barberini qui portait avec
grandeur la majesté de ses quatre-vingts ans, la duchesse Lante, belle
femme et mère d'une fille plus belle encore,. la princesse Giustiniani,
l'Aldobrandini, la Gabrielli , la duchesse de Fiano et l'inévitable
princesse Santa-Croce ayant, à ses côtés, l'inséparable chevalier
Nicoladi Azara ministre, à Rome, de Sa Majesté catholique Charles IV.
Dans l'assemblée, peu de seigneurs romains. Il y avait pourtant le
prince Augustin Chigi et sa femme, la princesse Amélie Barberini,
quelques monsignori et deux cardinaux, S. Em. Stefano Borgia préfet
de la Propagande et S. Em. Gian Francesco Albani doyen du Sacré-
Collège. A peine celui-ci fut-il introduit et eut-il échangé avec les
princesses Julie et Marianne les compliments d'usage, qu'il se sentit
aussitôt entouré par un chœur de bouches interrogatrices :
— Eminence, quelles nouvelles de Vienne? La paix est-elle con-
clue? El la France nous laissera-t-elle une fois enfin tranquilles?...
Aurons-nous enfin aussi en Votre Eminence, non plus un cardinal
mais un pontife suprême.
— Moi pape 1 se prit à dire le vieillard sans pouvoir contenir le
rire provoqué par ce compliment de la princesse qui était applaudie
par toute l'assemblée. Mais il y a le diable qui ne le permet pas. Et
voilà bien le cas de renverser le proverbe chrétien qui disait : « Ce
que femme veut, (entendez-vous, hein! bonne mère de famille?)
Dieu le veut. » A présent, il faut dire : « Ce que femme veut, (bonne
mère de famille, entendez- vous?) le diable ne le veut pas.
— Oh! Eminence! ajouta alors d' Azara. Eh ! d'où peut bien venir
ce diable?
— De la Seine, monsieur l'ambassadeur! dit le cardinal qui,
sans perdre un instant, mit la main à son portefeuille et en retira
un papier; tandis que l'ambassadeur et la princesse se regardaient,
le premier étonné, la seconde mortifiée légèrement.
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576
APPENDICE
APPENDICE
577
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— 11 faut que vous sachiez, continua le cardinal, (et je voudrais
que l'univers entier l'apprenne de même), que le Directoire de la
République française et son grand paladin en Italie ont décidé :
premièrement, d'empêcher l'élection d'un nouveau pape, au cas où
Pie VI viendrait à mourir; en second lieu, au cas où on ne pouirait;
empêcher l'élection d'un pape nouveau, de ne permettre en aucune
manière que l'élection du cardinal Alhani devienne possible.
— Et de quel droit, cette exclusive? se récria la princesse Bor-
ghèse. On voit bien, Eminence, que le Directoire et Bonaparte ne
connaissent pas notre cardinal.
— Oh! ils me coiinnaissent fort bien. Et c'est parce qu'ils me
connaissent si bien que, précisément, ils veulent m'exclure. En
voulez-vous la preuve? Eh bien i ce même Bonaparte va dépêchant
partout que l'assassin d'Hugo Bassville,... c'est moi!
Un grand éclat de rire accueillit ces paroles du cardinal qui ne
put lui-môme, tant la chose était grosse, empêcher an léger sourire
d'effleurer ses lèvres. Mais, reprenant vite son air grave, il continua:
— Je vais vous lire quelques passages d'une lettre que le général
Bonaparte a écrite à un personnage que je ne puis vous nommer.
Mais la lettre est authentique. Elle fut écrite à Tesseriano, dans le
Frioul, en date du 2o septembre de cet an de disgrâce. Ecoutez-le
écrivant ce qui suit :
«... Si le pape meurt, vous devrez employer tous les moyens
possibles pour qu'il n'en soit pas nommé un autre et que, dans
Home, se fasse une révolution d...
— Madonna mial s'exclamèrent toutes ces bonnes dames en
entendant cet horrible conseil du sanhédrin parisien. Nous aurons
donc la révolution à Borne?
— Eh ! par hasard, ne serions-nous plus des chrétiennes? se prit
à interrompre la princesse Marianne Altieri. Quant à moi, de peur,
je n'en ai point; et je ne m'inclinerai jamais devant ces idoles tachées
de sang!... Un transport d'applaudissements accueillit ces paroles;
encore que, sur le visage de quelque belle princesse, se répandit
une pâleur soudaine indiquant quelque révolution secrète du sang.
— Mais l'exclusive jetée sur vous, monsieur le cardinal? demanda
l'ambassadeur d'Espagne.
— La voilà, si toutefois ces dames veulent écouter le reste de cette
lettre. Elle se termine en ces termes mêmes :
«... Si le pape est mort et qu'il n'y ait aucun mouvement à Bome, de
sorte qu'il n'y ait aucun moyen d'empêcher le pape d'être nommé;
vous devez employer non seulement l'exclusion, mais encore les
menaces sur l'esprit des cardinaux, en déclarant qu'à l'instant même
je marcherai sur Rome. Nous ne nous opposons pas à ce qu'il soit
pape, mais nous ne voulons pas que celui qui a assassiné Bassville
soit prince. »
Il est facile de deviner l'étonnement, le dédain, l'épouvante et la
vraie répulsion que produisirent ces paroles sur cette assemblée si
choisie. Personne ne pouvait croire à une telle perfidie, si froidement
conçue et exprimée dans cette lettre. Les uns se taisaient. Les autres
murmuraient à mi-voix, qui une pensée, qui une autre. Et cependant
que tous étaient sous l'impression des mêmes sentiments, le vieux
cardinal se leva. Il s'approcha de la fenêtre qui regarde la Place du
Gesù, prit un air mi-solennel et mi-sarcastique ; et s'étant retourné,
de manière à présenter le côté gauche à l'assistance et à tourner le
côté droit vers la ville, il se prit à s'exclamer fortement :
— Princesses, Seigneurs, Eminence, Excellence, vous qui, depuis
plus de quarante ans, connaissez le désormais septuagénaire cardinal
Gian Francesco Albani!... âmes des innocents qui, de la toile où vous
fixa le pinceau du Puccino, m'avez vu si longtemps du haut de ces
murailles !... nom très auguste du Gesù qui, de la voûte élevée de ce
temple consacré à un tel vocable, m'avez béni à genoux devant cet
autel !,.. ôRome entière qui, dans tes rues et dans tes campagnes, as
toujours honoré la mémoire de Clément XI et toujours contemplé le
front sans tache des Albani !... apprenez que le cardinal Gian Fran-
cesco Albani est déclaré assassin du général d'une République !...
H ne put achever. Un véritable tonnerre d'applaudissements avait
couvert ce fier élan de terrible rhétorique que venait d'improviser,
contre toute attente, le vieux doyen des cardinaux. Tout le monde
l'entoura, lui prodiguant mille expressions de franche admiration et de
cordiale sympathie. Cependant, d'un coup de main à la sonnette de
l'office, la princesse Marianne faisait servir les rafraîchissements et
présentait elle-même, de ses mains fines, une coupe de rosolio avec
de l'eau glacée.
— La France? continua aussitôt le vieux cardinal, vous voulez
que la France jacobine nous laisse en paix? C'est l'animal qui, après
sa pâtée, a plus faim encore. Elle nous a pris tout ce qu'il y avait,
à Rome, d'or et d'argent; elle nous a pris statues et tableaux; elle
nous a pris les manuscrits de nos bibliothèques ; elle nous a pris les
chevaux de nos écuries; elle nous a pris jusqu'à nos bœufs, jusqu'à
nos bufles, jusqu'à nos vaches...
A<f
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n
578
APPENDICE
«i
— Et elle nous a laissé l'eau de nos fontaines î interrompit le
cardinal Borgia.
— Elle nous a laissé le Pape aussi ! observa le chevalier d'Azara
à qui cet exorde du vieux doyen faisait l'eflfet du citron sur la langue.
— Elle nous a laissé Votre Éminence ! reprit soudain une voix de
femme agréable au suprême, à laquelle le cardinal, se retournant,
reconnut la princesse Santa Croce...
TABLE DES MATIERES
Le scel des bulles pontificales
Dédicace I.-VIU
ÏNTBODUCTION 1
PREMIÈRE PARTIE
La Prélature de Léon XIII
I. — Un romantique de 1830 "7*7
II. — Le Cabinet du Roi 9*7
III. — De Chateaubriand à Metternich 168
IV. — L'Antichambre du Pape 201
DEUXIÈME PARTIE
Épistolaire de Mgr Joachim Pecci
I. La délégation de Bénévent — Arrivée à Bénévent et maladie de
Mgr Pecci (MX). — Mgr Orfei emporte la caisse de la préfecture (X-XVI).
— Talleyrand compromet le duché de Bénévent (XVII-XVIII). — Achat
de chevaux et premières courses (XIX-XXII). — Le prince Borghèse à
Carpinetoet le marquis Muti à Bénévent (XXIII-XXYIII). — Méthode de
gouvernement de Mgr Pecci (XXIX-XXX). — Un mariage, s. v. p.!
(XXXI-XXXVIII). — A la Cour de Naples et bruits de changement pré-
fectoral (XXXIX-XLII). — Mort du cardinal Sala et visite du cardinal
Pacca (XLIII-XLVIII).— Un poste à Rome, quel qu'il soit! (XLIX-LI).—
Du carnaval de Bénévent aux vacances de Carpineto (LII-LX). — Sta-
nislas Sterbini et la Direction des Douanes (LXI-LXVII). — La nomina-
tion de Spolète (LXVIIl-LXX). — En route pour Spoléte ou pour
Pérouse. (LXXI-LXXIV) 231
II. La délégation de Pérouse — Chez l'ami Milella (LXXV-LXXVII). —
Premières impressions de Pérouse et réception de Grégoire XVI.
(LXXVIII). — Le portrait de Mgr Pecci commandé. (LXXIX). — L'envoi
des pignoccate et la villégiature de Magliano diSabina (LXXX-LXXXIIl).
— Un pèlerinage à Assise (LXXIV-LXXXVI). — Comment Mgr Pecci
travaille à Pérouse (LXXXVII). — Rappel à Rome et bruit de noncia-
1 0
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578
APPENDIGK
— Et elle nous a laissé feau de nos fontaines ! interrompit le
(ai'dinal Borgia.
— Elle nous a laissé le Pape aussi ! observa le chevalier d'Azara
à qui cet exorde du vieux doyen faisait l'effet du citron sur la langue.
— Elle nous a laissé Votre Éminence ! reprit soudain une voix de
femme agréable au suprême, à laquelle le cardinal, se retournant,
reconnut la princesse Santa Croce...
TABLE DES MATIERES
Le scel des bulles pontificales
Dédicace 1-Vlll
I.MRODUCTION 1
PREMIÈRE PARTIE
La Prélature de Léon XIII
1. — Un romantique de 1830 Tl
II. — Le Cabinet du Roi 91
IIL — De Chateaubriand à Melternich 168
IV* — L'Antichambre du Pape 201
DEUXIÈME PARTIE
Épistolaire de Mgr Joachim Pecci
I. La délégation de Bénévent — Arrivée à Bénévent et maladie de
Mgr Pecci (MX). — Mgr Orfei emporte la caisse de la préfecture (X-XVI).
— Talleyrand compromet le duché de Bénévent (XVlI-XVillj. — Achat
de chevaux et premières courses (XIX-XXII). — Le prince Borghèse à
Carpinetoet le marquis Muti à Bénévent (XXIII-XXVIII). — Méthode de
gouvernement de Mgr Pecci (XXIX-XXX). — Un mariage, s. v. p.!
(XXXI-XXXVIII). — A la (]our de. Naples et bruits de changement pré-
fectoral (XXXIX-XLIl). — Mort du cardinal Sala et visite du cardinal
Pacca (XLIII-XLVIII).— Un poste à Rome, quel qu'il soit! (XLIX-Lli.—
Du carnaval de Bénévent aux vacances de Garpineto (LII-LX). — Sta-
nislas Sterbini et la Direction des Douanes (LXI-LXVII). — La nomina-
tion de Spolète (LXVIIILXX). — En route pour Spoléte ou pour
Pérouse. (LXXl-LXXIV) 231
IL La délégation de Pérouse —Chez l'ami Milella (LXXV-LXXVII). —
Premières impressions de Pérouse et réception de Grégoire XVI.
(LXXVIII). — Le portrait de Mgr Pecci commandé. (LXXIX). —L'envoi
des pignoccate et la villégiature de Magliano diSabina (LXXX-LXXXIIl).
— Un pèlerinage à Assise (LXXIV-LXXXVI). — Gomment Mgr Pecci
travaille à Pérouse (LXXXVIIj. — Rappel à Rome et bruit de noncia-
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580
TABLE DES MATIÈRES
lure (LXXXVIII-XGi). — Nonce et archevêque (XCII-XGVl). — Il y a
promesse de mariage (XGVII-C). — Trois sièges, trois yictoires (CI). —
Les félicitations (CII-CVII). — Pérouse dii, non pas adieu, mais au
revoir. (GVIII-CXIII) «8^
m. La Nonciature de Bruxelles— De Rome à Marseille (GXIV-CXV).
— De Lyon à Bruxelles (GXVII-CXIX). — Premières impressions de Bel-
gique et premiers règlements de comptes (CXX-GXXII). — Politique de
nonce et d'universitaire (GXXIII-CXXIV). — Compliments à Gioberti
(CXXV). — Un portrait de la reine Victoria d'Angleterre (GXXVI-
GXXVII). — Les comptes d'un nonce (GXXVII). — Un maria^fe manqué
(CXXVIII-CXXX). — A la recherche de Mazzini (GXXX-GXXXII). — De
Carpinelo à Waterloo (GXXXllIj. — Les jurys d'examen devant la
Chambre des députés (GXXXIV-GXLIV). — Un vol à Carpineto et le
nouveau portrait du nonce (GXLV-GXLVI)- — Bruits de retour à
Pérouse (CXLVII-CXLVIII). — Disgrâce ou avancement (CXLIX-CLVI)
— De Bruxelles à Rome (CLVII). — Pie IX au roi des Belges (CLVlIlj.
— En route pour Pérouse (CLIX-CLXI) 331
I.
IL
m.
IV.
1.
IL
III
TROISIÈME PARTIE
L'État Pontifical sous Mgr Joachim Pecci
Les prisons de l'État pontifical et le fort Saint-Ange 403
Un héritier de Talleyrand à Bénévenl 480
Les théâtres de Rome 491
La Cour du Pape ^20
UN APPENDICE A LA COUR DU PAPE
Les cardinaux romains ^^45
Les cardinaux de la nomination de Léon XII 5î^
Les cardinaux étrangers ^68
Imp. Paul Dupont. — Paris, 2» Arr^ — 366 3.1907 (Cl.)
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